sommaire - Faculté de Médecine et de Pharmacie Fès

publicité
SOMMAIRE
INTRODUCTION
……………………………………………………………………………………………………………………………………
1
PATIENTS ET METHODES…………………………………………………………………………………………………………… 4
RESULTATS………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 6
I.
Profil des intoxiqués…………………………………………………………………………………………...…… 7
II.
Le toxique………………………………………………………………………………………………...…………………… 11
III.
Circonstances de l’intoxication ………………………………………………………………… 15
IV.
Etude clinique……………………………………………………………………………………………………………… 18
V.
Prise en charge…………………………………………………………………………………………………………… 20
VI.
Evolution……………………………………………………………………………………………………………………
…
23
……
VII. Observations notoires………………………………………………………………………………………… 24
DISCUSSION………………………………………………………………………………………………………………………………………
39
……………
I.
Définitions……………………………………………………………………………………………………… 40
II.
Epidémiologie……………………………………………………………………………………………... 42
III.
Physiopathologie……………………………………………………………………………………………………… 49
IV.
Diagnostic positif…………………………………………………………………………………………………… 57
V.
Prise en charge………………………………………………………………………………………………………
VI.
Evolution/Pronostic……………………………………………………………………………………………… 84
…
…
VII. Spécificités selon les classes de toxiques
1– Médicaments
………
…………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
2- Monoxyde de carbone
3- Produits ménagers
6- Plantes
7- Autres
115
…………………………………………………………………………………………………
118
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
126
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
CONCLUSION………………………………………………………………………………………………………………
………
RESUMES
………… ……… ……
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
BIBLIOGRAPHIE
85
110
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …
5- Pesticides
85
101
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
4- Hydrocarbures et solvants organiques
67
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
ABREVIATIONS……………………………………………………………………………………………………………
………………………………………
i
132
133
137
143
156
INTRODUCTION
1
Tandis que le Monde connaît une baisse continue de la mortalité globale, la
mortalité par accidents occupe une proportion de plus en plus considérable,
surtout chez les enfants et adolescents des pays développés. Dans les pays du
Tiers-Monde, le nombre d’enfants malades ou décédés par accidents dépasse
considérablement celui des pays riches. Parmi ces accidents, les intoxications
aiguës figurent parmi les plus fréquents et les plus dangereux. Dans le Monde, les
intoxications aiguës représentent plus de 10 % de l’ensemble des traumatismes
accidentels chez l’enfant, avec une incidence qui dépasse 280/100 000.
Au Maroc, les intoxications de l’enfant gagnent une ampleur considérable,
plus de 1/3 des intoxiqués étant âgés de moins de 15 ans. Dans notre pays,
plusieurs facteurs expliquent la fréquence et la diversité des intoxications dont
peuvent être victimes enfants et adolescents. Le biotope est riche en plantes dont
nombreuses sont connues et exploitées traditionnellement pour leurs vertus
médicinales ou cosmétiques. Leurs extraits, parfois traités chimiquement, sont
mis en vente dans les commerces et ciblent aussi bien la population citadine que
rurale. Le secteur agricole demeure un pilier de l’économie nationale et les
agriculteurs tendent à améliorer le rendement des terres en recourant aux
pesticides et autres produits chimiques. A l’image d’autres pays émergents, notre
pays a assisté à une industrialisation qui a été plus rapide et plus soutenue que
les progrès réalisés en matière de réglementation et d’éducation. Des centaines
de produits chimiques destinés à un usage professionnel sont entreposés dans les
maisons ou détournés pour un usage domestique. L’accès aux médicaments est
relativement aisé et leur usage en dehors de tout cadre de prescription est
courant et banalisé. Ainsi, dans la vie courante, le risque d’exposition à des
substances
dont
le
danger
est
insoupçonné
est
devenu
majeur,
chose
particulièrement vraie pour les enfants en bas âge dépourvus de capacités de
2
discernement. Ils sont d’ailleurs les premières victimes des intoxications aiguës
accidentelles et sans doute les plus vulnérables d’entre elles. Il s’agit bien là d’un
problème de santé publique. Pourtant, peu de travaux ont été consacrés aux
intoxications aiguës chez l’enfant au Maroc.
Par cette étude prospective d’une année menée aux Services de Pédiatrie et
des Urgences Générales de l’Hôpital Al Ghassani du CHU Hassan II de Fès, nous
souhaitons :
 dégager les particularités épidémiologiques, cliniques et évolutives des
enfants victimes d’une intoxication aiguë dans la région de Fès ;
 rappeler les principes généraux de prévention et de prise en charge ;
 familiariser le lecteur avec les intoxications de l’enfant les plus
fréquentes et les plus graves.
3
PATIENTS ET METHODES
4
I. Recrutement des données
1- Type et durée de l’étude
Il s’agit d’une étude prospective sur une année, de janvier à décembre
2008.
2- Lieux de l’étude
L’étude a lieu au Service de Pédiatrie et au Service des Urgences Générales
de l’Hôpital Al Ghassani du CHU Hassan II. Ces deux services ont été choisis car
tous deux peuvent accueillir et hospitaliser les enfants victimes d’intoxications
aiguës.
3- Critères d’inclusion
Nous avons inclus dans cette étude tous les cas d’intoxication aiguë
survenus chez les nouveau-nés, nourrissons, enfants et adolescents âgés de
moins de 15 ans, étudiés selon les catégories d’âge adoptées par l’OMS.
Le cas est retenu qu’il ait directement consulté ou qu’il soit référé, qu’il soit
suspect ou certain, que le toxique soit connu ou non.
4- Critères d’exclusion
Dans cette étude, nous avons exclu les enfants victimes d’une piqûre ou
morsure d’insecte ou d’animal vénéneux comme les piqûres et envenimations
scorpioniques.
II. Fiche d’exploitation
Les données ont été collectées et reportées sur une fiche d’exploitation.
5
RESULTATS
6
I. Profil des intoxiqués
1- Age et sexe
Quarante-et-un
enfants
ont
été
admis
dans
nos
structures
pour
intoxication aiguë au cours de l’année 2008. Il existe une légère prédominance
masculine : 23 garçons pour 18 filles, d’où un sex-ratio de 1,2 (fig. 1).
Fig. 1 : Proportions de chacun des deux sexes parmi nos patients
L’âge des patients à l’admission variait de 15 mois à 13 ans (fig. 2), avec
une moyenne globale de 4,1 ans. La moyenne d’âge des filles (4,4 ans) était
légèrement plus élevée que celle des garçons (3,2 ans).
Les patients ont été classés selon les groupes d’âge déterminés par l’OMS.
Près des 2/3 des patients (65,8 %) appartenaient à la catégorie d’âge de 1 – 4 ans,
dite des « bébés marcheurs », avec un pic à 2 ans (fig. 2 et 3). Nous n’avons
constaté aucun cas d’empoisonnement chez les nouveau-nés ni chez les
nourrissons de < 1 an. Par ailleurs, on a constaté qu’à mesure que l’âge avance, le
nombre de cas est en décroissance constante.
7
9
8
7
6
5
total
4
garcons
filles
3
2
1
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
Fig. 2 : Distribution des enfants intoxiqués selon l’âge et le sexe
30
25
20
Total
15
Garçons
Filles
10
5
0
0 - 4 semaines
1 - 12 mois
1 - 4 ans
5 - 14 ans
Fig. 3 : Répartition des cas selon les tranches d’âge définies par l’OMS et selon le sexe.
8
2- Situation familiale
Trente-cinq enfants (85,5 %) vivent dans des familles stables. Trois enfants
sont d’une famille monoparentale (de père décédé) et 2 autres sont élevés par
leur mère essentiellement, le père étant absent pour des raisons professionnelles.
Dans 2 cas, l’un des parents était sous psychotropes, par lesquels s’est intoxiqué
l’enfant.
83 % des enfants sont de parents à revenus modestes à modérés. Seuls 5 %
sont enfants uniques.
3- Situation scolaire
Sur les 10 enfants en âge de scolarisation (≥ 6 ans), 9 sont scolarisés.
4- Milieu
Trente-et-un enfants (75,6 %) habitent dans un environnement urbain dont
29 (70,5 %) à Fès. Dix enfants viennent d’un environnement rural (fig. 4).
Fig. 4 : Répartition des patients selon l’origine géographique
9
10
5- Antécédents personnels
Aucun
enfant
n’était
connu
dépressif
ni
porteur
d’une
affection
psychiatrique. Aucun des patients de notre série n’avait des habitudes toxiques ni
un comportement d’addiction ou de toxicomanie.
Tous les malades étaient à leur premier épisode d’intoxication aiguë, quel que
soit le contexte : accidentel ou intentionnel.
11
II. Le toxique
1- Identification du toxique
Le toxique en question était évident dans la quasi-totalité des cas (fig.5) :
 toxique identifié sur les lieux par la famille (36 cas) ;
 aveux
de
l’enfant (4
cas) :
il
s’agit
de
2
fillettes
intoxiquées
volontairement dans un but d’autolyse et de 2 garçons ayant reconnu
avoir ingéré le toxique dont ils n’ont pas mesuré le danger.
 dans 1 seul cas, celui d’un enfant admis en troubles de conscience après
ingestion d’un organophosphoré, l’orientation vers le toxique a été
possible
grâce
au
tableau
clinique
et
surtout
à
la
recherche
toxicologique, l’interrogatoire n’ayant pas été concluant. A la découverte
du toxique, les circonstances de l’intoxication sont devenues plus
évidentes pour les proches qui l’ont confirmée a posteriori.
Fig. 5 : Proportions de chacun des différents moyens d’identification du toxique en cause
12
2- Quantité
La quantité ingérée a pu être déterminée de façon exacte dans 8 cas (19,5
%), exclusivement des prises de comprimés médicamenteux. Elle pouvait être
grossièrement estimée dans le cas des produits liquides ou poudreux, qu’il
s’agisse de médicaments en sirops, produits ménagers ou pesticides (56 %). Elle
n’a pu être quantifiée dans le cas des intoxications aux plantes ou au CO (24,5 %).
3- Nombre de toxiques
Tous nos patients ont été empoisonnés par un seul produit, sauf dans le cas
d’un jeune enfant de 3 ans ½ qui a pris 2 médicaments placés dans un sac
plastique transparent de pharmacie : Broclar® et Clartec® sirops.
4- Structure physique du toxique
La forme solide était la plus fréquente (41,5 %), suivie de la forme liquide
(36,5 %) puis gazeuse/aérosol (22 %), comme schématisé sur la figure 6. Les
toxiques solides étaient dominés par les comprimés pharmaceutiques, tandis que
dans les 3 cas d’intoxication par une poudre, il s’agissait exclusivement d’un
raticide.
Fig. 6 : Répartition des toxiques selon la forme physique
13
5- Nature du toxique
Diverses catégories de toxiques ont été retrouvées (fig. 7 et 8). Les
médicaments, les produits ménagers et le CO ont été à l’origine des ¾ des
intoxications aiguës (75,5 %).
Fig. 7 : Proportions des différentes catégories de toxiques
Fig. 8 : Répartition des toxiques par classes et sous-classes
14
6- Conditionnement du toxique
Certains produits, tels les médicaments et les pesticides, étaient tous pris
depuis leur emballage d’origine. D’autres, principalement les dérivés pétroliers
(diluants) et à 5 reprises dans les ingestions de produits ménagers (eau de javel),
ont été transvasés dans d’autres récipients, parfois alimentaires (bouteilles de
soda).
7- Accessibilité au toxique
La survenue d’une intoxication aiguë, qu’elle soit accidentelle ou encore
intentionnelle, signifie que le toxique était obligatoirement à la portée des
enfants.
-
Dans le cas des intoxications aiguës survenues à domicile, les substances les
plus exposées sont :
 les médicaments : disposés sur une étagère ou dans un meuble assez
facile d’accès, à maintes reprises dans le sac-à-main de la maman (6
cas).
 les produits à usage ménager : l’eau de javel a été souvent entreposée
dans un espace de rangement à même le sol (5 cas).
Médicaments et produits d’entretien du domicile sont en effet des produits à
usage courant, sinon quotidien.
-
D’autres produits d’usage moins courant étaient entreposés dans un endroit a
priori peu fréquenté par les enfants, comme la buanderie ou la terrasse, mais
auquel ils ont tout de même accès : ce sont les diluants et les pesticides.
-
Dans le cas des plantes (chardon à glu), celles-ci ont été consommées dans le
voisinage du domicile, sur leur lieu de pousse naturel.
15
III. Circonstances de l’intoxication
1- Voie d’intoxication
La voie d’intoxication principale de nos patients reste la voie orale : 33 cas.
Les 8 patients restants étaient intoxiqués par inhalation de gaz (CO) (fig. 9).
Le toxique peut être sous forme d’aérosol mais être tout de même ingéré per os,
comme ça été le cas d’un des enfants empoisonné par un organophosphoré
pulvérisé maladroitement sur une boisson fraiche qu’il a ingérée.
Fig. 9 : Proportions des différentes voies d’intoxications
2- Caractère accidentel/intentionnel
Hormis le cas de 2 fillettes (5 %) âgées de 10 et 13 ans ayant ingéré un
toxique dans un but d’autolyse, le reste des malades (95 %) a été accidentellement
exposé au toxique (fig. 10).
Fig. 10 : Proportions des intoxications accidentelles et intentionnelles
16
3- Caractère individuel/collectif
Dans notre série, à 6 reprises l’intoxication était collective (fig. 11) :
 2 membres de la même fratrie ingérant accidentellement le même
toxique :
 2 frères ayant ingéré un raticide (alphacholralose) ;
 2 sœurs ayant ingéré une plante (chardon à glu = « ad-dad ») ;
 2 frères ayant ingéré un médicament (montélukast).
 2 ou plusieurs membres de la même famille victime d’une inhalation de
CO, symptomatique chez une partie des concernés :
 2 frères avec leurs parents ;
 2 frères et 1 sœur avec les parents et des proches ;
 2 sœurs avec la mère et des proches.
Pour les 27 autres cas (66 %), l’empoisonnement était individuel.
Fig. 11 : Proportion des intoxications collectives orales et inhalées
17
4- Lieu
En dehors de 2 cas d’intoxication aiguë survenus sur la voie publique,
toutes les autres que nous avons prises en charge ont eu lieu à domicile (95%).
Nous n’avons recensé aucun cas d’intoxication dans une collectivité, un
établissement scolaire ou hospitalier.
5- Période de l’année
A l’analyse globale des données, nous n’avons pas constaté de variabilité
saisonnière significative. On note néanmoins que les intoxications au CO se sont
produites exclusivement pendant les mois d’hiver (novembre, décembre et février)
(fig. 12).
Fig. 12 : Répartition des intoxications aiguës incluant celles au CO sur les mois de l’année
18
IV. Etude clinique
1- Délai d’admission
Le délai entre l’intoxication et la consultation au service des urgences ou au
service de pédiatrie était très variable et va de 20 min à 27 heures, avec une
moyenne de 3,1 heures.
2- Mesures entreprises préalables à la consultation
Lorsqu’ils ne sont pas occasionnés par le toxique, les vomissements sont
provoqués par les proches, à visée thérapeutique. Cela a été le cas de 5 des
enfants ayant ingéré un caustique ou un dérivé pétrolier : les proches ont
provoqué des vomissements par la mise en jeu du réflexe nauséeux avant de
consulter.
En outre, 6 patients ont eu recours à l’ingestion de produits destinés à limiter les
effets nocifs du toxique. Il s’agit quasi-exclusivement d’aliments ou de
préparations alimentaires (huile d’olive, lait, miel, épices,…) administrés par les
parents ou un proche présent sur les lieux. Seul un malade ayant accidentellement
ingéré un des neuroleptiques prescrits pour son père (Haldol® gouttes) a reçu de
la part de ce dernier un antiparkinsonien (Artane® cp).
Dans l’ensemble, aucun des accompagnants n’a pris l’initiative d’appeler le
Centre Antipoison.
3- Signes fonctionnels et signes physiques
24 patients (58,5 %) ont présenté au moins un symptôme en rapport avec
l’empoisonnement avant l’admission. Les signes d’appel digestifs ont constitué
les symptômes les plus fréquents : les vomissements ont été rapportés chez 21
malades. Dans 9 cas, une somnolence ou des troubles de conscience ou du
comportement étaient au premier plan. Aucun enfant ne s’est présenté dans un
19
état d’instabilité hémodynamique ni de détresse respiratoire aiguë. La fig. 13
indique les proportions des différents signes fonctionnels et physiques.
Fig. 13 : Prédominance des symptômes constatés à l’admission
4- Diagnostic de gravité
Le diagnostic de gravité a été porté chez 14 patients (34 %) d’après la
nature même du toxique et/ou sur la base des symptômes et/ou du contexte
d’autolyse. Ces observations seront détaillées à la fin de ce chapitre.
20
V. Prise en charge
1- Hospitalisation
Chez les 14 patients (34 %) dont l’intoxication aiguë avait un caractère
d’emblée ou potentiellement grave, 13 ont été hospitalisés pendant plus de 12
heures aux services des urgences, de pédiatrie ou de réanimation polyvalente. La
durée maximale du séjour a été de 5 jours. La figure 14 montre la répartition des
malades parmi les services.
Fig. 14 : Proportion des cas hospitalisés et leur répartition dans les services
Les 27 patients restants (66 %) avaient des intoxications bénignes et ont été gérés
en ambulatoire.
2- Avis du CAPM
Le CAPM a été contacté au sujet de 14 malades en vue d’obtenir une
orientation sur la gravité du cas ou sur les modalités de la prise en charge. Il n’a
pas été contacté dans les situations bénignes ou familières et bien codifiées (66
%).
21
3- Recherche de toxiques
La recherche de toxiques a été effectuée dans un seul cas, celui d’une
intoxication accidentelle aux organophosphorés insoupçonnée par les proches, et
qui a mis en évidence le toxique dans les urines. Les circonstances de
l’empoisonnement sont devenues plus évidentes pour les proches qui ont
confirmé ce dernier.
4- Traitement
4-1
Traitement symptomatique
66 % des patients ont bénéficié d’un traitement symptomatique administré
au cours de leur séjour hospitalier ou prescrit en ambulatoire. Diverses classes
thérapeutiques ont été utilisées, dominées par les antiémétiques et les
antalgiques.
Les 14 patients restants (34 %) n’ont eu besoin d’aucune prescription à titre
symptomatique :
 4 cas d’intoxication au CO ;
 4 cas d’intoxication aux oestroprogestatifs ;
 2 cas d’intoxication à un antihistaminique H1 ;
 2 cas d’intoxication à un fluidifiant bronchique.
4-2
Traitement évacuateur
a. Lavage gastrique
L’indication d’un lavage gastrique a été posée chez 4 patients victimes d’un
empoisonnement par un organophosphoré ou l’alphachloralose ou la quinine
(Hexaquine®). Il a été effectué entre H1 et H4.
b. Charbon activé
22
Le charbon activé a été employé lorsque l’indication était posée et suivant
sa disponibilité (non commercialisé dans le marché). Il a été employé chez 2
enfants victimes d’une intoxication par le montélukast (Singulair®).
23
4-3
Antidote
L’antidote le plus utilisé a été l’oxygène normobare au masque dans le cas
des inhalations de CO (7 cas). Atropine et pralidoxime (Contrathion®) injectables
ont été employés chez une patiente ayant ingéré un organophosphoré dans un
but suicidaire, l’atropine seule a été utilisée chez un autre patient. La Nacétylcystéine (Exomuc®) poudre pour suspension orale a été tentée dans les 2
intoxications au chardon à glu (« ad-dad »), mais mal tolérée (vomissements
immédiats).
24
VI. Evolution
-
L’évolution a été favorable pour 38 patients (93 %).
