SOMMAIRE
Organisateurs :
J.-C. LIFANTE (Lyon)
1. Quels nodules et goitres opérer ?
F. MENEGAUX (Paris)
2. Quels examens complémentaires pour décider d’une chirurgie d’un nodule
thyroïdien ou d’un goitre ?
L. OSMAK TIZON (Dijon)
3. Modalités chirurgicales pour l’exérèse d’un nodule thyroïdien ou d’un goitre
F.-N. SEBAG (Marseille)
4. Surveillance à court et à long terme d’un patient opéré pour pathologie
bénigne de la thyroïde
E. MIRALLIE (Nantes)
5. Surveillance à court et à long terme d’un patient porteur d’un nodule
thyroïdien ou d’un goitre non opéré
B. CARNAILLE (Angers)
QUELS NODULES ET GOITRES OPERER ?
Fabrice MENEGAUX
Service de Chirurgie Générale, Viscérale et Endocrinienne, Hôpital de la Pitié, Paris
fabrice.menegaux@psl.aphp.fr
La prévalence des nodules thyroïdiens est élevée puisqu’en France, elle est estimée à
plus de 50% au-delà de 40 ans. Ceci contraste avec la rareté du cancer thyroïdien qui ne
représente que 1,5% des cancers solides, soit environ 8.000 nouveaux cas par an. Les
indications chirurgicales, dominées par le cancer ou la suspicion de cancer, doivent donc être
limitées.
La prise en charge des patients atteints d’une pathologie thyroïdienne nodulaire est guidée
par :
- l’évaluation clinique et en particulier la présence ou non d’une gêne cervicale ou de
signes de compression (dyspnée, dysphonie, dysphagie),
- la fonction thyroïdienne, notamment la notion d’une hyperthyroïdie,
- la taille, l’étendue et l’évolutivité de l’atteinte nodulaire,
- le risque de cancer tel qu’il est évalué à partir des données cliniques (antécédents
familiaux, sexe, âge, antécédent de radiothérapie cervicale, examen clinique), de
l’échographie de la thyroïde et des résultats de la cytoponction lorsque celle-ci est indiquée.
Quels sont les nodules qui doivent bénéficier d’un bilan ?
Plusieurs consensus ayant pour objet de finir la prise en charge des nodules et des cancers
thyroïdiens ont été publiés depuis 2006, notamment par la Société Française d’Endocrinologie
(SFE) [1, 2], en collaboration avec plusieurs sociétés savantes : l’Association Francophone de
Chirurgie Endocrinienne (AFCE), le Groupe Recherche sur la Thyroïde (GRT), la Société
Française de Médecine Nucléaire (SFMN), la Société Française de Radiologie et la Société
Française d’ORL (SFORL). Les européens au sein de l’European Thyroid Association (ETA)
[3], les américains de l’American Thyroid Association (ATA) [4] et la Task Force regroupant
américains et européens au sein d’un consensus international AACE/AME/ETA [5] ont
également publié leurs recommandations.
L’ETA et le consensus international AACE/AME/ETA considèrent que tout nodule quel que
soit sa taille doit bénéficier d’une échographie. Un nodule non suspect de moins de 1 cm doit
être surveillé. Tout nodule de plus de 1 cm ou suspect quel que soit sa taille doit bénéficier
d’une cytoponction. Une cytologie suspecte ou douteuse du nodule doit faire envisager une
exérèse chirurgicale. Seuls les nodules avec une cytoponction bénigne peuvent être surveillés.
Le consensus de l’ATA diffère sur la taille des nodules pouvant être surveillé sans cytoponction
(1.5cm). Par ailleurs, il introduit la notion d’augmentation de taille dans la surveillance puisque,
tout nodule ayant progressé en taille de plus de 20% en 1 an doit bénéficier d’une nouvelle
cytoponction quel que soit sa taille.
La SFE et les sociétés savantes associées reprennent cette notion de progression de taille,
associée aux critères cliniques et échographiques suspects de malignité. Par ailleurs, la
chirurgie doit être large lorsqu’une indication opératoire a été posée afin d’éviter les risques
d’une réintervention chirurgicale pour totaliser la thyroïdectomie ou effectuer un curage central
qui exposent à un risque accru de lésions récurrentielles et parathyroïdiennes.
A l’exception de quelques points de détail, les consensus sont donc assez concordants. Le fil
conducteur de l’indication chirurgicale en pathologie thyroïdienne doit rester le double souci
de ne pas proposer de thyroïdectomies par excès, pour des pathologies bénignes
euthyroïdiennes, et de ne pas laisser évoluer un cancer qui, même si son évolution est
habituellement lente, finit par métastaser en l’absence de traitement radical avec un risque de
récidive accru en cas d’atteinte ganglionnaire au moment du diagnostic.
Il faut cependant noter que la chirurgie thyroïdienne n’est pas anodine. Elle expose à des
risques sérieux (hypoparathyroïdie, paralysie récurrentielle). Heureusement, ces
complications sont rares et sont surtout exceptionnellement définitives. Le patient à qui une
chirurgie est proposée doit en être informé mais il est également nécessaire de lui expliquer
l’absence d’alternative thérapeutique lorsque le ou les nodules sont volumineux et compressifs
ou lorsqu’un cancer est diagnostiqué ou même suspecté.
Quelles méthodes utiliser pour discuter une éventuelle chirurgie ?
