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Blandine le Foyer de Costil
avocats
Une équipe consacrée au droit de la famille
la lettre
édito / JUIN 2016
Le régime matrimonial du chef d'entreprise :
être informé pour bien anticiper
Nous avons voulu attirer votre attention sur certaines des questions importantes que pose le choix
du régime matrimonial du chef d’entreprise.
Il est essentiel d’anticiper les conséquences que ce régime matrimonial peut entraîner sur la société.
Le contrat de mariage est un moyen de prévention des difficultés, grâce auquel il est possible de
concilier à la fois les intérêts du chef d’entreprise et ceux de son conjoint.
RÉGIME DE COMMUNAUTÉ :
De quels pouvoirs et de quels droits dispose le conjoint du chef d’entreprise
sur la société de son époux ?
Lorsque le chef d’entreprise est marié sans contrat, sous le régime de communauté, les règles des régimes
matrimoniaux impactent celles du droit des sociétés. Les conséquences sur l’entreprise sont lourdes si ces difficultés ne sont pas anticipées, notamment dans le cas d’une procédure de divorce.
Le problème ne se pose pas lorsque les parts sociales sont qualifiées de biens propres (c’est-à-dire acquises
avant le mariage ou reçues pendant le mariage par donation ou par succession).
En revanche, lorsque les parts sociales ont été acquises pendant le mariage, et qu’elles sont donc qualifiées de
biens communs, elles appartiennent virtuellement pour moitié au conjoint du chef d’entreprise, sans que celui-ci
en ait nécessairement conscience.
Dans ce cas, les droits et pouvoirs du conjoint sur la société varient selon le type de société dont il est question.
Ils sont généralement plus prégnants dans les sociétés dites « à parts sociales non négociables » (société à
responsabilité limitée, société en nom collectif, société en commandite simple, société civile), et moins prégnants
dans les sociétés dites « à parts sociales négociables » (société anonyme, société par actions simplifiée, société en commandite par actions).
Les pouvoirs du conjoint du chef d’entreprise lors de l’achat de la société
• Dans les sociétés aux parts non négociables (SARL, SNC, société en commandite simple, sociétés civiles)
Le chef d’entreprise doit obligatoirement informer son conjoint de l’acquisition
Pour acheter des parts sociales pendant le mariage, donc avec des fonds communs, un époux marié sous le
régime de communauté doit obligatoirement en avertir son conjoint. L’acte d’acquisition doit même contenir la
mention que cette information a bien été délivrée. Si cette obligation d’information n’est pas respectée, le conjoint
peut faire annuler l’acquisition des parts dans un délai de deux ans.
La lettre le Foyer de Costil - BLFC avocats - Juin 2016 - Le régime matrimonial du chef d’entreprise 1/4
Le conjoint peut revendiquer, jusqu’au prononcé du divorce, la qualité d’associé
En principe, même si les parts sociales sont communes, le chef d’entreprise a seul la qualité d’associé, et donc
seul le droit de participer à la vie de la société. Cependant, dans le régime de communauté, son conjoint peut
revendiquer la qualité d’associé, par une notification faite auprès de la société.
Une fois cette revendication effectuée, le conjoint devient associé à part entière de la société pour la moitié des
parts sociales détenues par le chef d’entreprise. Le conjoint disposera donc d’un droit à l’information concernant
la société, d’un droit de participer aux assemblées et sera seul titulaire du droit de vote pour les parts sociales
concernées.
La revendication de la qualité d’associé est possible jusqu’à ce que le divorce soit passé en force de chose jugée,
et peut donc être utilisé comme moyen de pression contre l’époux chef d’entreprise en cas de séparation. Cela
peut mener à une situation de blocage, voire même à une implosion de la société pour désaccord entre associés.
Il est donc utile de prendre des précautions et d’obtenir du conjoint, lors de l’acquisition de la société, qu’il renonce
par avance à sa possibilité de revendiquer la qualité d’associé.
• Dans les sociétés aux parts négociables (SA, SAS, société en commandite par actions)
Le chef d’entreprise, même marié sous le régime de communauté, n’a pas à informer son conjoint lorsqu’il acquiert
des parts sociales négociables.
Par ailleurs, la loi n’accorde pas au conjoint la possibilité de revendiquer la qualité d’associé, qui est réservée à
l’époux qui a acquis les parts, même si celles-ci sont communes.
Les pouvoirs du conjoint du chef d’entreprise lors de la vente de la société
• Dans les sociétés aux parts non négociables : le conjoint doit donner son accord
Lorsque le chef d’entreprise marié sous le régime de communauté souhaite vendre sa société et que les parts
sociales sont communes, la vente est impossible sans l’accord du conjoint. Cet accord à la vente est nécessaire,
même si le conjoint n’a jamais revendiqué la qualité d’associé. Si la vente est conclue sans l’accord du conjoint,
elle peut être annulée.