-
2 patientes sont décédées :
 une fillette de 6 ans ayant ingéré du chardon à glu (ad-dad »), décédée
au service des urgences à H20 de son admission (H35 de son intoxication)
 une fillette de 5 ans ayant ingéré du glimépiride (Amarel®), référée du
CHP de Taza à H27 de l’intoxication, décédée 1 heure après sa sortie
contre avis médical du service des urgences (H39 de son intoxication).
-
1 patient a développé une sténose caustique comme séquelle nécessitant des
séances de dilatation endoscopique.
25
VII. Observations notoires
1- Cas n° 4 et 5 : Intoxication à l’alphachloralose
1-1
Interrogatoire
Ce sont 2 frères âgés de 18 mois et 3 ans, habitant les environs de Qariat Ba
Mohammed, en milieu rural. Ils ont été admis au service des urgences à H3 pour
ingestion accidentelle d’une quantité non précisée d’alpha-chloralose. Le raticide,
entreposé dans une pièce à l’extérieur, a été retrouvé par les parents sur les lieux
de l’accident (Fig. 15). Les parents rapportent la notion de vomissements
spontanés et déclarent avoir administré un mélange fait de miel et d’huile d’olive
avant de consulter au centre de santé d’où ils ont été référés vers notre structure.
1-2
Examen clinique
L’examen clinique a trouvé l’ainé des deux légèrement somnolent,
polypnéique avec des râles bronchiques diffus et des vomissements au moment
de l’examen. Son jeune frère était asymptomatique et présentait moins d’épisodes
de vomissements d’après les parents.
1-3
Prise en charge et évolution
Tous les deux ont bénéficié d’un lavage gastrique ramenant de rares débris
de couleur jaune pâle, notamment chez l’ainé. Après 24 heures de surveillance
sans symptôme, les 2 frères ont été déclarés sortants sous amoxiclav.
Fig. 15 : en vente libre à un modeste prix, ce sachet d’alphachloralose détaille en arabe le
risque sur les chats ingérant les rats morts sans prévenir du danger pour les enfants.
26
2- Cas n°11 et 12 : Intoxication au chardon à glu (« ad-dad »)
2-1
Interrogatoire
Il s’agit de 2 sœurs âgées de 6 et 4 ans, non scolarisées, vivant en milieu
rural dans les environs de Qariat Ba Mohammed, admises aux urgences à H15 de
leur ingestion accidentelle d’une quantité imprécise de chardon à glu (« ad-dad »)
en pousse à proximité du domicile. Devant les vomissements apparus à H9, tard
dans la nuit, les parents ont interrogé les deux fillettes qui ont confirmé la prise
de la plante en fin d’après-midi. Elles n’ont pu être conduites aux urgences de
l’hôpital al Ghassani qu’au petit matin par moyens de transport en commun.
2-2
A
Examen clinique
l’admission,
l’ainée
présentait
toujours
des
vomissements,
était
consciente mais asthénique, subictérique, apyrétique, eupnéique. TA et FC étaient
alors correctes. Sa jeune sœur ne présentait que des vomissements de plus en
plus rares. Toutes deux ont bénéficié de la pose d’une sonde gastrique, d’une
voie veineuse périphérique, d’un traitement antiémétique en IV.
2-3
Paraclinique
Le bilan biologique de la plus jeune des patientes était peu perturbé, celui
de sa grande sœur révélait des anomalies de l’hémogramme et des bilans
hépatiques :
 une anémie à 4,8 g/dl hypochrome microcytaire et une ferritinémie
élevée ;
 un TP à 50 % ;
 une hyperbilirubinémie à prédominance conjuguée :
 directe 135 mg/l
 indirecte 30 mg/l
 une cytolyse importante :
27
 ASAT : 3320 UI/l (65x la normale)
 ALAT : 2000 UI/l (40x la normale)
28
2-4
Prise en charge et évolution
Sur les recommandations du CAPM, on a procédé à une administration de
N-acétylcystéine par sonde gastrique (Exomuc® 200mg sachets) chez les deux
malades, sachant qu’une partie du traitement n’a pu être tolérée chez les deux et
a été vomie malgré le traitement antiémétique. L’évolution n’a cessé d’empirer
chez l’ainée qui a fini par installer un coma suivi du décès aux urgences 20
heures après son admission, soit 35 heures après l’ingestion. Sa sœur a été
déclarée sortante 48 heures après son intoxication et un bilan biologique toujours
normal.
29
3- Cas n°19 : Intoxication à un organophosphoré
3-1
Interrogatoire
Il s’agit d’un garçon de 7 ans, hospitalisé au service de pédiatrie pour
vomissements et somnolence d’installation aiguë remontant au jour même de son
admission, évoluant dans un contexte apyrétique. C’est un garçon scolarisé qui a
assisté aux cours le matin avant de présenter les symptômes en fin d’après-midi,
menant les parents et les proches à consulter. Il ne présente aucun antécédent
médical particulier et ne prend aucune médication au long cours, avec un profil
psychologique a priori normal. La possibilité d’un empoisonnement restait peu
probable pour les proches.
3-2
Examen clinique
L’examen à l’admission trouvait un enfant conscient mais somnolent par
moments, coopérant, apyrétique, eupnéique, stable sur le plan hémodynamique :
FC : 78 b/min, TA : 11/6 cmHg. Il n’y avait aucun déficit sensitif ni moteur, les
réflexes étaient présents et symétriques.
3-3
Au
Prise en charge
cours
de
son
hospitalisation
en
pédiatrie,
les
paramètres
hémodynamiques et respiratoires sont restés stables. Sur le plan paraclinique :
 ionogramme sanguin : sans particularités ;
 TDM cérébrale puis PL : normales.
Face à la détérioration progressive de son état de conscience, le GCS ayant atteint
11, un transfert au service de réanimation a été nécessaire (H16 de son
admission). En réanimation, le patient est resté inconscient (GCS : 10) avec myosis
et bradycardie : 40 – 60 b/min, ayant nécessité des bolus d’atropine. Il a présenté
également une paralysie faciale périphérique fruste (signe de Froment positif).
 ECG : bradycardie sinusale avec troubles de la repolarisation ;
30
 recherche de toxiques dans le plasma, les urines et le contenu gastrique
: présence d’organophosphorés dans les urines et la sonde gastrique.
Face
au
tableau
devenu
évident
de
syndrome
intermédiaire
des
organophosphorés, l’interrogatoire a été repris avec la famille, dont la majorité
des membres n’avait pas idée de l’origine de l’empoisonnement. Un des proches a
été orienté vers le contexte en interrogeant les camarades de classe du patient,
qui ont affirmé que ce dernier a ingéré un verre de boisson sucrée, aromatisée et
fraiche, vendue par un des marchands ambulants à la sortie de l’école. Le
marchand utiliserait un insecticide pour éloigner les mouches, insecticide qu’il
aurait pulvérisé par maladresse et contaminé ainsi accidentellement la solution.
3-4
Evolution
Le patient a été transféré au service de pédiatrie à J4 après amélioration de
son état de conscience. Il est sorti à J5 de son hospitalisation avec contrôles
favorables.
31
4- Cas n° 22 : Intoxication au glimépiride (Amarel®)
4-1
Interrogatoire
C’est une fillette de 5 ans, non scolarisée, habitant avec ses parents dans la
ville de Taza. Au cours d’une soirée en famille, la fillette qui était jusqu’alors
active et vigilante, a présenté de façon brutale une perte de connaissance avec des
sueurs. Les proches ont alors fait goutter et ingérer du miel à la petite qui a
rapidement repris connaissance, avant de présenter les mêmes symptômes 1
heure plus tard, avec une reprise plus lente de l’état de conscience. Ce n’est que
plusieurs heures plus tard que la tante, diabétique sous traitement par
glimépiride (Amarel® 1mg comprimés, couleur rose), s’est rendue compte de
l’absence de 6 à 8 comprimés dans les tablettes du médicament qui était dans
son sac-à-main. L’horaire d’ingestion a été estimé à 6 heures avant son
admission au CHP de Taza, où la malade a été mise sous perfusion de Sérum
Glucosé à 10 %, malgré quoi la patiente présentait toujours des troubles de
conscience entrecoupés de moments de lucidité, ainsi que des crises convulsives
tonico-cloniques généralisées. Devant la non amélioration elle a été référée au
CHU Hassan II pour prise en charge (à H27 de l’intoxication).
4-2
Examen clinique
A l’admission au service des urgences, la patiente présentait un coma avec
un GCS à 8, avec des pupilles égales et réactives, un état respiratoire et
hémodynamique stable et sans anomalies du reste de l’examen clinique.
4-3
Paraclinique
Sur l’ionogramme, la glycémie était à 0,15 g/l sous perfusion de SG 10 %.
4-4
Prise en charge et évolution
Malgré la mise en place d’une perfusion permanente de SG 15 %, les
contrôles par glycémie capillaire trouvait des chiffres d’hypoglycémie sévère. Les
32
convulsions tonico-cloniques généralisées, par moments partielles, d’une durée
de quelques minutes finissaient par céder sous bolus de SG 15 % et diazépam en
IV. La sonde gastrique maintenue en siphonage ramenait un liquide bilieux. L’état
de conscience était en dégradation continue et les parents ont décidé d’une sortie
contre avis médical à H39 de son intoxication, suivie du décès 1 heure plus tard
comme l’a confirmé le CAPM.
33
5- Cas n° 25 : Intoxication à l’eau de javel concentrée
5-1
Interrogatoire
C’est un nourrisson de 18 mois, de sexe masculin, dernier d’une fratrie de
2, élevé par sa maman femme au foyer et son père fonctionnaire. Il a ingéré
l’après-midi accidentellement une quantité minime d’eau de javel reconstituée à
partir d’acide chlorhydrique (esprit de sel) vendu par un marchand ambulant.
Cette préparation était contenue dans une bouteille d’eau de javel conventionnelle
(à 12° chlorométriques) disposée sous l’évier. La maman a été alertée par les cris
intenses de son enfant et a commencé par nettoyer les projections de liquide sur
les mains et la bouche. Voyant que la douleur ne s’apaisait pas, elle a consulté à
H2 d’ingestion au service de pédiatrie. Le nourrisson a entre temps vomi à 2
reprises, sans notion d’hématémèses et présente au moment de son admission
une hypersialorrhée.
5-2
Examen clinique
A l'examen, hypersialorrhée, œdème de la lèvre inférieure, érythème
douloureux péribuccal, de la langue et de la face interne des joues. Le malade
était apyrétique, stable sur les plan respiratoire et hémodynamique.
5-3
Prise en charge et évolution
Un bilan paraclinique initial a été réalisé montrant une hyperleucocytose à
15500/mm3 avec une hémoglobine, une numération plaquettaire, un TP et une
radiographie thoracique normaux.
A son admission, le patient a été maintenu à jeun avec une ration de base,
antihistaminique H2 et antiémétique par voie intraveineuse dans l'attente d'une
exploration endoscopique. Le lendemain il a été mis sous amoxicilline protégée
injectable, devant l’aggravation de l’hyperleucocytose à 18200/mm3. La FOGD a
été réalisée à J3 montrant des lésions érosives de l’ensemble de l'œsophage avec
34
présence de fausses membranes par endroits. Le patient a été traité par IPP et
dompéridone et une reprise de l’alimentation liquide a été autorisée.
Au cours du contrôle 4 semaines plus tard, les parents rapportent la
présence d’une dysphagie aux solides. A la FOGD, on pouvait noter une sténose
haut située infranchissable par le fibroscope, avec une muqueuse sous-sténotique
siège de lésions érosives (fig. 16). Le TOGD confirme la sténose caustique en
objectivant la présence d’une sténose régulière du 1/3 supérieur de l'œsophage
étendue sur 3 cm.
Fig. 16 : Sténose œsophagienne caustique avant dilatation (a), au cours du passage du fil
guide (b) et après dilatation (c)
[Iconographie du Service de Pédiatrie – CHU Hassan II]
Après 4 séances de dilatation endoscopique, l’enfant garde 1 an ½ plus tard
une bonne courbe de croissance staturo-pondérale malgré une dysphagie
transitoire aux solides. Il est régulièrement suivi en consultation par l’unité de
gastro-entérologie pédiatrique.
35
6- Cas n° 26 et 27 : Intoxication au montélukast (Singulair®)
6-1
Interrogatoire
Il s’agit de 2 garçons de 11 et 7 ans, Marocains d’origine et résidant en
Angleterre,
venus à Fès pour des vacances en famille.
Ils ont ingéré
respectivement 4 et 2 comprimés de montélukast (Singulair® 5 mg cp, couleur
rose), médicament anti-leucotriène prescrit à leur mère pour son asthme (fig. 17).
La boite était disposée dans une armoire au salon. La mère et ses deux enfants
ont consulté à H1 de temps post-ingestion et ont été hospitalisés au service de
pédiatrie.
6-2
Examen clinique
Les deux enfants étaient asymptomatiques.
6-3
Paraclinique
L’ECG à la recherche de troubles de conduction et du rythme cardiaque était
normal.
6-4
Prise en charge et évolution
Sur les recommandations du CAPM, du charbon activé a été administré aux
2 enfants. Ceux-ci sont restés asymptomatiques et ont été déclarés sortants le
lendemain (H14 de l’intoxication) après un contrôle ECG qui s’est révélé être
normal.
36
Fig. 17 : Le montélukast (Singulair®) disposé dans une plaque thermoformée ingéré par
les 2 frères (cas n°26 et 27)
7- Cas n° 31 : Intoxication à un organophosphoré
7-1
Interrogatoire
C’est une adolescente de 13 ans, ainée d’une fratrie de 5, admise en
pédiatrie à H3 pour une intoxication par organophosphoré dans un but d’autolyse.
Elle habite la campagne environnant Fès, est non scolarisée et n’a aucun
antécédent particulier, notamment pas de tentatives suicidaires ni symptômes
dépressifs. Après avoir réussi à établir le contact, la patiente a avoué avoir ingéré
3 gorgées d’un pesticide liquide, le Diazinon®, suite à un conflit avec son père
agriculteur. Elle a aussitôt exprimé des remords quant à son geste et a accepté de
procéder à une évacuation par lavage gastrique, ramenant un liquide bilieux
d’allure normale.
7-2
Examen clinique
A son admission, la patiente était tachycarde à 120 b/min, poplypnéique à
26 c/min, normotendue (12/6 cmHg). Elle présentait aussi un myosis et une
hypersalivation, sans autres anomalies. Le tableau clinique correspondant à celui
d’une forme mineure, un traitement par atropine IV ainsi qu’une surveillance de
12 heures ont été proposées.
7-3
Paraclinique
Des examens complémentaires ont été réalisés dans les heures qui suivent :
 dosage des CPK-MB : 35 UI/l (normale).
 hyperleucocytose à prédominance PNN avec lymphopénie :
 leucocytes : 17400/mm3
 PNN : 16000/mm3
 lymphocytes 750/mm3.
37
 troponine Ic : 0,04 (négative)
 ECG : sans particularités.
38
7-4
Prise en charge et évolution
A H13 de son intoxication et malgré le lavage gastrique et l’administration
de bolus d’atropine, la malade a présenté un myosis très serré, un hoquet tenace,
des fasciculations spontanées notamment aux bras et aux cuisses, tout en restant
consciente, eupnéique et stable sur le plan hémodynamique. Sur l’ECG il y avait
des troubles de la repolarisation (ondes T négatives) sans troubles du rythme ni
blocs de conduction. Ces signes correspondant à une forme modérée avec risque
d’aggravation, nous avons eu recours également au pralidoxime (Contrathion®).
Après 48 heures de son admission, la patiente est devenue asymptomatique. La
sortie a été décidée au 5ème jour, avec prise de rendez-vous au service de
psychiatrie.
39
8- Cas n° 38 : Intoxication au prazépam (Lysanxia®)
1-1
Interrogatoire
C’est une adolescente de 10 ans, habitant Fès, admise au service des
urgences à H16 d’une intoxication intentionnelle au prazépam (Lysanxia® 10mg
comprimés). La jeune adolescente est enfant unique, scolarisée et élevée par sa
mère veuve et dépressive sous multiples traitements parmi lesquels le prazépam
(Lysanxia®), absente au moment de la consultation. Son père est décédé à l’âge de
2 ans. C’est avec sa jeune tante, vivant avec elles sous le même toit, qu’elle est
venue consulter. Aucun antécédent personnel similaire n’a été rapporté.
Après avoir réussi à établir un dialogue, la fillette a avoué la prise de 14
comprimés de Lysanxia 10 mg, médicament entreposé dans l’armoire de la
chambre à coucher de sa maman. Elle justifie son geste par l’amertume d’un été
passé sans vacances, contrairement à ses camardes de classe « plus chanceux
d’avoir un père pour financer des vacances ».
8-2
Examen clinique
A domicile, le soir, la fillette a vomi à 2 reprises, avec une somnolence
marquée. A son admission, la somnolence était en nette amélioration et la malade
ne présentait aucune autre anomalie à l’examen somatique.
8-3
Prise en charge et évolution
Devant l’absence d’éléments cliniques de gravité, la priorité de la prise en
charge a été de restaurer la confiance en ses proches et les médecins, de sorte à
la dissuader d’une récidive. La jeune fille a reconnu la gravité du geste et a fini par
accepter l’idée d’une consultation en psychiatrie. Elle a été déclarée sortante le
jour même.
40
9- Cas n° 41 : Intoxication à l’halopéridol (Haldol®)
2-1
Interrogatoire
Garçon de 4 ans ½, 4ème d’une fratrie de 5, habitant Fès, élevé par une
maman femme au foyer et un père fonctionnaire connu porteur d’une psychose
chronique depuis 30 ans et pour laquelle il prend de l’halopéridol (Haldol®
gouttes), phénothiazine (Largactil® comprimés) et lévomépromazine (Nozinan®
comprimés).
L’enfant a été admis à H36 pour une ingestion accidentelle d’halopéridol
(Haldol® gouttes) estimée par le père à 60 gouttes. Le père a constaté à partir de
H8 une somnolence manifeste, qu’il jugeait compréhensible au vu des propriétés
thérapeutiques de la molécule. A partir de H24 l’enfant a présenté des
mouvements anormaux pour lesquels il a administré 2,5 mg de trihexyphéniclyle
(½ comprimé d’Artane® 5 mg) dont il avait possession, avec selon lui une
correction partielle des troubles. C’est face à la persistance des symptômes et
devant l’insistance de la maman que la décision de consulter a été prise.
9-2
Examen clinique
A son admission, l’enfant présentait à la fois les signes neuropsychiques,
extrapyramidaux et neurovégétatifs d’un surdosage à l’halopéridol :
 effets neuropsychiques : somnolence entrecoupée de moments de
lucidité, sans troubles de conscience.
 effets extrapyramidaux (hyperkinétiques) :
 tremblements ;
 dyskinésie : déviation des globes oculaires à droite (crises
oculogyres) ;
 hypertonie : attitude fléchie penchée en avant.
41
 effets neurovégétatifs :
 bradypnée à 10 c/min ;
 tachycardie à 150 b/min, contexte apyrétique.
 hypersialorrhée.
9-3
Prise en charge et évolution
Après consultation du CAPM, le patient a bénéficié d’une injection de
diazépam (Valium®) en intra-rectal, suite à laquelle il a présenté une amélioration
immédiate des signes extrapyramidaux (hypertonie, tremblements, dyskinésie).
Les troubles végétatifs, notamment bradypnée et tachycardie, ont totalement cédé
dans les 2 heures qui ont suivi l’admission. La sortie a été décidée le lendemain
après une surveillance favorable de 12 heures.
42
DISCUSSION
43
I. Définitions
Plusieurs définitions méritent d’être rappelées en vue de mieux cerner le
phénomène des intoxications.
1- Traumatisme
Selon l’OMS, c’est une lésion corporelle provoquée de manière subite ou
brève par une énergie violente sur l’organisme. Il peut s’agir :
 d’une lésion physique résultant d’un transfert soudain ou excessif
d’énergie dépassant le seuil de tolérance physiologique
 de l’atteinte d’une fonction résultant d’une privation d’un ou de
plusieurs éléments vitaux (air, eau, chaleur), dans un laps de temps bref.
