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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
LA NOCE CHEZ LES PETITS BOURGEOIS
Bertolt Brecht
Distribution
Traduction : Jean-François Poirier
Mise en scène : Carlo Boso
Avec
La femme : Béatrix Ferauge
L’ami : Thierry Janssen
Le père de la mariée : André Lenaerts
Le marié : David Pion
L’homme : Guy Pion
Le jeune homme : Grégory Praet
La mère du marié : Hilde Uiterlinden
La sœur de la mariée : Coralie Vanderlinden
La mariée : Sandrine Versele
Assistante à la mise en scène : Anouchka Vingtier
Scénographie : Stefano Perocco di Meduna
Lumières : Laurent Kaye
Musique : Pascal Charpentier
Régie plateau : Josiane Blicq
Maquillage : Zaza da Fonseca
Costumes : Isabelle Chevalier
Vidéo : Eric Castex
Chorégraphie : Fanny Roy
Régie générale : Maximilien Westerlinck
Régie lumières : Jacques Perera
Avec l’aide de l’équipe technique de l’Atelier Théâtre Jean Vilar
Une production du Théâtre de l’Eveil, du Théâtre Le Public, du Festival de Théâtre de Spa et de
l’Atelier Théâtre Jean Vilar.
Avec l’aide de la Fabrique de Théâtre et de la Communauté Wallonie-Bruxelles.
Dates : du 13 au 25 septembre et du 11 au 29 octobre 2005
Lieu : Théâtre Jean Vilar
Durée du spectacle : 1h30, sans entracte
Réservations : 0800/25 325
Contact écoles : Adrienne Gérard : 0473/936.976 – 010/47.07.11
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En 1919, Brecht a écrit plusieurs pièces en un acte, parmi celles-ci La Noce, représentée en
1926 sous le titre La Noce chez les petits bourgeois.
En 1919, Brecht a 21 ans et passe volontiers ses soirées dans les brasseries munichoises
en compagnie de Karl Valentin, fasciné par la logique farfelue et la dialectique complexe de
ce dernier.
Un soir, il écoute - bien involontairement - un homme raconter à ses voisins un repas de
noce auquel il avait été convié la veille.
Brecht trouve la description étrange : des paroles de l’inconnu - un petit bourgeois classique
– émergeait un tableau « idéal » de ce repas nuptial. Il se dit : "Ce Monsieur -volontairement
ou non - a oublié quelque chose dans son récit…mais quoi ? Il a raconté un repas de noce
comme si tous les repas de noce s’étaient toujours ressemblés. Il n’a rien dit des mariés ni
des invités, presque rien de l’endroit où s’est passé le repas de noce ; il pense sans doute
qu’un repas de noce reste un repas de noce, qu’il ait lieu à la ville ou à la campagne, dans la
grande ou la petite bourgeoisie…" Et Brecht ouvre son carnet de notes :
- Et si le repas avait été brûlé, que se serait-il passé ?
- Et si l’installation électrique avait été détraquée ?
- Et si les deux invités s’étaient mis à se disputer au beau milieu de la noce ?
- Et si un des invités avait commencé une chanson et n’avait pas pu la terminer ?
- Et si le marié n’avait pas invité la mariée pour ouvrir la danse ?
- Et si quelques chaises, mal faites, s’étaient cassées ?
- Et si la mariée avait été enceinte ?
- Et si un des invités ne s’était plus souvenu de son compliment ?
- Et si l’ami du marié avait dansé avec la mariée de façons inconvenante ?
- Et si le garçon d’honneur avait lutiné la soeur de la mariée ?
- Et si l’ami du marié avait chanté une chanson obscène ?
- Et si quelqu’un avait parlé de ma dernière pièce ?
Délibérément Bertolt Brecht n’avait imaginé que des événements vraisemblables. C’est
après s’être posé toutes ces questions qu’il comprend ce qui manquait au récit de l’inconnu
et se lance dans la rédaction de La Noce chez les petits bourgeois.
Nous assistons à un repas de noce chez de jeunes mariés. Tout est parfait, le repas, les
histoires du père, les attentions de la mère, les amis, la famille. Le marié a tout fait dans la
maison : le divan, la table, les chaises, l'armoire "même la colle il l'a faite lui-même".