L’examen clinique est fondamental : sera considéré comme très suspect tout nodule dur,
irrégulier, en augmentation de volume, surtout s’il s’accompagne de troubles de la voix
(dysphonie) ou d’adénopathies cervicales, et si l’interrogatoire retrouve une notion d’irradiation
cervicale ou rébrale. L’âge (<14 ans ou, au contraire, >70 ans) et le sexe (masculin) sont
des éléments dont il faut également tenir compte. Ce nodule doit conduire à une chirurgie
rapide après quelques examens complémentaires.
D’autres nodules peuvent également conduire à une chirurgie même s’ils sont peu inquiétants
: ce sont les volumineux nodules compressifs responsables de signes respiratoires ou de
troubles de la déglutition, les gros kystes (hématocèles) se reproduisant rapidement après
ponction évacuatrice, un retentissement psychologique sévère généré par la présence du
nodule, un souci esthétique, ou des incertitudes quant aux possibilités ou à l’observance du
suivi médical.
La situation la plus fréquente est cependant le nodule de découverte fortuite avec un examen
clinique strictement normal, sans troubles de la fonction thyroïdienne. C’est dans cette
situation que les examens complémentaires ont une place essentielle, qu’il s’agisse de
l’échographie ou de la ponction du nodule à l’aiguille fine pour analyse cytologique
(contrairement à beaucoup de cancers, il n’existe pas de marqueur tumoral dans le sang à
l’exception de la calcitonine qui est un marqueur spécifique du cancer médullaire,
exceptionnel).
L’échographie va préciser le caractère isolé du nodule ou la présence d’un goitre
multinodulaire. Ceci ne permet cependant pas de discriminer les nodules suspects des autres
puisque le risque de cancer est similaire dans ces deux situations. La taille du nodule, précisée
au mieux par l’échographie, est plus utile. En effet, si elle n’influence pas le risque de cancer,
elle péjore le pronostic en cas de malignité. Les examens complémentaires étant moins
performants dans le diagnostic de cancer si le nodule est volumineux, la chirurgie est donc
habituellement conseillée au-delà de 3 4 cm de diamètre.
L’échographie peut identifier un nodule douteux sous la forme d’une lésion très hypoéchogène,
mal limitée, comportant des microcalcifications ou s’accompagnant de ganglions lymphatiques
suspects de métastases. Devant de telles constatations, une ponction sous échographie du
nodule et des éventuels ganglions s’impose pour examen cytologique.
La cytologie
L’interprétation de la cytologie des nodules thyroïdiens s’est récemment standardisée, ce qui
permet aux cliniciens de conseiller au mieux les patients [6]. Lorsqu’elle est en faveur de la
bénignité (70% des nodules ponctionnés), le risque de cancer est de moins de 1% ; le patient
peut donc être rassuré et la chirurgie est déconseillée, sauf si le nodule est volumineux et
compressif. A l’inverse, lorsque la cytologie est en faveur de la malignité (1 – 5%), celle-ci est
pratiquement certaine et une chirurgie rapide doit être pratiquée pour confirmer le diagnostic
et traiter le patient. Pour les autres cas, la cytologie est douteuse ou non contributive (pas de
cellules épithéliales) : en fonction du risque statistique de malignité, seront alors proposés soit
une intervention chirurgicale pour confirmation du diagnostic, soit une nouvelle ponction 6 mois
plus tard. Si de nouveau la cytologie est douteuse ou non contributive, une exérèse
chirurgicale est habituellement conseillée.
Quelles indications chirurgicales ?
Les indications chirurgicales devant des nodules thyroïdiens doivent être limitées. Ils peuvent,
dans leur très grande majorité, être simplement surveillés par un examen clinique annuel
(palpation cervicale) éventuellement complété par un dosage sérique de la TSH. Echographie
et cytologie sont réservées, dans le cadre de cette surveillance, à de rares situations, si la
palpation cervicale s’est modifiée en cours de surveillance ou si le patient présentait des
facteurs de risque de cancer.
Ne sont pas des indications chirurgicales
Typiquement, en l’absence d’hyperthyroïdie ou de symptômes de compression, les nodules
infracentimétriques et les nodules cytologiquement bénins sans caractéristique échographique
suspecte, ne doivent faire l’objet en première intention que d’une surveillance. Ainsi, lors de
l’évaluation initiale, aucun traitement n’est proposé à la majorité des patients. Une surveillance
clinique et échographique reste justifiée pour plusieurs raisons :
- les risques de passage en hyperthyroïdie (estimé à 4% par an et corrélé à la taille du
nodule),
- l’apparition possible d’un retentissement fonctionnel,
- l’existence de taux faibles mais non négligeables de faux-négatifs de la cytoponction
(1 à 2 % pour les cytoponctions échoguidées, et ou petit cancer pasinaperçu qui pourra
être détecté secondairement au cours du suivi).
Le consensus français récemment publié [1] conseille une échographie thyroïdienne de
contrôle à 6, 12 ou 18 mois après l’évaluation initiale, puis à 2, 5 et 10 ans, en fonction des
données de l’examen clinique annuel et du dosage également annuel de la TSH dans le sang.
La cytoponction n’est pas répétée systématiquement sur un nodule considéré comme bénin,
mais est recommandée en cas d’accroissement significatif de taille, de modification de
l’échostructure, ou de l’apparition de critères de suspicion en échographie.
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