Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (10)
cal où elles constituent environ 3 à 4 % des admissions.
Des cas sporadiques sont de plus en plus signalés en zone
tempérée où l’association avec une infection par le VIH est
fréquente (1, 2, 3, 4, 5). Les troubles immunologiques
observés au cours de cette affection expliquent cette prédis-
position. Au Cameroun, le taux croissant de séro-positivité
à l’infection par le VIH : de 0,48 % en 1987 à 5,1 % en
1995 (6, 7), la fréquence élevée de myosites (8, 9), nous
ont conduit à faire le point sur une affection de plus en plus
préoccupante. Ce travail rapporte 102 cas de pyomyosite
hospitalisés en 39 mois dans notre Service.
PATIENTS ET METHODE
Cette étude rétrospective porte sur 102 patients hospitalisés
pour pyomyosite pendant la période allant d’avril 1992 à
juin 1995, ce qui représentait environ 2,87 % de l’ensemble
de nos admissions. La recherche d’une infection par le VIH
était faite chez nos 40 derniers patients par la méthode
ELISA (Genelavia Mixt Diagnotic Pasteur), le test était
refait par un Elisa différent (Wellcozyme) ou par un test
rapide sur membrane (HIV CHECK) en cas d’examen
douteux ou positif. La séropositivité était affirmée quant
les 2 tests de nature différente étaient positifs.
Le diagnostic de pyomyosite était souvent clinique,
confirmé par la ponction à l’aiguille de 55 à 70 mm de long
et de 16 G. L’examen échographique était réservé aux
pyomyosites de localisation atypique ou profonde comme
celles de la paroi antéro-latérale de l’abdomen ou celles du
psoas. La culture du pus était faite chez 51 patients. La
comparaison de la séroprévalence à l’infection par le VIH
des groupes de patients atteints de myosites par rapport à la
séroprévalence à l’infection par le VIH au Cameroun a fait
appel à l’intervalle de confiance de chaque pourcentage,
déterminé avec un coefficient de sécurité de 95 %.
Nos malades se répartissaient en 67 hommes et 35 femmes
soit un sex-ratio de 1,91. L’âge moyen était de 31,87 ±
19,82 ans avec des extrêmes de 2 à 78 ans. Les myosites
s’observaient à tout âge. Leur nombre augmentait progres-
LES PYOMYOSITES TROPICALES
A propos de 102 cas
P. MASSO-MISSE*, A. ESSOMBA*, M. MONNY-LOBE, S.N. FOWO, S.W. KIM,
M.A. SOSSO*, E. MALONGA*, T. EDZOA*
* Travail du service de Chirurgie Générale et Digestive de l’Hôpital
Central de Yaoundé. Correspondance : Pierre MASSO-MISSE, Service de Chirurgie Générale
et Digestive : Hôpital Central de Yaoundé.
INTRODUCTION
Les pyomyosites sont une infection primaire des muscles
striés. Elles sévissent de façon endémique en milieu tropi-
RESUME
Le taux croissant de séropositivité à l’infection par le
VIH et la fréquence élevée des myosites au Camero u n
ont conduit les auteurs à faire le point sur une affection
de plus en plus préoccupante. Ils rapportent 102 cas de
pyomyosite traités en 39 mois dans leur service à l’Hô-
pital Central de Yaoundé (67 hommes et 35 femmes :
soit un sex-ratio de 1,91). La tranche d’âge la plus tou-
chée est celle comprise entre 15 et 39 ans.
Parmi les affections associées, il faut souligner une séro-
positivité pour le VIH chez 32,5 % des patients testés et
une exposition de 50 % entre 20 et 39 ans. Les deux
sexes sont également exposés. Le diagnostic clinique est
facile : il est évoqué devant la fièvre, les douleurs et les
tuméfactions musculaires. La ponction à l’aiguille
confirme généralement le diagnostic au stade de suppu-
ration.
La mortalité est de 8,6 %. Les facteurs péjoratifs sont :
une infection par VIH de stade IV (2 patients), les âges
extrêmes et les formes extensives (3 patients), les loca-
lisations multiples (2 patients), le diabète (2 patients) et
l’anémie (2 patients).
Le taux croissant de séro-prévalence de l’infection par
le VIH et la prédisposition de ces patients à développer
aussi une pyomyosite appellent désormais une réflexion
sur les modalités de prise en charge d’une association
morbide de plus en plus fréquente.
