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et poursuit son étude sur le comportement et la responsabilité des hommes au sein de la
société. Surnommée le Castor (beaver en anglais), elle rencontre Sartre à l’E N S. En 1980,
Jean-Paul Sartre décède. Simone de Beauvoir est particulièrement affectée par cette perte,
qu’elle considère avec fatalisme. Elle s’éteint le 14 avril 1986 à l’âge de 78 ans et reposera
au cimetière Montparnasse à Paris aux côtés de son compagnon.
L’existentialisme de Saint Germain des Prés
Intellectuel et gure de proue d’une génération avide d’action et de jouissance, la vie de
Sartre est autant rythmée par les soirées existentielles animées de Saint Germain des Prés
et la valse rieuse des amours contingentes que par les discussions politiques et les débats
philosophiques enammés.
Au début des années 60, je fréquentais avec quelques copains les hauts lieux de la rive
gauche parisienne : le café Flore, les Deux Magots, le Tabou… Le jazz, les chansons à
texte, Juliette Gréco, Anne-Marie Cazalis, Léo Ferré… et surtout la proximité de «
» nous enchantaient. Nous étions toujours surpris et admiratifs : « le
vieux » buvait et fumait sec, il ne prenait pas soin de sa santé, de ce corps qu’il méprisait,
et puis il était toujours accompagné de jolies femmes. Certes nous reconnaissions son esprit
supérieur mais que diable il n’avait rien d’un Adonis ! On peut s’interroger comme le fait
Géraldi Leroy sur les raisons qui lui ont assuré de si constants et si atteurs succès et ce
pratiquement jusqu’à la n de sa vie.
Notre jeunesse se déclarait existentialiste. Sartre en était très affecté et regrettait que sa phi-
losophie fût détournée de son sens et présentée comme un phénomène de mode scandaleuse.
Sartre et Beauvoir : le Pacte
En 1929, ils étaient jeunes, 21 et 23 ans, surdiplômés, surdoués, tous deux de famille et
d’éducation bourgeoise, sûrs d’eux-mêmes, aveuglés par leur désir d’accomplir leur œuvre
d’écrivain. Ils s’aiment, leur relation est sexuelle, personnelle, sentimentale, intellectuelle,
ils ne peuvent se séparer. Assis tous deux sur un banc du jardin du Louvre, Sartre propose le
fameux « pacte » renouvelable tous les deux ans, qui devait dénir leur relation future. Cette
relation repose sur la distinction entre « amour nécessaire » et « amours contingentes », elle
devait concilier chez les deux partenaires la double exigence de la délité et de la liberté.
Sartre propose : « il convient que nous vivions à côté de notre amour nécessaire des amours
contingentes ». Les amours contingentes sont une façon de connaître le monde. Elles peu-
vent être de vraies passions, y compris sexuelles, mais ne doivent jamais effacer l’amour
nécessaire, fait d’estime, de tendresse et de conance réciproques absolues. Pour éviter les
souffrances de la jalousie, ils se raconteront tout. Exempte de secrets, leur relation se basera
sur une transparence totale. Ils ne se conformeront pas à la vie maritale et ne vivront pas sous
le même toit, pour eux cette cohabitation serait indigne de leur statut d’aristocrate intellec-
tuel. Par ce pacte ils rejettent l’institution en bloc, et avec elle la morale bourgeoise dont ils
sont issus. La belle S. de Beauvoir accepte, l’intelligence de Sartre, le premier homme de sa
vie, la fascine. Ils proclament « Nous allons réinventer le couple ». Michel Contat (2) a dit un
jour : « La légende Sartre- de Beauvoir a changé nos mœurs ». C’est exact, ajoute Michel-
Antoine Burnier : « J-P Sartre et S. de Beauvoir ont été les Héloïse et Abélard laïcs des temps
modernes, même si leur vrai vie n’a que partiellement correspondu à leur légende »