conquête et impose une domination. L’une et l’autre ne sont jamais allées sans la plus grande
brutalité.
On pourrait prendre des exemples dans l’ensemble des colonies. De l’Indochine à l’Afrique Noire, de
la Nouvelle Calédonie à Madagascar, aucune n’a échappé à ce sinistre lot. Restons en au seul
exemple de l’Algérie. Toute l’histoire coloniale y est scandée, du début à la fin, par la violence.
Une décennie après la conquête, dans les années 1840, quand il faut "pacifier", le territoire, les
généraux français mettent au point une technique particulière, utilisée au moins à trois reprises :
alors que des villages entiers se sont réfugiés dans des grottes, on allume le feu devant. Ce sont les
"enfumades". En 1871, a lieu la "grande révolte kabyle", dernier sursaut pour chasser les occupants.
Les Français n’hésitent pas, pour repousser les populations, à brûler massivement leurs terres, qui
seront par la suite données aux colons. Le 8 mai 1945, le jour même de la défaite du nazisme, à la
suite du coup de feu tiré par un gendarme sur un enfant portant un drapeau algérien lors d’un défilé,
des émeutes ont lieu à Sétif et Guelma, faisant une centaine de victimes européennes. La répression
se déchaîne. L’armée s’en mêle. Les historiens les plus prudents parlent de milliers de morts parmi
les musulmans. Moins de dix ans plus tard, commençait la guerre d’Algérie, avec son nouveau
cortège d’horreur. Les épouvantables exactions commises par le FLN – qu’il ne faut évidemment pas
oublier – et, du côté français, la généralisation de la torture et les bombardements de populations
civiles.
Oui, la colonisation s’est parée du masque de la "civilisation"
La droite, il y a dix ans, voulait imposer aux manuels scolaires de rappeler les "effets positifs de la
colonisation". Elle montrait en cela qu’elle était restée très années 30. Elle vivait encore au temps
des belles brochures de l’Exposition coloniale qui vantait "l’œuvre accomplie par la France" en
montrant des photos de magnifiques chemins de fer construits à travers la jungle africaine, et de
généreux médecins vaccinant des petits Noirs dans les villages de brousse.
Il ne faut pas l’oublier en effet, le projet colonial s’est toujours pensé comme un projet bienfaisant.
Au XVIe siècle, derrière la croix des évangélisateurs, on faisait le bien en apportant à des païens les
lumières de la Vraie Foi. Au XIXe, au temps où l’Occident invente le "progrès", on faisait la même
chose dans une version laïcisée : on apportait la civilisation à des peuples "en retard", on allait les
aider à sortir de leur horrible sauvagerie.
C’est la philosophie résumée par Jules Ferry dans sa célèbre formule (1885) sur "les races
supérieures" qui ont "le devoir de civiliser les races inférieures". Il ne s’agit pas de déconsidérer ce
propos avec nos yeux d’aujourd’hui. Bien des individus ont cru sincèrement à ce projet qu’ils
considéraient comme humanitaire. D’innombrables instituteurs, fonctionnaires, médecins ont pris
le chemin de l’école coloniale car ils croyaient sincèrement à cette mission civilisatrice. Les plus
intelligents d’entre eux ont compris assez vite ce qu’elle recouvrait en réalité. Tout ce discours
humanitaire n’était qu’une fausse barbe masquant la réalité d’une entreprise de soumission et
d’exploitation qui, sur place, se cachait fort peu.
Ainsi par exemple, toute la colonisation de l’Afrique noire, entreprise à partir des années 1880, s’est
faite, du côté de tous les Européens, Français, Belges, Anglais, etc. sur un prétexte répété sans cesse,
dans toutes les conférences internationales, dans toute la littérature coloniale : lutter contre
l’horrible esclavage toujours pratiqué là-bas. Sitôt la conquête faite, toutes les puissances coloniales
mettent en place le système du travail forcé : pour "aider" à doter ces pays d’infrastructures qu’ils
n’avaient jamais demandées et qui servirent essentiellement à piller plus facilement les ressources