De nouvelles idées à propos de la formation des enseignants pour

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Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent
pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).
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De nouvelles idées à propos de la formation des enseignants
pour réaliser l’équité en éducation
Un document de provocation préparé pour le
Colloque Canada-États-Unis
Réaliser l’équité par l’innovation
Toronto, les 27 et 28 octobre 2010
Par Dennis Sumara et Brent Davis
Université de Calgary
Des milliers d’articles, littéralement, sont publiés chaque année au sujet de la réalisation de
l’équité en éducation. Quoique les aspects traités varient, à quelques exceptions près, les textes
sont orientés en fonction de la conviction que l’équité, quel qu’en soit le sens, est une bonne
chose.
Pour être francs, nous sommes mal à l’aise avec la façon dont la question est
habituellement posée, mais nous convenons des objectifs et de la volonté qui l’inspirent. Après
tout, qui s’opposerait à des efforts menés pour éliminer les déséquilibres défavorisant une si
grande proportion de la population? En fait, devant tant de cas de disparités, de sortes de
différences, d’écarts et de discontinuités, il ne semble pas tellement productif, à notre sens, de
les cataloguer ou de s’y attaquer un à la fois.
C’est donc ainsi que, plutôt que d’aborder les questions d’équité du point de vue de la
théorie critique, nous adoptons la perspective de la théorie de l’apprentissage. Plus
particulièrement, nous nous efforçons dans nos travaux de tenir compte de certaines des
avancées critiques des champs de la recherche et des théories qui ont transformé le domaine de
l’éducation formelle. Pour mieux situer nos remarques, nous commençons en résumant cinq des
très nombreux éléments qui ont changé la donne, au cours de la dernière décennie, de la
recherche portant sur l’apprentissage. Nous passons ensuite aux innovations apportées à la
formation des enseignants et visant, dans une certaine mesure, à tirer parti de ces progrès, en
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vue d’arriver à un modèle de formation des enseignants qui tient compte des questions d’équité
et d’iniquité par le biais de nouvelles façons de comprendre l’apprentissage.
Cinq éléments changeant la donne
Élément 1 changeant la donne - Les définitions d’apprentissage et d’apprenant évoluent
rapidement.
L’une des évolutions les plus importantes, dans la documentation récente en matière
d’éducation, touche la notion fondamentale qu’est l’apprentissage. Par suite d’un véritable
virage attitudinal, il est maintenant généralement admis que l’apprentissage est mal compris et
très complexe. C’est tout un changement par rapport à la conviction ancrée dans une version
très exigeante de l’acquis découlant de la psychologie béhavioriste qui prévalait il y a 50 ans et
qui persiste encore sous forme de résultats fondés sur des mesures et de régimes de gestion
directifs.
Autre distinction par rapport à la situation du milieu des années 1900, où le
béhaviorisme dominait le discours éducatif, la documentation en éducation comporte
aujourd’hui littéralement des centaines – voire des milliers – de théories de l’apprentissage.
Certains chercheurs estiment que cette prolifération de perspectives fracture le domaine. En
effet, une bonne part de la documentation en éducation de la dernière décennie a servi à tracer
de fines distinctions entre les différents cadres – par exemple, entre le constructivisme radical
et le constructivisme social, entre la théorie acteur-réseau et la théorie de l’activité, la cognition
incarnée et l’enactivisme, et ainsi de suite. Pour notre part, nous choisissons de concentrer
notre attention non pas là où les théories se fracturent, mais aux façons dont elles peuvent se
compléter et s’enrichir. Dans le cadre de ces efforts, notre principale stratégie consiste à
comparer leurs unités d’analyse. Autrement dit, nous posons la question suivante : « Qui /
qu’est-ce qui est postulé en tant qu’apprenant dans chaque théorie? »
Dans la figure 1, nous tentons d’illustrer comment cette tactique nous permet de
réfléchir à travers les théories d’apprentissage (colonne de droite) et les façons d’étudier
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l’apprentissage (colonne de gauche; voir Davis & Sumara, 2006, pour un exposé plus
approfondi). En bref, cette conception nichée, selon laquelle il est considéré que les
phénomènes d’apprentissage s’insèrent les unes dans les autres et ses déploient les unes à
partir des autres, fait ressortir quel niveau d’organisation est le point focal de chaque théorie,
comment ces points focaux informent et enrichissent les discussions portant sur d’autres
niveaux et comment celles et ceux d’entre nous qui prenons part à l’éducation formelle seront
simultanément intéressés par chaque niveau. Après tout, nous faisons plus que chercher à
influer sur des psychés individuels. Nous sommes inextricablement engagés dans les
transformations continues de collectivités, de cultures, d’écosystèmes et d’autres apprenants
qui les croisent et les chevauchent.
