Licence 2 : Psychologie clinique et projective cours C. Bouchard
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Université Rennes 2
PSYCHOLOGIE CLINIQUE ET PROJECTIVE
Définition et principes méthodologiques
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Plan
I. LA NOTION DE CLINIQUE EN PSYCHOLOGIE
1. Que signifie le mot « clinique » en psychologie ?
1.1. La clinique comme méthode
1.2. La clinique comme pratique
1.3. La clinique comme métier
2. Quest quune méthode clinique en psychologie ?
2.1. Stratégies cliniques en psychologie
2.2. Techniques et instruments cliniques
II. GÉNÉALOGIE DE LA MÉTHODE CLINIQUE
EN PSYCHOLOGIE
1. Lhéritage médical
2. La psychologie des tests et de la recherche expérimentale
3. Le paradigme psychanalytique
4. Lapport de la phénoménologie et de la psychologie existentielle
5. Le paradigme projectif (première approche)
III. PANORAMA DES MÉTHODES PROJECTIVES
1. Le test de Rorschach
2. Le Thematic Apperception Test (TAT) et les épreuves projectives
thématiques
3. Le test du Village
4. Les épreuves projectives de dessin
5. Le Test d’Intégration différentielle des conflits (TIDC)
IV. MÉTHODOLOGIE PROJECTIVE
Principes fondamentaux
1. Lobservation projective est une situation induite dinterprétation
1.1. Une épreuve de signification
1.2. Une situation anxiogène
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- Licence 2 de Psychologie : Psychologie clinique et projective enseignement de Claude
Bouchard, MC, Université Rennes 2 février-mars 2016, revu septembre-octobre 2016.
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2. Lanalyse projective est une analyse structuraliste et psychodynamique
2.1. Une démarche d’analyse structurale
2.2. La prise en compte des réactions de défense
3. Les méthodes projectives sont des variations expérimentales
sur lÉnigme et lIntrigue (essai de classification)
Références bibliographiques
Annexes
1. Généalogie de la méthode clinique en psychologie (tableau)
2. La méthode clinique dans l’œuvre de Jean Piaget (document)
3. La notion de situation clinique (document)
4. Instruments monothétiques et idiographiques (document)
5. Classification des méthodes projectives (schéma)
6. La référence à la psychanalyse chez les psychologues cliniciens (texte)
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PSYCHOLOGIE CLINIQUE ET PROJECTIVE
Définition et principes méthodologiques
Lobjectif de la première partie de cet enseignement est de positionner ce que nous
appellerons la clinique projective dans le champ plus large de la clinique psychologique.
Dans un premier temps, nous tâcherons de clarifier la notion de clinique, dont nous
verrons quelle est polysémique en psychologie, et que cette polysémie a pu, et peut
encore, entraîner des confusions et des malentendus.
Puis nous préciserons ce que lon appelle méthode clinique en psychologie. Puis
nous en retracerons les contributions historiques diverses, et nous dégagerons de cette
« généalogie » les principes généraux et typiques dune méthodologie dite clinique en
psychologie.
Enfin, en revenant plus spécifiquement à la méthode projective, nous en définirons
les caractéristiques, tant du point de vue strictement méthodologique, que du point de vue
épistémologique propre à cette forme de clinique psychologique : quel champ dexpérience
psychologique compose-t-elle ? quels savoirs psychologiques permet-elle de constituer ?
I. LA NOTION DE CLINIQUE EN PSYCHOLOGIE
1. Que signifie le mot « clinique » en psychologie ?
Bien des choses ont été dites ou écrites pour rendre compte de la notion de
clinique en psychologie, au point quil nest pas facile de sy retrouver. Schématiquement,
on pourrait distribuer ces propositions et ces débats autour de trois acceptions
fondamentales.
Par « psychologie clinique », en effet, on peut dabord entendre une qualification
méthodologique et même épistémologique, qui spécifie un mode de connaissance
psychologique en la référant à une méthode clinique, à une « démarche » clinique.
