Changements physiologiques lors des cœlioscopies - Ils sont liés au pneumopéritoine et aux changements de position (Trendelenburg, proclive). Modifications hémodynamiques 1) REPERCUSSIONS HEMODYNAMIQUES DU PNEUMOPERITOINE : - Apparaissent pour des pressions intra-abdominales > 10 mm de Hg (pression d’insufflation habituelle : 14 mm Hg) - Baisse du DC de 25 à 35% lors de l’insufflation péritonéale quelle que soit la position du patient. La baisse est proportionnelle à l’augmentation du la pression intra-abdominale ++ et peut être aggravée par certaines positions (proclive). Mécanismes en cause : 1) Diminution de la précharge par compression de la VCI lors du pneumopéritoine avec chute parallèle du retour veineux et du DC. Elle n’explique pas à elle seule les variations de débit cardiaque. - Augmentation de la PCP liée à l’augmentation de pression intra-thoracique (la pression transmurale diminue légèrement ++). 2) Elévation de la postcharge par augmentation constante des résistances vasculaires systémiques (+ 100 %) dès le début de l’insufflation péritonéale. - L’élévation des RVS persiste dans les minutes qui suivent l’exsufflation : rôle du système rénineangiotensine, de la vasopressine ? 2) REPERCUSSIONS HEMODYNAMIQUES LIEES A LA POSITION : Trendelenburg : - pas ou peu de répercussions hémodynamiques en cas de Trendelenburg ne dépassant pas 15°. - Plus de risques en cas de patient présentant une baisse de la fraction d’éjection. Proclive : - Baisse du retour veineux entraînant une diminution du retour veineux et du DC. Elle est proportionnelle à l’angle du proclive. - Majore les répercussions hémodynamiques du pneumopéritoine +++ 3) MODIFICATIONS DES CIRCULATIONS REGIONALES : - Augmentation du débit sanguin cérébral et de la PIC (proportionnel à l’augmentation de pression intraabdominale). - Baisse du débit sanguin portal et du débit sanguin hépatique plus marquée en cas de position proclive. - Baisse du débit sanguin mésentérique uniquement en cas de pression d’insufflation > 20 mm de Hg. - Baisse du débit sanguin rénal, de la FG en cas de pneumopéritoine pendant plusieurs heures avec une pression d’insufflation > 15 mm de Hg. - Baisse du débit sanguin des MI lié au pneumopéritoine et majoré par le proclive. Les modifications des débits sanguins régionaux sont à priori sans conséquences chez des patients sans antécédents notables +++. Modifications respiratoires 1) Modifications liées à l’augmentation de pression intraabdominale : - En dehors de la cœlioscopie des changements de position de + 30° ou – 30° n’entraînent que de faibles variations de CRF. - En position de Trendelenburg il existe une baisse marquée de la ventilation alvéolaire chez les patients sous AG en ventilation spontanée. - Il ne semble pas exister de modification de l’espace mort alvéolaire. - Augmentation discrète de l’espace mort alvéolaire en position proclive pouvant majorer le gradient alvéoloartériel en CO2. 2) Modifications liées à l’insufflation de CO2 : - Contribue à l’hypercapnie observée lors des cœlioscopies par réabsorption intrapéritonéale - L’importance de l’hypercapnie est difficile à prévoir mais semble dépendante de la durée du pneumopéritoine. - Le CO2 télé-expiratoire n’est plus forcément un bon reflet de la PaCO2. - L’augmentation de ventilation minute, nécessaire pour maintenir la PaCO2 constante chez les patients ASA I et II, varie de 12 à 55 % selon les études. Installation du patient La diminution du retentissement chirurgical passe d’abord par un positionnement et une installation parfaite du patient. 1) Chirurgie digestive : - Mise en place systématique d’épaulières en cas de passage en Trendelenburg +++. - chirurgie sus-mésocolique : patient en décubitus dorsal voire en léger procubitus pour les cholécystectomies. - Chirurgie pelvienne : opérateur placé à l’opposé de la région à opérer. 2) Chirurgie gynécologique : - Le bras droit est souvent en abduction : ne pas dépasser 70° ++. On peut tourner la tête du côté droit pour minimiser le risque d’étirement du plexus brachial. - Placer des épaulières en regard des massifs osseux des apophyses coracoides. La responsabilité de l’anesthésiste est engagée en cas de complication liée à l’installation +++ En cas de doute vérifier avec le chirurgien ou attendre son arrivée pour installer le patient+++ Monitorage lors d’une cœlioscopie Monitorage comparable à celui de toute AG avec cependant des anomalies spécifiques pouvant être observées lors des coelioscopies. ECG : - Microvoltage : peut être la conséquence d’un emphysème sous cutané ou d’un pneumomédiastin. - Troubles du rythme parfois liés à l’hypercapnie. SpO2 : - variations peu spécifiques lors des cœlioscopies. - En cas de désaturation brutale il faut envisager : Une embolie gazeuse Un pneumothorax Une intubation sélective favorisée par les changements de position Un éventuel effet-shunt lié à une pression intraabdominale trop élevée. Pression intrapéritonéale : - Monitorage indispensable : toute surpression intrapéritonéale doit permette l’arrêt immédiat de l’insufflation. Capnographie : - Permet d’adapter la ventilation en fonction des contraintes ventilatoires. - Diagnostique une hypercapnie liée à la résorption péritonéale ou à la diffusion extrapéritonéale de CO2. - Elément relativement précoce du diagnostic d’une embolie gazeuse. Il est indispensable de pouvoir visualiser la courbe de CO2 télé-expiratoire. Le gradient PaCO2 – PETCO2 est d’environ 10 à 15 mm de Hg lors d’une AG avec ventilation artificielle Il est parfois