L`Orient_le jour 8 out 2016 Les agrumes au Liban : une filière en

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L’Orient_le jour 8 out 2016
Les agrumes au Liban : une filière en déclin
FOCUS
Comme les autres fruits et légumes, les exportations d'agrumes souffrent de la crise syrienne. Mais le
secteur est aussi miné par des problèmes structurels : infrastructures vieillissantes, coûts élevés de
production et faible compétitivité...
Soraya Riachi
Oranges, citrons, mandarines... Les agrumes sont traditionnellement l'un des produits agricoles qui
s'exportent le plus à l'étranger. Mais le secteur est en déclin : la production totale a baissé de 45 %
entre 2007 et 2013, d'après un rapport de l'Agence des États-Unis pour le développement international
(Usaid), publié en 2013. Comme tous les autres fruits et légumes libanais, qui sont exportés en grande
partie vers le Golfe, les exportations d'agrumes sont en chute libre depuis la fermeture de la frontière
syro-jordanienne en avril 2015. « Avant la guerre en Syrie, les exportations d'agrumes dépassaient les
100 000 tonnes par an », indique Antoine Hoyek, président de l'Association des agriculteurs. En 2015,
les exportations avaient diminué de moitié par rapport à 2012, d'après les douanes, à un peu plus de
54 000 tonnes pour une valeur de 11,7 millions de dollars.
Autre obstacle pour les exportations d'agrumes libanais vers le Golfe selon Antoine Hoyek, l'embargo
décrété en 2014 par la Russie sur les produits alimentaires en provenance de l'Union européenne: «
Les produits européens ont été redirigés vers le Golfe, notre marché traditionnel ». Selon Usaid, la part
de marché du Liban dans les pays du Golfe pour les agrumes n'est que de 9 %, alors que la région est
son client principal.
Faible rentabilité
Mais ces problèmes conjoncturels récents n'expliquent pas tout. Le déclin des agrumes a commencé au
début des années 2000, à cause de la montée de la compétition de pays comme la Turquie, l'Égypte et
la Syrie, explique le syndicaliste. Les agriculteurs se sont alors tournés vers des fruits au rendement
plus intéressant, tels les bananes et les avocats. Selon Ramzy Chamout, qui possède une exploitation
de 70 hectares d'agrumes, de bananes et d'avocats dans le sud du Liban, « l'exploitation d'agrumes
rapporte entre 300 et 1 000 dollars par dounoum (unité de mesure équivalente à 1 000 mètres carrés)
au propriétaire du terrain, alors que les profits par dounoum de bananes atteignent 2 000 dollars, et
ceux des avocats 4 000 dollars ». Il n'est donc pas étonnant que la surface d'exploitation des agrumes
ait chuté de 31 % entre 1998 et 2010, selon les statistiques du ministère de l'Agriculture. En parallèle,
celle des avocats a plus que doublé, et la superficie bananière a augmenté de 11 %.
La faible rentabilité des agrumes est liée à des problèmes structurels qui minent le secteur depuis
longtemps, due « en partie », selon le rapport de Usaid, à des coûts élevés de production. « La petite
taille des parcelles de nombreux agriculteurs, particulièrement dans le Sud, limite les économies
d'échelle. Les agriculteurs ne sont pas organisés en coopératives qui pourraient permettre d'acheter en
gros et d'économiser sur l'achat d'engrais et de pesticides », peut-on lire. Au niveau de l'infrastructure,
les agriculteurs libanais suivent des « pratiques traditionnelles anciennes », poursuit le rapport, « qui ne
sont plus des pratiques considérées comme étant conformes aux normes internationales ». Interrogé
par L'Orient-Le Jour, l'auteur du rapport, Wajdi Khater, confirme que « 70 % du triage se fait toujours à
la main au Liban ».
Manque d'innovation
Par conséquent, le Liban innove peu en ce qui concerne les nouvelles variétés d'agrumes. « Nos
variétés sont anciennes et ont la peau épaisse alors que les consommateurs préfèrent les agrumes
faciles à éplucher (clémentines par exemple) », indique Wajdi Khater. Selon lui, le Liban gagnerait aussi
en compétitivité si les agriculteurs investissaient dans de nouvelles variétés tardives, qui parviennent à
maturité entre mars et juin, afin de se différencier de la production mondiale (novembre à février). «
Mais pour changer de variétés, il faut des investissements, et les agriculteurs préfèrent simplement se
tourner vers d'autres fruits plus rentables. »
Pour remédier à cela, le ministère de l'Agriculture a introduit une quinzaine de nouvelles variétés
d'agrumes en 2014 qu'il a distribuées aux agriculteurs, indique-t-on au ministère : « L'effet sera
mesurable dans quelques années, vu que les plants ont besoin de 4 à 5 ans pour pousser. » Mais les
efforts du gouvernement pour soutenir la filière des agrumes sont insuffisants, selon de nombreux
agriculteurs. Le test d'un échantillon de sol coûte 100 dollars à l'Université américaine de Beyrouth, se
plaint Ramzy Chamout. « En Syrie, le gouvernement a ses propres laboratoires et ces types de tests
sont gratuits ! »
Un nouvel obstacle, et non des moindres, pourrait en outre bientôt contribuer à noircir davantage le
tableau pour les agrumes. Selon Antoine Hoyek, la décision du ministre de l'Agriculture d'interdire les
importations de fruits et légumes en provenance de Syrie en juin dernier pourrait inciter les Syriens à
faire de même d'ici à la rentrée. La Syrie était, en 2015, le deuxième client du Liban en termes
d'exportations d'agrumes (4 393 tonnes pour 2,1 millions de dollars), derrière l'Arabie saoudite (près de
20 000 tonnes pour 3,4 millions de dollars).
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