L’énergie en question peut être mécanique, thermique, chimique, électrique ou
irradiante [1].
5,8 millions de personnes meurent chaque année de traumatismes d’après
les statistiques de l’année 1998 [2].
2- Accident
Dans les traumatismes, on distingue ceux :
 intentionnels : suicides et tentatives de suicide, agressions et violences,
faits de guerre.
 accidents : accidents de la circulation, de travail et de la vie courante.
La définition des accidents découle de celle des traumatismes : ce sont des
traumatismes non intentionnels.
3- Intoxication (= Empoisonnement)
Selon l’OMS, c’est une lésion cellulaire ou tissulaire, un trouble fonctionnel
ou un décès causés par l’inhalation, l’ingestion, l’injection ou l’absorption d’une
substance toxique ou « poison ». L’empoisonnement peut aussi se produire in
utero [3].
44
Ainsi, l’empoisonnement est un traumatisme, pouvant être accidentel au même
titre que les accidents de la circulation, de travail ou de la vie courante (noyades,
brûlures, chutes,...) ou intentionnel qu’il soit hétéro- ou auto-infligé [3]. L’énergie
en question est dans ce cas chimique.
45
II. Epidémiologie
Les données épidémiologiques des intoxications aiguës de l’enfant
présentent des divergences notables avec celles de l’adulte, entre différentes
tranches d’âge au sein même de la population pédiatrique et d’un pays à l’autre.
Néanmoins, certaines de ces données restent universelles.
1- Fréquence
1-1
Dans le Monde
L’OMS
affirme
dans
un
rapport
que
l’incidence
des
intoxications
accidentelles chez les enfants < 15 ans a été de 282,4/100 000 en 2004, ce qui
représente 10,9 % de l’ensemble des traumatismes accidentels chez l’enfant [3].
Le nombre d’intoxiqués, notamment parmi les enfants, est donc considérable.
L’ampleur du phénomène peut être appréciée par les données de certains pays
dont les réseaux de collecte d’informations sont les mieux structurés : en France,
en 2006, 197 042 cas d’exposition humaine à un toxique ont été recensés, avec
des circonstances accidentelles dans 82,5 % des cas, intéressant le plus souvent
des enfants âgés de 1 à 4 ans (fig.18) [4]. Aux Etats-Unis, 2 482 041 cas
d’intoxication humaine ont été rapportés en 2007, sachant que 38,1 % d’entre
eux étaient âgés de < 3 ans et 51,2 % âgés de < 6 ans [5].
1-2
Au Maroc
Depuis l’instauration de la déclaration obligatoire des intoxications en
1980, le Maroc dispose d’une base de données qui lui est propre : 4313 cas
d’intoxication aiguë ont été déclarés en 2008, chiffre assez constant par rapport
aux années précédentes [6]. Il faut cependant garder à l’esprit que près de 27,4 %
de
ces
déclarations
concernent
des
schématisé sur la figure 19.
46
toxi-infections
alimentaires,
comme
Fig. 18 : Répartition des intoxications aiguës accidentelles par tranches d’âge en France
(2006) [4]
Fig. 19 : Proportion de différentes catégories de toxiques parmi les cas d’intoxication
aiguë déclarés au CAPM pendant l’année 2008 [6]
47
L’incidence des intoxications aiguës au Maroc est certainement sousestimée : la grande majorité des cas recensés au CAPM provient des déclarations
des structures sanitaires publiques [7], qui prennent en charge les cas les plus
sérieux. Ainsi, les déclarations faites au centre antipoison sont au Maroc 50x
moins nombreuses qu’en France et 500x moins nombreuses qu’aux Etats-Unis,
pays qui compte une population 10x plus importante [4,5].
Statistiquement, les enfants et adolescents sont les premières victimes des
intoxications aiguës dans de nombreux pays [4,5,8]. Au Maroc, malgré une
pyramide des âges pourtant plus large, la prédominance pédiatrique semble
moins forte : de 1980 jusqu’à 2007, les moins de 15 ans n’ont constitué que 32,4
% des intoxiqués [7]. En 2008, ils n’ont été que 28,4 % [6].
Dans notre série, sur les 41 cas d’intoxication aiguë retenus, 7 ont été
hospitalisés au Service de Pédiatrie de l’Hôpital Al Ghassani : ils représentent 0,82
% des hospitalisations qui ont eu lieu au cours de l’année 2008 (au nombre de
850).
2- Mortalité
2-1
Mondiale
Selon un rapport de l’OMS au sujet des traumatismes accidentels, 345 814
personnes de tous âges sont décédées en 2004 suite à un empoisonnement
accidentel, parmi lesquelles 9,4 % sont des enfants de moins de 15 ans [3]. Les
empoisonnements accidentels viennent au 13ème rang dans les causes de décès
chez les 15 – 19 ans à l’échelle mondiale [3]. A ces chiffres, doivent s’ajouter ceux
des décès par empoisonnement intentionnel.
Des écarts significatifs existent d’une zone géographique à l’autre : plus de
40 % des 32 728 enfants décédés d’une intoxication accidentelle sont Africains
[3]. Dans les pays à faible et moyen revenus dont fait partie le Maroc, le taux de
48
mortalité par empoisonnement accidentel chez les < 20 ans est de 2/100 000,
c’est-à-dire 4x plus élevé que dans les pays à haut revenu, portant la moyenne
mondiale à 1,8/100 000 [3].
En France, 138 décès ont été rattachés à une intoxication aiguë en 2006 [4],
d’où un taux de mortalité de 1,05 ‰, avec un écart considérable entre les taux de
mortalité par intoxications accidentelle (0,4 ‰) et volontaire (4,7 ‰) [4]. La
majorité des décédés sont âgés de ≥ 20 ans, tel que le montre la figure 20. Aux
Etats-Unis, 1239 décès ont été imputés à une intoxication aiguë en 2007 [5], d’où
un taux de mortalité de 0,49 ‰. Les enfants de < 12 ans n’ont constitué que 3,8
% des décédés [5], confirmant la plus faible tendance aux décès en bas âge.
Pourtant, le décès par intoxication aiguë n’est pas une fatalité chez l’enfant :
aucun enfant n’est mort par intoxication aiguë en Suisse de 2004 jusqu’à ce jour
[8-12].
Fig. 20 : Répartition des décès par intoxication aiguë entre différentes tranches
d’âge en France (2006) [4]
49
2-2
Nationale
Sur les 4313 cas d’intoxication aiguë déclarés pendant l’année 2008, le
Centre AntiPoison du Maroc (CAPM) rapporte 37 décès (parmi lesquels 7 enfants)
[6], correspondant donc à une létalité globale de 8,5 ‰. Ce taux de létalité reste
schématique et doit être interprété avec beaucoup de précautions pour plusieurs
raisons :
 l’évolution non précisée pour 20 % des cas déclarés [6].
 la sous-déclaration fort probable.
En effet, une étude rétrospective couvrant 27 ans (1980 – 2007)
effectuée elle aussi par le CAPM a trouvé 1203 décès et une mortalité de
2,3 % [7], taux extrêmement élevé au regard des données de la
littérature. Cette surestimation de la mortalité ne peut s’expliquer que
par une sous-estimation du nombre d’intoxications.
Dans notre pays, 194 jeunes adolescents âgés de 10 à 19 ans sont décédés entre
1992 et 2005 des suites d’une intoxication aiguë, le contexte étant accidentel
pour près de la moitié d’entre eux. Au sein de cette tranche d’âge, les enfants de
10 à 14 ans présentent un taux de mortalité de 0,8 ‰ [13].
Dans notre série, nous déplorons 2 décès, soit une létalité de 4,9 %. Cette
donnée compte sans nul doute des biais, du fait que ce sont les cas
symptomatiques, plus sévères, qui motivent le plus les parents à consulter en
urgence au CHU.
50
3- Morbidité
Contrairement aux données de mortalité, les données mondiales relatives
aux empoisonnements non mortels ne sont pas aisément accessibles. Dans les
pays développés, les intoxications aiguës viennent en 2ème rang des accidents de
l’enfant avec 4,6 %, ces derniers étant nettement dominés par les traumatismes
(64,6 %) [14]. La problématique est inverse dans les pays émergents : au CHU de
Brazzaville par exemple, il s’agit de l’accident grave le plus fréquent chez l’enfant,
justifiant 65 % des hospitalisations pour accident [15].
En
effet,
chez
l’enfant
les
intoxications
donnent
lieu
à
un
taux
d'hospitalisation plus élevé que les autres accidents, spécialement en bas âge.
Ceci est dû à l'ignorance fréquente de la nature exacte du toxique et de la
quantité réellement ingérée. En région parisienne, les intoxications aiguës
représentent ainsi 2% des hospitalisations en réanimation pédiatrique de l’hôpital
Bicêtre et sont alors souvent de courte durée [16].
Les
patients
ayant
survécu
à
une
intoxication
aiguë
ne
gardent
habituellement pas de séquelles : 1,1 % des cas d’intoxication aiguë au Maroc [7].
Certains toxiques sont connus pour laisser des séquelles : c’est le cas notamment
des sténoses œsophagiennes survenant à distance d’une ingestion de produits
ménagers caustiques, des séquelles pulmonaires en rapport avec l’ingestion de
produits pétroliers ou encore de l’encéphalopathie hypoglycémique conséquente
à un alcoolisme aigu chez le jeune enfant [17].
Un de nos patients (soit 2,5 % des cas) est toujours suivi pour une sténose
caustique du bas œsophage, séquelle d’une ingestion accidentelle d’eau de javel.
Il nécessite encore des séances régulières de dilatation endoscopique.
51
4- Coût social et économique
En matière de santé publique, la maitrise des coûts financiers des
prestations de santé à court et à long terme est une nécessité pour garantir et
améliorer le niveau des soins à l’échelon national. Peu d’études ont été menées
sur le coût des empoisonnements, notamment les empoisonnements d’enfants ou
ceux qui se produisent dans des pays à bas ou moyen revenu [3]. Selon une étude
Sud-Africaine, le coût annuel direct des hospitalisations à la suite d’un
empoisonnement par du pétrole lampant représente à lui seul au moins 1,4
millions de dollars américains [18]. Une autre étude menée aux Etats-Unis
confirme ce coût élevé et l’estime à 1780 dollars américains par cas
d’empoisonnement, comprenant les frais médicaux, la perte de revenu et la perte
de qualité de vie [19].
52
III. Physiopathologie
L’Intoxication est un événement dont la portée varie en fonction de 3 paramètres :
l’intoxiqué, le toxique et l’intoxication.
1- L’intoxiqué
1-1
Age
D’après l’International Programme on Chemical Safety de l’OMS, 7
catégories
d’âge doivent
être
prises
en
considération
dans
l’étude
des
intoxications aiguës :
 nouveau-né
: 0 – 4 semaines ;
 nourrisson
: 1 – 12 mois ;
 bébé marcheur: 1 – 4 ans ;
 enfant
: 5 – 14 ans ;
 adolescents
: 15 – 19 ans ;
 adultes
: 20 – 74 ans ;
 personnes âgées : > 75 ans.
Les enfants et adolescents jusqu’à 15 ans d’âge sont la cible de notre étude. Cette
tranche d’âge représente en 2008 environ 30,5 % de la population Marocaine [20].
Dans notre travail, la catégorie des « bébés marcheurs » était la plus
fréquente, en constituant à elle seule 2/3 des intoxiqués (65,8 %).
La
prédominance de cette tranche d’âge est classique dans la littérature. Dans une
étude récente portant sur les données hospitalières de 4 pays à bas et moyen
revenus, il a été constaté que 54 % des empoisonnements de l’enfant sont
observés chez les bébés marcheurs (1 – 4 ans), contre 2 % seulement chez les
jeunes nourrissons de < 1 an [21]. Une autre étude précise que la période de 9 à
23 mois de vie constitue l’âge de prédilection pour les empoisonnements [22]. En
effet, à cet âge commence l’acquisition de la marche et augmente la tendance à
53
empoigner les objets et les porter à la bouche, chez des enfants dont la nature est
de plus en plus curieuse [3]. Toutefois, le taux de mortalité chez le nourrisson de
< 1 an reste significativement plus élevé que chez les enfants plus âgés, du fait
de la plus grande vulnérabilité du premier aux agents toxiques (fig. 22).
Dans notre étude, on retrouve 2 pics d’âge : les nourrissons et jeunes
enfants de < 6 ans, significativement plus nombreux, et les jeunes adolescents de
12 à 15 ans. A ces deux catégories d’âge correspondent deux mécanismes
opposés : accidentel et intentionnel. Le contexte intentionnel devient plus
fréquent à mesure que l’enfant grandit et devient adolescent, comme le
soulignent les conclusions d’une étude rétrospective portant sur les intoxications
mortelles chez les jeunes Marocains âgés de 10 à 19 ans : l’événement a été
essentiellement accidentel chez les 10 – 14 ans (70,5 %) et essentiellement
intentionnel chez les 15 – 19 ans (91 %) [13].
En conclusion, on peut dire que les intoxications aiguës de l’enfant sont
plus fréquentes chez le bébé marcheur (1 – 4 ans) alors qu’elles sont
particulièrement graves chez le très jeune nourrisson (1 – 12 mois) et
l’adolescent.
54
Fig. 21 : Répartition des intoxications aiguës au Maroc entre 1980 et 2007 par groupes
d’âge [7]
Fig. 22 : Taux d’empoisonnements mortels pour 100 000 enfants par âge et par sexe
dans le Monde en 2004 [3]
1-2
Sexe
Dans notre série, les 2 intoxications dans un but d’autolyse étaient toutes
l’œuvre de fillettes âgées de 10 à 13 ans. Tous les autres intoxiqués (95 %), parmi
lesquels les 2 enfants décédés, l’ont été de manière accidentelle. La faible
prédominance masculine dans notre étude (sex-ratio : 1,2) doit être relativisée vu
le faible effectif. En milieu pédiatrique, il n’y a habituellement pas de
prédominance de sexe dans les intoxications accidentelles [4,5]. Pour les
intoxications intentionnelles, surtout à l’adolescence, la prédominance féminine
est nette : jusqu’à 82,7 % des patients [4,16].
A l’échelle nationale et en dehors de toute considération d’âge, la
prédominance est féminine parmi les intoxiqués (sex-ratio : 0,68 en 2008) et
masculine parmi les décédés par intoxication (sex-ratio : 1,3 en 2008) [6]. Il est
d’ailleurs admis que les femmes sont plus nombreuses parmi les suicidants alors
que les hommes le sont parmi les suicidés.
55
En
somme,
à
la
puberté,
les
jeunes
filles
sont
plus
à
risque
d’empoisonnements que les garçons, le contexte étant plus souvent intentionnel.
1-3
Contexte
Au Maroc, en 2008, les intoxications ont été accidentelles dans plus de 85 %
des cas [6], situation assez constante et similaire à celle d’autres pays parmi
lesquels les pays occidentaux [4,5]. Nos malades n’y font pas exception : 95 %
d’entre eux ont été accidentellement empoisonnés. Ces accidents peuvent à leur
tour être classés en :
 accidents de la vie courante ou liés à un défaut de perception du risque :
majoritaires ;
 erreurs thérapeutiques ;
 accidents professionnels [4].
Les expositions volontaires comprennent :
 tentatives de suicides : nettement plus fréquents ;
 tentatives d’homicide ;
 conduites addictives et toxicomanie [4].
Quoique rare, la tentative de suicide ou d’empoisonnement criminel doit
être systématiquement évoquée après l’âge de 6 ans, âge au-delà duquel
l’intoxication accidentelle devient moins plausible [23]. Aux Etats-Unis, les
expositions intentionnelles sont au premier rang des empoisonnements chez les
adolescents de 13 à 19 ans, aussi bien en termes de fréquence que de mortalité
[5]. La situation est similaire en France qui compte plus de décès par mécanisme
intentionnel que par mécanisme accidentel [4]. Dans notre pays en revanche, près
des 2/3 des morts par intoxication aiguë l’ont été de façon accidentelle [6]. Dans
notre série les deux fillettes décédées étaient accidentellement exposées au
56
toxique. Il s’agit là d’une des rares différences entre les intoxications des pays
riches et celles des pays émergents.
57
1-4
Lieux de survenue des intoxications aiguës et milieu social
D’après les données récapitulatives des intoxications aiguës au Maroc, la
région de Fès-Boulemane vient malgré sa grande population en 11ème position par
ordre de fréquence (2,7 % des déclarations), la région du Grand-Casablanca étant
en tête (17,5 % des déclarations) [7]. Dans notre série, 75 % des intoxications se
sont produites en milieu urbain et 95 % ont eu lieu à domicile, rejoignant les
données de la littérature : en effet, le domicile est de façon universelle le lieu de
prédilection des intoxications aiguës quelle que soit la population étudiée (près
de 90 %) [4,5,7,8]. En France, les établissements hospitaliers viennent en 2nd, les
intoxications qui s’y produisent surviennent essentiellement dans le cadre de
surdosages thérapeutiques [4].
Par ailleurs, les intoxications sont plus fréquentes chez les enfants de
parents jeunes, de faibles revenus, souvent en déménagement car souvent plus
nombreux et mal surveillés [3]. 85 % de nos malades sont de revenus modérés à
modestes.
1-5
Caractère collectif
L’inhalation de gaz, notamment le CO, est la plus classique des
intoxications collectives. Nous l’avons constatée à 3 reprises, concernant à
chaque fois 2 ou 3 enfants accompagnés de proches eux-mêmes atteints.
En outre, dans 3 situations, nous étions confrontés à des membres d’une
même fratrie ayant ingéré accidentellement le même toxique, ce qui représente
une spécificité pédiatrique. Nous avons noté qu’à chaque fois c’était le plus âgé
d’entre eux qui était le plus gravement atteint : la quantité ingérée était toujours
plus grande.
58
2- Le toxique
2-1
Type
L’ordre de fréquence des toxiques diffère chez l’enfant par rapport à
l’adulte,
vu
la
différence
des
contextes
prédominants :
accidentel
ou
intentionnel. Enfants et adultes partagent tous deux un nombre restreint
d'intoxications qui revêtent d’un caractère plutôt collectif, comme l’inhalation de
CO. Cette dernière a été au Maroc, en 2008, la cause la plus fréquente
d’intoxications, devant les médicaments. C’est aussi la 2ème cause de décès par
toxiques, derrière les pesticides. En effet, les pesticides ont été responsables de
14 des 37 décès enregistrés en 2008 [6]. Ils ont été employés pour 71,4 % des
suicides au Maroc selon une autre étude couvrant la période de 1992 à 2005 [13].
Le toxique fait très souvent partie de l’environnement immédiat de la
population, expliquant les variations de chiffres d’une sphère géographique à une
autre : aux Etats-Unis, la majorité des intoxications de l’enfant ≤ 5 ans sont
médicamenteuses, tandis qu’au Congo-Brazzaville 60 % des intoxications
pédiatriques sont dues au pétrole lampant, utilisé à grande échelle dans
l’éclairage [5,15].
Dans notre série, ce sont les médicaments puis les produits ménagers qui
ont été les principaux toxiques en cause, comme classiquement décrit dans la
littérature. Cependant, la classe thérapeutique la plus concernée a été celle des
œstroprogestatifs, alors qu’habituellement ce sont les psychotropes qui viennent
en premier [4,5,8].
2-2
Nombre
L’intoxication étant souvent accidentelle, l’implication de plusieurs toxiques
demeure rare : moins de 2 % des intoxications aiguës au Maroc, mais près de 10 %
des intoxications aiguës aux Etats-Unis [5,7]. Nous n’avons constaté aucun cas
59
d’intoxication aiguë à plusieurs substances parmi nos malades, hormis pour un
jeune enfant ayant ingéré des quantités minimes de 2 médicaments en sirop.