D’autres études comparatives concernant la répartition
selon le sexe, le comportement de la bactériémie, la pyo-
culture… peuvent permettre de mieux cerner les parti-
cularités de l’affection à Yaoundé où l’endémie à VIH et
à pyomyosite se recouvrent.
Mots-clés : Pyomyosites tropicales, VIH.
Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (10)
sivement à partir de 15 ans, le pic était atteint entre 24 et
29 ans. La tranche d’âge la plus atteinte était celle compri-
se entre 15 et 34 ans soit 50 patients.
Le délai moyen de consultation était de 22,09 ± 18,6 jours
avec des extrêmes de 3 et 90 jours. 98 patients était admis
au stade de suppuration, un patient à la phase invasive et
5 patients à la phase septicémique.
132 foyers étaient recensés ; les différents segments et
groupes musculaires atteints étaient la cuisse (39 fois), la
jambe (28 fois), les fesses (9 fois), le bras (6 fois), l’avant-
bras (8 fois), les épaules (3 fois), le psoas (19 fois), le dos
(10 fois), la paroi antéro-latérale de l’abdomen (5 fois), du
tronc (2 fois), le cou (3 fois). 24 patients avaient plus d’un
foyer.
Concernant la clinique, les douleurs musculaires étaient
constantes, à type de crampes, de picotements ou aiguës
empêchant le sommeil, souvent accompagnées d’une
impotence fonctionnelle. La fièvre était présente : de 38 à
39 degrés chez 81 patients, supérieure à 39 degrés chez
12 patients, 9 patients étaient apyrétiques. L’état général
était altéré chez 36 patients ; l’asthénie, l’anorexie et les
arthralgies étaient respectivement retrouvées chez 32,23 et
41 patients. L’examen physique retrouvait des tuméfactions
musculaires, chaudes ou des indurations chez 85 patients,
une pneumonie chez 3 patients et des adénopathies loco-
régionales chez 7 patients. La fluctuation était mise en
évidence chez 7 patients. Dans les atteintes de grosses
masses musculaires, la tuméfaction était absente (11 fois)
seule la ponction à l’aiguille ou l’échographie confirmaient
le diagnostic.
Les pyomyosites de la paroi abdominale antéro-latérale
évoquaient une suppuration intra-abdominale à type
d’abcès amibien du foie (2 patients) ou en rapport avec le
côlon ou l’appendice (1 patient) ; elles entraînaient un ileus
avec ballonnement abdominal chez un autre patient. Les
douleurs lombaires ou iliaques, la tuméfaction ilio-ingui-
nale ou lombaire, la présence d’un psoïtis ou les douleurs
lombaires et la boiterie à la marche orientait vers une
atteinte du psoas (19 patients). Un patient présentait une
pyomyosite à parois calcifiées qui évoluait depuis plus de
2 mois. A l’examen l’état général était altéré et un placard
douloureux d’une dureté ligneuse de la paroi antéro-latéra-
le droite de ‘l’abdomen était présent. L’échographie révé-
lait une collection de grande abondance.
La quantité moyenne de pus recueillie était de 831,20 cc
avec des valeurs extrêmes de 30 et 2700 cc. La quantité de
pus était fonction des masses musculaires : à partir de 1000
cc, les localisations étaient par ordre de fréquence les
cuisses, le dos, les fesses, le psoas.
La pyoculture faite chez 51 patients isolait : le staphylo-
coque aureus (47 fois), le streptocoque (2 fois), Escherichia
coli (1 fois), la culture était négative (1 fois).
Comme affections associées, on notait : le diabète (9 cas),
la loase (5 cas) et une radio-nécrose de la cuisse après trai-
tement complémentaire d’un cancer rectal, les foyers infec-
tieux minimes (11 cas) : 4 abcès, une furonculose, 2 scarifi-
cations, 4 plaies.
L’infection par le VIH était retrouvée 13 fois chez les
40 patients testés (7 femmes et 6 hommes), soit une séro-
prévalence de 32,5 %. La médiane était de 29 ans avec les
âges extrêmes de 16 et 50 ans. Elle était selon le sexe de
29 ans chez les femmes avec des valeurs extrêmes de 21 et
50 ans et de 30,5 ans chez les hommes avec des valeurs
extrêmes de 16 et 45 ans. L’exposition à l’infection par le
VIH était de 14,3 % entre 0 et 19 ans, 50 % entre 20 et 39
ans et 15,4 % chez les patients de 40 ans et plus.
