Chlorure de vinyle monomère (CVM) et cancers hépatiques

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Chlorure de vinyle monomère (CVM) et cancers hépatiques
Point bibliographique
Annexe à la note de position InVS sur le chlorure de vinyle monomère (CVM)
Le chlorure de vinyle monomère (CVM) a été classé cancérigène certain (groupe 1) par le Centre international de
recherche contre le cancer (Circ) en 1987. Il est établi que l’exposition au CVM en milieu professionnel augmente le
risque d’angiosarcome du foie, forme particulière de cancer du foie. Les travailleurs concernés (polymérisation du
CVM, industrie du PVC) ont été exposés essentiellement par voie aérienne, à des concentrations de CVM
importantes pendant plusieurs années, L’angiosarcome du foie est une tumeur rare et de très mauvais pronostic.
L’expérimentation animale montre également l’induction possible d’angiosarcomes hépatiques par exposition orale
au CVM. Outre l’angiosarcome hépatique, le CVM augmente le risque de carcinomes hépatocellulaires, forme de
cancer du foie la plus fréquente, selon la dernière réévaluation du CVM par le CIRC en 2008 [1].
Facteurs de risque de l’angiosarcome hépatique
Les autres facteurs de risque connus de l’angiosarcome hépatique sont l’arsenic inorganique (nombreuses sources
possibles dont les pesticides arsenicaux, l’eau potable, la métallurgie, le bois traité à l’arséniate de cuivre) et le
dioxyde de thorium (composant du Thorotrast utilisé comme produit de contraste en imagerie médicale jusqu’en
1964, et également présent dans les tiges de soudure de tungstène utilisées dans l’industrie). D’autres facteurs de
risque sont suspectés : stéroïdes anabolisants, estrogènes et contraceptifs oraux [2].
Dans la littérature scientifique, l’angiosarcome du foie est toutefois considéré comme un « cancer sentinelle » de
l’exposition au CVM et quelques études publiées dans les années 80 par des équipes anglo-saxonnes ont montré
que les angiosarcomes identifiés au voisinage de sites industriels étaient tous liés à des expositions
professionnelles. Au Québec l’angiosarcome du foie fait l’objet d’une déclaration obligatoire depuis 2006, afin de
documenter son origine environnementale ou professionnelle dans un objectif de prévention et de reconnaissance.
Incidence de l’angiosarcome hépatique
En se basant sur les données de la littérature, qui évalue le taux d’incidence annuelle de l’angiosarcome du foie
entre 0,01 [3] et 0,025/ 100 000 [2], il y aurait au maximum de 7 à 16 nouveaux cas d’angiosarcomes/ an en
France.
Une recherche faite à la demande du département santé environnement de l’Institut de veille sanitaire (InVS) à
partir des données des registres du réseau Francim dans 14 départements a permis d’identifier 24 cas
d’angiosarcomes du foie entre 1976 et 2003. L’analyse de ces cas ne permet de mettre en évidence ni tendance
géographique ni tendance temporelle (cf. figure1). On note que les cas féminins sont concentrés sur la période
1988-2002, aucun cas n’ayant été enregistré avant. Un cas pédiatrique a été identifié, mais la plupart des
angiosarcomes hépatiques surviennent après 60 ans, ce qui est cohérent avec la littérature. Des taux bruts
d’incidence ont pu être calculés dans 8 départements qui disposaient de données complètes sur la période 19782002 (cf. figue 2). Ils sont en moyenne de 0,222/100 000 personnes années1 pour l’homme et de 0,098/100 000
personnes années pour la femme. Sur la base de ces calculs, environ 100 cas d’angiosarcomes hépatiques (68
hommes+32 femmes) pourraient être attendus chaque année en France.
Cette estimation est très supérieure à celle qui utilise les données de la littérature. Etant donné la difficulté du
diagnostic anatomopathologique d’angiosarcome du foie, qui nécessite une expertise pointue, parfois plusieurs
relectures (confusion possible avec des métastases d’angiosarcomes primitifs d’autres localisations que le foie),
voire l’avis d’un panel d’experts éliminant souvent une proportion importante de cas[4], il est probable que les cas
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Unité qui permet de prendre en compte les fluctuations démographiques de la population étudiée.
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enregistrés dans les registres français conduisent à une surévaluation notable de l’incidence. De plus la définition
de cas utilisée dans les différents registres n’est pas toujours la même.
