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CHIMIOTHÉRAPIE ET RADIO-
THÉRAPIE PÉRIOPÉRATOIRE
La chimiothérapie adjuvante dans le
cancer gastrique apporte un bénéfice mo-
deste avec une diminution du risque rela-
tif de mortalité variant entre 12% à 28%
selon les méta-analyses. Toutefois, celles-
ci regroupent des études comprenant
souvent de petits collectifs de patients et
des schémas de traitement désuets.31
En absolu, la chimiothérapie adjuvante
ne représenterait qu’un bénéfice sur la
survie de 3 à 5%.
Deux études randomisées (un bras
investigationnel comparé avec une chi-
rurgie exclusive), la première aux Etats-
Unis et la deuxième en Grande-Bretagne,
ont récemment influencé la prise en char-
ge des tumeurs gastriques de chaque
côté de l’Atlantique. La première a dé-
montré un bénéfice sur la survie de la
radiochimiothérapie postopératoire (chi-
miothérapie de 5FU et leucovorine (LV)
d’induction) suivie d’une radiothérapie
de 45 Gy étalée sur cinq semaines com-
binées avec la même chimiothérapie en
début et fin de traitement. Deux cures
supplémentaires de 5FU et LVont été
administrées un mois après la fin de la
radiothérapie.32 Cette étude a toutefois
été vivement critiquée pour la mauvaise
qualité de la chirurgie gastrique, notam-
ment de l’étendue insuffisante du curage
ganglionnaire (54% des patients n’ont
même pas eu un curage D1 adéquat). Le
bénéfice de la radiochimiothérapie ne
pourrait refléter ici qu’une compensation
d’une chirurgie inadéquate. En consé-
quence, en Europe, celle-ci est principa-
lement indiquée lors d’une chirurgie gas-
trique jugée «limite» ou insuffisante. La
deuxième étude a évalué une chimiothé-
rapie périopératoireavec trois cycles
d’épirubicine, cisplatine et 5-FU avant et
trois cycles après l’intervention chirurgi-
cale.33 Celle-ci a non seulement démon-
tré un downstaging tumoral dans le bras
investigationnel mais également un bé-
néfice sur la survie. De plus, le taux de
complications postopératoires était simi-
laire dans les deux bras. Ce programme
thérapeutique est en passe de devenir le
standard en Europe. Il est recommandé
pour les stades II et III.
La chimiothérapie adjuvante doit être
administrée dans les six à huit semaines
postopératoires. Malheureusement, il est
souvent difficile de la débuter en raison
de l’état général précaire de la majorité
des patients. Dans l’étude anglo-saxon-
ne, seuls 55% des patients ont pu débu-
ter la chimiothérapie postopératoire et
seulement 43% ont complété les six cy-
cles prévus. Une explication plausible est
lemauvais status nutritionnel postopéra-
toire en raison d’apports caloriques insuf-
fisants.34Un suivi nutritionnel est donc
capital.
Une alternative est donc d’effectuer
uniquement une chimiothérapie néoad-
juvante. Celle-ci a comme avantage la
possibilité d’évaluer la réponse au traite-
ment avec un changement de régime si
nécessaire, d’obtenir un downstaging tu-
moral pouvant faciliter l’intervention chi-
rurgicale ainsi que de bénéficier d’un effet
systémique précoce. De plus, il existe un
avantage théorique à administrer un trai-
tement sur une tumeur vierge de tout re-
maniement postopératoire (vascularisa-
tion intacte sans remodelage fibrotique
postopératoire). Une étude récente a com-
paré une chimiothérapie néoadjuvante
(quatre cycles de docétaxel, cisplatine et
5FU) suivie d’une chirurgie avec le même
régime en traitement adjuvant.35 Celle-ci
aconfirmé le taux faible de patients pou-
vant bénéficier d’une chimiothérapie ad-
juvante (66% des patients débutent la
chimiothérapie adjuvante et seulement
34% la complètent). En revanche, ce pour-
centage est nettement supérieur dans le
bras néoadjuvant (97% débutent la chi-
miothérapie et 74% la complètent) sans
nuireàl’éligibilité chirurgicale (94% des
patients sont opérés). Il faut souligner par
ailleurs quatre réponses histopathologi-
ques complètes dans le bras néoadju-
vant. Ce schéma est par ailleurs très at-
tractif de par une efficacité clinique et
radiologique précoce (temps de réponse
radiologique de 1,6 mois).36 Ce régime
de chimiothérapie néoadjuvante constitue
donc une alternative au régime anglo-
saxon, et constitue le standard actuel à
l’Hôpital universitaire de Genève pour les
tumeurs avec atteinte ganglionnaire ou
localement avancée, considérée toutefois
comme opérable (T2N+ ou T3-4 N0/N+
M0).
CHIRURGIE DE CYTORÉDUC-
TION AVEC CHIMIOTHÉRAPIE
INTRAPÉRITONÉALE
La carcinose péritonéale a un très mau-
vais pronostic, avec une survie moyenne
estimée à 6,5 mois lors d’une maladie
limitée au péritoine. Il existe cependant
une grande variabilité de survie en fonc-
tion de l’étendue et de la taille des im-
plants péritonéaux, avec une survie esti-
mée à près de 9,8 mois pour des implants
tumoraux inférieurs à 5 mm et seulement
de3,7 mois pour des implants plus grands
que 2 cm.37Ilexiste plusieurs systèmes
de classification de l’étendue de la carci-
nose péritonéale afin d’évaluer le pro-
nostic. Le plus communément utilisé en
Europe est le système de Gilly décrit dès
1994 (tableau 6).38
Une approche thérapeutique possible,
réservée aux cas de maladie strictement
limitée au péritoine, consiste en l’asso-
ciation d’une chirurgie de cytoréduction
afin d’éliminer, si possible, complètement
la maladie macroscopique et d’une chi-
miothérapie intrapéritonéale afin d’éradi-
quer la maladie microscopique résiduelle.
La cytoréduction chirurgicale est capitale
car la chimiothérapie intrapéritonéale ne
pénètre que de 2 à 5 mm dans les nodu-
les carcinomateux. Afin d’augmenter l’ef-
ficacité de la chimiothérapie, il est pos-
sible de recourir à la chaleur.En effet, il a
été démontré in vitro que l’hyperthermie
anon seulement un effet cytotoxique pro-
pre à 42,5°C, mais aussi qu’elle est capa-
ble d’augmenter l’efficacité de cytotoxi-
ques tels que la mitomycine, le cisplatine
ou l’oxaliplatine.39
Plusieurs séries non randomisées ont
montré des résultats encourageants. Cer-
tains sous-groupes de patients ont clai-
rement semblé bénéficier tout particuliè-
rement de cette intervention combinée.
Le facteur pronostique le plus important
est une cytoréduction complète. La sur-
vie varie donc selon l’étendue et selon le
stade de la carcinose péritonéale, avec
une survie médiane de dix-neuf mois pour
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Stade Description
0•Pas de maladie macroscopique
I• Nodules tumoraux l5mm de
diamètre
• Localisés dans une partie de
l’abdomen
II • Nodules tumoraux l5mm de
diamètre
• Disséminés dans tout l’abdomen
III •Nodules tumoraux de 5 mm à
2cm de diamètre
IV • Nodules tumoraux L2cm de
diamètre
Tableau 6. Stadification de la car-
cinose péritonéale selon Gilly
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