Le traitement chirurgical chez 101 patients consistait en
une incision, un débridement et un drainage sous
anesthésie générale. Le drainage percutané échoguidé était
réalisé chez un seul patient avec une collection du psoas de
faible abondance. Un anti-staphylococcique était prescrit
au moins pendant 14 jours, adapté au besoin selon la
sensibilité du germe.
RESULTATS
L’hospitalisation moyenne était de 15,11 ± 16,80 jours avec
des extrêmes de 5 et 120 jours. La récupération fonction-
nelle était la règle sauf dans les cas suivants : une pyomyo-
site de la cuisse gauche après radionécrose et surinfection
par des germes anaérobies et une autre, extensive de la
jambe chez un diabétique, responsable d’une perte de subs-
tance qui exposait sur presque toute la longueur la face
antérieure du tibia, les 2 cas avaient respectivement conduit
à une amputation du 1/3 supérieur de la cuisse gauche et du
1/3 inférieur de la cuisse droite.
. 2 pyomyosites de la loge antérieure de l’avant-bras
entraînaient une rétraction et une raideur du poignet ;
la récupération fonctionnelle était acceptable après
rééducation.
. 3 arthrites du genou compliquaient un drainage incorrect
des pyomyosites du 1/3 inférieur de la cuisse ; un drai-
nage correct, une antibiothérapie adaptée et une immo-
bilisation permettaient d’obtenir une guérison sans
LES PYOMYOSITES TROPICALES… 575
Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (10)
séquelles.
. les suppurations traînantes (7 patients) responsables
d’une longue hospitalisation étaient le fait de surinfec-
tion au Pseudomonas.
. 5 cas d’anémie avec un taux d’hémoglobine inférieur à
8 G par litre étaient notées.
. 8 patients décédaient soit une mortalité de 8,6 %. Il
s’agissait de 6 hommes et 2 femmes ; l’âge était supé-
rieur ou égal à 45 ans chez 4 patients (extrêmes de 2 et
73 ans).
. 2 patients avaient une sérologie positive à une infection
par le VIH de stade IV de la CDC de 1986. Il s’agissait
d’une patiente de 35 ans, décédée à J35, d’une pyomyo-
site de cuisse gauche en phase septicémique et d’un
patient de 45 ans, décédé à J2 d’une pyomyosite de jam-
be avec une altération profonde de l’état général, fièvre,
ictère et condylomes anaux.
Un patient décédait des suites de radionécrose du quadri-
ceps gauche et surinfection par germes anaérobies après
traitement complémentaire pour cancer du rectum de stade
C de la classification de Dukes.
Un enfant de 2 ans décédait à J1 des suites d’un syndrome
septicémique pour myosite extensive de la cuisse.
2 patients âgés de 70 et plus décédaient : l’un à J1 dans un
tableau septico-pyohémique suite à collection cervicale
bifocale ; l’autre à J24 pour altération profonde de l’état
général et troubles nutritionnels sévères.
2 patients diabétiques sont décédés respectivement à J5 et
J6 pour troubles métaboliques.
COMMENTAIRE
Les pyomyosites sont une infection primaire des muscles
striés, fréquente en milieu tropical (3, 8, 10). Elles intéres-
sent les muscles striés des cuisses, des mollets, les muscles
dorso-lombaires, les fessiers, le psoas… Des cas sporadi-
ques sont de plus en plus signalés à travers le monde, géné-
ralement liés à une infection par le VIH (1, 2, 3, 4, 5). Elles
constituent 2,87 % des admissions dans le service, ce taux
semble en augmentation, il est passé de 2 % en 1977 à
2,87 % en 1995 (8). L’hypothèse que l’endémie à VIH
aurait entraîné en Afrique Noire une endémie à pyomyosite
a été avancée par BELEC (11) en 1991. Un taux d’exposi-
tion de 32,5 % à Yaoundé commande désormais une séro-
logie de dépistage chez tout patient atteint de pyomyosite.
