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INTRODUCTION
A l’heure où le marketing de la relation analyse les ingrédients de la confiance et de la
fidélité des consommateurs (Webster, 1992), des travaux révèlent parallèlement qu’ils se
dérobent, esquivent et rejettent les offres qui leur sont faites. Dans la perspective soulevée par
Hirschman (1970) quant à leur pouvoir d’expression (voice) ou de défection (exit), ces
recherches dévoilent que nombre d’entre eux refusent d’acheter tel produit ou marque,
regardent avec suspicion les innovations qu’on leur propose, détériorent des affiches,
contournent les circuits marchands traditionnels pour se procurer gratuitement de la musique
en ligne ou s’équiper dans des circuits d’occasion et boycottent les firmes qui dégradent
l’environnement ou dérogent à certains codes éthiques. Ces travaux mettent ainsi au jour une
grande variété de pratiques, dont seule une observation fine restitue le caractère fuyant et
parfois résolument hostile. Si les consommateurs résistent en effet de façon ponctuelle et
souvent collective, ils s’expriment également en silence, isolément et parfois durablement, les
conséquences managériales se révélant alors d’autant plus cruciales pour les firmes.
Bien que ces comportements se manifestent sous une pluralité de formes et de motifs,
leur caractère réactif et oppositionnel permet de les regrouper sous le vocable général de
résistance que les travaux anglo-saxons retiennent pour les décrire (Peñaloza et Price, 1993 ;
Herrmann, 1993 ; Fournier, 1998 ; Fischer, 2001). Un courant de recherche s’est ainsi
constitué autour de l’exploration, dans des contextes différents, des formes d’opposition que
les consommateurs manifestent envers les entreprises ou de façon plus diffuse, envers la
culture de consommation dans son ensemble. L’intérêt de ces travaux ne saurait échapper au
marketer, qui sous-jacent, peut y percevoir les symptômes d’une critique
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, et dont l’enjeu est
d’en comprendre la nature, l’origine et les conséquences possibles pour ses activités.
Cependant, la fragmentation des approches et l’absence de cadre intégrateur ne permettent pas
actuellement de repérer les lignes de forces de ces mouvements, leurs directions respectives,
ni au-delà, la géométrie d’un sujet dont les essais de définition sont rares. Un effort de
clarification s’impose, en dépit d’une difficulté à circonscrire une large palette d’expressions,
dont certaines se manifestent « en creux » et de façon peu visible (Wilk, 1997).
L’objectif de cet article est triple. Après avoir posé une définition de la résistance et
délimité les contours du concept dans le champ du marketing, nous proposons d’abord une
synthèse des différents travaux où sont repérées les dimensions, et particulièrement les motifs
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Marketing Magazine (octobre 2005) titrait récemment : « Pratiques marketing, le rejet ! »