La lettre le Foyer de Costil - BLFC avocats - Juin 2016 - Le régime matrimonial du chef d’entreprise 2 / 4
Le conjoint peut revendiquer, jusqu’au prononcé du divorce, la qualité d’associé
En principe, même si les parts sociales sont communes, le chef d’entreprise a seul la qualité d’associé, et donc
seul le droit de participer à la vie de la société. Cependant, dans le régime de communauté, son conjoint peut
revendiquer la qualité d’associé, par une notication faite auprès de la société.
Une fois cette revendication effectuée, le conjoint devient associé à part entière de la société pour la moitié des
parts sociales détenues par le chef d’entreprise. Le conjoint disposera donc d’un droit à l’information concernant
la société, d’un droit de participer aux assemblées et sera seul titulaire du droit de vote pour les parts sociales
concernées.
La revendication de la qualité d’associé est possible jusqu’à ce que le divorce soit passé en force de chose jugée,
et peut donc être utilisé comme moyen de pression contre l’époux chef d’entreprise en cas de séparation. Cela
peut mener à une situation de blocage, voire même à une implosion de la société pour désaccord entre associés.
Il est donc utile de prendre des précautions et d’obtenir du conjoint, lors de l’acquisition de la société, qu’il renonce
par avance à sa possibilité de revendiquer la qualité d’associé.
• Dans les sociétés aux parts négociables (SA, SAS, société en commandite par actions)
Le chef d’entreprise, même marié sous le régime de communauté, n’a pas à informer son conjoint lorsqu’il acquiert
des parts sociales négociables.
Par ailleurs, la loi n’accorde pas au conjoint la possibilité de revendiquer la qualité d’associé, qui est réservée à
l’époux qui a acquis les parts, même si celles-ci sont communes.
Les pouvoirs du conjoint du chef d’entreprise lors de la vente de la société
• Dans les sociétés aux parts non négociables : le conjoint doit donner son accord
Lorsque le chef d’entreprise marié sous le régime de communauté souhaite vendre sa société et que les parts
sociales sont communes, la vente est impossible sans l’accord du conjoint. Cet accord à la vente est nécessaire,
même si le conjoint n’a jamais revendiqué la qualité d’associé. Si la vente est conclue sans l’accord du conjoint,
elle peut être annulée.
• Dans les sociétés aux parts négociables : en principe, pas besoin de l’accord du conjoint
Dans ce type de société, les parts sociales peuvent être cédées sans l’accord du conjoint, même si elles sont
communes.
Il convient cependant de relever deux exceptions. Tout d’abord, le chef d’entreprise ne peut pas faire donation de
ses parts sociales à un tiers sans l’accord de son conjoint. Par ailleurs, lorsque l’époux est propriétaire du loge-
ment familial à travers une société civile immobilière (SCI), il ne peut pas vendre cette société (et donc vendre le
domicile conjugal), sans l’accord de son époux.
Les droits du conjoint sur la valeur de la société en cas de divorce
En cas de divorce, quelle que soit la forme de la société, le conjoint du chef d’entreprise marié sous le
régime de la communauté a droit à la moitié de la valeur des parts sociales communes, somme qui sera
réglée dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial.
Dans certains cas, le conjoint peut même obtenir qu’une partie des parts sociales lui soient attribuées lors
du divorce.
En principe, le chef d’entreprise est prioritaire pour récupérer lors du partage les parts de la société qu’il exploite.
Mais dans les sociétés dont les parts sont négociables, si le chef d’entreprise n’a pas les moyens de racheter la
part de son conjoint, celui-ci peut obtenir l’attribution de parts en nature. Les deux ex-époux sont alors associés,
après le divorce, ce qui peut mener à des situations de blocage et à la dissolution de la société.
L’attribution de parts au conjoint est en revanche exclue dans les sociétés dont les parts sont non négociables,
que l’époux chef d’entreprise est assuré de se voir attribuer lors du partage.
Ainsi, il apparaît que le chef d’entreprise marié sous le régime de communauté expose sa société à des risques
importants, qu’il est indispensable d’anticiper, en amont par la conclusion d’un contrat de mariage, ou pendant le
cours du mariage, par le choix de la forme sociale appropriée.
Rachel Hardy / Blandine le Foyer de Costil