2-3
Propriétés physiques
En général, un poison ingéré sous forme solide va être résorbé plus
lentement, laissant plus de temps pour intervenir sur la résorption. L’absorption
est par contre plus rapide pour les poisons liquides [3]. Les gaz peuvent être
responsables aussi bien d’une toxicité locale que d’une toxicité systémique.
2-4
Mécanisme de la toxicité
En prenant l’exemple des toxiques ingérés, ont peut schématiquement
distinguer parmi les produits en cause :
 ceux dont la toxicité est purement locale : causticité pour les muqueuses
digestives
(eau
de
Javel,
soude,
permanganate
de
potassium,
détergents,...)
 ceux dont l'absorption détermine secondairement des effets à distance.
Cette dualité s’applique aussi pour les produits inhalés, comme pour les fumées
d’incendie toxiques à plus d’un titre :
 les suies ainsi que
d’autres vapeurs
dégagées en fonction du
combustible en cause comme l’acide chlorhydrique, l’ammoniac, l’oxyde
d’azote… exercent une toxicité sur la muqueuse respiratoire.
 les gaz, notamment le CO, le CO2 et les cyanures, ainsi que d’autres
produits comme les dérivés sulfurés entraînent une toxicité systémique.
60
3- L’intoxication
3-1
Voie d’intoxication
En 2008, 66,7 % des intoxications aiguës ont eu lieu par voie orale, suivies
de la voie inhalée (28,9%) et de la voie percutanée (4,4%) [6]. Les Centres
Antipoison Américains rapportent pour 2007 des proportions significatives
concernant les voies dermique (7,3 %) et oculaire (4,7 %) mais aussi la voie
parentérale, rare mais à l’origine de 4,7 % des décès [5].
Chez nos patients, la grande majorité des intoxications aiguës se sont produites
par ingestion (80 %), seules 8 (20 %) sont des cas d’inhalation de gaz.
3-2
Phases de l’intoxication
L’intoxication aiguë suit en réalité un processus dynamique que l’on a
coutume de décomposer en cinq phases : intervalle libre, phase d’aggravation des
symptômes, phase d’état, phase d’amélioration et phase de guérison [24].
a. Intervalle libre
Il s’agit de la durée écoulée entre l’exposition au toxique et les premiers
symptômes. Ce délai correspond à l’absorption du toxique et à sa diffusion. Il
varie en fonction du toxique considéré, sa quantité et la voie d’intoxication.
b. Phase d’aggravation des symptômes
En l’absence de prise en charge précoce et adéquate, cette phase risque de
mener vers la phase d’état.
c. Phase d’état
Phase d’intoxication profonde pendant laquelle le risque encouru est le
décès.
d. Phase d’amélioration
Au cours de cette phase, les effets du toxique commencent à se dissiper à
mesure que celui-ci est éliminé par l’organisme.
61
e. Phase de guérison
Cette phase mène à la guérison, le risque étant la persistance de séquelles.
62
IV. Diagnostic positif
1- Approche diagnostique globale dans les intoxications aiguës
1-1
Clinique
a. Variabilité de la présentation clinique
Chez l’enfant, plus que chez tout autre individu, l’intoxication aiguë est
souvent bénigne et donne donc rarement lieu à des symptômes. Dans notre
étude, les malades asymptomatiques ont constitué 41 % des cas, taux
comparables à celles des statistiques les plus larges dans les autres pays [4,5].
Lorsqu’il est symptomatique, le tableau clinique est très polymorphe suivant
le toxique en cause, la quantité ingérée et le délai écoulé avant la prise en charge.
Chez l’enfant, les vomissements viennent souvent au premier plan du fait de la
plus grande fréquence des empoisonnements par voie orale, notamment aux
produits ménagers. Ils peuvent traduire la réaction de rejet du tube digestif à
l’égard d’un toxique ingéré comme ils peuvent témoigner de l’effet systémique
d’un toxique sur le système nerveux végétatif.
Schématiquement, on peut dire que les signes digestifs sont les premiers à se
manifester,
arrivent
secondairement
les
signes
neurologiques
et
cardio-
respiratoires plus en rapport avec un effet systémique du toxique alors que les
effets viscéraux et hématologiques ne s’expriment que tardivement.
b. Notion de toxidromes
Par « syndrome toxique » ou « toxidrome » on désigne un ensemble de
symptômes qui résultent de l’action toxicodynamique des xénobiotiques [25]. Ces
symptômes représentent un ensemble de signes cliniques et éventuellement
paracliniques caractéristiques d’une classe de toxiques, sans en être spécifique.
Les toxidromes sont d’une grande aide diagnostique pour le clinicien mais
constituent par la même occasion un élément de suivi.
63
Néanmoins, la présence d’un toxidrome bien défini n’est pas impérative,
notamment face à des toxiques lésionnels (le paracétamol par exemple) ou des
polyintoxications.
Les toxidromes n’ont pas de spécificités pédiatriques [26].
c. Principaux toxidromes (fig. 23)
Fig. 23 : Tableau récapitulatif des principaux toxidromes [25]
Dans notre série, les syndromes cholinergique (muscarinique, nicotinique et
central), pyramidal et extrapyramidal ont été les plus fréquemment retrouvés
parmi les patients symptomatiques. Ils étaient en rapport avec des intoxications
aux organophosphorés, à l’halopéridol et au glimépiride.
64
1-2
Paraclinique
a. Non spécifique
Pour les cliniciens amenés à prendre en charge des intoxications, la
recherche et les dosages toxicologiques sont rarement accessibles en situation
d’urgence.
Certaines
analyses
biologiques
non
spécifiques
peuvent
alors
représenter un complément utile voire déterminant pour le patient. En effet, elles
seront intéressantes à plus d’un plan [24] :
 évaluation des fonctions vitales du patient et donc de la gravité du
cas : fonctions cardio-pulmonaire, rénale, hépatique notamment.
 évaluation
du
retentissement
sur
l’homéostasie :
équilibres
glycémique, acido-basique, hydro-électrolytique,...
 orientation
vers
la
classe
du
toxique,
selon
les
troubles
occasionnés.
Dans notre contexte, ils occupent donc, après la clinique, une place cruciale.
-
Voici quelques exemples illustrant la place des examens de routine dans le
diagnostic et l’évaluation des intoxications aiguës :
 degré et fréquence de l’hypoglycémie dans les intoxications par
l’insuline ou les médicaments hypoglycémiants ;
 valeur de l’hyperglycémie et dosage du fer sérique dans les intoxications
par les médicaments contenant du fer ;
 profondeur de l’hypokaliémie dans l’intoxication à la chloroquine ;
 hyperkaliémie dans les surdosages en digitaliques et en théophylline ;
 importance de l’acidose métabolique et des trous anionique et osmolaire
dans les intoxications par les alcools et glycols.
 mesure des lactates et des gaz du sang dans les inhalations de fumées
d’incendie (cyanures, CO).
65
 valeur du TP dans les intoxications par les raticides coumariniques et les
anti-vitamines K.
La figure 24 résume les principales indications des examens de routine dans les
intoxications les plus graves.
Fig. 24 : Tableau récapitulatif de l’intérêt des examens de biologie standard dans les
intoxications les plus graves [24]
Dans notre série, les examens complémentaires les plus demandés ont été
l’ionogramme sanguin ± aminotransférases (12 cas), le TP (8 cas), la radiographie
thoracique (8 cas), l’hémogramme (6 cas) et l’ECG (5 cas).
b. Spécifique
Le toxique peut être détecté et éventuellement quantifié dans l’organisme
directement ou à travers son métabolite ou son biomarqueur. La recherche peut
s’opérer sur un échantillon de différents milieux biologiques, notamment le
liquide gastrique, le plasma ou les urines, en tenant compte de la cinétique du
toxique lorsque celui-ci est suspecté (fig. 25). Il n’existe pas de spécificités
pédiatriques propres aux analyses toxicologiques [26]. L’intérêt peut être
66
diagnostique ou encore médico-légal dans le cas d’un empoisonnement à
caractère criminel.
Au Maroc, sur les 3536 prélèvements médico-légaux adressés de 1999 à
2003 au laboratoire de l’Institut National d’Hygiène, 5,9 % étaient positifs pour un
toxique donné. La paraphényl-diamine (« takkawt roumia ») vient en tête des
empoisonnements biologiquement confirmés qui ont été fatals (44 cas), devant le
CO (35 cas), les pesticides (32 cas) et le phostoxin (20 cas) [27].
67
Fig. 25 : Tableau récapitulatif des modalités de détection et dosage des toxiques les plus
usuels [24]
Cependant, il ne faut pas omettre que la recherche aveugle de toxiques
dans les milieux biologiques est une pratique très coûteuse et faiblement rentable
d’un point de vue diagnostique. Sans contextes anamnestique, clinique et
paraclinique évocateurs, ces examens spécifiques seront donc d’un faible
bénéfice.
Les dosages toxicologiques doivent rester l’aboutissement dans l’analyse
diagnostique et ne jamais en être le point de départ [24].
2- Diagnostic de gravité
La Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) définit l’intoxication
grave chez l’enfant comme étant toute intoxication nécessitant une surveillance
en unité de réanimation pédiatrique en raison de la quantité potentiellement létale
de la substance absorbée ou des symptômes sévères observés (coma, détresse
respiratoire, instabilité hémodynamique), ce qui correspond à 0,5 – 2 % des
intoxications de l’enfant [28].
Différents éléments permettent de juger de la gravité d’une intoxication aiguë.
2-1
Eléments anamnestiques
En l’absence d’une expérience et d’un recul suffisants, la gravité d’une
intoxication est assez souvent sous-estimée sinon surestimée par le médecin, vu
le nombre infini de toxiques et la méconnaissance de leurs effets, doublé chez
l’enfant par la fréquente incertitude au sujet de la dose ingérée. Dans son rapport
annuel, l’OMS a déterminé plusieurs facteurs clés qui conditionnent la gravité et
donc l’issue d’un empoisonnement :
 la nature, la dose et la formulation du poison ;
 la co-exposition à d’autres poisons ;
68
 la voie d’exposition ;
 l’âge de l’enfant, le fait qu’il s’est alimenté ou est à jeun, ses affections
préexistantes [3].
Par les éléments de gravité qu’il est en mesure de mettre en évidence,
l’interrogatoire reste une étape incontournable dans la prise en charge des
intoxications bénignes à première vue.
2-2
Eléments cliniques
Certains symptômes font que l’intoxication est indiscutablement jugée
comme étant grave :
 les signes d’une défaillance cardiocirculatoire ou respiratoire : cyanose,
dyspnée, bradypnée, polypnée, signes de lutte, bradycardie, tachycardie,
hypotension artérielle systémique, état de choc.
 les signes d’une défaillance neurologique : coma et convulsions
principalement.
Au-delà de la gravité dont ils sont synonymes, ces symptômes sont quantifiables
et permettent d’évaluer la gravité proprement parlant : valeurs des paramètres de
monitorage cardio-respiratoire, score de Glascow, fréquence et durée des crises
convulsives,…
2-3
Eléments paracliniques
Le grand intérêt des examens de biologie non toxicologique est de détecter
des anomalies paracliniques précoces avant que le patient ne devienne
symptomatique ou n’en présente les complications. C’est l’exemple de [29,30] :
 glycémie : détection précoce de la tendance à l’hypoglycémie dans les
intoxications sévères par le fer, les antidiabétiques oraux, l’insuline.
 hémogramme :
69
 recherche d’une crise de déglobulinisation dans le cadre d’une
intoxication aux produits méthémoglobinisants.
 recherche précoce d’une hyperleucocytose (> 18000/mm3) avant
l’installation des signes d’insuffisance médullaire aiguë face à une
intoxication par la colchicine.
 TP :
 détection précoce des anomalies liées à une intoxication par un
antivitamine K ou un raticide coumarinique.
 recherche d’une CIVD dans le cadre d’une intoxication par la
colchicine.
 aminotransférases : intéressantes à partir de H12 d’une intoxication par
le paracétamol lorsque ce dernier n’a pu être dosé. Le pic plasmatique
est plus précoce pour le paractéamol, celui des aminotransférases est
atteint au 3ème jour.
 kaliémie, ECG : la dyskaliémie est un signe de gravité dans les
intoxications aux digitaliques, β-bloquants, β-mimétiques, quinine,
chloroquine,
théophylline,
les
antidépresseurs
tricycliques
et
tétracycliques entre autres. L’ECG est un examen plus pertinent pour
évaluer la dyskaliémie.
 calcémie : rechercher une hypocalcémie qui est profonde dans les
intoxications par l’acide fluorhydrique et oxalique (composants des
antirouilles).
 gaz du sang : détection précoce d’une dépression respiratoire, d’un
œdème aigu du poumon, d’une pneumopathie d’inhalation de façon non
spécifique.
70
 pH, lactacidémie, ionogramme sanguin : à la recherche d’une acidose
métabolique avec trou anionique élevé, comme c’est le cas dans les
intoxications à l’aspirine, au méthanol, éthylène glycol, isopropanol ou
encore aux cyanures (ingestion accidentelle, fumées d’incendie,...)
Ces exemples sont non exhaustifs et peuvent comporter des examens plus
perfectionnés en fonction du plateau technique.
34 % des intoxications que nous avons eu à gérer présentent les caractères
d’une intoxication grave. Cette proportion inhabituellement élevée s’explique par
la tendance des services hospitaliers universitaires à prendre en charge
électivement des affections sévères. Elle ne traduit pas la situation réelle des
intoxications de l’enfant, certes plus nombreuses et moins souvent dangereuses.
2-4
Poisoning Severity Score
Par le passé, la gravité des intoxications aiguës ne pouvait être évaluée que
dans le cadre de scores généraux de sévérité, comme le score APACHE II.
L’absence de spécificité faisait que ces scores n’étaient d’aucune utilité pratique
face à une intoxication aiguë car ils sous-estimaient très largement la mortalité.
En 1998, le « Poisoning Severity Score » fut mis en place par la collaboration de
l’European
Association
of
Poisons
Centres
and
Clinical
Toxicologists,
l’International Programme on Chemical Safety et la commission Européenne [31].
Ce score, validé sur 9 toxiques, représente la première mesure visant à évaluer la
gravité des intoxications aiguës de façon objective en les classant dans une des 5
catégories de gravité : absente, mineure, modérée, sévère et fatale (fig. 26).
L’intérêt de ce score est davantage épidémiologique qu’individuel : il permet
d’évaluer de façon globale les stratégies de prévention et de prise en charge
plutôt que de déterminer la conduite à tenir pour un cas précis.
71
Fig. 26 : Poisoning Severity Score (d’après [31])
72
V. Prise en charge
1- Traitement curatif
Le traitement curatif des intoxications aiguës est urgent. Il comprend 3 volets : le
traitement symptomatique est déterminant et prioritaire face aux traitements
évacuateur et spécifique qui ne sont pas toujours possibles.
1-1
Hospitalisation
La majorité des intoxications courantes ne nécessitent qu’une observation
courte de 6 à 12 heures pour en apprécier la gravité [16,26]. Ce délai s’impose car
le patient peut consulter à la phase silencieuse correspondant à l’intervalle libre. Il
est habituellement suffisant, sauf face à certains toxiques comme le chardon à glu
dont l’intervalle libre habituel varie entre 8 et 36 heures (H9 dans notre étude)
[32].
L’hospitalisation peut avoir lieu dans une structure gérée par des pédiatres
ou des urgentistes, mais certains critères imposent l’admission en unité de soins
intensifs ou en réanimation [16] :
 la présence précoce d’une défaillance cardiocirculatoire ou respiratoire
 la présence d’une défaillance neurologique : coma ou convulsions.
 la dangerosité potentielle du toxique incriminé.
Chez l’enfant, certains médicaments sont dangereux et menacent sérieusement le
pronostic vital : barbituriques, valproate de sodium, médicaments à base de fer et
paracétamol en sont les exemples les plus usuels [28]. Par contre, d’autres sont
potentiellement létaux à faible dose et sont donc extrêmement dangereux :
antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs calciques, clonidine, opiacés, salicylés, et
sulfamides hypoglycémiants notamment [28,33].
Dans notre étude, l’une des deux malades décédées avait ingéré accidentellement
du glimépiride (Amarel®).
73
74
1-2
Traitement évacuateur
Le traitement épurateur (= évacuateur) est un traitement visant à diminuer
la pénétration du toxique dans l’organisme et à augmenter son élimination [16].
Bien avant de procéder à des gestes spécifiques, il faut veiller à soustraire l’enfant
à la source d’exposition, ôter éventuellement les vêtements contaminés et
procéder à un lavage abondant de la peau ou des muqueuses exposées et le
transporter dans un environnement aéré.
a. Epuration digestive
1-2.a.1 Sirop d’Ipeca
-
Modalités d’utilisation : l’ingestion de sirop d’Ipéca, extrait à partir d’une
plante d’Amérique du Sud, reste la seule méthode médicalement approuvée
pour provoquer des vomissements chez l’enfant [34]. Il doit être administré à
la dose de 10 à 15 ml chez les < 3 ans et de 20 à 30 ml chez les enfants plus
âgés, dilué dans 5 à 10x son volume d’eau.
-
Efficacité :
les vomissements
surviennent
dans
80
à
99
%
des
cas,
généralement 20 minutes après l’administration et peuvent durer persister
jusqu’à 3 heures après. Ainsi, il est impératif qu’il soit administré avant la
30ème minute suivant l’intoxication pour qu’il soit efficace [35,36].
-
Effets
secondaires :
exceptionnellement
vomissements
syndrome
de
prolongés,
diarrhée,
Mallory-Weiss,
léthargie
et
pneumomédiastins,
pneumopathies d’inhalation [37].
-
Indications et recommandations : aux Etats-Unis, l’American Academy of
Pediatrics (AAP) a recommandé en 2003 d’abandonner le recours au sirop
d’Ipeca comme mesure de traitement à domicile en cas d’intoxication par voie
orale [38]. Jusqu’alors, l’usage du sirop d’Ipeca était répandu, l’idée étant que
les vomissements provoqués permettent de décontaminer le tube digestif du
75
toxique. Les recommandations initiales de l’AAP, datant de 1983, publiées en
1989 et approuvées par l’association des centres antipoison américains
(AAPCC), incitaient les ménages à disposer du vomitif à domicile et d’y recourir
sur avis d’un professionnel de santé [38]. La position commune de l’American
Academy of Clinical Toxicology et de l’Association Européenne des Centres
antipoison et de Toxicologie Clinique en 1997, qui excluent son usage en
milieu hospitalier, de même que la publication d’études mettant en doute son
bénéfice, montrant une plus grande fréquence de pneumopathies d’inhalation
et soulevant son incompatibilité avec l’administration de charbon activé et des
antidotes ont conduit l’AAP à revoir sa position [37,39]. Les données recueillies
par les centres antipoison confirment cette tendance à l’abandon aux EtatsUnis : chez les enfants < 6 ans victimes d’intoxications, le sirop d’Ipeca a été
administré chez 10,7 % d’entre eux en 1985 contre 0% en 2007 [5].
Dans
d’autres pays comme la France ou la Nouvelle-Zélande, le médicament est
retiré
du
marché
pharmaceutique
et
son
emploi
est
abandonné
[24,26,28,36,40]
Le sirop d’Ipéca n’a été utilisé chez aucun de nos patients et ne figure pas
dans nos protocoles de prise en charge.
1-2.a.2 Lavage gastrique
-
Modalités d’utilisation : chez le jeune enfant, après mise en place d’une sonde
gastrique de grand calibre, procéder à l’injection de 50 – 100 ml de liquide
isotonique (sérum physiologique) à chaque cycle jusqu’à atteindre un total de
2 – 5 l ou éclaircissement du liquide gastrique chez le jeune enfant. Chez
l’adolescent, 250 – 350 ml/cycle pour un total de 10 – 15 l.
76
-
Efficacité : l’efficacité du lavage gastrique reste assez faible selon les données
de la littérature et ne trouve son intérêt que dans des situations restreintes
[28].
