que physiologique, et dont l'adulte, qu'il est devenu depuis, cherche, psychiquement, à se dédommager. Ferenczi
décrit, ici, un enfant pulsionnel, devenu un adulte névrosé (porteur de sa pulsionnalité et des conflits qu'elle sous-
tend), lequel, au cours de son analyse et dans le cadre du développement de sa névrose de transfert, propose une
mise en perspective de celle-ci au regard de sa névrose infantile.
Dans les années qui suivent, à la faveur de ses avancées qui portent sur le traumatisme, Ferenczi, s'appuie à
nouveau sur la figure du nourrisson savant afin d'illustrer une configuration psychique d'un tout autre type : le
nourrisson savant vient représenter un enfant traumatisé et narcissiquement atteint dans l'unité de sa
personnalité, devenu par la suite un adulte clivé du fait de l'empreinte de son trauma, trauma dont l'origine se
situe, pour Ferenczi, dans la confusion entre le langage de la tendresse, apanage du langage de l'enfant, et le
langage de la passion qui est celui des adultes (Ferenczi S., 1933) (5).
Dans une telle conjoncture, avance Ferenczi, le processus analytique voit à l'œuvre un patient / enfant traumatisé
qui, débordé par ses défenses, se retire de sa sphère psychique, opère un clivage narcissique et observe
l'événement traumatique, tout en s'abandonnant à un inéluctable destin de "nourrisson savant".
La disqualification, ainsi que le déni de la reconnaissance de la pensée et des affects par l'environnement (la mère
ou ses substituts), entraînent chez l'enfant la création d'un trauma qui engendre un clivage avec une atteinte du
narcissisme. Ferenczi note : "Nous assistons ainsi à la reproduction de l'agonie psychique et physique qu'entraîne
une inconcevable et insupportable douleur" (Ferenczi S., 1931) (3). Cette douleur reproduit celle éprouvée, dans
la petite enfance, à l'occasion d'un traumatisme, qui peut avoir été de type sexuel ; elle a pour conséquence, selon
un point de vue qui sera ensuite très souvent repris par Ferenczi, un "clivage de la propre personne en une partie
endolorie et brutalement destructrice, et en une autre partie omnisciente aussi bien qu'insensible". De cette
position, l'enfant traumatisé peut éventuellement considérer l'agresseur (cela peut être le psychothérapeute ou le
psychanalyste si celui-ci est animé d'une "passion pédagogique", de "rigidité technique" voire d'"hypocrisie
professionnelle") comme un malade, un fou ; parfois même, il essaye de le soigner, de le guérir, comme autrefois,
véritable "nourrisson savant", il avait pu se faire le psychiatre de ses parents. Rappelons que ce clivage, que
Ferenczi nomme "auto-clivage narcissique", peut aussi se situer dans une partie du corps (visage, main, orteil,
etc.) qui représente, alors, le sujet tout entier. Il est intrapsychique et développe chez le sujet, du fait des
"capacités de perception auto-symboliques", une partie "sensible brutalement détruite" qui coexiste avec "une
autre qui sait tout, mais ne sent rien". Ce clivage, désigné comme "processus primaire de refoulement", est
perceptible lorsque certains fantasmes ou récits de rêve mettent en scène une tête (organe des pensées) séparée du
corps (clivage somato-psychique).
Freud "lecteur" de Ferenczi
Progressivement élaborées dans les dernières années de sa vie, les avancées de Ferenczi ont rendu inévitable,
comme on le sait, le conflit avec Freud, puisqu'un véritable fossé théorique avec celui qu'il aimait appeler son
"Paladin et Vizir secret" s'est alors creusé, fossé dont la ligne de démarcation sera la conception du traumatisme
infantile. Car, pour Freud, invoquer la compulsion de répétition comme répétition de la situation traumatique et en
rendre l'objet responsable, comme le proposait Ferenczi, revenait à sous-estimer les ressources de l'appareil
psychique et sa capacité à transformer le trauma, ainsi que la douleur psychique qui lui est liée. Pour Freud,
envisager d'autres concepts risquait de revenir à un retour en arrière (notamment à un retour à sa "neurotica", un
avant 1897), et équivalait ainsi à une déviance théorique.
Aussi, si à la suite de Freud, on a pu reprocher à Ferenczi d'évacuer du concept de "nourrisson savant" seconde
manière (1931) la composante pulsionnelle (celle que l'on voit à l'œuvre chez le "nourrisson savant" première
manière Le rêve du nourrisson savant, 1923) au profit de la composante narcissique et de mettre, ainsi, l'accent
sur une théorie de l'infantile qui ne verrait plus à l'œuvre qu'un pauvre enfant innocent et démuni, victime d'un
monde d'adultes séducteurs, disqualifiants et, de ce fait, violeurs psychiques, il semble néanmoins que l'on doive
être redevable à Ferenczi d'avoir, non seulement, mis en perspective une théorie féconde et novatrice de
l'"infantile", mais surtout d'avoir perçu, avant quiconque, l'importance mutative de l'association du concept de
trauma avec celui de clivage, tout en ayant su donner au concept de "clivage narcissique" ses titres de noblesse
(Bokanowski T., 1997) (1).