Pourtant, peu à peu tout se déglingue : les meubles s’effondre, les conversations
s’enveniment sous l’influence de l’alcool. C'est que ce monde petit bourgeois n'est
qu'apparence : il est bancal. Derrière la façade, les fondations ne tiennent pas…
I. La Noce chez les petits bourgeois et son contexte historique
La pièce décrit de manière caustique et grinçante une classe sociale précise d’un pays
précis dans une époque précise : L’Allemagne des années ‘20 est caractérisée par le
sentiment de défaite, l’inflation et le chômage généralisé. A l’image du jeune époux de la
pièce, certains pensent pouvoir trouver le bonheur en se réfugiant entre leurs quatre murs,
plaçant tous leurs espoirs dans des solutions individualistes : le bricolage auquel il s’adonne
pour fabriquer son univers familial n’est pas simplement un remède à la pauvreté, il est aussi
une façon de s’affirmer comme un individu à part entière. Cette activité fait de lui « le gars
qui s’en tire tout seul », le self-made-man qui reste un modèle enviable dans une société où
90% des gens crèvent de faim et où personne ne peut rien pour personne.
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Et pourtant, précisément parce qu’au cours de ce repas de noce tout s’écroule- les meubles,
mais aussi les règles morales d’une classe sociale en pleine crise- les jeunes époux
décident d’épauler le cours des événements : mesurant l’étendue du désastre de leur repas
de noce, ils finissent la soirée désespérément, en se saoulant, en injuriant les invités qui sont
partis et en détruisant le lit nuptial. Ils nient l’ordre moral qui était jusqu’ici l’objet de leurs
efforts.
Comme l’Allemagne m’ennuie ! C’est un bon pays moyen, les couleurs
pâles et les plaines y sont belles, mais quels habitants ! Une paysannerie
déchue, mais dont la grossièreté n’engendre pas de monstres fabuleux, au
contraire un abrutissement tranquille, une classe moyenne chargée de
mauvaise graisse et une intelligentsia épuisée ! Bertolt Brecht
In Journaux 1920-1922 (éd. L’Arche)
II. En pleine démission politique
Le choix des solutions individuelles recouvre aussi, chez le petit bourgeois allemand, une
démission politique. « Je m’en sortirai tout seul, la politique est un domaine de spécialistes,
ça n’a rien à voir avec mes affaires, ce n’est pas la politique qui me donnera des
meubles… »
Et cet apolitisme se transforme très vite en agressivité contre tout ce qui est politique ou
simplement critique.
Dans la pièce, les petits bourgeois opposent « l’humain », « la vie » à « la politique ». Et
Hitler a su profiter pleinement de ce choix, en se présentant comme un individu naturel plus
que comme un homme d’Etat. Hitler a joué sans arrêt le rôle d’un personnage de théâtre
avec ses passions et ses coups de génie, pour pouvoir dissimuler ses conduites proprement
politiques.
Il (Hitler) est une individualité, un héros de drame et il veut faire dire au
peuple, plus exactement au public, ce qu’il dit lui-même. Pour être plus
exact encore, lui faire ressentir ce qu’il ressent. Tout dépend donc de cette
condition : il faut qu’il ressente lui-même les choses avec force. Et pour
pouvoir ressentir les choses avec force, le peintre en bâtiment parle en
homme privé à des hommes privés. Il combat des individus, ministres
étrangers ou politiciens. Il en résulte l’impression qu’il s’est lui-même
engagé dans une lutte personnelle avec ces gens, en raison des
caractères propres à ces gens… Il proteste bien haut de son indignation, il
signale qu’il a mille peines à se retenir de sauter carrément à la gorge de
son adversaire, l’appelant par son nom il lui jette ses exigences à la face, il
se moque de lui et ainsi de suite . En tout ceci l’auditeur peut le suivre
intuitivement et sentimentalement, l’auditeur prend part aux triomphes de
l’orateur, il adopte ses attitudes. Le peintre en bâtiment maîtrise un procédé
qui lui permet d’amener son public à le suivre presque aveuglément.