Dans ce travail l’affection est fréquente entre 15 et 39 ans
(56 % des cas), il confirme qu’elle est rare aux âges extrê-
mes de la vie (3, 10, 12), 4 patients ont 70 ans et plus. La
prédominance masculine est nette dans toutes les séries (3,
8, 9) ; mais chez les patients avec une infection par le VIH,
les deux sexes ont été également atteints ; des études en
zone d’endémie en Afrique bien qu’elles soient encore
rares confirment cette particularité (11).
La pathogénie des pyomyosites n’est pas encore établie.
Plusieurs facteurs ont été incriminés. Il concernent le
terrain (diabète, sida, les carences nutritionnelles, la
drépanocytose…) les muscles (traumatisme musculaire,
filariose, la leptospirose, la toxoplasmose, le traitement au
Zidovudine au cours du SIDA, la trichinose, l’echinococ-
cose, les infections virales : coxackie, rétrovirus, entéro-
virus, Influenzae A et B…), l’environnement (la promis-
cuité, le sous-développement, le climat tropical). Les hypo-
thèses récentes s’appuient de plus en plus sur les données
immunologiques et biochimiques : leucopénie et diminu-
tion des IgM circulants, naturelles chez les sujets vivant en
milieu tropical, diminution de la chimiotaxie des polynu-
cléaires en phase de migration larvaire dans les parasitoses,
action déterminante de la fibronectine dans l’invasion du
muscle, anomalies immunologiques au cours d’une infec-
tion par le VIH (2, 3, 4, 5, 8, 13). En dehors d’une infec-
tion par le VIH, l’action des autres facteurs est difficile à
établir.
A travers le monde de nombreuses observations lient l’in-
fection par le VIH aux myosites (1, 2, 3, 4, 5). En Afrique
cette association morbide est rapportée à Bangui et à Dar
es Salaam (9, 11, 12). Par rapport à la séroprévalence géné-
rale au Cameroun les patients atteint de pyomyosite ont été
nettement plus exposés à l’infection par le VIH. La
contamination mère-enfant serait élevée dans les pays en
voie de développement (14). Cette influence n’est pas
manifeste dans ce travail, bien que les résultats d’une étude
menée au Cameroun situent la séroprévalence chez les
femmes enceintes autour de 3,5 % (14). En ce qui concerne
les patients de 20 à 39 ans, comme à Dar es Salaam, une
pyomyosite, une fois sur deux est synonyme d’une infec-
tion par le VIH. La superposition des courbes de ces deux
endémies dans la tranche active de la population, les consé-
quences néfastes tant sociales qu’économiques qui résul-
tent de cette association morbide doivent appeler à une
réflexion sur :
. les modalités de prise en charge des patients dont le
nombre va sûrement augmenter,
. des mesures pour renforcer le contrôle du risque dans la
P. MASSO-MISSE, A. ESSOMBA, M. MONNY-LOBE, S.N. FOWO,
S.W. KIM, M.A. SOSSO, E. MALONGA, T. EDZOA
576
Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (10)
577
LES PYOMYOSITES TROPICALES…
population et des précautions pour améliorer la préven-
tion en milieu de soins par la décontamination du maté-
riel utilisable, l’élimination des objets coupants ou
piquants à usage unique et surtout la promotion d’une
véritable filière de traitement des déchets hospitaliers,
les décharges publiques où ils sont inconsciemment
déversés attirant malheureusement de plus en plus de
pauvres.
Le diagnostic clinique des myosites est relativement facile
en zone d’endémie, mais il faut savoir les distinguer des
fibrosarcomes et des autres affections des tissus mous en
phase initiale, et fréquentes en zone tropicale, comme les
lymphangites aiguës, les ulcères de Buruli, les ulcères pha-
gédéniques, les phlegmons diffus… qui peuvent avoir une
extension musculaire au cours de leur évolution. Le syn-
drome infectieux est net : la température est souvent élevée
et l’altération de l’état général en rapport avec l’importance
de la masse musculaire atteinte et la durée d’évolution ; les
douleurs musculaires sans aucun signe d’inflammation en
regard du muscle, une peau mobile sur l’aponévrose et une
consistance musculaire ferme sont les principaux éléments
de l’examen en phase invasive. Les tuméfactions musculai-
res et rarement une fluctuation (11) apparaissent rapide-
ment (la fluctuation est d’appréciation difficile, la collec-
tion initiale étant sous le fascia) ; parallèlement les dou-
leurs musculaires augmentent, elles empêchent le sommeil
et entraînent une impotence fonctionnelle. Le diagnostic à
ce stade est évident, il est confirmé par une ponction à l’ai-
guille. Bien que les données de l’imagerie moderne (écho-
graphie, tomodensitométrie, résonance magnétique nucléai-
re) soient irremplaçables quant à la certitude, la précocité
diagnostique et la prise en charge thérapeutique, nous
pensons que la spécificité de la ponction, surtout dans les
pays pauvres, doit être exploitée et l’échographie réservée
aux pyomyosites de la paroi antéro-latérale qui compor-tent
le risque de laisser évoluer une suppuration profonde intra-
abdominale ou rétropéritonéale et aux atteintes profondes
comme celle du psoas, où les formes frustes sont fréquentes
(absence du psoïtis, douleurs lombaires et boiterie légère).