-
Effets secondaires : risque important de
vomissements et d’inhalation
conséquente.
-
Indications et recommandations : la SRLF limite les indications du lavage
gastrique, après bonne évaluation du bénéfice-risque, aux cas d’ingestion
depuis < 1 heure d’une quantité importante d’un toxique non carboadsorbable susceptible d’engager le pronostic vital (lithium et fer par exemple)
[24,28]. Le lavage gastrique doit tenir compte des contre-indications liées au
produit ou au patient :
 jeune nourrisson < 6 mois ;
 absence de protection efficace des voies aériennes ;
 troubles de conscience ou convulsions installés ou susceptibles de
survenir à moins d’intuber le patient avec une sonde trachéale à
ballonnet gonflé ;
 état hémodynamique précaire ;
 ingestion de produits caustiques, moussants ou d’hydrocarbures.
Parmi nos patients, 4 ont bénéficié d’un lavage gastrique, ce qui correspond
à 9,75 % des malades. Il s’agissait d’enfants victimes d’empoisonnements
potentiellement
dangereux (organophosphoré,
alphachloralose,
Hexaquine®)
ayant consulté entre H1 et H4 d’intoxication.
1-2.a.3 Charbon activé
-
Modalités d’utilisation : le charbon activé est une préparation officinale
d’origine végétale à base de noix de coco broyée dotée d’un fort pouvoir
absorbant. Il est commercialisé sous la forme d’une poudre noire insoluble
77
inodore et insipide (Carbomix®). En cas de refus par l’enfant, il peut être
administré par sonde gastrique. Il doit être donné à la dose de 1 g/kg sans
dépasser 50 – 75 g en veillant à le diluer dans 5x son volume d’eau et à le faire
boire en 10 à 15 minutes. Une dose unique est suffisante sauf en cas
d’intoxication
par
ingestion
de
médicaments
à
libération
prolongée,
carbamazépine, phénobarbital, quinine, théophylline ou dapsone. Cette
efficacité a été démontrée également pour d’autres médicaments usuels mais
avec un niveau de preuve encore insuffisant. D’autres Dans ce cas, on
réadministre 0,5 – 1 g/kg toutes les 4 – 6 heures pendant 24 – 48 heures
[26,28,36,41].
-
Efficacité : le charbon activé est destiné à diminuer l’absorption intestinale et
accélérer l’élimination des toxiques dits carbo-adsorbables. C’est l’un des
adsorbants les plus efficaces disponibles sur le marché : administré avant H1
d’ingestion d’un toxique, il peut réduire l’absorption de celui-ci jusqu’à 75 % ;
mais au-delà, la biodisponibilité du toxique ne diminue que modérément. Il
présente plusieurs avantages par rapport au sirop d'ipéca : une administration
moins traumatisante et une plus grande efficacité et sécurité d’emploi.
-
Effets secondaires : nous n’insisterons pas sur les effets secondaires potentiels
du charbon activé vu leur rareté et leur bénignité en regard du bénéfice
attendu. Il s’agit principalement des vomissements, pouvant intéresser jusqu’à
14 % des enfants avec éventuelle inhalation, ou encore de la constipation
notamment si prises répétées, de la déshydratation notamment si prise
associée de sorbitol, ainsi que d’autres effets secondaires plutôt décrits chez
l’adulte [42].
-
Indications et recommandations : certains auteurs recommandent la prise
d’une dose unique de charbon activé pour le traitement des intoxications
78
aiguës pauci-symptomatiques de l’enfant ayant ingéré un toxique carboadsorbable [42]. En 1985, Merigian et al ont publié les résultats d’une grande
étude prospective comparant différentes modalités d’épuration : les malades
victimes d’une intoxication aiguë et admis dans un état symptomatique étaient
2x moins hospitalisés en unité de soins intensifs et moins intubés lorsqu’ils
étaient mis sous charbon activé seul que ceux traités à la fois par vidange
gastrique (sirop d’Ipéca ou lavage gastrique) et charbon activé [43]. Ce constat
est confirmée par une autre étude spécifiquement destinée à la population
pédiatrique, au cours de laquelle le charbon activé a été administré avec du
sorbitol pour en améliorer le goût et donc l’acceptabilité [44].
En Finlande, une étude menée par les autorités de santé recommande aux
parents de disposer du charbon activé pour une utilisation à domicile en cas
d’empoisonnement chez un enfant, après avis d’un médecin ou du centre
antipoison [45]. L’Institut National de Santé Publique du Québec a proposé aux
autorités de procéder à la distribution gratuite de charbon activé pour la
population n’ayant pas accès à un service d’urgence à moins de 45 minutes de
leur domicile [46]. Au Maroc, au cours de l’année 2008, le CAPM a
approvisionné les principaux établissements de santé publiques et privés, dont
les services de pédiatrie et de réanimation polyvalente du CHU Hassan II, en
charbon activé. Il faut rappeler tout de même que ce produit n’est pas
disponible à la vente en pharmacie et qu’il reste donc trop peu accessible à nos
patients.
-
Limites d’utilisation : le charbon activé n’est pas systématique dans les
intoxications par voie orale [28]. Ainsi :
79
 il ne doit concerner que les patients conscients avec possibilité de
protection des voies aériennes et qui se sont présentés dans la 1ère heure
suivant l’ingestion.
 il ne doit être prescrit que dans le cas de toxiques carbo-adsorbables :
antidépresseurs
carbamazépine,
digitaliques,
tricycliques,
chloroquine,
salicylés,
benzodiazépines,
paraquat,
paracétamol,
colchicine,
β-bloquants,
barbituriques,
phénothiazines,
méprobamate,
théophylline,…
 il n’a aucun intérêt en cas d’ingestion de cyanure, alcools, glycols, fer,
lithium.
80
 il est contrindiqué :
 en cas de troubles de conscience, de risque de survenue de
convulsions sauf si intubation avec sonde à ballonnet gonflé ;
 en cas d’ingestion de produits caustiques, car inefficace et entrave
l’exploration
endoscopique,
émétisants,
moussants
ou
des
hydrocarbures vu le risque en cas d’inhalation ;
 en cas de recours envisagé à un antidote par voie orale
 chez le jeune nourrisson < 6 mois.
Le charbon activé a pourtant été utilisé à des doses réitérées avec
succès chez un nouveau-né né en dépression respiratoire des
suites d’une ingestion maternelle massive d’une benzodiazépine 3
jours avant l’accouchement [47]. Cette observation illustre le
pouvoir du charbon activé à épurer un toxique en l’adsorbant à
travers les parois du tube digestif, même si la voie d’intoxication
est parentérale : c’est la technique d’entérodialyse [48].
 son efficacité chez les patients initialement asymptomatiques n’a pas été
prouvée, comme le souligne l’étude de Merigian et al [43].
 son acceptabilité par l’enfant n’est pas automatique : dans une série, 41
% des enfants ont refusé de l’ingérer, obligeant l’équipe soignante à
l’administrer par sonde gastrique [42]. L’ajout de produits aromatisants
appréciés par les enfants, comme le sorbitol, un yaourt, une crème
glacée, de la confiture de fruits, du lait chocolaté ou toute autre aliment
constitue une solution utile mais non recommandée par les sociétés
savantes, dont la SRLF.
81
Face à la redéfinition du cadre d’utilisation du charbon activé, il est 2x moins
employé chez les enfants Américains < 6 ans, passant de 1,7 % en 1985 à 0,9
% en 2007 [5].
Dans
notre
série,
sur
les
14
enfants
admis
pour
intoxication
médicamenteuse, 2 enfants présentaient les critères appropriés pour une
administration de charbon activé : il s’agit de 2 frères ayant ingéré le montélukast
(Singulair®) et ayant consulté à H1 post-ingestion.
1-2.a.4 Lavage intestinal
Le lavage intestinal est exceptionnellement employé. Il peut être réalisé en
complément au lavage gastrique face à l’ingestion massive d’une substance non
carbo-adsorbable, à résorption retardée ou à enrobage entérique. L’une des
indications les plus concrètes est l’ingestion de quantités significatives de fer.
Plusieurs molécules peuvent être utilisées : polyéthylène glycol, sulfate de soude,
mannitol à 20 % ou sorbitol [28,36].
1-2.a.5 Laxatifs
Aucune indication [28].
b. Epuration rénale
La diurèse forcée et l’alcalinisation des urines consistent à éliminer la
fraction ionisée non réabsorbable d’un toxique dans les urines en augmentant le
débit de filtration glomérulaire ou en augmentant le pH urinaire. On y recourt par
la perfusion continue et lente de SB 14 ‰ en alternance avec du SG 10 % ou du
mannitol 10 % osmotiquement actifs. C’est la principale mesure recommandée en
cas d’intoxication par les salicylés ne justifiant pas le recours à l’hémodialyse.
D’autres indications sont moins formelles : ingestion de barbituriques, dérivés
chlorophénoxy (certains herbicides), méthotrexate [16,24,28].
82
c. Epuration extra-rénale
1-2.c.1 Hémodialyse et dialyse péritonéale
L’hémodialyse est efficace et sera parfois proposée comme traitement
épurateur
dans les intoxications par les alcools,
l’éthylène-glycol
et le
lithium comme complément [16,24,28].
1-2.c.2 Exsanguino-transfusion
Ses seules indications sont les méthémoglobinémies et les hémolyses
sévères d’origine toxique [16,28].
d. Conclusion
Le traitement épurateur ne doit être entrepris que si le bénéfice escompté
est évident et que les conditions de son innocuité sont réunies. Les vomissements
provoqués n’ont plus lieu d’être. L’indication du lavage gastrique n’est posée que
dans les situations où une épuration digestive s’impose pour un toxique non
carbo-adsorbable. L’administration de charbon activé n’est pas systématique
dans les intoxications médicamenteuses. L’épuration rénale et extra-rénale sont à
considérer au cas par cas.
83
1-3
Traitement spécifique
Par traitement spécifique ou antidote on entend tout médicament capable
de modifier la cinétique du toxique ou d’en diminuer les effets et dont l’utilisation
améliore le pronostic vital ou fonctionnel de l’intoxication [16]. Les antidotes
peuvent agir de différentes manières [16] :
 en limitant l’absorption digestive du toxique ou en accélérant son
élimination : exemple des chélateurs de métaux lourds ;
 en le neutralisent avant qu’il n’atteigne sa cible : exemple du Nacétylcystéine dans les intoxications au paracétamol ;
 en le déplaçant de sa cible : exemples du naloxone dans les
intoxications aux opiacés ou de l’O2 dans le cas des inhalations de CO ;
 en corrigeant ses effets : exemple de la vitamine B6 ou de l’isoniazide ou
du
bleu
de
méthylène
dans
les
intoxications
aux
produits
méthémoglobinisants.
Selon les dernières recommandations de la SRLF, dans le cas des toxiques
lésionnels comme peut l’être le paracétamol, l’antidote doit être employé avant
l’atteinte organique, autrement il ne pourra entraîner aucun effet bénéfique. Pour
les toxiques fonctionnels tels les benzodiazépines, les opiacés et les digitaliques,
l’effet de l’antidote doit être constaté sur une amélioration des signes cliniques ou
biologiques [28]. Entre l’adulte et l’enfant il n’existe pas de différences dans les
indications et les modalités d’administration, il suffit d’adapter les doses [26].
Si la liste des toxiques est infinie, celle des antidotes reste en revanche assez
réduite. Sachant que dans certaines intoxications les antidotes sont parfois
salvateurs, leur connaissance est obligatoire. La figure 27 résume les principaux
antidotes connus à ce jour avec leurs indications.
84
Fig. 27 : Principaux toxiques et antidotes correspondants (d’après [36])
Cette liste d’antidotes ne comprend pas l’oxygène qui obéit pourtant à la
définition d’un antidote vis-à-vis du CO.
Dans notre travail, l’oxygène a été l’antidote le plus employé (7 cas), devant
l’atropine (2 cas) et la pralidoxime (1 cas). La N-acétylcystéine (Exomuc®) est un
antidote classique pour le paracétamol, mais qui a été proposé par le CAPM pour
traiter spécifiquement les 2 cas d’intoxications au chardon à glu (« ad-dad ») vu
l’homologie des mécanismes d’action des deux toxiques lésionnels.
85
1-4
Traitement symptomatique
« Traiter le patient avant de traiter le toxique » disait Goldfrank [49]. Le
traitement symptomatique reste le plus déterminant pour la grande majorité des
intoxications, sans quoi le patient risque le décès ou les séquelles par les effets
du toxique, bien avant l’élimination de celui-ci. Le traitement symptomatique
commence dès la mise en place d’une sonde gastrique ou d’un cathéter veineux
périphérique par exemple et inclut autant l’antiémétique, l’oxygénothérapie,
l’expansion volémique que la ventilation mécanique ou l’épuration extrarénale
dans les cas d’insuffisance rénale, d’acidose métabolique ou hyperkaliémie, en
passant par le diazépam et les drogues vasoactives entre autres.
66 % de nos malades ont bénéficié d’un traitement symptomatique :
l’antiémétique a été la classe de médicaments la plus prescrite, devant les
antalgiques à la tête desquels le paracétamol.
1-5
Consultation de psychiatrie
Face à un acte d’empoisonnement volontaire, le rôle du pédiatre ou de
l’urgentiste
sera
d’établir
une
relation
de
confiance
permettant
le
bon
déroulement des différentes étapes de soins, en veillant à ne pas réprimander un
enfant assez fragilisé par la situation qui l’a mené à l’acte et souvent habité par
un sentiment de culpabilité après une tentative de suicide. Il doit aussi guetter les
signes annonciateurs d’une possible récidive, en cherchant notamment la notion
de préméditation ou encore l’absence de regrets. Une consultation chez un
psychiatre s’impose chaque fois que le caractère intentionnel de l’intoxication est
mis en évidence, quel que soit l’âge du patient.
Les 2 jeunes patientes de 10 et 13 ans qui se sont empoisonnées dans un
but d’autolyse ont été adressées en psychiatrie accompagnées de leurs proches
pour un entretien et un éventuel suivi.
86
87
1-6
Standardisation de la prise en charge pour certains types
d’intoxication
Aucun médecin ne peut prétendre réussir à lui seul à gérer convenablement
toute situation d’intoxication en raison de l’immense diversité des toxiques. Il
doit avoir la possibilité de contacter à tout moment une structure comme le centre
antipoison qui pourrait grâce à sa base de donnée lui servir d’appui pour réagir
promptement et prendre des mesures appropriées.
Au-delà de son rôle de conseil pour le personnel soignant et la population
générale, le centre antipoison a pour mission d’élaborer et assurer la diffusion de
schéma de prise en charge codifiées pour les intoxications les plus fréquentes ou
les plus menaçantes. En effet, les intoxications aiguës comptent parmi les
affections qui se prêtent volontiers aux stratégies standardisées de prise en
charge, à l’instar des piqures de scorpion [50]. Ce sont en effet des évènements
de gravité variable qui laissent peu de temps à la réflexion et sont susceptibles
d’engager le pronostic vital. Ces stratégies, inspirées par les consensus mondiaux
et parfois adaptées à notre environnement et à nos moyens, ont un impact prouvé
sur la morbidité et la mortalité qui s’en trouvent considérablement réduites. Le
CAPM a promu un certain nombre de ces conduites à tenir dont les plus connues
concernent
les
intoxications
oxycarbonées,
paraphényldiamine (« takkawt roumia ») [51,52].
88
les
organophosphorés
et
la
2- Prévention
Dans un rapport traitant de l’efficacité du sirop d’Ipéca et du charbon activé
dans la prise en charge des intoxications, l’Institut National de Santé Publique du
Québec conclut que le seul moyen thérapeutique efficace reste la prévention
primaire [46]. Aucune mesure curative ne vaudra jamais la prévention.
2-1
Le
Identification des facteurs favorisant les empoisonnements
volet
préventif
s’adresse
principalement
aux
empoisonnements
accidentels, qui constituent la grande majorité des cas constatés chez l’enfant.
Certaines
pratiques
sociales
et
commerciales
expliquent
en
partie
les
intoxications par voie orale chez les enfants en entraînant dans l'esprit de ceux-ci
une fâcheuse confusion [3] :
 pauvreté, analphabétisme, ignorance et croyances populaires. Les
enfants sont sous la responsabilité d’adultes dont les comportements
actifs ou passifs peuvent conduire involontairement les enfants à un
empoisonnement ; c’est l’exemple de l’utilisation du charbon pour le
chauffage ou la cuisson dans un environnement confiné.
 manque d’organisation et de gestion appropriée des espaces de
rangement : on a constaté que les sacs à main, les réfrigérateurs, les
tablettes, les étagères et les rebords de salles de bain étaient les lieux de
rangement les moins sûrs, indépendamment du toxique en question
[53].
 commercialisation des produits ménagers dans des conditionnements
publicitaires aux couleurs attirantes exerçant un attrait sur les enfants.
En effet, des études ont démontré l’attirance du jeune enfant pour les
couleurs claires plutôt que pour les couleurs foncées, pour les liquides
plutôt que pour les solides et pour les objets de petite taille plus que
89
pour ceux de grande taille. Par conséquent, ce sont les liquides clairs et
les petits objets solides qui ont le plus de chances d’être mis en bouche
[54].
 entreposage de détergents, dérivés pétroliers comme les diluants et le
pétrole lampant ainsi que d’autres toxiques dans des bouteilles prévues
pour un usage alimentaire telles les bouteilles de soda ;
 commercialisation de paquets de lessive avec des gadgets et jouets en
plastique offerts à l’intérieur ;
 coloration et aromatisation de certains médicaments comprimés, gélules
ou sirop pouvant être pris pour des bonbons ou des produits de
confiserie par les enfants ;
2-2
Mesures préventives
Plusieurs mesures simples ont prouvé leur efficacité dans la prévention des
empoisonnements accidentels chez l’enfant.
-
Sensibiliser la population sur la toxicité des produits les plus courants et
indiquer aux parents notamment les bonnes attitudes. Il faut rappeler que
toute substance potentiellement toxique doit être mise hors de la portée des
enfants : les armoires de pharmacie et de toilette ainsi que les armoires de
cuisine et les tiroirs semblent être les lieux de rangement les plus sûrs,
d’autant plus s’ils sont en hauteur ou disposent d’une fermeture à clé [53] ;
insister
sur
les méfaits
du
charbon
en
combustion
utilisé
dans un
environnement confiné, sur les précautions d’usage du chauffe-eau à gaz,...
-
Adopter des fermetures d’emballage spéciales dites résistantes aux enfants,
notamment :
 les emballages à bouchon de sécurité : leur ouverture nécessite une série
d’actions complexes, notamment le fait de serrer le bouchon ou
90
d’appuyer dessus tout en le faisant tourner. Cette mesure est déjà en
vigueur dans les pays Occidentaux : les produits sont aux normes
lorsqu’au moins 85 % des enfants âgés de 42 à 51 mois sont incapables
d’ouvrir le récipient en 5 minutes et qu’au moins 80 % n’y arrivent pas
même après une démonstration [3,55].
 les
emballages
thermoformés :
employés
notamment
pour
les
médicaments en comprimés ou en gélules, ces emballages ont été jugés
résistants aux enfants car les médicaments devaient être retirés à l’unité,
ce qui est moins dangereux que si le médicament était contenu dans un
flacon [56]. Les plaquettes thermoformées demeurent moins efficaces
que les emballages à bouchon de sécurité.
Mais, même dans un emballage sécurisé aux normes, il faut se souvenir qu’un
produit disposé dans un lieu à la portée des enfants sera toujours plus
dangereux qu’un autre correctement rangé, car aucun système de sécurité
n’est parfait [3,57].
-
Promouvoir les médicaments les moins toxiques face aux molécules à faible
index thérapeutique, à l’image des benzodiazépines privilégiées aux dépens
des barbituriques ou du paracétamol plus prisé que l’aspirine [58]. Une autre
mesure notable consiste à commercialiser les médicaments à des doses
théoriquement insuffisantes pour provoquer la mort comme dans le cas du
paracétamol [3].