Dans une seconde acception, on peut encore entendre par « psychologie clinique »
une psychologie pratique, cest-à-dire une psychologie tournée vers laction concrète, voire
une psychologie institutionnalisée, professionnalisée.
On peut désigner, enfin, sous le nom de « psychologie clinique » une spécialisation,
parmi des savoirs et des savoir-faire psychologiques répartis en domaines voire en
« territoires » différents de compétences professionnelles ou de chercheur.
1.1. La clinique comme méthode
Le premier sens du mot « clinique » qualifie alors un principe méthodologique
général, que classiquement on définit comme une « psychologie des cas individuels »
(Lagache). Dans une version plus actuelle, nous dirons plutôt que la méthode clinique se
caractérise dabord par le souci de singulariser les faits psychologiques (individuels ou
collectifs) quelle se propose détudier.
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Le mot « singulariser » est ici à entendre dans son sens étymologique : cest
distinguer une chose parmi dautres, la considérer comme unique (unicité), la spécifier.
À linstar de la méthode clinique en médecine qui consiste à caractériser une
maladie en fonction du malade et de ses particularités, la méthode clinique en psychologie
sattache dabord à caractériser une situation (individuelle ou collective) dans ce qui la
rend singulière. Dle fait que la psychologie se réclamant dun mode de connaissance de
type clinique privilégie généralement une approche des phénomènes quelle étudie, par
létude de cas.
Notons bien que cet intérêt pour des « cas », cest-à-dire pour des situations
singulières, est lié au principe épistémologique dune approche de lobjet considéré
comme unique, spécifique et à une volonté de dégager cette spécificité et non au fait
dune option éventuellement médicale ou psychopathologique. Ce nest pas parce que les
notions de « cas » et d « étude de cas » proviennent du champ médical (voir infra, chap. II),
quelles impliquent, en psychologie, un souci automatiquement médico-psychologique ou
psychopathologique. Concernant lintérêt méthodologique pour des « cas », il traduit en
fait, et principalement, loption dune connaissance psychologique privilégiant le singulier
par rapport au général.
Classiquement, on oppose dailleurs « psychologie clinique » et « psychologie
générale (ou expérimentale) » en caractérisant la seconde par une recherche de lois
psychologiques densemble et la première par une recherche « individualisante ». Cette
opposition, cependant, ne paraît pas complètement justifiée :
dune part, elle réduit lapproche clinique à un intérêt pour des individus, alors
quelle peut aussi se porter sur des entités groupales ou collectives (couple, famille, équipe
éducative ou soignante, groupe de parole, dispositif institutionnel...) : singulariser nest pas
individualiser ;
dautre part, cette opposition semble dénier à lapproche clinique de pouvoir
établir des lois psychologiques générales, alors que lon peut considérer quune étude
clinique peut constituer un moment délaboration dhypothèses et de principes généraux,
sous réserve dune validation par extension systématisée à dautres cas.
Rappelons, enfin, limportance classiquement accordée à lobservation dans la
démarche clinique en psychologie. Ceci pourrait laisser croire que le clinicien psychologue
est un « descripteur » passif dune réalité supposée déjà là. Or, il nen est rien.
La connaissance clinique, comme toute connaissance, se construit. Elle est active,
à la recherche constante de faits pouvant mettre à lépreuve ses élaborations successives
et progressives (cf. la comparaison du travail du psychologue clinicien au travail denquête
et de qualification des faits par le juge dinstruction chez Lagache en 1942). Le clinicien
ne cesse de chercher à valider ou invalider son savoir. Ses interventions en sont la
formulation en même temps que la mise à lépreuve. Une question, une relance ou un
silence dans un entretien ; le choix de retenir tel ou tel critère comportemental dans une
observation ; le choix de tel ou tel test dans un examen psychologique, ou de telle ou telle
consigne dans un test ; le fait de formuler une hypothèse donnée en prévision dune séance
de psychothérapie cette hypothèse donnera lieu à une prescription particulière ou à
une interprétation... sont quelques-unes des façons de réaliser le principe dune clinique
qui sopère toujours activement.