• Dans les sociétés aux parts négociables : en principe, pas besoin de l’accord du conjoint
Dans ce type de société, les parts sociales peuvent être cédées sans l’accord du conjoint, même si elles sont
communes.
Il convient cependant de relever deux exceptions. Tout d’abord, le chef d’entreprise ne peut pas faire donation de
ses parts sociales à un tiers sans l’accord de son conjoint. Par ailleurs, lorsque l’époux est propriétaire du logement familial à travers une société civile immobilière (SCI), il ne peut pas vendre cette société (et donc vendre le
domicile conjugal), sans l’accord de son époux.
Les droits du conjoint sur la valeur de la société en cas de divorce
En cas de divorce, quelle que soit la forme de la société, le conjoint du chef d’entreprise marié sous le
régime de la communauté a droit à la moitié de la valeur des parts sociales communes, somme qui sera
réglée dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial.
Dans certains cas, le conjoint peut même obtenir qu’une partie des parts sociales lui soient attribuées lors
du divorce.
En principe, le chef d’entreprise est prioritaire pour récupérer lors du partage les parts de la société qu’il exploite.
Mais dans les sociétés dont les parts sont négociables, si le chef d’entreprise n’a pas les moyens de racheter la
part de son conjoint, celui-ci peut obtenir l’attribution de parts en nature. Les deux ex-époux sont alors associés,
après le divorce, ce qui peut mener à des situations de blocage et à la dissolution de la société.
L’attribution de parts au conjoint est en revanche exclue dans les sociétés dont les parts sont non négociables,
que l’époux chef d’entreprise est assuré de se voir attribuer lors du partage.
Ainsi, il apparaît que le chef d’entreprise marié sous le régime de communauté expose sa société à des risques
importants, qu’il est indispensable d’anticiper, en amont par la conclusion d’un contrat de mariage, ou pendant le
cours du mariage, par le choix de la forme sociale appropriée.
Rachel Hardy
La lettre le Foyer de Costil - BLFC avocats - Juin 2016 - Le régime matrimonial du chef d’entreprise / Blandine le Foyer de Costil
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SYNTHÈSE AUCUN CONTRAT DE MARIAGE (REGIME DE COMMUNAUTE REDUITE AUX ACQUETS) PARTS SOCIALES NON NEGOCIABLES PARTS SOCIALES NEGOCIABLES Les parts sociales peuvent être communes ou propres SA SAS Société en commandite par actions SARL SNC Société en commandite simple SCP SCI Pouvoirs du conjoint sur les parts sociales communes :  Achat : aucun  Pas de revendication de la qualité d’associé possible  Vente : pas d’accord nécessaire du conjoint  Donation : il faut l’accord du conjoint Droits du conjoint sur les parts sociales communes :  Lors du divorce, il a droit à la moitié de la valeur des parts  Il peut obtenir l’attribution des parts si son conjoint ne peut pas le désintéresser Pouvoirs du conjoint sur les parts sociales communes :  Achat : information obligatoire du conjoint  Revendication de la qualité d’associé possible jusqu’au divorce  Vente : il faut l’accord du conjoint Droits du conjoint sur les parts sociales communes :  Lors du divorce, il a droit à la moitié de la valeur des parts  Il ne peut pas obtenir l’attribution des parts sociales REGIME DE PARTICIPATION REGIME DE SEPARATION Parts sociales propres uniquement Parts sociales propres uniquement AUX ACQUETS DE BIENS Pouvoirs du conjoint : Pouvoirs du conjoint :  Aucun  Aucun  L’achat et la vente des parts  L’achat et la vente des parts sont libres sont libres Droits du conjoint sur la valeur des Droits du conjoint sur la valeur des parts : parts :  Aucun  Il a droit à une créance de  Il ne peut pas obtenir participation, soit la moitié de l’attribution des parts l’enrichissement de son époux pendant le mariage  Il ne peut pas obtenir l’attribution des parts Exception pour la SCI propriétaire du logement familial : Quel que soit le régime matrimonial et la nature des parts (communes ou propres), il est impossible de la vendre sans l’accord du conjoint Ce tableau présente les droits et pouvoirs du conjoint du chef d’entreprise selon le régime matrimonial et la forme de société
choisie.
ADOPTER UN CONTRAT DE MARIAGE :
Quelles sont les solutions pour assurer à la fois la protection
du chef d’entreprise et celle de son conjoint ?
A défaut de contrat de mariage, les époux sont soumis au régime légal de la communauté réduite aux acquêts.
L’application de ce régime présente un inconvénient majeur pour les époux, soit lorsque la forme de société choisie conduit l’associé à être nécessairement tenu des dettes professionnelles de l’entreprise sur son patrimoine
personnel, soit lorsque l’associé est amené à se porter caution de la société. Dans ces hypothèses, les biens
communs du couple sont en effet exposés à la poursuite des créanciers de l’entreprise.