-
Rendre les produits moins toxiques : s’il est vrai qu’il sera impossible de
retirer tous les toxiques du marché, il est possible en revanche d’en réduire le
niveau de toxicité. C’est l’exemple de l’eau de javel ou du vinaigre dont les
préparations concentrées peuvent être interdites au profit de celles diluées, ou
encore celui des pesticides dont il existe des molécules moins toxiques.
91
-
Rendre les agents toxiques moins attractifs : en donnant la préférence aux
emballages opaques aux couleurs neutres, plutôt qu’à ceux transparents ou
aux couleurs vives ; en ajoutant des colorants pour les liquides clairs et des
agents amérisants.
-
Légiférer et réglementer au sujet de l’étiquetage, la distribution, le stockage et
l’élimination des toxiques. Cette mesure devrait logiquement conduire à une
réduction des cas d’intoxication, mais son impact paraît dérisoire, les enfants
< 6 ans, les plus fréquemment concernés, ne réagissant pas au contenu des
étiquettes [3].
L’AAP considère que les emballages à fermeture résistant aux enfants et la
prescription de médicaments de moindre toxicité sont les 2 mesures phares
expliquant la chute spectaculaire de la mortalité par empoisonnements chez les
enfants aux Etats-Unis [38]. L’OMS juge par ailleurs que les emballages résistants
aux enfants se révèlent efficaces dans le cas des médicaments, combustibles,
produits d’entretien et pesticides. Ils ont été expérimentés en Afrique du Sud où
leur distribution gratuite au sein d’une communauté a fait chuter les cas
d’ingestion accidentelle de pétrole lampant de moitié en l’espace de 14 mois [3].
La figure 28 hiérarchise les différentes stratégies préventives des intoxications
chez l’enfant tel que les a évaluées l’OMS.
92
Fig. 28 : Efficacité des différentes stratégies clés pour la prévention des intoxications
chez l’enfant selon l’OMS (d’après [3])
VI. Evolution / Pronostic
Selon une grande étude rétrospective récapitulant les données recueillies
par le CAPM depuis sa création en 1980 jusqu’en 2007 [7] :
-
96,5 % des cas d’intoxication aiguë recensés au Maroc pendant cette période
ont évolué favorablement ;
-
1,1 % des intoxiqués ont gardé des séquelles ;
-
2,3 % sont décédés (correspondant à 1203 cas).
Ce taux de létalité semble très élevé à première vue car non comparable à ceux
enregistrés par les centres antipoison étrangers disposant d’un nombre de
recrues nettement supérieur – donc statistiquement plus fiables – et appliquant
des critères précis d’imputabilité pour les décès [4,5,8]. En France à titre
d’exemple, les centres antipoison ont répertorié 197 042 cas d’exposition
humaine à un toxique en 2006, dont 130 463 qui étaient suffisamment
documentés pour être exploitables. Sur les 214 cas de décès enregistrés, seuls
93
138 l’ont été avec une imputabilité au moins plausible [4]. D’après ces données,
le taux de mortalité n’est que de 0,1 %. Par contre, dans d’autres pays émergents
comme le Sri Lanka et le Vietnam, les taux de létalité par empoisonnement sont
similaires voire plus élevés que ceux constatés au Maroc [59,60].
Dans notre série, les taux calculés de mortalité (4,9 %) et de survie avec
séquelles (2,4 %) souffrent certainement des mêmes biais : seule une partie des
empoisonnements, jugés sérieux par les parents ou les médecins qui les ont
adressés, sont notifiés et éventuellement admis par les internes de garde aux
urgences. Nous considérons le nombre de décès par intoxication un indicateur
plus fiable que le taux de létalité des intoxications dans des pays comme le notre
qui ont encore des progrès à réaliser dans le recueil des données.
94
VII. Spécificités selon les classes de toxiques
1- Médicaments
Avec 1/3 des cas (14 patients), les intoxications médicamenteuses ont
constitué la 1ère cause d’intoxications dans notre étude. Chez l’enfant, la
prédominance des intoxications aux médicaments et aux produits ménagers est
classique
dans
la
littérature
[4,8]. La
proportion
des
intoxications
médicamenteuses dépasse même les 55 % en Turquie et aux Emirats Arabes Unis
[61,62]. Les classes thérapeutiques les plus incriminées chez les enfants ≤ 5 ans
sont les analgésiques [5,61,62], par opposition aux adultes qui recourent avant
tout aux psycholeptiques [4].
Nous aborderons les spécificités des intoxications par certaines classes de
médicaments que nous avons eu à gérer au cours de ce travail ou par d’autres
classes thérapeutiques qui méritent d’être mieux connues en raison de leur
fréquence ou leur gravité potentielle chez l’enfant.
1-1
Antalgiques antipyrétiques
a. Paracétamol
1-1.a.1 Particularités physiopathologiques
Chez l’enfant de 1 à 5 ans, le risque d’hépatotoxicité par prise de
paracétamol est plus faible que chez l’adulte, du fait du caractère accidentel
limitant
la
dose
ingérée,
de
la
prépondérance
du
mécanisme
de
sulfonoconjugaison dans le métabolisme du paracétamol à cet âge et de la faible
teneur en paracétamol des suspensions commercialisées [26,63].
1-1.a.2 Particularités diagnostiques
Les intoxications au paracétamol sont dites graves lorsque la dose ingérée
≥ 125 mg/kg, voire moins si malnutrition, prise d’inducteurs enzymatiques du
95
cytochrome
P450,
prise
répétée
de paracétamol
ou
prise
simultanée
de
sulfaméthoxazole-triméthoprime ou de zidovudine, alcoolisme chronique.
Le dosage de la paracétamolémie et son interprétation sur le nomogramme de
rumack et Matthew permet de confirmer le diagnostic et d’évaluer la gravité (fig.
29). Cependant, ce dosage n’a de valeur que s’il est effectué après H4 d’ingestion.
Si l’horaire d’ingestion n’est pas connu, il convient de répéter ce dosage 4 heures
plus tard pour mesurer la demi-vie plasmatique d’élimination. L’hépatite toxique
est certaine lorsque cette demi-vie d’élimination > 4 heures. Chez l’adulte,
l’hépatite est mortelle si la paracétamolémie ≥ 300 mg/l à H4 et 45 mg/l à H15.
Elle est sans risque lorsqu’elle est < 150 mg/l à H4 et < 25 mg/l à H15 [28,63,64].
1-1.a.3 Particularités thérapeutiques
La N-acétylcystéine (Exomuc®) est indiquée dans les intoxications graves au
paracétamol. Deux protocoles sont recommandés par la SRLF :
-
par voie veineuse, à privilégier tant que possible :
 150 mg/kg en 1 h,
 puis 50 mg/kg en 4 h,
 puis 100 mg/kg en 16 h.
-
par voie orale, si indisponibilité de la N-acétylcystéine pour usage intraveineux
et en l’absence de vomissements ou d’utilisation du charbon activé :
 140 mg/kg,
 puis 70 mg/kg/4h pendant 72h.
L’efficacité est optimale si l’antidote est administré avant H10 d’intoxication. Si le
patient est vu après H24 ou présente d’emblée des signes d’hépatite cytolytique, le
même protocole est maintenu en plus de 300 mg/kg/j jusqu’à guérison [28]
Par
ailleurs,
le
paracétamol
est
carbo-adsorbable.
Des
mesures
symptomatiques peuvent être nécessaires, notamment les corrections d’une
96
acidose lactique ou d’une insuffisance rénale. L’éventualité d’une transplantation
hépatique doit être envisagée si le TP devient < 50 % [16].
Fig. 29 : Nomogramme de Rumack et Matthew indiquant les zones de toxicité possible ou
probable (d’après [64])
b. Aspirine
Les salicylés font partie des médicaments susceptibles de donner la mort
chez l’enfant à des doses relativement faibles [33]. L’intoxication aux salicylés est
fort heureusement en recul depuis la promotion du paracétamol comme
antalgique et antipyrétique auprès des médecins traitants. Néanmoins, l’enfant
est toujours exposé au risque d’ingestion accidentelle d’aspirine qui reste
largement appréciée par la population et mise en vente libre dans les commerces.
L’association de troubles neurosensoriels comme les acouphènes ou
l’hypoacousie,
hyperventilation,
déshydratation,
hyperthermie,
sueurs
avec
acidose métabolique ou alcalose respiratoire doit faire rechercher une intoxication
par l’aspirine et ses dérivés [28]. Les salicylés sont des molécules carboadsorbables. Ils représentent une des rares indications à l’alcalinisation des
97
urines. L’hémodialyse ou l’hémofiltration sont utiles en cas de forme sévère avec
insuffisance rénale.
c. Ibuprofène
L’ibuprofène est l’anti-inflammatoire le plus utilisé en pédiatrie en raison de
sa bonne tolérance et sa sécurité d’emploi. En effet, même si la dose
thérapeutique maximale est de 40mg/kg/j, les prises uniques < 100 mg/kg
n’entraînent aucun effet. A des doses plus importantes peuvent s’observer des
douleurs abdominales, nausées, vomissements, céphalées, vertiges, acouphènes,
nystagmus, troubles visuels ou une somnolence, mais 90 % des intoxications à
l’ibuprofène chez l’enfant demeurent asymptomatiques. Des complications graves
surviennent à des doses de 400 mg/kg ou sur un terrain de déshydratation ou
d’insuffisance rénale : convulsions, coma profond, hypothermie, dépression
respiratoire, acidose
métabolique,
insuffisance
hépatocellulaire,
insuffisance
rénale aiguë, troubles de l’excitabilité cardiaque [63,64].
Le charbon activé peut être proposé chaque fois que la prise dépasse 100 mg/kg,
à côté de mesures symptomatiques comme la réhydratation et la correction
hydro-électrolytique. En cas de convulsions, les benzodiazépines sont utilisées
[63].
Durant notre année d’étude, nous n’avons recensé aucun cas d’intoxication
au paracétamol, ni à l’aspirine ni à l’ibuprofène (2008).
98
1-2
Psycholeptiques et psychoanaleptiques
Parmi les médicaments à effets neuropsychiatriques on distingue :
 psycholeptiques :
antipsychotiques,
anxiolytiques,
hypnotiques
et
sédatifs.
 psychoanaleptiques : antidépresseurs, psychostimulants, traitement des
syndromes
d’hyperactivité
psycholeptiques
et
et
nootropiques,
psychoanaleptiques,
association
médicaments
contre
de
la
démence.
a. Benzodiazépines
1-2.a.1 Particularités épidémiologiques
Les
benzodiazépines
sont
des
molécules
dotées
de
propriétés
anxiolytiques, hypnotiques, anticonvulsivantes et myorelaxantes, expliquant leur
grande fréquence de prescription. Depuis leur découverte dans les années 1960,
elles ont été promues et préférées à d’autres médicaments ayant une faible
sécurité d’emploi, comme le méprobamate (Equanil®) employé comme sédatif et
dont l’effet anxiolytique ne se manifeste qu’à fortes doses. Leur courante
prescription comme anxiolytiques pour des durées souvent prolongées et
l’automédication
expliquent
la
grande
place
qu’elles
occupent
dans
les
intoxications volontaires ou accidentelles aux psychotropes.
Au Maroc, selon une récente étude, l’adolescente et la jeune femme sont les
principales concernées par les tentatives de suicide aux médicaments, avec un
âge moyen de 20,9 ± 9.19 ans et un sex-ratio de 0,35. Les spécialités
neuropsychiatriques constituent 43,9 % des substances concernées avec les
benzodiazépines, le bromazépam notamment, en tête (près de ¼) [65]. Dans notre
série nous avons rapporté 2 cas de tentatives de suicide dont un par prise
médicamenteuse (cas n°38). Cette jeune fille de 10 ans a ingéré 140 mg de
99
prazépam (Lysanxia®), sachant que la dose thérapeutique usuelle est de 60 mg/j
chez l’adulte. Elle adhère donc au profil des suicidants décrit dans notre pays.
D’autre part, benzodiazépines et autres psychotropes sont souvent en
cause dans des intoxications accidentelles de l’enfant. Une étude menée au
Service de Pédiatrie II du CHU Ibn Rochd de Casablanca confirme cette tendance :
48,6 % de l’ensemble des intoxications médicamenteuses étaient dues à des
psychotropes, parmi lesquelles les anxiolytiques (les benzodiazépines) sont
largement
majoritaires
(69,8
%),
devant
les
neuroleptiques (13,2
%),
les
barbituriques, les antidépresseurs, les antiépileptiques et autres sous-classes (<
5 % chacune). D’après cette même étude, ces intoxications étaient accidentelles
dans 80 % des cas, mono-médicamenteuses dans 97,5 % et ont toutes évolué
favorablement [67].
1-2.a.2 Particularités cliniques
Aux doses toxiques, les benzodiazépines dans leur globalité entraînent :
-
troubles du comportement et de la mémoire : agitation, désinhibition,
agressivité, ébriété, une amnésie antérograde constante. Ces manifestations
sont les plus précoces.
-
dépression
du
système
nerveux
central :
hypotonie,
obnubilation
et
somnolence voire un coma calme, dépression respiratoire souvent modérée et
plus fréquente chez les enfants. Ces troubles sont plus tardifs.
1-2.a.3 Particularités de prise en charge
L’antidote des benzodiazépines est une autre benzodiazépine, le flumazénil
(Anexate®), qui agit comme un inhibiteur compétitif : il possède une affinité aux
mêmes récepteurs membranaires qu’il occupe sans les activer. Dans les formes
sévères d’intoxication aux benzodiazépines, on administre une dose de charge de
10 µg/kg en intraveineux lent, entretenue par une perfusion de 10 µg/kg/h.
100
Cependant, il faut tenir compte de la demi-vie de la benzodiazépine en question,
souvent plus longue que celle du flumazénil (20 – 30 min), impliquant sa
réadministration malgré l’amélioration apparente. D’autre part, le flumazénil
inhibe l’action des benzodiazépines même si elles sont données à visée
anticonvulsivante, dans le cadre d’intoxications polymédicamenteuses [36,64,66].
Les benzodiazépines sont carbo-adsorbables.
b. Neuroleptiques
Dans notre série, le cas d’un jeune garçon de 4 ans ½ (cas n°41) illustre la
gravité de ces intoxications : ayant ingéré 60 gouttes d’halopéridol (Haldol®
gouttes) soit 6 mg, l’enfant n’a été amené en consultation que tardivement avec
d’emblée des signes neuropsychiques, extrapyramidaux et neurovégétatifs graves
comme la bradypnée. Pour rappel, l’halopéridol est une molécule qu’il est
possible de prescrire chez l’enfant à la dose de 0,02 mg/kg/j (0,2 gouttes/kg/j)
et l’augmenter progressivement sans dépasser 0,2 mg/kg/j (2 gouttes/kg/j).
Notre patient a été exposé à la dose de 0,4 mg/kg/j et a reçu par la propre
initiative de son père du trihexyphéniclyle (Artane®), traitement potentiel pour
corriger les effets de l’halopéridol mais peu prescrit chez l’enfant, chez qui le
traitement symptomatique se base principalement sur les benzodiazépines.
Un syndrome malin des neuroleptiques doit être évoqué devant tout tableau
associant
une
confusion,
une
hypertonie
généralisée
avec
hyperréflexie
ostéotendineuse, des sueurs, une hyperthermie, une instabilité hémodynamique
ainsi qu’une rhabdomyolyse. Ces symptômes sont assez voisins de ceux d’une
intoxication aux antidépresseurs. En effet, sauf si le tableau clinique associe des
myoclonies, élément négatif dans le syndrome malin des neuroleptiques et décrit
dans le syndrome sérotoninergique, les deux syndromes sont difficilement
distinguables. Par conséquent, le traitement spécifique par la bromocriptine, qui
101
est un agoniste dopaminergique, est risqué dans les situations douteuses. Cette
mesure peut améliorer les troubles dans les intoxications aux neuroleptiques et
les aggraver s’il s’agit d’antidépresseurs. Au moindre doute, il est plus prudent de
se limiter au traitement symptomatique [63].
c. Antidépresseurs
La gravité de l’intoxication aux antidépresseurs chez l’enfant tient à leur
potentiel létal à faible dose [28,63]. Plusieurs classes existent (tricycliques,
inhibiteurs de la monoamine oxydase, inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine-noradrénaline,…) et exercent dans différentes proportions une toxicité
neurologique par inhibition de la recapture de neurotransmetteurs centraux et
une toxicité cardiaque par un effet stabilisant de membrane [68]. En cas de
surdosage, ils entraînent :
 syndrome
sérotoninergique :
coma
agité,
convulsions,
hypertonie,
myoclonies, hyperéflexivité, hyperthermie, sueurs, rashs cutanés.
 syndrome
anticholinergique :
agitation,
tremblements,
sécheresse
buccale, mydriase, globe vésical. Il s’observe à partir de 5 mg/kg.
 troubles
troubles
cardiovasculaires :
de
la
conduction
tachycardie
sinusale
auriculo-ventriculaire
initialement
et
voire
ventriculaire,
dépression myocardique et vasodilatation systémique en cas de doses >
10 mg/kg.
 d'autres effets en fonction de la molécule considérée, comme les
syndrome adrénolytique, histaminergique,…
Le syndrome sérotoninergique est assez spécifique. Il doit être évoqué, en
l’absence d’un traitement récent par neuroleptique, devant l’association d’au
moins 3 signes parmi les suivants : hypomanie ou confusion, agitation,
myoclonies, hyperréflexie, mydriase, hypersudation, frissons, tremblements,
102
diarrhées, incoordination et/ou hyperthermie. En effet, hormis les myoclonies qui
sont un élément discriminant absent du syndrome malin des neuroleptiques, les
deux syndromes sont difficiles à départager. Au moindre doute, il convient de
s’en
tenir
au
traitement
symptomatique
et
à
l’épuration
digestive.
Les
antidépresseurs tricycliques sont carbo-adsorbables [28,63].
L’ECG, la kaliémie et le pH sont des éléments intéressants pour la prise en
charge : la présence de QRS > 0,1s impliquent le recours au bicarbonate de
sodium et le renouveler si nécessaire. La ventilation mécanique fait souvent partie
des mesures symptomatiques, au même titre que les mesures d’apyrexie, la
sédation par benzodiazépines ou les inhibiteurs non spécifiques de la sérotonine.
La régression sans séquelles peut s’observer en 24 à 36 heures [16,63].
Nous
n’avons
été
confrontés
à
aucun
antidépresseur au cours de notre année d’étude.
103
cas
d’intoxication
par
un
1-3
Cardiotropes
Les cardiotropes sont des médicaments rarement mise en cause dans les
intoxications de l’enfant pour lequel ils constituent un danger à faibles doses
[16,33].
a. β-bloquants
Les β-bloquants risquent d’occasionner une dépression myocardique et une
hypoglycémie. La surmortalité est plus élevée lorsqu’il s’agit de molécules
possédant en plus un effet stabilisant de membranes comme le propranolol. Sur
l’ECG on observe fréquemment une bradycardie sinusale, des blocs sinoauriculaire ou auriculo-ventriculaire de degré élevé, mais on peut avoir également
des complexes QRS larges dans le cadre d’un rythme ventriculaire d’échappement
ou d’un effet stabilisant des membranes, cependant l’ECG peut rester normal
malgré une situation d’état de choc cardiogénique [64].
En cas d’intoxication, le glucagon peut être utilisé précocement comme
antidote en raison de son action chronotrope et inotrope positives directes. Il est
indiqué devant une hypoglycémie réfractaire au resucrage et en cas de dépression
myocardique, en complément de l’utilisation d’amines vasopressives :
 si hypoglycémie réfractaire au resucrage, administrer du glucagon
(Glucagen®) par voie parentérale à raison de 0,5 mg chez les enfants <
20 kg, 1 mg chez ceux ≥ 20 kg. Il ne peut plus être réutilisé après 3
essais, c’est-à-dire après épuisement des réserves hépatiques en
glycogène.
 si dépression myocardique : 25 – 100 µg/kg (sans dépasser 1 mg par
injection) puis relais intraveineux à la dose de 25 µg/kg/h pendant 5 à
12 heures selon l’évolution clinique, toujours en complément des amines
vasopressives.