Ni la localisation, ni le nombre de foyers et le stade clini-
que n’ont distingué la maladie chez un immunodéficient
(11, 12).
L’atteinte musculaire striée n’est pas exclusive dans les
pyomyosites, les pneumonies, les abcès du poumon, les
myocardites, les péricardites, les abcès métastatiques du
rein peuvent être associés (3, 10). L’atteinte respiratoire
fréquente en Afrique de l’Est (12) n’a été rencontrée que
chez 3 de nos patients, mais non sous la forme d’abcès
aigus, de pneumopathies bulleuses ou de pyopneumothorax
spécifiques d’une staphylococcie. Le faible pourcentage
des malades en phase septicémique à l’admission influence
sans doute le taux d’essaimage. Le Staphylocoque aureus a
été le germe le plus fréquent ; il est généralement retrouvé
dans une proportion égale ou supérieure à 90 % dans les
myosites endémiques et autour de 70 % dans les formes
non tropicales (13). Mais la présence d’autres bactéries est
possible en dehors d’une surinfection (8, 9) ; l’influence de
certains germes est de plus en plus manifeste chez les
immuno-déprimés : Streptocoque hémolytique groupe A et
C Pasteurellae, Yersinia, Citrobacter, Hemophius influen-
zae, Serretia… (3, 15). La culture a été positive dans 98 %
des cas. Dans une étude antérieure portant uniquement sur
les myosites du psoas, la culture était négative chez
9 patients sur 65 testés (9). Les hémocultures n’ont pas été
faites, la bactériémie dans les pyomyosites serait de courte
durée et en début de la maladie (16) ; une hémoculture sur
40 était positive chez BASSOM (8). Mais quand une
infection par le VIH est associée, les épisodes de bactérié-
mies augmentent (16).
Le traitement a été chirurgical chez 101 patients. La guéri-
son complète est obtenue par un drainage des diff é r e n t s
foyers suppurés. La meilleure alternative au drainage
c h i r u rgical est le drainage transcutané utilisant comme
moyen de guidance soit l’échographie, la tomodensitomé-
trie ou la résonance magnétique nucléaire. Les mêmes
résultats favorables sont obtenus par de simples ponctions
répétées à l’aiguille, surtout les collections de faible abon-
dance (3, 13). Dans les pyomyosites des cuisses avec une
arthrite secondaire du genou, notre traitement de prédilec-
tion est chirurgical par arthrotomie, lavage articulaire,
drainage aspiratif, antibiothérapie et immobilisation.
La prescription d’une antibiothérapie est systématique, sa
durée exacte est difficile à déterminer car elle est fonction
de l’évolution des pyomyosites, dans les meilleurs des cas
elle oscille entre 14 et 21 jours. La pyomyosite peut égale-
ment être résolutive sous traitement antibiotique mais peu
de malades sont vus à la phase d’invasion.
Les résultats sont globalement acceptables avec une morta-
lité inférieure à 10 % dans les pyomyosites tropicales (3, 8,
10). Nos résultats confirment que la gravité des infections
staphylococciques n’est pas reconnue dans les pyomyo-
sites. La mortalité serait plus élevée dans les pyomyosites
non tropicales, atteignant 25 % (13), les pathologies inter-
currentes étant plus fréquentes. Dans cette série, les fac-
Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (10)
P. MASSO-MISSE, A. ESSOMBA, M. MONNY-LOBE, S.N. FOWO,
S.W. KIM, M.A. SOSSO, E. MALONGA, T. EDZOA
578
teurs associés tels une infection par le VIH de stade IV, le
diabète, les localisations multiples, les âges extrêmes de la
vie (surtout après 70 ans) et un taux d’hémoglobine au
dessous de 8 G par litre semblent être les facteurs péjoratifs
de pronostic. La récupération fonctionnelle, quoique lon-
gue, est toujours la règle, même dans les pyomyosites
étendues du quadriceps. La rééducation systématique et le
drainage précoce préviennent des attitudes vicieuses des
membres.
