Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (10)
séquelles.
. les suppurations traînantes (7 patients) responsables
d’une longue hospitalisation étaient le fait de surinfec-
tion au Pseudomonas.
. 5 cas d’anémie avec un taux d’hémoglobine inférieur à
8 G par litre étaient notées.
. 8 patients décédaient soit une mortalité de 8,6 %. Il
s’agissait de 6 hommes et 2 femmes ; l’âge était supé-
rieur ou égal à 45 ans chez 4 patients (extrêmes de 2 et
73 ans).
. 2 patients avaient une sérologie positive à une infection
par le VIH de stade IV de la CDC de 1986. Il s’agissait
d’une patiente de 35 ans, décédée à J35, d’une pyomyo-
site de cuisse gauche en phase septicémique et d’un
patient de 45 ans, décédé à J2 d’une pyomyosite de jam-
be avec une altération profonde de l’état général, fièvre,
ictère et condylomes anaux.
Un patient décédait des suites de radionécrose du quadri-
ceps gauche et surinfection par germes anaérobies après
traitement complémentaire pour cancer du rectum de stade
C de la classification de Dukes.
Un enfant de 2 ans décédait à J1 des suites d’un syndrome
septicémique pour myosite extensive de la cuisse.
2 patients âgés de 70 et plus décédaient : l’un à J1 dans un
tableau septico-pyohémique suite à collection cervicale
bifocale ; l’autre à J24 pour altération profonde de l’état
général et troubles nutritionnels sévères.
2 patients diabétiques sont décédés respectivement à J5 et
J6 pour troubles métaboliques.
COMMENTAIRE
Les pyomyosites sont une infection primaire des muscles
striés, fréquente en milieu tropical (3, 8, 10). Elles intéres-
sent les muscles striés des cuisses, des mollets, les muscles
dorso-lombaires, les fessiers, le psoas… Des cas sporadi-
ques sont de plus en plus signalés à travers le monde, géné-
ralement liés à une infection par le VIH (1, 2, 3, 4, 5). Elles
constituent 2,87 % des admissions dans le service, ce taux
semble en augmentation, il est passé de 2 % en 1977 à
2,87 % en 1995 (8). L’hypothèse que l’endémie à VIH
aurait entraîné en Afrique Noire une endémie à pyomyosite
a été avancée par BELEC (11) en 1991. Un taux d’exposi-
tion de 32,5 % à Yaoundé commande désormais une séro-
logie de dépistage chez tout patient atteint de pyomyosite.
Dans ce travail l’affection est fréquente entre 15 et 39 ans
(56 % des cas), il confirme qu’elle est rare aux âges extrê-
mes de la vie (3, 10, 12), 4 patients ont 70 ans et plus. La
prédominance masculine est nette dans toutes les séries (3,
8, 9) ; mais chez les patients avec une infection par le VIH,
les deux sexes ont été également atteints ; des études en
zone d’endémie en Afrique bien qu’elles soient encore
rares confirment cette particularité (11).
La pathogénie des pyomyosites n’est pas encore établie.
Plusieurs facteurs ont été incriminés. Il concernent le
terrain (diabète, sida, les carences nutritionnelles, la
drépanocytose…) les muscles (traumatisme musculaire,
filariose, la leptospirose, la toxoplasmose, le traitement au
Zidovudine au cours du SIDA, la trichinose, l’echinococ-
cose, les infections virales : coxackie, rétrovirus, entéro-
virus, Influenzae A et B…), l’environnement (la promis-
cuité, le sous-développement, le climat tropical). Les hypo-
thèses récentes s’appuient de plus en plus sur les données
immunologiques et biochimiques : leucopénie et diminu-
tion des IgM circulants, naturelles chez les sujets vivant en
milieu tropical, diminution de la chimiotaxie des polynu-
cléaires en phase de migration larvaire dans les parasitoses,
action déterminante de la fibronectine dans l’invasion du
muscle, anomalies immunologiques au cours d’une infec-
tion par le VIH (2, 3, 4, 5, 8, 13). En dehors d’une infec-
tion par le VIH, l’action des autres facteurs est difficile à
établir.
A travers le monde de nombreuses observations lient l’in-
fection par le VIH aux myosites (1, 2, 3, 4, 5). En Afrique
cette association morbide est rapportée à Bangui et à Dar
es Salaam (9, 11, 12). Par rapport à la séroprévalence géné-
rale au Cameroun les patients atteint de pyomyosite ont été
nettement plus exposés à l’infection par le VIH. La
contamination mère-enfant serait élevée dans les pays en
voie de développement (14). Cette influence n’est pas
manifeste dans ce travail, bien que les résultats d’une étude
menée au Cameroun situent la séroprévalence chez les
femmes enceintes autour de 3,5 % (14). En ce qui concerne
les patients de 20 à 39 ans, comme à Dar es Salaam, une
pyomyosite, une fois sur deux est synonyme d’une infec-
tion par le VIH. La superposition des courbes de ces deux
endémies dans la tranche active de la population, les consé-
quences néfastes tant sociales qu’économiques qui résul-
tent de cette association morbide doivent appeler à une
réflexion sur :
. les modalités de prise en charge des patients dont le
nombre va sûrement augmenter,
. des mesures pour renforcer le contrôle du risque dans la
P. MASSO-MISSE, A. ESSOMBA, M. MONNY-LOBE, S.N. FOWO,
S.W. KIM, M.A. SOSSO, E. MALONGA, T. EDZOA
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