
comme  c'était  le  cas  dans  plusieurs  époques  dans  l'histoire  de  l'humanité.  La  pensée 
européenne post-antique dans son développement reproduit un algorithme du mouvement du 
Mythe vers le Logos pour aboutir après à un Mythe reconstruit dialectiquement. Ce nouveau 
Mythe, comme l’affirme le philosophe, doit être construit sur l'union du réel et de l'idéal à la 
base de l'idéal (le byzantisme). Ce n'est pas un hasard si les visions qui s'opposent à la vision 
tragique – la vision chrétienne et la vision marxiste – sont souvent considérées en tant que 
Mythes, en tant que tentatives de la sortie du tragique. 
  En  analysant  le  tragique  chez  Dostoïevski,  que  nous  considérons  comme  l'auteur 
tragique  par  excellence,  on  remarque  que  le  tragique  fait  vraiment  partie  de  sa  vision  du 
monde. Le christianisme, chez Dostoïevski, prend une de ses variantes tragiques comme c'est  
le cas chez Racine. Dans l'interprétation de Berdiaev, la foi chrétienne dans la version que 
nous retrouvons dans les œuvres dostoïevskiennes représente la foi chrétienne authentique. Le 
problème du tragique chez Dostoïevski est lié au problème du mal et de la liberté. « L'esprit 
euclidien », l'esprit rationaliste ne peut pas comprendre la nature du mal dans ce monde. Les 
origines de ce mal, d'après le philosophe, se trouvent aussi dans la liberté. « Dans le monde, il 
y a beaucoup de mal et de souffrance car le monde est basé sur la liberté ».
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 C'est la vérité qui 
se découvre dans la quatrième dimension inaccessible pour l'esprit euclidien. L'existence du 
mal et des souffrances dans le monde, comme le montre Berdiaev, est la preuve de l'existence 
du Dieu. Si le monde était bon, il n'y aurait pas besoin de Dieu, car il serait Dieu lui-même : 
« Le Dieu existe, car il y a le mal. Cela signifie que le Dieu existe, car il y a la liberté. ».
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Paradoxalement, la sortie du tragique que nous propose l'écrivain, est la foi orthodoxe qui est 
basée  elle-même  sur  la  tragique  perception  du  monde,  sur  la  reconnaissance  du  conflit 
tragique entre, d'un côté, l'homme avec ses valeurs et, de l'autre, l'existence du mal et des 
souffrances  dans  le  monde.  La  foi  orthodoxe  dans  la  variante  que  nous  retrouvons  chez 
Dostoïevski et que nous décrivons dans la troisième partie de la présente thèse, fait penser au 
byzantisme auquel Tsourkane lie la possibilité de surmonter le tragique.  Il s’agit de la foi 
réconciliée avec l’amour pour la vie terrestre, avec l’esprit dionysien.  
  L'étude de la philosophie des existentialistes, plus précisément, de la philosophie de 
Camus, prouve son caractère profondément tragique. Le tragique est une perception du monde  
dont l’œuvre de cet écrivain est profondément marquée. Dans son livre L'Homme Révolté, 
Camus affirme que c'est bien dans la Révolte ou dans l'Art qui peuvent être comprises en tant 
que nouveau Mythe, qu’on pourra retrouver une nouvelle synthèse du réel et de l'idéal. La 
Révolte, selon Camus, est une protestation permanente de l'homme contre son destin en tenant 
                                                      
5   Berdiaev, Nicolas, L’Esprit de Dostoïevski. Disponible sur : 
  (http://www.krotov.info/library/02_b/berdyaev/1923_018_03.html) 
  (Nous traduisons) 
6  Ibid. (Nous traduisons) (En italique dans l'originaal).