tanzimat, ces réformes du XIXe siècle promulguées par la sublime porte,
Mustafa Kemal Atatürk, probablement initié aux rites francs-maçons, va
transformer en profondeur son pays.
Alors que les puissances étrangères cherchent à se partager les miettes de
l'Empire ottoman, Kemal Pacha va profiter d'une série de victoires en
Anatolie pour devenir l'interlocuteur privilégié de ces grandes puissances.
Sa victoire contre les Grecs à la fin du mois d'août 1922, dans la très
célèbre Smyrne, devenue Izmir, lui permettra de faire réviser le Traité de
Sèvres, qui dépeçait complètement l'Empire ottoman, et de prendre
définitivement le dessus sur le pouvoir central. S'ensuivra l'abolition du
sultanat en 1922 et surtout, fait unique dans l'histoire du monde musulman,
l'abolition du califat en 1924, institution que Mustapha Kemal comparaît à
une « tumeur
moyenâgeuse ».
Tous les ans, jusqu'à aujourd'hui, les jeunes élèves turcs observent une
minute de silence le 10 novembre en hommage au fondateur de leur
République, mort le 10 novembre 1938 d'une cirrhose du foie. Un homme
auquel sont associés l'adoption du principe de la laïcité, la suppression
de l'écriture arabe au profit de l'alphabet latin, l'égalité des sexes, le
droit de vote accordé aux femmes et, surtout, la construction identitaire
du nationalisme turc. Un nationalisme élitiste, racial, dans l'esprit des
nationalismes des années 30, qui ne se reconnaît que dans l'appartenance à
l'islam sunnite et au culte hanafite, et qui exclut donc, de ce fait,
toutes les autres minorités. Ce nationalisme s'accompagne d'une certaine
intransigeance, d'un certain autoritarisme, renforcés par l'institution
d'un parti unique et la détention par le seul Atatürk de tous les pouvoirs,
qui écorne un peu l'image du parfait héros présenté par les manuels
d'histoire.
Celui que Kenizé Mourad décrit dans son roman, De la part de la princesse
morte, comme un homme ambitieux et hostile, qui a trahi la confiance du
sultan et qui a un penchant pour l'alcool fut autant un dirigeant
autoritaire qu'un grand réformateur. Le contexte de l'époque peut
probablement expliquer cette irrésistible fusion entre l'homme et le mythe,
entre les faits d'armes d'un général et la naissance d'une nation, entre
une politique par certains aspects méprisante et répressive, et un héritage
qui survit, plus ou moins facilement, 77 ans après sa mort. Une fusion
complexe et métissée à l'image de ce qu'a été et de ce que continue d'être
la Turquie, malgré les volontés d'homogénéisation de son héros, ce
visionnaire profondément marqué par la fin d'un siècle et le début d'un
autre, celui-là même qui prononça ces célèbres mots : « Heureux celui qui
se dit turc. »
« Les principes du régime républicain fondé par Atatürk sont
toujours valables », souligne l'ambassadeur de Turquie au
Liban
L'ambassadeur de Turquie au Liban, Inan Özyildiz, répond aux questions de
L'Orient-Le Jour sur le poids de l'héritage du kémalisme dans son pays :
Que représente aujourd'hui celui qui se faisait appeler le « Turc
père », pour le peuple turc ?
Mustafa Kemal Atatürk est le fondateur de la République de Turquie. Il n'a
pas seulement joué un rôle déterminant comme le commandant des forces
turques qui ont combattu les forces d'occupation pendant la guerre
d'indépendance entre 1919-1922, mais il a aussi créé un nouvel État-nation
et une nouvelle nation turque moderne, sur les cendres d'un empire
multiethnique et théocratique, écroulé et démantelé.
Il a en outre posé les principes fondamentaux de la nouvelle République et
les premières pierres d'un régime républicain, et a ouvert la voie à une
évolution démocratique. La Turquie aujourd'hui se base toujours sur ces
principes fondamentaux et les réformes qu'il a réalisées.