104
Les β-bloquants sont carbo-adsorbables.
105
b. Inhibiteurs calciques
Un seul comprimé de nifédipine à 10 mg (Adalate®) peut mener au décès
chez un enfant de bas âge [63]. Les complications cardiovasculaires sont
redoutables et se manifestent par une hypotension artérielle systémique, un état
de choc plus souvent hyperkinétique que cardiogénique, une bradycardie et un
bloc auriculo-ventriculaire. Le tropisme variable des molécules implique un
traitement à déterminer en fonction des troubles prédominants. Il fera
appel essentiellement :
 aux sels de calcium ; perfusion de gluconate de calcium selon le poids
de l’enfant et les symptômes.
 au glucagon. Dans ses dernières recommandations, la SRLF précise que
la place du glucagon reste encore à définir ;
 mais aussi selon le profil hémodynamique :
 au
remplissage
et
aux
α-adrénergiques
si
vasoplégie
prédominante ;
 aux β-adrénergiques si baisse de la contractilité ;
 à l’atropine, l’isoprénaline voire l’entraînement électrosystolique si
prédominance des troubles de la conduction.
L’association insuline – glucose, recommandée en complément aux autres moyens
thérapeutiques pour la prise en charge des intoxications aux inhibiteurs calciques
chez l’adulte, n’a pas été proposée chez l’enfant [28,26].
c. Digitaliques
Lorsqu’il s’agit d’un empoisonnement par digitaliques, le tableau clinique
associe des troubles digestifs, neurosensoriels et surtout de la conduction et de
l’automatisme cardiaque.
106
L’atropine peut être employée en cas de bradycardie mais ne constitue pas un
antidote. Le traitement spécifique consiste à administrer des immunoglobulines
anti-digitaliques. Ses indications chez l’enfant sont [16] :
107
 une cardiopathie sous-jacente ;
 une dose ingérée > 0,3 mg/kg ;
 une digoxinémie > 5 ng/ml ;
 une arythmie menaçante, une instabilité hémodynamique ou une
hyperkaliémie > 6 mmol/l ;
 une progression rapide de la toxicité.
L’impact de ces anticorps sur la mortalité est prouvé, la dose à laquelle ils doivent
être prescrits dépend de la quantité de digoxine ingérée [69]. Leur emploi se
heurte à leur coût et à leur disponibilité encore insuffisante en urgence, même
dans les pays riches [70]. Dans tous les cas, le traitement épurateur reste
possible, les digitaliques étant carbo-adsorbables.
Parmi nos patients, aucun n’a été victime d’une intoxication par un
médicament cardiotrope. Par contre, certains médicaments à fortes doses étaient
en mesure de donner lieu à des effets sur l’appareil cardio-vasculaire, par un effet
cholinergique muscarinique ou un effet stabilisant des membranes, comme pour
la quinine et la loratadine.
108
1-4
Autres
a. Sulfamides hypoglycémiants
Les sulfamides hypoglycémiants font partie des molécules susceptibles
d’entraîner le décès à des doses faibles [33]. Une de nos patientes âgée de 5 ans
(cas n°22) est décédée après ingestion de 60 à 80 mg de glimépiride.
Devant une telle intoxication impliquant une hospitalisation indiscutable, le
traitement repose sur :
 en 1ère intention : oral ou en perfusion continue de sérum glucosé
hypertonique de sorte à obtenir une glycémie ≥ 0,6 g/l [26,28] ;
 en 2ème intention : en cas d’échec du resucrage, administration
d’octréotide (Sandostatine®) à raison de 1 – 5 μg/kg/j chez l’enfant,
répartie en 4 injections/j sans dépasser 50 μg/injection. L’ocréotide est
un analogue synthétique de la somatostatine qui agit en inhibant les
canaux calciques des cellules β des ilots de Langerhans du pancréas,
réduisant ainsi la sécrétion d’insuline. Administré par voie sous-cutanée
ou intraveineuse, son délai d’action est rapide pour une durée d’action
de 90 minutes. Il peut être perfusé à raison de 0,015 µg/kg/min [26,28].
 en 3ème intention : si échec du resucrage et de l’ocréotide, il faut
administrer du glucagon (Glucagen®) par voie parentérale à raison de 0,5
mg chez les enfants < 20 kg, 1 mg chez ceux ≥ 20 kg. Le glucagon ne
peut plus être réutilisé après 3 essais, c’est-à-dire après épuisement des
réserves hépatiques en glycogène [26,28].
109
b. Antipaludéens
Quinine et chloroquine sont deux antipaludéens caractérisés par une marge
thérapeutique étroite. Les intoxications sont d’origine variée : surdosages
accidentels dans le cas des traitements anti-palustres, utilisation détournée à des
fins abortives ou dans un but suicidaire. Le danger de telles molécules est leur
toxicité cardiaque, étant donné qu’elles possèdent un puissant effet stabilisant de
membrane. Elles peuvent par ailleurs entraîner des troubles de digestifs. Une
hypokaliémie parfois sévère peut se voir et est corrélée à la gravite de
l'intoxication et suffisante à elle seule pour confirmer l’intoxication, sans attendre
l’analyse toxicologique trop tardive [30].
Chez un de nos patients, la quinine était prescrite au père pour des
crampes et a été ingérée accidentellement. Les symptômes digestifs étaient au
premier plan.
c. Antihistaminiques H1
Plusieurs médicaments antihistaminiques H1 ou ayant des propriétés
antihistaminiques
sont
commercialisées :
antiallergiques,
anxiolytiques,
stimulants d’appétit,… Chez l’enfant, l’intoxication peut être sévère et produire
des effets :
-
neuropsychiatriques : agitation, hallucination, ataxie, incoordination, syndrome
extrapyramidal. Les convulsions sont habituelles quelle que soit la molécule;
-
syndrome atropinique : mydriase, tachycardie, chaleur, rougeur du visage,
sécheresse des muqueuses, rétention d’urine et fièvre qui peut être
préoccupante chez l’enfant [64].
-
Dans le cas de l’hydroxyzine (Atarax®), des troubles de repolarisation, à type
d’onde T plate et de QT long ont été rapportés [64]
110
Le traitement est symptomatique, basé éventuellement sur le lavage gastrique en
respectant indications et contre-indications. Les 2 enfants victimes d’une
ingestion accidentelle d’une quantité minime d’un antihistaminique n’ont eu
besoin d’aucune prescription.
d. Fer
Aucun de nos patients n’a été intoxiqué par prise de fer. Ce dernier est
l’une des causes les plus fréquentes de décès par intoxication chez l’enfant. Sa
toxicité sur la muqueuse digestive commence à partir de 20 mg/kg de fer élément
et ses effets systémiques s’observent à partir de 60 mg/kg. Les concentrations
intracellulaires
élevées
compromettent
les
fonctions
mitochondriales
et
provoquent une nécrose cellulaire. Viennent alors des signes de défaillance
multiviscérale et particulièrement d’insuffisance hépatocellulaire 12 à 48 heures
après ingestion. Une radiographie de l’abdomen sans préparation peut objectiver
des particules radio-opaques, justifiant une épuration digestive quel qu’en soit le
moyen. La présence de symptômes comme le coma ou les signes de choc
hypovolémique et cardiogénique, d’acidose métabolique ou une concentration
sérique > 5mg/l à H4 imposent le traitement par desferrioxamine (Desféral®). Ce
chélateur de fer doit être administré en intraveineux à la dose de 15 mg/kg/h
pendant les 4 à 6 premières heures puis réduire la dose de sorte, sans dépasser 3
à 6 g au total [63].
e. Montélukast
Le montélukast (Singulair®) est un anti-leucotriène utile dans le traitement
de fond de l’asthme de l’enfant et de l’adulte. Dans notre série, 2 frères en ont
ingéré 20 et 10 mg et ont été hospitalisés et traités par charbon activé sur avis du
CAPM, avec bonne évolution. Leur cas illustre la prudence adoptée face à une
intoxication par un principe actif encore peu manipulé et donc peu connu par le
111
personnel médical, notamment en situation d’urgence. En effet, ce médicament
n’a commencé à être commercialisé au Maroc que très récemment (2004). Au
Texas, la situation était similaire et a poussé le centre antipoison à mener une
étude rétrospective à propos des cas rapportés d’ingestion de montélukast chez
les enfants < 5 ans : de 2000 à 2005, 95 % des 3698 cas retenus sont restés
asymptomatiques et 5 % d’entre eux ont subi des effets mineurs. L’intoxication
est gérable à domicile [71].
f. Oestroprogestatifs
Hormis une possible hémorragie de privation chez l’adolescente, les
oestroprogestatifs n’expriment aucune toxicité et ne comprennent aucun risque
chez les jeunes enfants et les garçons. Il s’agit de la classe médicamenteuse la
plus fréquemment mise en cause dans notre série (4 cas) et dans une série du
centre antipoison de Lille [72]. L’explication la plus probable est la disposition
habituelle de la pilule contraceptive dans les sac-à-mains des mamans ou dans le
tiroir de la table de chevet. Devant une telle intoxication, l’abstention est de règle.
112
2- Monoxyde de carbone
2-1
Particularités physiopathologiques
Etant incolore, inodore, insipide, non irritant et non suffoquant, le CO est
un gaz qu’il est possible d’inhaler à des concentrations potentiellement létales
sans qu’aucun symptôme n’attire l’attention des victimes. Par ailleurs, le CO est
un gaz inflammable et potentiellement détonnant. Son origine principale est la
combustion incomplète des combustibles organiques. Il est d’une grande
diffusibilité dans le milieu ambiant.
Dans l’organisme, il se lie facilement au fer divalent et sa solubilité est
décuplée par la présence de l’hémoglobine, pour laquelle il possède une affinité
250x plus importante que celle de l’oxygène. En présence d’infimes pressions
partielles de CO, le transport artériel en oxygène est significativement diminué,
aggravés par une libération moindre au niveau des tissus périphériques ce qui
entraîne une hypoxie. La baisse du débit cardiaque résultant de la formation de
carboxymyoglobine myocardique non fonctionnelle et l’hyperventilation réflexe
mise en jeu par le système nerveux végétatif est responsable en ambiance toxique
d’un cercle vicieux menant à une aggravation rapide des troubles. D’autre part, le
CO exerce une toxicité directe sur les cellules en inhibant la cytochrome-coxydase, enzyme terminale de la chaîne respiratoire mitochondriale, ce qui
conduit à une anaérobiose puis à une acidose lactique. A cela s’ajoute le stress
oxydatif suite à la production excessive de radicaux libres par les mitochondries,
pourvoyeurs de lésions cérébrales. Ces lésions sont immédiates (nécrose) et
éventuellement tardives (démyélinisation) survenant à distance de l’épisode
toxique [73]. Tous ces éléments expliquent l’immense danger du CO lui valant
d’être appelé « silent killer » (tueur silencieux) [74].
113
2-2
Particularités épidémiologiques
L’intoxication au CO est la première cause de décès par intoxication
accidentelle dans le monde [74]. Elle est responsable à elle seule de 1/3 des décès
occasionnés par les fumées d’incendie [74]. En Turquie, chez les enfants et
adolescents ≤ 18 ans, 78 % des décès par intoxication domestique sont dus à une
inhalation de CO [75]. En Angleterre, entre 1968 et 2000, 84 % des décès toxiques
chez les < 10 ans ont été attribués à un empoisonnement par inhalation de gaz,
dont 58,2 % imputés au CO [58]. Aux Etats-Unis, les expositions accidentelles au
CO non liées à un incendie font admettre aux urgences environ 1600 enfants de <
5 ans chaque année, dont 10 qui évoluent vers le décès [76].
Dans notre série, il s’agit de la 3ème intoxication par ordre de fréquence,
après les médicaments et les produits ménagers. Au Maroc, l’inhalation de CO a
représenté l’intoxication la plus fréquente au cours de l’année 2008 (28 % des
cas) [6]. Pourtant, l’ampleur du phénomène est sous-estimée [51,77]. D’après une
récente publication du CAPM, 11488 cas d’inhalation de CO ont été déclarés au
Maroc de 1991 à 2007, soit 15,8 % de l’ensemble des intoxications aiguës.
Typiquement, l’intoxication au CO dans notre pays est accidentelle (98,5 %),
domestique (96,8 %), urbaine (86,5 %) et hivernale/automnale (68 %) ; elle est
collective dans 24,5 % des cas. Les enfants de < 15 ans représentent près du ¼
des intoxiqués [51]. Malgré son très large effectif et sa longue période d’étude, la
série du CAPM est limitée par la méthode même de recrutement des cas, basée
sur les inconstantes déclarations des centres hospitaliers [51]. Ainsi, 79 décès par
intoxication oxycarbonée ont été notifiés entre 1991 et 2007 selon les données
du CAPM, tandis que le Bureau Municipal d’Hygiène de Rabat en dénombre 40 rien
que pour ces 4 dernières années (2005 – 2008) [77]. Cette disparité entre les
statistiques des décès traduit les difficultés à apprécier la réalité nationale des
114
intoxications oxycarbonées comme pour d’autres types d’intoxications. A cela
s’ajoute la méconnaissance du diagnostic par le clinicien face à des symptômes
manquant de spécificité. La proportion des cas méconnus est estimée à 30 %
même dans des pays développés comme la France [74,78]. Les nombres de
malades et de morts par inhalation de CO sont indéniablement sous-estimés à
l’échelle de notre pays.
Le recours à des hydrocarbures comme le butane ou le propane comme
combustibles pour le chauffage dans les villes a considérablement fait réduire le
nombre d’inhalations de CO : ces intoxications sont à présent le résultat d’un
dysfonctionnement des appareils de chauffage ou de production d’eau chaude ou
d’une exposition excessive aux gaz d’échappement des véhicules à moteur ou de
groupes électrogènes [74]. Dans les pays émergents, la cuisson à domicile et a
fortiori dans un environnement mal aéré est une autre activité potentiellement
émettrice de quantités toxiques de CO, à l’image du braséro (« majmar ») d’usage
courant dans notre contexte [3,77].
Dans notre série, le caractère hivernal de l’intoxication oxycarbonée
s’explique par la plus grande fréquence d’usage du chauffage à gaz et du
chauffe-eau à gaz, d’autant plus que les volets sont souvent fermés en raison du
froid. Il correspond au profil saisonnier de l’intoxication décrit au Maroc avec des
pics en décembre et en janvier (figure 29) [51].
115
Fig. 29 : Répartition des intoxications au CO selon les mois au Maroc (d’après [51])
2-3
Particularités cliniques
Sur le plan clinique, l’intoxication au CO est insidieuse et sousdiagnostiquée en raison d’un tableau clinique souvent bâtard [79]. Elle doit être
systématiquement évoquée face à l’installation brutale sans contexte évident de
signes
neurosensoriels
à
type
de
céphalées
et/ou
de
vertiges,
de
nausées/vomissements, d’une dyspnée, ou encore devant toute atteinte à
caractère collectif chez des personnes qui se trouvaient dans le même lieu
[74,78]. C’est le cas chez la totalité des 7 patients de notre série : il s’agissait à
chaque fois d’une atteinte de 2 ou 3 enfants avec celle des proches.
Les symptômes sont variés, non spécifiques et ne sont pas obligatoirement
corrélés
au
taux
mesurés
de
carboxyhémoglobine :
céphalées,
vertiges,
nausées/vomissements, tachycardie, faiblesse musculaire, syndrome pyramidal,
dyspnée,
cyanose,
conscience,
coma,
troubles
visuels,
hypotension
confusion,
artérielle,
convulsions,
précordialgies,
troubles
état
de
de
choc
cardiogénique, arrêt cardio-respiratoire [74,80]. Car même en dehors de toute
cardiopathie sous-jacente, tout individu est susceptible de développer un état de
choc cardiogénique après inhalation de CO en quantités suffisantes pour entraîner
116
une ischémie myocardique diffuse [81]. Les classiques teinte rouge cochenille et
lèvres rouge cerise sont rares [74]. L’enfant est plus vulnérable que l’adulte face à
l’intoxication au CO : la léthargie est plus fréquente et la syncope survient à partir
de 24 % de carboxyhémoglobine, seuil plus bas que les valeurs usuellement
décrites chez l’adulte [82].
Au Maroc, une étude rétrospective du CAPM portant sur 5072 cas
d’intoxications au CO a montré que la présence de symptômes neurovégétatifs
était un facteur de haut risque de décès (RR = 9), devant la présence de signes
d’appel cardiovasculaires (RR = 3,65) ou cutanés (RR = 2,58) [83]. Ces symptômes
étaient absents chez nos patients, seuls 3 d’entre eux ont présenté des
vomissements.
2-4
Particularités paracliniques
Le dosage de la carboxyhémoglobine est l’examen paraclinique clé pour la
confirmation diagnostique. Cette mesure doit être effectuée dans la mesure du
possible sur les lieux de l’intervention avant toute oxygénothérapie [51]. Le
résultat, exprimé en pourcentage de l’hémoglobine totale, doit être interprété en
tenant compte de la possible exposition chronique au tabagisme actif ou passif
ainsi que de l’horaire du prélèvement de sang par rapport à la découverte de
l’intoxiqué. Chez le sujet normal, la carboxyhémoglobine peut être détectée en
faible quantité (< 1 %) en raison d’une réserve physiologique de CO endogène.
Elle est de 8 à 9 % chez les fumeurs réguliers et peut atteindre jusqu’à 15 % chez
les grands fumeurs [74]. D’autre part, le taux de carboxyhémoglobine dans le
sang chute de 40 % après 3 heures si le dosage est différé [84]. Hormis ces
situations particulières, le diagnostic d’une intoxication au CO peut être porté
face à un taux de carboxyhémoglobine ≥ 10 %. C’est donc un examen fort utile
pour le diagnostic des inhalations de CO, malgré ses sensibilité et spécificité
117
imparfaites. N’étant pas disponible durant la période de notre étude, tous nos
patients présumés victimes d’une inhalation de CO ont bénéficié d’une
oxygénothérapie normobare au masque.
Au Maroc, le Laboratoire de Recherche et d’Analyses Techniques et
Scientifiques de la Gendarmerie Royale peut procéder à ce dosage. Une autre
alternative est la mesure de la fraction expirée en CO. Dans tous les cas, il n’a pas
de valeur pronostique et ne conditionne pas les modalités de la prise en charge
[74].
L’avis est partagé quant à la réalisation systématique d’un ECG et à la
signification des éventuels troubles de repolarisation [36,74]. D’autres examens
non spécifiques peuvent être utiles : radiographie thoracique, gaz du sang,
lactacidémie, hémogramme, ionogramme sanguin ou autres en fonction du
contexte.
L’imagerie
cérébrale
et
l’électroencéphalogramme
peuvent
être
demandés dans le cadre du bilan lésionnel.
2-5
Particularités thérapeutiques
a. Mesures curatives
L’oxygène est l’antidote du CO : il permet d’accélérer la dissociation de la
carboxyhémoglobine et d’améliorer le transport artériel en oxygène vers les
tissus.
L’oxygénothérapie
normobare,
c’est-à-dire
administrée
à
pression
atmosphérique, reste le traitement de routine et doit être entreprise en première
intention et systématiquement face à toute présomption d’inhalation de CO. C’est
un traitement urgent à entreprendre sans attendre la confirmation du diagnostic.
Dans les cas les plus simples elle doit être administrée à fort débit au masque à
haute concentration [74]. Certains auteurs la recommandent pendant 12 heures
chez l’enfant lorsque la carboxyhémoglobine > 5 % [36].
