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Psychiatrie pratique : dépression, suicide, anxiété
En population générale, la prévalen-
ce vie entière de l’anxiété et de la dé-
pression est d’environ 30 %. Plus
d’une personne sur trois est concer-
née par une souffrance dépressive ou
anxieuse. En terme de qualité de vie,
cette association « anxiété-dépres-
sion » est délétère car elle conduit à
des ruptures professionnelles, sco-
laires, familiales, ainsi qu’à une
consommation accrue de toxiques
tel que l’alcool. Devant la forte pré-
valence et l’importance des consé-
quences de ce trouble, il est impor-
tant de proposer aux patients des
thérapeutiques adaptées.
DÉFINITION
Le syndrome anxio-dépressif est une
entité composite décrite de manière
très variée. Sous cette appellation
sont regroupées diverses formes cli-
niques. Les classifications préfèrent
séparer les 2 entités que sont la dé-
pression et l’anxiété. Mais en pra-
tique clinique, les plaintes du patient
n’appartiennent pas strictement à
une seule catégorie. Et sur le plan
thérapeutique, il existe bien une uni-
té pharmacologique à propos des
traitements de ces symptômes.
Sur le plan historique, on a tendance
à avoir une conception bifocale des
troubles : dépression névrotique/psy-
chotique, dépression ou anxiété ré-
actionnelles/endogènes… Actuelle-
ment, un passage progressif
s’effectue d’une vision catégorielle
vers une approche dimensionnelle : la
définition d’un syndrome mixte
anxiété-dépression dans le DSM V
est en discussion.
Les classifications séparent toujours
les troubles anxieux des troubles dé-
pressifs en les distinguant par la for-
me, le contenu et la sévérité des
symptômes. Cependant, certains
diagnostics sont mixtes comme le
trouble de l’adaptation ou le trouble
anxieux non spécifique.
Les échelles d’évaluation de la dé-
pression (MADRS, HDRS) ou de
l’anxiété (HARS, Tyrer) contiennent
respectivement des items pour
l’anxiété et la souffrance dépressive.
Ces outils sont pratiques pour bien
évaluer l’intensité de la souffrance
mais ne permettent pas de démêler
la part d’anxiété et de dépression.
L’auteur n’a pas déclaré de conflits d’intérêt.
Psychiatre, Hôpital Sainte Anne, Paris
De l’anxiété à la dépression
C. Mirabel-Sarron
Symptôme Dépression Anxiété
Trouble du sommeil Insomnie du petit matin Insomnie d’endormissement
Cyclicité Plus mal le matin Plus mal en fin d’après-midi
Attention Perte des intérêts Hyper vigilance
Activité motrice Ralentissement psycho-
moteur Agitation
Comportement alimentaire Réduction de la prise
alimentaire Augmentation de la prise ali-
mentaire avec grignotages
Représentation du temps Aucune anticipation dans le
futur Anticipation permanente,
« scénarios catastrophes »
Interaction
avec le thérapeute
Parle peu, répond aux
questions par des phrases
courtes
Parle beaucoup, pose
des questions, veut connaître
la suite
TABLEAU 1. — Comment distinguer anxiété et dépression ?
L’Encéphale (2009) Hors-série 1, S10-S11 De l’anxiété à la dépression
S 11
Psychiatrie pratique : dépression, suicide, anxiété
Dans le cas d’un syndrome anxio-dé-
pressif, la dépression est toujours pri-
vilégiée et l’anxiété minimisée. La dé-
pression est notre première
préoccupation car elle influence le
pronostic vital. Mais la prise en charge
spécifique de l’anxiété pourrait per-
mettre de prévenir la survenue de re-
chutes ou complications dépressives.
On peut distinguer l’anxiété de la dé-
pression en s’appuyant sur le type
d’expression des symptômes com-
muns (figure 1).