Bertolt Brecht « La théâtralité et le fascisme », in l’Achat du Cuivre.
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III. Bertolt Brecht : une biographie
Bertolt Brecht naît en 1898 à Augsbourg, petite ville de Bavière, dans une famille
bourgeoise. Il y reçoit une bonne éducation – dans le sens le plus conventionnel du terme.
Le jeune garçon, dont le père dirige une petite fabrique de papier, va à l’école primaire, puis
au lycée. Brecht expliquera : « J’étais le fils de gens qui ont du bien. Mes parents m’ont mis
un col autour du cou. Et m’ont donné l’habitude d’être servi. Et m’ont enseigné l’art de
commander. Mais quand plus tard, je regardai autour de moi, je n’ai pas aimé les gens de
ma classe, ni commander, non plus qu’être servi. »
Dès 1916, il quitte le lycée pour l’Université de Munich, où il suit les cours de médecine.
Mais, deux ans plus tard, alors que la Première guerre mondiale touche à sa fin, Bertolt
Brecht est enrôlé comme infirmier militaire et donc, contraint d’interrompre ses études pour
une triste expérience des atrocités de la guerre. C’est d’ailleurs pour les blessés qu’il
compose ses premières chansons de révolte, dans les années ‘20 ; des poèmes qu’il récite
et chante lui-même, en s’accompagnant à la guitare. Notons, entre autres, La légende du
Soldat Mort qui fait scandale dans un cabaret de Munich. Ses premières œuvres témoignent
avec cynisme et férocité du désarroi de la jeunesse dans l’après-guerre.
C’est en 1918 qu’il écrit sa première pièce de théâtre : Baal. L’année suivante marque son
retour à Munich. Il fréquente le milieu théâtral et se lie notamment avec l’auteur - cinéaste -
homme de cabaret Karl Valentin, qui lui inspire peut-être certaines de ses pièces en un acte.
C’est à cette période qu’il aurait d’ailleurs écrit La Noce chez les petits bourgeois, même s’il
ne la sort officiellement de ses tiroirs qu'en 1926, à l'occasion de sa création à Francfort. En
1922, il reçoit le prestigieux prix Kleist pour sa troisième pièce, Tambours dans la nuit, un
drame sur le retour du soldat. Deux ans plus tard, il signe l’adaptation et la mise en scène –
sa première – de La vie d’Edouard II d’Angleterre de Marlowe, au Kammerspiel de Munich.
C’est également à cette période qu’il rencontre l’actrice viennoise Helene Weigel. Il décide
d’aller vivre à Berlin avec elle.
Quittant l’attitude anarchique et cynique de l’immédiate après-guerre, il lit Le Capital et
adhère au marxisme aux alentours de 1926. En 1928, il écrit Homme pour Homme. Mais
c’est L’Opéra de quat’sous, créé à Berlin la même année, qui fait connaître Brecht en
Allemagne et à l’étranger. En adaptant L’Opéra des gueux de John Gay (1728), il garde
l’esprit satirique de ce dernier. Il nous entraîne dans le monde haut en couleurs de ses
mendiants pour y pointer du doigt l’exploitation et la méchanceté que l’on trouve dans la
société bourgeoise.
A cette époque, qui voit la crise économique plonger l’Allemagne dans la misère et le
chômage, Brecht élabore sa théorie du théâtre épique (ou narratif), qu’il expliquera plus tard
dans son Petit Organon pour le théâtre (1948). Selon lui, la forme épique « doit raconter. Elle
n’a pas à croire qu’il soit possible de s’identifier à notre monde, et elle doit interdire cette
illusion. Ce qu’on a gagné, c’est que le spectateur prend au théâtre une attitude nouvelle (…)
Le théâtre n’essaie plus de le soûler, (…) de lui faire oublier le monde, de le réconcilier avec
son destin. Désormais, le théâtre lui présente le monde pour qu’il s’en saisisse ». Il refuse
les valeurs et les procédés magiques du théâtre traditionnel. Engagé dans la lignée marxiste,
Brecht entend désigner les tenants et les aboutissants de l’exploitation féroce des uns par
les autres. Son théâtre se veut dénonciateur, non pas à travers le texte, mais l’extra-texte, le
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