L’assaut spectaculaire lancé cette semaine encore par la police sur deux
chaînes de télévision proches de l’opposition n’a fait que renforcer
l’inquiétude de ceux qui, comme le chef de l’opposition Kemal Kiliçdaroglu,
l’accusent de vouloir “rétablir le sultanat“.
Luxueux, gigantesque et extravagant, le palais de 500 millions d’euros dans
lequel il a emménagé il y a un an est devenu le symbole de sa “folie des
grandeurs“.
’Grand maître’ -
Fils d’un officier des garde-côtes, M. Erdogan se targue pourtant
d’origines modestes.
Élevé dans le quartier populaire de Kasimpasa à Istanbul, éduqué dans un
lycée religieux, vendeur de rue, “Tayyip“ a un temps caressé le rêve d’une
carrière de footballeur, avant de se lancer en politique dans la mouvance
islamiste.
Elu maire d’Istanbul en 1994, il triomphe en 2002 lorsque son AKP remporte
les législatives et devient Premier ministre un an plus tard, une fois
amnistiée une peine de prison qui lui avait été infligée pour avoir récité
en public un poème religieux.
Pendant des années, son modèle de démocratie conservatrice, alliant
capitalisme libéral et islam modéré, enchaîne les succès, dopé par la
croissance “chinoise“ de son économie et sa volonté d’entrer dans l’Union
européenne (UE).
Réélu en 2007 puis en 2011, avec près de 50% des voix, il se prend alors à
rêver de rester au pouvoir jusqu’en 2023 pour célébrer le centenaire de la
République turque.
Mais ce scénario se complique en juin 2013. Pendant trois semaines, plus de
trois millions et demi de Turcs exigent sa démission dans la rue en lui
reprochant sa main de fer et une politique de plus en plus ouvertement
“islamiste“.
Le chef du gouvernement répond par une répression sévère et son crédit
démocratique en prend un sérieux coup. Six mois plus tard, il est rattrapé
par un scandale de corruption qui fait trembler son régime sur ses bases.
Depuis l’été, sa position s’est encore affaiblie. Ses rivaux l’accusent
d’avoir ravivé le conflit kurde pour satisfaire ses seules ambitions de
pouvoir absolu. Ses discours enflammés, provocateurs et clivants inquiètent
de plus en plus. Un récent sondage de l’institut Gezici a même révélé qu’il
était craint par 64,8% des Turcs.
Publiquement, Recep Tayyip Erdogan s’amuse de ceux qui le traitent de
“dictateur“. Mais il poursuit systématiquement devant la justice pour
“insulte“ tous ceux qui, rivaux, journalistes ou simples particuliers, le
contestent.
Le “grand maître“, comme l’appellent ses fidèles avec déférence, a
plusieurs fois avoué publiquement sa volonté de garder les rênes du pays
jusqu’en 2023 et le très symbolique centenaire de la République.