En conclusion : les pyomyosites sont courantes au
Cameroun. Elles sont un groupe à risque élevé à l’infection
au VIH. Les réflexions sur les conséquences de cette asso-
ciation morbide devraient être un sujet préoccupant. Pour
mieux cerner les particularités en zone d’endémie, la
contribution des données statistiques hospitalières fiables et
des études comparatives concernant la répartition selon le
sexe, la pyoculture et le comportement de la bactériémie
chez les patients immunodéficients ou non seront utiles.
BIBLIOGRAPHIE
1 - BALACHANDRAN T., MCLEAN K.A.
Pyomyositis associated with AIDS.
AIDS, 1990, 4 : 471.
2 - RODGERS W.B., YODLOWSKI M.L., MINTZER C.M.
Pyomyositis in patient who have the human immunodeficiency virus.
The Journal of Bone and Joint Surgery, 1993, 74 : 588-592.
3 - SISSOLAK K., WEIR R.C.
Tropical pyomyositis.
Journal of Infection, 1994, 29 : 121-127.
4 - SORIANO V., LAGUNA F., DIAZ F., POLO R., MORENO V., COBO
J., GONZALEZ
Pyomyositis in patients with HIV infection.
AIDS, 1993, 7 : 1020-1021.
5 - YTTEBERG S.R.
The relationship of infectious agents to inflammatory myositis.
Rheumatic Disease Clinics of North America, 1994, 20 : 995-1015.
6 - E. NGWA
Le SIDA au Cameroun : le nombre de cas en augmentation.
SIDALERTE, n°45, PP 23, 1995.
7 - WEEKLY EPIDEMIOLOGICAL RECORD
World Health Organization, 1995, 70 : 193-200.
8 - BASSOM L.
Contribution à l’étude des myosites tropicales.
Thèse de Médecine, 1977, CUSS Yaoundé.
9 - MASSO-MISSE P., YAO G.S., ESSOMBA A., MOUKOURI M.,
ABOLO-M’BENTI, TIETCHE, BOB’OYONO J.M., MALONGA E.
Abcès primaires du psoas. Affection courante en milieu tropical. A propos
de 87 cas.
J. Chir., 1994, 131 : 201-203.
10 - AJAO O.G., AJAO A.O.
Tropical pyomyositis.
Int. Surg. 1987, 67 : 414-416.
11 - BELEC L., DI COSTANZO B.
Pyomyosite et infection par le VIH : 4 cas africains et revue de la
littérature.
Méd. Mal. infect., 1992, 22 : 712-717.
12 - PALLANGYO K., HAKANSSON A., LEMA L., MINJAS J.
HIV infection and its influence on outcome among adult patients with
malaria meningitis, pneumonia, pyomyositis or tuberculosis in Dar Es
Salaam, Tanzania.
Fifth International Conference on AIDS in Africa, 1990, Kinshasa,
abstract F.P.B.
13 - GOMEZ-REINO J.J., AZNAR J.J., PABLO J.L., DIAZ-GONZALEZ
F., LAFFON A.
Non tropical pyomyositis in adults.
Seminars in Arthritis and Rheumatism, 1994, 23 : 396-405.
14 - MBOPI KEOU
La transmission verticale du virus du SIDA en Afrique sub-saharienne.
TB et VIH, 1995, 3 : 23-24.
15 - CHUPP G.L., ALROY J., ADELMAN L.S., BREEN J.C., SKOLNIK
P.R.
Myositis due to plesitophora (microsporidia) in patient with AIDS.
Clinical Infectious Disease, 1993, 16 : 15-21.
16 - RICCI M.A., ROSE F.B., MEYER K.
Pyogenic abcess : worldwide variation in etiology.
World J. Surg., 1986, 10 : 834-43.
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !