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1. La géopolitique de l'énergie: définition d'une méthodologie d'analyse
Géopolitique et énergie
De par son étymologie, la géopolitique porte sur les rapports entre l’espace et la politique.
Dans son acceptation classique, la géopolitique désigne l’étude des rapports de force
internationaux et les conditions de puissance des Etats. Toutefois la définition a beaucoup
évolué depuis son apparition à la fin du 19
ème
siècle, et aujourd’hui encore, il n’existe pas de
définition consensuelle unique. Principalement développée au cours de la première moitié du
vingtième siècle par des auteurs anglo-saxons (Haljford Mackinder, Nicholas Spykman) et
surtout allemands (Friedrich Ratzel, Karl Haushofer), la géopolitique s’appuie initialement sur
la géographie politique (travaux de Friedrich Ratzel) et analyse essentiellement l’interaction
entre l’Etat et sa géographie (espace, milieu, taille, frontières, démographie, allocation des
ressources, etc.). Elle vise ainsi à étudier le comportement d’un Etat, notamment sa politique
étrangère, en référence à ses principales contraintes géographiques.
La géopolitique, après avoir été bannie comme savoir scientifique au lendemain de la Seconde
Guerre Mondiale, retrouve depuis quelques années une nouvelle légitimité d’approche. Le
géographe Yves Lacoste, qui a contribué au renouveau de la discipline en France au cours des
années 1980, la définit comme l’étude des interactions entre le politique et le territoire, les
rivalités ou les tensions qui trouvent leur origine ou leur développement sur le territoire.
Cependant, depuis son renouveau la géopolitique ne se contente plus d’étudier les rapports de
force et les rivalités de pouvoir sur un territoire donné. Elle s’efforce désormais d’intégrer la
diversité des acteurs et leur évolution et de créer des liens entre la géographie, l’économie, la
politique ou la stratégie. La globalisation des questions politiques, l’interdépendance
économique des Etats, l’implication d’une multitude d’acteurs non gouvernementaux
transforment aujourd’hui le rôle des Etats et l’analyse de leurs relations, un aspect que la
géopolitique moderne tente de prendre en compte.
La géopolitique de l’énergie s’intéresse en particulier aux rivalités pour la maîtrise et le
partage des matières premières. Le contrôle de la chaîne d’approvisionnement, de
l’exploration à la production, puis du transport au raffinage jusqu’aux consommateur final
revêt une importance stratégique pour les Etats : non seulement l’approvisionnement en
énergie constitue le nerf vital du développement économique de nos sociétés modernes, mais
le commerce énergétique, surtout pétrolier, génère aussi des profits colossaux pour les Etats
importateurs et exportateurs grâce à la rente de monopole
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. De fait la spécificité du pétrole est
qu’il s’inscrit à la fois dans une logique économique des marchés, mais aussi dans la logique
politique des Etats.
L’économiste Jean-Marie Chevalier propose ainsi la définition suivante : « La géopolitique de
l’énergie analyse l’équilibre des forces entre les nations et les compagnies pour l’accès aux
ressources énergétiques, et à l’intérieur de chaque nation, la gestion des ressources et des
problématiques énergétiques. Pour les pays exportateurs, la géopolitique de l’énergie est
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C’est ce que l’on appelle la « rente pétrolière », qui correspond à la différence entre les ventes et le coût de
production, estimée à environ 1500 milliards de dollars par an. Voir Marie-Claire Aoun, La rente pétrolière et le
développement économique des pays exportateurs, thèse de science économique sous la direction de J.-M.
Chevalier, Université Paris-Dauphine, mars 2008.