Figure 1. Certains des facteurs d’apprentissage intéressant les éducateurs
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Élément 2 changeant la donne :
L’intelligence / l’habileté est plus apprise / méritée que
conférée.
L’intelligence et l’habileté ne sont pas bien comprises. Un tour d’horizon de certaines des
images et des métaphores invoquées lors des discussions à ce sujet le démontre bien. L’habileté
est couramment perçue comme un don mystique (p. ex., « Elle est douée. Il a peu de talent. »),
un élément lumineux (p. ex., « Il est brillant. Elle n’est pas une 100 watts. »), un aspect de
rapidité (p. ex., « Elle saisit vite. Il a l’esprit lent. »), de l’acuité (p. ex., « Il a l’esprit aiguisé. Elle
a les facultés émoussées. ») et une capacité (p. ex., « Elle fait preuve de débrouillardise. Il
manque de potentiel. »). L’envergure et la diversité des images et des métaphores indiquent
bien que le phénomène échappe à une compréhension en profondeur.
En raison de cette compréhension insuffisante, certaines hypothèses infondées ont
prévalu et persisté. Par exemple, en langage courant, l’intelligence et l’habileté concernent des
limites préétablies et des cerveaux immuables – et aucune des images populaires de l’habileté
(mentionnées dans le paragraphe précédent) ne contredit cette hypothèse.
De nombreuses façons, cette croyance a été institutionnalisée dans les écoles modernes
– au moyen de tests d’intelligence, de groupements par aptitudes, de classes douées et ainsi de
suite. Face à ces structures, il peut être difficile d’accepter une troublante affirmation récente :
il n’existe aucun compte rendu validé de génie développé sans des années d’efforts concentrés
au préalable. Autrement dit, l’intelligence et l’habileté ne sont ni prédéterminées, ni conférées;
elles sont apprises. Il a été déterminé que plusieurs éléments sont essentiels à l’émergence du
« génie », notamment commencer tôt dans la vie, pratiquer intensivement (soit des heures
chaque jour), pratiquer longtemps (soit des années), suivre des cours même à son apogée et se
consacrer constamment à une étude laborieuse. (Voir Colvin, 2008, pour une liste détaillée et
une discussion.)
La notion d’étude laborieuse est particulièrement importante. Il s’agit du type de
pratique qui se produit aux limites de la compétence actuelle, là où il existe un risque réel
d’échec. Cependant, l’absence de succès n’est pas perçue, ici, comme étant dévalorisante ou
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comme un échec, mais plutôt comme étant source d’information et de transformation.
L’implication évidente – que les apprenants devraient être incités à s’efforcer jusqu’aux limites
de leurs habiletés – s’oppose presque diamétralement à la notion populaire selon laquelle
l’enseignement vise surtout à faciliter (littéralement, rendre facile). Au contraire, pour soutenir
le développement d’une grande habileté – ce que tous les humains, semble-t-il, peuvent
réaliser – l’enseignement doit mettre au défi, pousser, provoquer, étirer, exiger, rendre difficile.
Élément 3 changeant la donne :
Apprendre / savoir est un processus plus analogique que
logique.
L’une des hypothèses de longue date de l’éducation formelle – existant au moins depuis les
révolutions scientifiques et industrielles – veut que les êtres humains soient logiques et
rationnels. Ce principe profondément enraciné dans la philosophie occidentale est ancré par le
remarquable succès de l’entreprise logique des mathématiques.
L’image implicite (et problématique) ici est celle d’un édifice. Tout débute par
l’établissement de solides bases / fondations, que suit un processus systématique qui se
complexifie par une série d’étapes logiques incrémentales. Ce modèle de vérité, cette image
mise de l’avant par les philosophes rationalistes d’il y a 400 ans, a été adopté par les
éducateurs pour concevoir et instaurer un curriculum formel. C’est là l’origine de la linéarité des
programmes d’études, avec comme point de départ des ensembles universels d’éléments « de
base ». Le profond enracinement de cette notion dans la mentalité collective se manifeste
notamment par l’emploi omniprésent de notions mécanistes comme la métaphore du CERVEAU EN
TANT QUORDINATEUR – autrement dit, on l’associe couramment à une forme dynamique, en
évolution, qui assimile, emmagasine, traite et restitue l’information. En fait, l’analogie ne saurait
être plus trompeuse.
Ce n’est pas que les humains ne sont pas des êtres logiques. Oui, nous sommes capables
de logique, mais il s’agit d’une capacité acquise qui découle de notre habileté à établir des liens
entre des phénomènes et expériences très disparates. Prenons en exemple les nombreuses
associations d’idées décrivant l’intelligence, dont certaines sont mentionnées dans le premier
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