L’Encéphale (2009) Hors-série 1, S10-S11 De l’anxiété à la dépression
S 11
Psychiatrie pratique : dépression, suicide, anxiété
Dans le cas d’un syndrome anxio-dé-
pressif, la dépression est toujours pri-
vilégiée et l’anxiété minimisée. La dé-
pression est notre première
préoccupation car elle influence le
pronostic vital. Mais la prise en charge
spécifique de l’anxiété pourrait per-
mettre de prévenir la survenue de re-
chutes ou complications dépressives.
On peut distinguer l’anxiété de la dé-
pression en s’appuyant sur le type
d’expression des symptômes com-
muns (figure 1).
PRÉSENTATIONS CLINIQUES
D’après la littérature, on peut retenir
5 présentations cliniques associant
trouble anxieux et dépressif comme
guide lors d’un entretien afin de défi-
nir une stratégie thérapeutique :
– ni les symptômes dépressifs ni les
symptômes anxieux ne répondent
aux critères diagnostiques définissant
chaque trouble : il s’agit d’un véri-
table trouble anxiodépressif (TAD) ;
– un trouble est présent et identi-
fiable d’emblée (en général l’anxié-
té), puis se complique de l’autre (la
dépression). L’existence d’un vécu
anxieux invalidant augmente de
60 % la probabilité de survenue
d’une dépression à 10 ans ;
– les troubles sont comorbides, iden-
tifiables séparément. Chaque type
de symptôme mérite alors une prise
en charge spécifique ;
– il y a cooccurrence, un des deux
troubles est complet et identifiable
alors que l’autre est partiellement
présent ;
– les deux troubles sont intriqués
comme dans le trouble anxieux gé-
néralisé ou l’anxiété généralisée avec
humeur dysphorique.
Sur le plan thérapeutique, deux ap-
proches sont envisagées :
– pharmacologique avec la prescrip-
tion d’un antidépresseur de préféren-
ce à action mixte sérotoninergique
et noradrénergique ;
– psychothérapique seule ou combi-
née selon l’intensité et la chronicité
du trouble et des comorbidités.
Les thérapies comportementales et
cognitives font partie des psychothé-
rapies les plus utilisées dans ce
champ anxio-dépressif. Leur indica-
tion relève d’une évaluation clinique
et psychologique précise. Dans cette
phase préliminaire est pratiquée une
analyse fonctionnelle ou analyse de
la souffrance du patient dans ses as-
pects synchroniques et diachro-
niques. Il s’agit d’un entretien struc-
turé qui permet d’émettre des
hypothèses sur l’origine du trouble,
son développement, ses consé-
quences et ses comorbidités. L’analy-
se fonctionnelle permet ainsi de faire
la part des choses entre l’anxiété dé-
butante, la cooccurrence des
troubles ou leur comorbidité. Il s’agit
d’une démarche pratique, systémati-
sée, très pratique pour tout clinicien,
aussi en médecine générale. Les ob-
jectifs de la thérapie sont définis en
collaboration avec le patient et font
l’objet d’un contrat thérapeutique
personnalisé.
Vignette clinique
: Lors d’une
première consultation, Jean, 27 ans,
ingénieur, se plaint d’anxiété se ma-
nifestant par des attaques de panique
depuis décembre 2007. Pour cela, il
est en arrêt maladie depuis 5 mois. Il
dit avoir connu un épisode dépressif
en janvier 2008 mais précise que cela
n’a rien à voir avec les attaques de
panique.
L’analyse fonctionnelle a permis de
reconstituer l’arrivée chronologique
de chaque souffrance dépressive et
anxieuse avec ses répercussions per-
sonnelles, sociales et profession-
nelles. Le patient a pris alors
conscience de l’évolutivité du phéno-
mène ; on apprend ainsi :
les premières attaques de panique
sont apparues ponctuellement dès
2006 sans être accompagnées d’élé-
ments dépressifs. L’anxiété s’est ma-
jorée en décembre 2007. Un traite-
ment antidépresseur a été mis en
place dès janvier 2008. Devant l’amé-
lioration de la symptomatologie, Jean
a interrompu son traitement.
L’histoire de Jean illustre bien la
complexité du syndrome anxio-dé-
pressif tant par l’intrication des
symptômes, que par la mauvaise ob-
servance thérapeutique médicamen-
teuse ou les conséquences fonction-
nelles de ce trouble.
Il est donc important que les médecins
soient sensibilisés à ce type de symp-
tomatologie combinée, qu’ils sachent
évaluer la souffrance pour mieux
adapter la conduite thérapeutique et
définir la prise en charge capable de
réduire les risques de complications.