Ainsi le nombre de cas attendus en France est probablement plus proche de 10 que de 100. Une étude française de
cohorte chez des travailleurs exposés publiée en 1992 mentionne n’avoir retrouvé que 14 cas sur toute la France
durant la période 1980-1987[5], mais sans préciser la méthode utilisée.
Figure 1 - Distribution des 24 cas d’angiosarcomes hépatiques identifiés à partir des données de 14 registres
(généraux et spécialisés), sur la période 1976-2003. L’ancienneté des registres consultés est inhomogène (7 à 28
années de données disponibles).
4
hommes
cas d'angiosarcomes du foie
femmes
3
2
1
02
20
00
20
98
19
96
19
94
19
92
19
90
19
88
19
86
19
84
19
82
19
19
80
78
19
19
76
0
Figure 2 - Taux bruts par période et par sexe calculés à partir de 8 registres de cancer ayant des données complètes
sur l’ensemble de la période 1978 – 2002.
Nb pour 100 000 personnes années
0,6
hommes
femmes
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
78 - 82
83 - 87
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Latence d’apparition de l’angiosarcome du foie
Concernant l’exposition professionnelle au CVM la latence de survenue de l’angiosarcome hépatique est estimée
entre 10 ans [6] et 34 ans [7]. La latence moyenne est estimée à 22 ans [8]. Concernant l’exposition au dioxyde de
thorium, la latence varie de 16 à 45 ans, et pour les pesticides arsenicaux elle a été estimée de 13 à 29 ans [2].
Carcinomes hépatocellulaires
Les carcinomes hépatocellulaires (ou hépatocarcinomes) sont des cancers beaucoup plus fréquents. Ils représentent
la majorité des cancers du foie (6433 nouveaux cas estimés en France en 2005[9]. L’impact sanitaire potentiel
d’une exposition environnementale au CVM pourrait ainsi être beaucoup plus important que l’augmentation
d’incidence des seuls angiosarcomes du foie. L’hépatocarcinome est également de très mauvais pronostic, et ses
autres facteurs de risque sont la cirrhose (alcoolique ou non) et les infections par les virus des hépatites
principalement, mais aussi les aflatoxines, les contraceptifs oraux, les radiations ionisantes, le tabagisme, l’arsenic,
ce qui le rend peu spécifique. Les dernières tendances épidémiologiques montrent que l’incidence de ce cancer a
augmenté au cours de la période 1980-2005, de 3,8 % /an en moyenne chez l’homme et de 4 % chez la femme [9].
Références
[1] Grosse Y, Baan R, Straif K, Secretan B, El GF, Bouvard V, et al. Carcinogenicity of 1,3-butadiene, ethylene oxide,
vinyl chloride, vinyl fluoride, and vinyl bromide. Lancet Oncol 2007 Aug;8(8):679-80.
[2] Thierault G NADFPSGB. Document d'appui à la définition nosologique. Angiosarcome du foie. 2006.
[3] Bosetti C, La VC, Lipworth L, McLaughlin JK. Occupational exposure to vinyl chloride and cancer risk: a review
of the epidemiologic literature. Eur J Cancer Prev 2003 Oct;12(5):427-30.
[4] Elliott P, Kleinschmidt I. Angiosarcoma of the liver in Great Britain in proximity to vinyl chloride sites. Occup
Environ Med 1997 Jan;54(1):14-8.
[5] Laplanche A, Clavel-Chapelon F, Contassot JC, Lanouziere C. Exposure to vinyl chloride monomer: results of a
cohort study after a seven year follow up. The French VCM Group. Br J Ind Med 1992 Feb;49(2):134-7.
[6] Pirastu R, Baccini M, Biggeri A, Comba P. [Epidemiologic study of workers exposed to vinyl chloride in Porto
Marghera: mortality update]. Epidemiol Prev 2003 May;27(3):161-72.
[7] Lelbach WK. A 25-year follow-up study of heavily exposed vinyl chloride workers in Germany. Am J Ind Med
1996 May;29(5):446-58.
[8] Kielhorn J, Melber C, Wahnschaffe U, Aitio A, Mangelsdorf I. Vinyl chloride: still a cause for concern. Environ
Health Perspect 2000 Jul;108(7):579-88.
[9] Belot A, Grosclaude P, Bossard N, Jougla E, Benhamou E, Delafosse P, et al. Cancer incidence and mortality in
France over the period 1980-2005. Rev Epidemiol Sante Publique 2008 Jun;56(3):159-75.
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