Erotisme & Pornographie
Dia 5
Nous sommes des animaux, pas des bêtes. C’est ce que la
sexualité ne cesse de nous rappeler qui la rend si dérangeante, si
troublante, si choquante, si plaisante. Elle est le vrai pêché originel,
qui n’est pas un pêché mais une pulsion, jointe à la peur qu’elle
suscite en nous, comme une honte de n’être qu’un animal, de n’être
que ce corps sexué, qui est en moi. L’esprit commence là peut être,
dans la pudeur, dans la gêne, dans l’interdit (spécialement la
prohibition de l’inceste) qui mettent la sexualité à distance – par
l’habillement, par l’éducation, par le mariage – et ne la rendent que
plus désirable, que plus attirante, que plus fascinante. Le mot grec
phallos se dit en latin fascinus et nous savons tous que l’adjectif
fascinant, en français, vaut tout autant pour le sexe des femmes. Le
désir fascine : il est fasciné par son objet, fascinant pour le sujet.
Dia 6
Comment l’aborder sans effroi et sans honte (pudor, en
latin) ? Tout se passe comme si le sexe était obscène par nature, ou
plutôt comme s’il était dans la nature, malgré son extrême banalité, ce
que la culture ne peut jamais tout à fait accepter, assimiler, réduire,
comme le trou noir du désir ou de la vie. Les deux mots Obscène et
obscur ont la même origine étymologique. Ce qu’on doit cacher,
l’obscène, doit rester quelque chose de ténébreux, obscur, même
lorsqu’on le dévoile, et menaçant (obscenus en latin signifie de
mauvais augure) même lorsqu’on essaie de l’apprivoiser. Le plus
étonnant d’ailleurs, c’est que malgré le dévoilement massif du sexe
dans la pornographie, le secret demeure presque inentamé et résiste à
toute exhibition qui peut en être faite, comme s’il y avait dans la
sexualité quelque chose qu’on ne peut tout à fait dévoiler, fût-ce en le
montrant, ni dire, fût-ce en en parlant pendant des heures : nul ne sait
ce que ressentent les comédiens, quel est leur plaisir, quelles sont les
émotions et l’éroticité ressenties. Encore moins les comédiennes… Et
notre vie privée le confirme : nul ne sait comment ses meilleurs amis
font l’amour, ni l’émotion ou le plaisir qu’ils y trouvent, ni l’audace et
la pudeur qu’ils y mettent. C’est vrai aussi de l’amour physique :
« l’énorme secret » résiste même aux amants les plus libres.