Afin d’éviter cette difficulté, les époux font souvent le choix d’établir un contrat de mariage instituant entre eux le
régime de la séparation de biens ou celui de la participation aux acquêts. Toutefois, une application stricte de ces
régimes ne constitue pas nécessairement le reflet exact de la volonté des époux. Ces derniers peuvent souhaiter
anticiper les conséquences d’un éventuel divorce en réalisant un compromis plus équilibré entre les intérêts du
chef d’entreprise et ceux de son conjoint.
Ce compromis peut être accompli par l’insertion, dans le contrat de mariage, de clauses spécifiques qui permettront d’introduire un esprit communautaire dans un régime séparatiste ou inversement, un esprit séparatiste
dans un régime communautaire.
L’introduction d’un esprit communautaire dans un régime séparatiste
Dans le cadre du régime de la séparation de biens, les parts sociales appartiennent en propre à l’époux qui les
a acquises, que ce soit avant ou après le mariage.
La lettre le Foyer de Costil - BLFC avocats - Juin 2016 - Le régime matrimonial du chef d’entreprise 3/4
Ce régime matrimonial est très protecteur du chef d’entreprise.
Son conjoint ne détient en effet aucun pouvoir sur la société :
• Quelle que soit la forme de la société, l’achat et la vente des parts sociales ne nécessitent ni de l’en informer ni
d’obtenir son accord.
• Il ne peut pas revendiquer la qualité d’associé, et ainsi obtenir le droit de participer à la vie de la société.
Le conjoint du chef d’entreprise ne détient par ailleurs aucun droit sur la société. En cas de divorce, le chef
d’entreprise conserve ainsi la propriété de l’ensemble de ses parts sociales, qui ne peuvent donner lieu à aucune
indemnisation financière au profit de son conjoint.
Le régime de la séparation de bien implique néanmoins également que les revenus perçus par le chef d’entreprise
au cours du mariage ne profitent pas à son conjoint. Afin de permettre à celui-ci de bénéficier éventuellement
de cet enrichissement, il est possible de prévoir, par une clause particulière du contrat de mariage, l’organisation d’une société d’acquêts.
Il appartiendra alors aux époux de déterminer précisément les biens composant la société d’acquêts. Le chef
d’entreprise et son conjoint disposent d’une grande liberté dans ce domaine. La société d’acquêts peut ainsi tout
autant être limitée à un bien ou à une catégorie de biens, qu’être étendue à tous les biens non professionnels.
L’introduction d’un esprit séparatiste dans un régime communautaire
Dans le cadre du régime de la participation aux acquêts, comme dans celui de la séparation de biens, les parts
sociales appartiennent en propre à l’époux qui les a acquises, que ce soit avant ou après le mariage.
Son conjoint ne détient aucun pouvoir sur la société et ne peut obtenir, en cas de divorce, l’attribution des
parts sociales, dont le chef d’entreprise conserve la propriété.
En revanche, et contrairement au régime de la séparation de biens, le régime de la participation aux acquêts
implique que l’époux qui s’est le moins enrichi durant le mariage soit titulaire envers l’autre d’une créance de
participation égale à la moitié de l’enrichissement supplémentaire réalisé par son conjoint au cours de la
vie commune.
Le conjoint du chef d’entreprise détient ainsi des droits sur la valeur de la société, à travers cette créance de participation :
• Si la société a été acquise pendant le mariage, le conjoint du chef d’entreprise aura droit à une créance de participation représentant la moitié de la valeur de cette société.
• Si la société a été acquise avant le mariage, le conjoint du chef d’entreprise aura droit à une créance de participation représentant la moitié de la valeur prise par cette société pendant le mariage.
Si le régime de la participation aux acquêts permet de protéger le chef d’entreprise de toute immixtion de son
conjoint dans la gestion de la société, il pose la même difficulté économique que le régime légal de la communauté
réduite aux acquêts, puisque le chef d’entreprise va devoir désintéresser son conjoint en lui versant la moitié de
la valeur de sa société.
Afin d’éviter cette difficulté, il est possible de prévoir une clause d’exclusion des biens professionnels de
la créance de participation. Cette clause a pour objet de soustraire le patrimoine professionnel du chef d’entreprise dans l’appréciation du calcul de la créance de participation. Elle permet ainsi de préserver les intérêts
du chef d’entreprise, dans un régime où ceux de son conjoint sont également protégés puisqu’il bénéficie de son
enrichissement.
Jacqueline Beroard
/ Blandine le Foyer de Costil
Blandine le Foyer de Costil / BLFC avocats
151, Boulevard du Montparnasse - 75006 Paris
Tél : 01 80 05 15 00 - Fax : 01 80 05 15 01
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