PRÉSENTATIONS CLINIQUES
D’après la littérature, on peut retenir
5 présentations cliniques associant
trouble anxieux et dépressif comme
guide lors d’un entretien afin de défi-
nir une stratégie thérapeutique :
– ni les symptômes dépressifs ni les
symptômes anxieux ne répondent
aux critères diagnostiques définissant
chaque trouble : il s’agit d’un véri-
table trouble anxiodépressif (TAD) ;
– un trouble est présent et identi-
fiable d’emblée (en général l’anxié-
té), puis se complique de l’autre (la
dépression). L’existence d’un vécu
anxieux invalidant augmente de
60 % la probabilité de survenue
d’une dépression à 10 ans ;
– les troubles sont comorbides, iden-
tifiables séparément. Chaque type
de symptôme mérite alors une prise
en charge spécifique ;
– il y a cooccurrence, un des deux
troubles est complet et identifiable
alors que l’autre est partiellement
présent ;
– les deux troubles sont intriqués
comme dans le trouble anxieux gé-
néralisé ou l’anxiété généralisée avec
humeur dysphorique.
Sur le plan thérapeutique, deux ap-
proches sont envisagées :
– pharmacologique avec la prescrip-
tion d’un antidépresseur de préféren-
ce à action mixte sérotoninergique
et noradrénergique ;
– psychothérapique seule ou combi-
née selon l’intensité et la chronicité
du trouble et des comorbidités.
Les thérapies comportementales et
cognitives font partie des psychothé-
rapies les plus utilisées dans ce
champ anxio-dépressif. Leur indica-
tion relève d’une évaluation clinique
et psychologique précise. Dans cette
phase préliminaire est pratiquée une
analyse fonctionnelle ou analyse de
la souffrance du patient dans ses as-
pects synchroniques et diachro-
niques. Il s’agit d’un entretien struc-
turé qui permet d’émettre des
hypothèses sur l’origine du trouble,
son développement, ses consé-
quences et ses comorbidités. L’analy-
se fonctionnelle permet ainsi de faire
la part des choses entre l’anxiété dé-
butante, la cooccurrence des
troubles ou leur comorbidité. Il s’agit
d’une démarche pratique, systémati-
sée, très pratique pour tout clinicien,
aussi en médecine générale. Les ob-
jectifs de la thérapie sont définis en
collaboration avec le patient et font
l’objet d’un contrat thérapeutique
personnalisé.
Vignette clinique
: Lors d’une
première consultation, Jean, 27 ans,
ingénieur, se plaint d’anxiété se ma-
nifestant par des attaques de panique
depuis décembre 2007. Pour cela, il
est en arrêt maladie depuis 5 mois. Il
dit avoir connu un épisode dépressif
en janvier 2008 mais précise que cela
n’a rien à voir avec les attaques de
panique.
L’analyse fonctionnelle a permis de
reconstituer l’arrivée chronologique
de chaque souffrance dépressive et
anxieuse avec ses répercussions per-
sonnelles, sociales et profession-
nelles. Le patient a pris alors
conscience de l’évolutivité du phéno-
mène ; on apprend ainsi :
les premières attaques de panique
sont apparues ponctuellement dès
2006 sans être accompagnées d’élé-
ments dépressifs. L’anxiété s’est ma-
jorée en décembre 2007. Un traite-
ment antidépresseur a été mis en
place dès janvier 2008. Devant l’amé-
lioration de la symptomatologie, Jean
a interrompu son traitement.
L’histoire de Jean illustre bien la
complexité du syndrome anxio-dé-
pressif tant par l’intrication des
symptômes, que par la mauvaise ob-
servance thérapeutique médicamen-
teuse ou les conséquences fonction-
nelles de ce trouble.
Il est donc important que les médecins
soient sensibilisés à ce type de symp-
tomatologie combinée, qu’ils sachent
évaluer la souffrance pour mieux
adapter la conduite thérapeutique et
définir la prise en charge capable de
réduire les risques de complications.
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