Car le clinicien procède par une série de questions, quil se pose dabord à lui-
même et quil opérationnalise par ces divers moyens, non dans lespoir datteindre une
vérité psychologique totale, absolue mais dans lobjectif détablir progressivement une
compréhension psychologique globale et optimale du « cas », au service dun objectif qui
peut être soit pratique (de diagnostic, daide ou de changement), soit de recherche.
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Nous développerons tous ces aspects (cas, observation, diagnostic progressif, etc.)
dans la suite de notre propos (voir ci-après point I.2) afin dapprofondir les
caractéristiques de la méthode clinique en psychologie.
1.2. La clinique comme pratique
1.2.1. Le mot « clinique » peut également désigner une pratique psychologique,
quelle soit dintervention ou de recherche.
La connaissance psychologique, en effet, na pas toujours été pratique, au sens
dune action à vocation dutilité sociale, comme nous le verrons dans le chapitre suivant. Si
cest le cas, on pourra parler de clinique psychologique ou de psychologie clinique pour
désigner une telle action ou son effet, cest-à-dire ce quelle produit. On parlera ainsi et par
exemple, dune clinique du recrutement, dune clinique psychothérapeutique, dune
clinique diagnostique, dune clinique du conseil psychologique, dune clinique psycho-
éducative, etc. On pourra dire aussi « dans la clinique » non pour désigner un lieu
dexercice de la pratique, mais comme synonyme de « dans la pratique ».
(Remarquons dailleurs que si le mot « clinique » est employé en médecine pour
désigner le lieu dune pratique, cette acception et cette utilisation du mot est plus rare en
psychologie, du moins en France. Dans les pays anglo-saxons, en revanche, on parle de
clinic ou on utilise ladjectif clinical pour désigner des établissements ou des centres
dobservation et de soins psychologiques.)
Parfois, on pourra qualifier la « clinique » (toujours au sens dune pratique) par
son orientation théorique. Par exemple : une clinique psychanalytique, une clinique
systémique, une clinique neuropsychologique, etc.
Enfin, notons que lest principes dune méthode clinique nétant pas le seul apanage
du médecin et du psychologue, le terme « clinique » est parfois associé à dautres pratiques
sociales. On pourra ainsi parler dune clinique pédagogique, dune clinique éducative,
d’une clinique du travail social… lorsque ces pratiques intègrent dans leur exercice et leur
technique le souci dindividualiser ou de personnaliser leur action au plus près des
particularités des personnes dont elles soccupent.
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1.2.2. Ambiguïté de la « psychologie clinique » telle quinstitutionnalisée
(formation universitaire, diplôme professionnel) par Daniel Lagache :
le mot « clinique » est employée ici dans son sens de pratique, à linstar de la
médecine qui se dit clinique pas seulement lorsquelle procède par une
méthode clinique mais aussi pour se distinguer dune médecine dite
« fondamentale » (= de recherche) et dune médecine politique (= de gestio
de santé publique). La psychologie clinique de Lagache est une psychologie
pratique, qui se distingue par ce qualificatif, dune psychologie « de
laboratoire » et dune psychologie spéculative, philosophique.
mais dans le même temps, lorsquil définit et décrit cette pratique (laction du
psychologue et les moyens de cette action), Lagache tend à le faire par une
référence fortement inspirée par une psychologie dynamique : a) qui privilégie
lexploration par observation et par entretien verbal ; b) qui recourt aux tests
« par défaut » en préférant les « tests cliniques » aux tests psychométriques ;
c) et qui va rechercher (bien quassez implicitement) ses appuis théoriques du
côté de la psychanalyse et de la phénoménologie.
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- De même, dans les sciences humaines et sociales la méthode clinique n’est pas l’apanage de
la seule psychologie. On a pu parler de sociologie clinique, par exemple, pour désigner une
microsociologie, c’est-à-dire une sociologie de groupes sociaux restreints et singuliers.
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