négatif lors des cœlioscopies en raison de la diffusion extrapéritonéale du CO2. L’augmentation rapide du CO2 peut correspondre à : - des micro-embolies de CO2 (élévation rapide) - une diffusion extrapéritonéale (sous-cutanée, médiastinale) : l’élévation est plus progressive et durable. Une baisse rapide du CO2 peut correspondre à : - une baisse du retour veineux ou du DC - une embolie gazeuse massive Respirateur : - mesure du volume courant et de la ventilation minute - mesure des pressions d’insufflation - mesure des pressions de crête. Monitorage de la curarisation : Q.S. Monitorage de la température : indispensable en cas de coelioscopie durant plusieurs heures. Monitorage facultatif : - pression artérielle par voie sanglante : apprécie la tolérance hémodynamique, utile en cas d’antécédents cardiaques ou de changements de position Anesthésie pour cœlioscopie Principes de base : - mise en place d’une sonde gastrique avant l’introduction de l’aiguille d’insufflation pour éviter la distension gastrique liée à la ventilation au masque. - miction avant la cœlioscopie ou mise en place d’une sonde vésicale enlevée en fin d’intervention. - pression d’insufflation intrapéritonéale < 15 mm de Hg Intubation et ventilation contrôlée : sont à priori indispensables - permet de limiter les modifications respiratoires et cardio-vasculaires induites par la cœlioscopie. - Prévient la survenue d’une hypoxie. - permet d’éviter l’hypercapnie et l’acidose respiratoire - revérifier la bonne position de la sonde d’intubation après passage en Trendelenburg qui peut entraîner une ascension de la carène responsable d’une intubation sélective. - Aucun argument pour la ventilation au masque qui expose à l’hypoventilation responsable de plusieurs décès. - Certains ont proposé l’utilisation du masque laryngé : expose au risque de régurgitation, d’inhalation voire de vomissements. A réserver à quelque cas de cœlioscopies gynécologiques de brève durée avec un Trendelenburg ne dépassant pas 10°. Choix des agents anesthésiques : - pas de consensus concernant le choix des agents. - Privilégier les agents les plus maniables en raison de la nécessité d’obtenir un réveil rapide après l’ablation des trocarts. - Agents de choix : Sévoflurane, Desflurane Propofol en AIVOC Rémifentanil ou Sufentanil pour l’analgésie Curarisation : - Facilite l’intubation et la ventilation contrôlée - Diminue la pression du pneumopéritoine et améliore le champ visuel de l’opérateur - Donner la préférence aux curares de durée d’action intermédiaire : vécuronium, atracurium, rocuronium - Monitorage indispensable pour guider les réinjections et conduire l’antagonisation en fin de cœlioscopie (au moins 2 réponses au train de quatre à l’adducteur du pouce). - Utilisation large des anticholinestérasiques en fin d’intervention : n’augmente pas le risque de NVPO. Faut il utiliser le protoxyde d’azote ? - Pour : Diminue les besoins en agents anesthésiques Pas de différence observée y compris par les chirurgiens en cas d’utilisation ou non de N20 pour des cœlioscopies durant moins de 90 min (Anesthesiology, 76 : 541, 1992). Utilisation dans plusieurs millions de cas, à priori sans problèmes. - Contre : Augmenterait la fréquence des NVPO (discuté ++) Favoriserait la distension abdominale : nécessite plusieurs heures d’anesthésie et d’administration de N20. Exposerait à un risque de combustion après diffusion dans le pneumopéritoine induit par le CO2 Morbidité liée à la chirurgie coelioscopique Douleur cervicale et scapulaire à la 24ème heure : 45 - 80% (intérêt d’une exsufflation soigneuse en fin d’intervention). L’injection intrapéritonéale sous diaphragmatique d’anesthésique local réduit les douleurs scapulaires mais pas les douleurs abdominales. Douleur abdominales : ~ 71% Mal de gorge : 26 - 49% Céphalées : 12 - 25% Nausées : 3 – 25% (lié au type de chirurgie et d’anesthésie ++). Complications des cœlioscopies Embolie gazeuse : - les embolies gazeuses asymptomatiques sont fréquentes et souvent méconnues : 69% lors des cholécystectomies (Anesth Aanalg 82 :119, 1996) - Une embolie a une traduction clinique en cas de débit > 1L/min. - Elle entraîne : Hypotension brutale avec tachycardie Hypoxémie Baisse importante du CO2 télé-expiratoire après une élévation transitoire Cyanose de la tête et du cou, bruit de rouet - Traitement : Arrêt de l’insufflation, exsufflation Ventilation en O2 pur Proclive et décubitus latéral gauche Traitement du collapsus Oxygénothérapie hyperbare Pneumothorax : - le plus souvent unilatéral, il est lié à : soit un passage pleural de CO2 lié à une malformation anatomique soit à un barotraumatismle chez un patient porteur de bulles d’emphysème ou présentant des ATCD de pneumothorax Hypercapnies : - réabsorption de CO2 - hypoventilation - augmentation de l’espace mort (anomalies du rapport ventilation/perfusion) - embolie gazeuse - pneumothorax, pneumomédiastin - emphysème sous cutané - intubation sélective Lésions vasculaires : - 0,03 à 0,06% en chirurgie digestive - 0,64% en chirurgie gynécologique Le premier signe peut être la survenue inexpliquée d’un collapsus. Lésions digestives : - perforation digestives : 0,06 à 0,4% des patients - souvent méconnues lors de la perforation, les premiers signes peuvent survenir en postopératoire : péritonite, abcès, sepsis. - lésion oesophagienne lors de la cure des hernies hiatales : douleur basithoracique droite dans un contexte fébrile lors des premières heures postopératoires. Atteinte de l’uretère ou de la vessie : plus rare