Introduction
matière d’amour et de haine. Ce qui constitue la contrainte et le véritable
temps traumatique, c’est le désaveu de la part des adultes sous le poids de
la mauvaise conscience, désaveu qui entraîne une confusion traumatique
chez celui qui en est la victime. L’enfant en détresse n’a d’autre choix que de
s’identier à l’agresseur et perd toute conance en ses propres perceptions,
sentiments et interprétations de la réalité. Il réagit par un auto-clivage et
une fragmentation interne. Ferenczi parle de patients chez qui le trauma a
entraîné une déformation, une « autotomie », une déchirure de lui-même
dans son rapport au monde, à l’autre et à lui-même.
S’opposant à l’idée que le patient psychotique est un être régressé, il a,
au contraire, soutenu que la déchirure induite par l’expérience trauma-
tique est susceptible d’entraîner une « progression traumatique », d’être à
l’origine d’un véritable « nourrisson savant ». Débordé par l’excès, externe
et interne, celui-ci pourra alors avoir recours à diérentes « solutions »,
allant de la névrose grave jusqu’à la psychose avérée. Comme dans les cas
de transmission transgénérationnelle de traumas, c’est la capacité même
de penser qui s’en trouve entravée.
Contrairement à Freud qui, pour une large part, a mis de côté sa théorie
première du trauma (la théorie de la séduction), Ferenczi considère que
le trauma physique, sexuel, libidinal et psychique joue un rôle essentiel
dans l’étiologie de la psychopathologie. La psyché tendre et immature de
l’enfant, surtout sous le coup du désaveu, s’avère incapable de métaboliser
ses expériences traumatiques. En conséquence, la représentation symbo-
lique et la mémoire de l’expérience s’en trouvent annulées, fragmentées,
atomisées, clivées et souvent somatisées. Ferenczi a toujours eu le souci
thérapeutique de prendre en compte la totalité du sujet et son inscription à
la fois dans un contexte environnemental et dans une histoire.
L’être traumatisé ne doit sa survie qu’à l’amputation d’une part de lui-
même, amputation de son vécu non-vécu, de sa pensée non-pensée, de
son ressenti non-ressenti. C’est ainsi que sera transféré un non-lieu, trans-
fert de ce qui n’a pas pu avoir lieu. La rencontre transféro-contre-trans-
férentielle devient pour lui une expérience nouvelle, une rencontre qui
constitue une expérience fondatrice donnant accès à une représentation
symbolique des traumatismes clivés, mettant ainsi n à des répétitions
traumatiques et ouvrant sur la possibilité d’un futur qui soit diérent du
passé. Penseur et clinicien passionné, Ferenczi a toujours nourri l’espoir
d’une rencontre analytique permettant un travail approfondi du transfert
et du contre-transfert qui ne laisserait aucun angle mort. Il s’agit là d’un
idéal pour lui, idéal qui représente une illusion, une sorte d’utopie, un
espoir exprimé à Freud par rapport à son analyse avec lui, espoir présent