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La physiothérapie (exercices, chaleur, massage, ...) et la psychologie (relaxation, thérapie
cognitivo comportementale) sont très importantes et souvent très efficaces pour traiter la
douleur chronique, sans effet secondaire ni risque d'abus ou de détournement.
Malheureusement, ces approches sont très peu accessibles pour ceux qui ont des ressources
financières limitées et n'ont pas d'assurance, ce qui est le cas de la grande majorité des
personnes avec douleur chronique. Les médecins n'ont donc souvent d'autre option que de
prescrire un médicament pour traiter la douleur, faute d'accès aux autres approches, même s'ils
veulent éviter les médicaments le plus possible.
Même problème avec les médicaments. On essaie toujours d'éviter les opioïdes le plus possible,
en raison des effets secondaires et risques d'abus ou de détournement. Parmi les médicaments
non opioïdes qui ont été montrés efficaces pour traiter la douleur (incluant lombalgie, arthrose),
il y a la duloxétine (Cymbalta). Mais ce médicament n'est remboursé par la RAMQ que pour
certaines indications et nécessite une application à cet effet. Plusieurs patients qui pourraient
en bénéficier en sont donc privés.
Au cours des dernières années, deux nouvelles formulations d'opioïdes ont été commercialisées
au Québec: la buprénorphine transdermique (Butrans) et le tapentadol (Nucynta). Ces opioïdes
offrent plusieurs avantages, dont un risque de dépendance et d'abus beaucoup plus faible que
les autres, tel que montré par plusieurs études. On devrait donc les prescrire en priorité, avant
les autres. Malheureusement, encore une fois, ils ne sont pas acceptés par la RAMQ pour
remboursement. Ils sont considérés seulement pour les "patients d'exception", donc il faut que
le patient ait essayé TOUS les autres médicaments disponibles (et, croyez-moi, c'est vraiment
"tous") pour qu'il soit accepté, après étude du dossier qui prend quelques mois et demande
complexe faite par médecin. On force donc les médecins à d'abord prescrire les opioïdes avec
un risque plus grand d'abus, même si des opioïdes avec risque d'abus beaucoup plus faible sont
disponibles, ceci afin d'éviter des coûts.
Dernier constat: on parle beaucoup de l'OxyContin, une molécule qui est très abusée, celle qui
est l'objet de la majorité des vols et a une valeur très élevée sur la rue. À un point tel que la
compagnie qui la produit, Purdue Pharma, en a cessé la commercialisation il y a 2 ans et l'a
remplacée par une autre formulation, qui peut aussi être abusée, mais beaucoup plus
difficilement. On croyait donc que le problème, sans être réglé, serait au moins diminué. Or, un
générique d'OxyContin a été développé. Au grand dam de tous ceux impliqués dans le
traitement de la douleur et la toxicomanie, ces génériques ont été acceptés par Santé Canada,
ET par la RAMQ pour remboursement. Puisque le générique se vend moins cher que l'original,
non seulement le problème d'abus ne diminuera pas, mais risque d'augmenter.
J'espère vous avoir convaincue que, même si l'abus et le détournement d'opioïdes est un
problème de santé publique important, la solution ne réside pas en une augmentation de la
réglementation, qui nuirait au bien-être des personnes souffrant de douleur chronique, mais
plutôt en une meilleure planification de la prise en charge de la douleur, en 1) facilitant l'accès à
la physiothérapie, psychologie et infiltrations, 2) permettant l'accès aux médicaments dont
potentiel d'abus est moindre que les opioïdes conventionnels, même si plus chers, 3)
restreignant l'accès aux génériques d'OxyContin, même si moins chers. En ayant une vision
courte plutôt qu'une vision globale, les gouvernements ne réussiront pas à contrer ce problème.