118
L’oxygénothérapie hyperbare est un moyen thérapeutique qui consiste à
administrer l'oxygène à une pression supérieure à la pression atmosphérique, au
sein d’une chambre spéciale appelée caisson hyperbare. Ses effets sont :
 la dissociation plus rapide du CO de l’hémoglobine et du système des
cytochromes ;
 l’augmentation du taux d’oxygène dissous dans le sang ;
 la vasoconstriction cérébrale limitant l’œdème cérébral ;
 la réduction de la production de radicaux libres.
Son bénéfice par rapport à l’oxygénothérapie normobare dans la prévention des
séquelles neurologiques est prouvé lorsqu’elle est entamée dans les premières 24
heures et reste à prouver au-delà [85,86]. Elle se heurte dans notre pays comme
ailleurs à la rareté des centres hyperbares, au nombre de 8 et concentrés sur les
villes de Rabat, Casablanca, Al Hoceima, Tanger et M’diq [87]. L’oxygénothérapie
hyperbare doit être envisagée systématiquement chaque fois que l’accès rapide à
un centre hyperbare est possible dans les cas suivants [88] :
 perte de connaissance initiale, coma persistant, signes neurologiques
objectifs
(hypertonie,
hyperréflexie
ostéotendineuse,
signe
de
Babinski,…) ;
 signes de dysfonction cardiovasculaire, œdème pulmonaire en rapport
avec l’intoxication ;
 femme enceinte.
Le candidat doit être stable sur les plans hémodynamique et respiratoire et
disposer d’une radiographie thoracique pour éliminer un pneumothorax.
D’autres traitements spécifiques doivent être administrés si intoxication
associée à l’acide cyanhydrique. Le contexte est alors celui d’un d’incendie
brûlant
des
éléments
plastiques ;
les
119
symptômes
sont
ceux
d’une
méthémoglobinémie : cyanose cutanéo-muqueuse généralisée de couleur « gris
ardoise », avec une SaO2 abaissée non corrigée par l’oxygénothérapie (la Pa(O 2)
est en réalité normale).
Le traitement consiste à administrer :
 nitrite de sodium 10 ml/1,7m2 en intraveineux lent (3 min)
 puis Hyposulfène® 12 g/1,7m2
 et hydroxocobalamine (vitamine B6) 70 à 150 mg/kg en 30
minutes.
Les corticoïdes sont contre-indiqués dans cette situation [28,36].
Dans notre série, tous nos patients ont bénéficié d’une oxygénothérapie
normobare au masque à oxygène, aucun d’entre eux n’a présenté une indication à
l’oxygénothérapie hyperbare.
b. Mesures prophylactiques
La prévention de l’intoxication au CO est un problème de santé publique
nécessitant des mesures multiples impliquant différents acteurs [51,74] :
 recensement exhaustif des intoxications ;
 contrôle régulier et périodique avec entretien si nécessaire des sources
potentielles de CO ;
 information et sensibilisation de la population générale sur les origines
et le danger du CO ;
 sensibilisation des médecins au diagnostic ;
 inciter à la pose de détecteurs de CO, notamment dans les locaux à
risque comme les caves, les garages, à proximité des groupes
électrogènes. Cet appareil déclenche un signal sonore et visuel chaque
fois qu’il détecte une élévation de la concentration atmosphérique en
CO. C’est équipement, obligatoire en France pour les équipes de
120
secouristes, a permis dans une récente étude la détection fortuite de 65
foyers d’intoxication au CO à l’occasion d’une visite médicale à domicile
avec hospitalisation de 43 patients [89].
121
2-6
Particularités évolutives
Chez l’enfant, dans 2,8 à 10,7 % des cas selon les séries, des signes
neurologiques peuvent se voir au-delà d’un intervalle libre après l’épisode
toxique et récupération apparente, dans le cadre du syndrome post-intervallaire.
Dans une série pédiatrique, cet intervalle a duré de 2 à 51 jours [90]. La majorité
des malades qui en souffrent récupèrent lentement de leurs troubles mais une
proportion assez considérable en garde des séquelles définitives [73,90]. Pour
cette raison, les malades les plus fragilisés ou sévèrement exposés doivent
bénéficier d’une surveillance prolongée [51,74].
Au Maroc, d’après les données du CAPM, l’évolution a été favorable pour
98,8 % des cas ; 79 malades sont décédés et 21 d’entre eux ont gardé des
séquelles à type de cécité ou de neuropathie [77]. Dans la littérature, les séquelles
sont plus fréquentes et principalement neuropsychiatriques ; jusqu’à 40 % des
intoxiqués peuvent garder des séquelles :
 neurosensorielles ou psychiatriques : céphalées chroniques, cécité,
surdité, troubles du langage, convulsions, syndromes pyramidal ou
extrapyramidal, troubles de la concentration et de la mémorisation,
retard mental, échec scolaire, mutisme, incontinence fécale ou urinaire,
démence,
état
neurovégétatif,
paralysie
faciale,
neuropathie
périphérique, troubles de la personnalité, psychoses,… [73,90,91].
 cardiaques
plus
rarement :
troubles
de
la
repolarisation
voire
insuffisance cardiaque en cas de terrain défavorable sous-jacent [92].
Tous les patients que nous avons pris en charge n’ont pas présenté de
symptômes évidents de séquelles neurosensorielles. Leurs résultats scolaires
doivent être observés sur une plus longue période d’étude.
122
3- Produits ménagers
3-1
Particularités physiopathologiques
a. Produits caustiques
Selon la rapidité des réactions physicochimiques qu’ils produisent sur les
tissus, on distingue :
 caustiques forts : entraînent une nécrose immédiate des tissus ;
 caustiques moyens : entraînent une nécrose progressive dont la
profondeur dépend du temps de contact avec le produit.
Le plus utilisé des caustiques reste l’hypochlorite de sodium, ou eau de
javel. L’eau de javel est un caustique moyen, oxydant, utilisé comme désinfectant
ménager. Elle est commercialisée sous des formes correspondant à différentes
concentrations :
 eau de Javel diluée (12° chlorométriques) : commercialisée à grande
échelle et destinée au grand public, dans des bouteilles de 1 litre
habituellement.
 eau de javel concentrée (48° chlorométriques) : également en vente, y
compris par des marchands ambulants dans notre contexte. Celle-ci
n’est pas adaptée pour un usage de routine et doit être diluée par 3x son
volume d’eau. Elle est habituellement vendue dans des récipients de 5
litres.
Elle est donc plus dangereuse.
Le tableau clinique est lié à la concentration du produit et à la quantité ingérée :
les solutions diluées donnent des irritations de la muqueuse, celles concentrées
provoquent de véritables lésions caustiques. Ces dernières seront plutôt
gastriques qu’œsophagiennes, vu le temps de contact nécessaire pour leur
constitution.
123
Pour leur part, les acides forts provoquent une nécrose de coagulation, ce
qui forme une escarre superficielle qui s'oppose à I'extension des lésions en
profondeur. Etant par ailleurs fluides, ces solutions provoquent des lésions
étendues en surface, principalement au niveau inférieur de I'œsophage et de
I'estomac. Une ingestion massive (≥ 100 ml) dans le cadre d’une tentative de
suicide affecte les organes de voisinage du médiastin et de l’abdomen par
diffusion immédiate.
Les bases fortes quant à elles provoquent une nécrose de liquéfaction, par
saponification des lipides membranaires. Cette nécrose risque donc de s'étendre
en profondeur, atteindre la musculeuse, la séreuse et les organes de voisinage.
L'oropharynx et de I’œsophage supérieur sont souvent atteints. L’atteinte de
l’œsophage en totalité et de I'estomac se voit en cas d’ingestion massive.
D’autres caustiques forts peuvent être source d’une toxicité systémique :
c’est l’exemple de certains antirouilles à base d’acide fluorhydrique et/ou
oxalique, chélateurs de calcium et donc capables d’induire une hypocalcémie.
La figure 30 résume les principales classes de caustiques, leurs propriétés
et l’usage qu’il en fait.
124
Fig. 30 : Principaux caustiques et leurs propriétés (d’après [93])
Les 9 patients ayant ingéré un produit ménager dans notre série sont des
enfants de la catégorie d’âge des « bébés marcheurs », ayant tous ingéré de
l’eau-de-javel diluée (8 cas) ou concentrée (1 cas).
125
b. Produits détergents
Les détergents anioniques et non ioniques sont employés notamment
comme produits pour vaisselle à la main, nettoyants de surface, lessives, savons
liquides, gels douches et shampooings. Ils sont irritants et moussants : ceux
anioniques sont plus moussants que ceux non ioniques, ces derniers étant plus
irritants.
Les détergents cationiques entrent dans la composition des assouplissants
textiles, les algicides pour piscine et certains désinfectants de surfaces. Ces
produits sont essentiellement irritants.
Les détergents n’ont concerné aucun de nos patients.
3-2
Particularités épidémiologiques
En Suisse, les produits ménagers sont en tête des intoxications de l’enfant
avec 1/3 des cas recensés en 2008 [8]. Aux Etats-Unis, des produits comme
l’ammoniaque, les produits de blanchissage et les détergents pour lessive ont été
source de 120 000 intoxications chez les enfants de < 6 ans pour l’année 2004
[94].
3-3
Particularités diagnostiques
a. Produits caustiques
En fonction de la quantité d’eau de javel ingérée, il peut y avoir
hypersialorrhée, dysphagie, vomissements plus ou moins sanglants, douleurs
retro-sternales et abdominales. Les projections oculaires provoquent des
douleurs oculaires, des kérato-conjonctivites.
Les caustiques forts donnent lieu à des lésions tissulaires étendues pour les
acides, profondes pour les bases. Les bases ont un effet plus insidieux mais sont
plus dangereuses, y compris en cas d’exposition cornéenne.
126
Dans notre étude, 8 des 9 patients ayant ingéré un produit ménager étaient
symptomatiques au moment de la consultation mais sans signes de défaillance
respiratoire ni hémodynamique. Seul un d’entre eux (cas n° 25) a été hospitalisé
de façon prolongée en raison de la nécessité d’une exploration endoscopique.
b. Produits détergents
Des lésions caustiques sont possibles également en cas d’ingestion de
solutions concentrées de détergents cationiques.
L'ingestion accidentelle de faibles quantités de détergents anioniques ou
non ioniques provoque des nausées, des douleurs abdominales et des diarrhées.
Des quantités plus importantes peuvent entraîner une inondation bronchique, par
passage de la mousse dans les voies respiratoires. Cette inhalation peut se
traduire par une toux, une fièvre voire une dyspnée qui seront à surveiller. La
radiographie pulmonaire est l’examen de choix.
Guetter les signes d’une hypocalcémie et procéder au dosage de la calcémie
dans le cas d’une exposition aux antirouilles.
3-4
Particularités thérapeutiques
a. Traitement évacuateur
Produits caustiques et détergents représentent des contre-indications
formelles de l’évacuation gastrique quelle qu’en soit la méthode. Il est proscrit de
faire boire l’enfant durant les 2 à 3 heures qui suivent l’intoxication. On peut
conseiller en revanche de faire manger la mie de pain ou des gâteaux secs pour
faire absorber la mousse [93].
b. Traitement symptomatique
Le traitement symptomatique tient compte de la nature du produit en
cause :
127
 dans le cas de produits moussants ou de produits irritants dilués et en
faibles quantités : pansement digestif 3x/j pendant 2 à 3 jours.
 dans le cas de produits irritants concentrés ou en grandes quantités : le
pansement digestif est contre-indiqué car il fausse les résultats d’une
endoscopie à visée diagnostique qui est nécessaire. Certains auteurs
préconisent de prévenir la médiastinite par un traitement à base
d’amoxicilline–acide clavulanique [36].
 dans le cas spécifique des caustiques antirouilles : décontamination de la
peau, pansement digestif et perfusion de chlorure ou du gluconate de
calcium [93].
Antalgique et antiémétique doivent être prescrits. En cas de projection oculaire,
rincer les yeux à l’eau tiède courante pendant 10 à 15 minutes. Une
corticothérapie parentérale voire la ventilation invasive sont indiqués dans les cas
les plus sévères avec dyspnée d’emblée [36,93].
3-5
Particularités évolutives
Dans une série pédiatrique, près des ¾ d’intoxications à des produits
ménagers sont liées à l’eau de javel, avec dans près de la ½ des cas une indication
à la fibroscopie œsogastroduodénale. Cette dernière a mis en évidence une
œsophagite avec gastrite modérée dans 5 % des cas [95]. Dans l’immédiat, le
risque est celui de la perforation. A moyen et long termes, le risque est celui
d’une cicatrisation fibreuse et rétractile, pouvant aboutir à une sténose et
exposant au risque de perforation retardée.
Dans notre série, 1 nourrisson ayant ingéré une quantité minime d’eau de
javel recomposée à partir d’acide chlorhydrique (= esprit de sel) a gardé une
sténose caustique du 1/3 supérieur de l’œsophage, étendue sur 3 cm, pour
laquelle 4 séances de dilatation endoscopique ont été nécessaires. L’enfant est
128
toujours suivi et garde au dernier contrôle une bonne courbe de croissance
staturo-pondérale malgré une dysphagie aux solides.
129
4- Hydrocarbures et solvants organiques
4-1
Particularités physiopathologiques
Les hydrocarbures et les solvants organiques sont employés comme
combustibles ou comme produits d’entretien dans l’industrie et dans les travaux
domestiques (peintures, vernis, encres,…). Leur lipophilie leur confère des
propriétés toxiques communes : irritants par leur pouvoir dissolvant des lipides
des muqueuses et dépresseurs du SNC où ils se concentrent. A côté des
ingestions
souvent
accidentelles
des
hydrocarbures
liquides,
les
vapeurs
dégagées par la colle ou d’autres solvants organiques peuvent être délibérément
inhalées par des adolescents toxicomanes qui risquent la mort subite par arrêt
cardiaque. En effet, les hydrocarbures sont environ 140x plus toxiques par
inhalation que par ingestion [3].
4-2
Particularités épidémiologiques
Le pétrole lampant est la principale cause d’empoisonnement chez les
enfants de nombreux pays en voie de développement [3,15]. Les solvants
organiques comme les décapants pour peintures et les colles peuvent être
concernés. Le diéthylène-glycol, un des constituants de l’antigel, peut être source
d’empoisonnement tragique chez l’enfant : à Haïti, 109 enfants sont tombés
malades en 1998 après la consommation de paracétamol contaminé par du
diéthylène-glycol et 85 d’entre eux en sont morts. Cette intoxication accidentelle
trahit une réglementation insuffisante dans les procédés de fabrication [96]. Dans
une étude menée à Casablanca, les produits pétroliers ont été à l’origine de 12,3
% des intoxications aiguës de l’enfant. Le diluant de peinture était en cause dans
2/3 des cas [97]. Dans notre travail, le diluant de peinture a été à l’origine de 7,3
% des intoxications (3 cas), toutes symptomatiques mais bénignes.
130
4-3
Particularités diagnostiques
Les solvants aliphatiques halogénés comme le trichloréthylène sont très
irritants pour le tube digestif. Ils provoquent des douleurs abdominales et des
diarrhées pouvant aller jusqu'à donner des irritations anales avec escarres
fessières. Par ailleurs, ils menacent le rythme cardiaque par des troubles à type de
tachycardie et de fibrillations ventriculaires.
Les solvants aliphatiques non substitués comme l’essence, le pétrole, le fuel
et l’essence de térébenthine provoquent des vomissements, des diarrhées et pour
des
quantités
importantes,
un
état
ébrieux
(« ivresse
pétrolique »)
avec
somnolence, voire convulsions des ou un coma susceptible de régresser en
quelques heures.
Les
hydrocarbures
aromatiques
comme
le
benzène,
le
toluène
et
le
paradichlorobenzène ont une toxicité neurologique. Ces produits entraînent à de
faibles doses une pneumopathie d’inhalation, qui demeure leur complication la
plus constante et la plus sérieuse. Même face à des symptômes banals et
régressifs, la radiographie thoracique s’impose et peut montrer des anomalies dès
H1 dont le siège est assez évocateur. En l’absence de surinfection bactérienne
retardant la guérison, la pneumopathie d’inhalation évolue favorablement en
quelques jours. En cas de contact cutané ou oculaire, ces produits peuvent
provoquer des irritations importantes [64,93].
4-4
Particularités thérapeutiques
En cas d’intoxication, veiller à retirer les vêtements imprégnés de ces
substances car elles sont volatiles. Respecter les contre-indications formelles de
l’évacuation gastrique quelle qu’en soit la méthode et se limiter au traitement
symptomatique [36]. Le cliché de radiographie thoracique guide la prise en
charge :
131
 en l’absence de pneumopathie, le traitement est ambulatoire par
pansement digestif. La température doit être surveillée pendant 48
heures et mener en cas de fièvre à une consultation avec une nouvelle
radiographie thoracique.
 en cas d’atteinte d’un seul lobe, le pronostic est favorable. Elle implique
une surveillance clinique, radiologique et biologique et éventuellement
une antibiothérapie.
 en cas d’atteinte de plusieurs lobes, le malade doit être placé en milieu
de soins intensifs quel que soit son état clinique, car une assistance
ventilatoire
pourrait
devenir
indispensable
L’antibiothérapie est systématique.
Dans tous les cas la corticothérapie est inutile [64].
132
à
tout
moment.
5- Pesticides
5-1
Particularités épidémiologiques
Dans notre étude, les raticides ont été responsables de 3 intoxications
accidentelles en ville, intéressant de jeunes enfants (cas n° 4, 5 et 35), tandis
qu’un pesticide organophosphoré a été employé comme poison par une
adolescente dans un but d’autolyse (cas n° 31) et a contaminé un aliment ingéré
involontairement par un garçon (cas n° 19). Elles représentent 12,2 % des
intoxications dans notre série. Cette proportion correspond aux statistiques
nationales. En effet, une étude rétrospective analysant les données disponibles au
CAPM de 1992 à 2007 affirme que les pesticides sont à l’origine de 11,3 % (2609
cas) de l’ensemble des intoxications. Elle confirme la proportion considérable
d’enfants parmi les victimes (39,4 %) [98]. Il s’agit plus souvent d’insecticides et
raticides (54,3 % et 34 % des cas respectivement) et exceptionnellement
d’herbicides et fongicides (1,6 % et 0,49 % des cas respectivement).
Dans
notre
pays,
les
pesticides
donnent
lieu
à
des
intoxications
habituellement isolées (93,7 %) et domestiques (81,9 %), qu’elles soient
accidentelles (50,1 %) ou suicidaires (42,2 %) [98]. Chez l’enfant, l’exposition à
cette catégorie de toxiques n’est pas toujours accidentelle : dans une série
pédiatrique Casablancaise, 19 % des intoxications par organophosphorés étaient
volontaires [99]. En dehors d’un contexte accidentel ou suicidaire évident,
l’hypothèse d’un empoisonnement criminel mérite être soulevée quel que soit
l’âge de l’enfant [98].
Les organophosphorés sont en tête des classes chimiques impliquées (30
%), suivis de l’alphachloralose et des piréthrinoïdes comme l’illustre la figure 31.
En raison de leur fréquence dans notre contexte, ces classes seront abordées plus
en détail.
133
Fig. 31 : Classes chimiques impliquées dans les intoxications aux pesticides au Maroc
(d’après [98])
5-2
Particularités physiopathologiques
a. Organophosphorés
Les organophosphorés sont les pesticides les plus fréquemment utilisés au
Maroc, le malathion étant le plus courant d’entre eux. Ils agissent au niveau de la
jonction synaptique par inhibition de l’acétylcholinestérase, donnant lieu en cas
d’intoxication aiguë à un syndrome cholinergique. Les symptômes manifestés par
les malades sont corrélés au degré de baisse de l’acétylcholine estérase : ils
apparaissent en général lorsque celle-ci s’abaisse au dessous de 50 %.
L’intoxication est grave lorsque l’inhibition dépasse 90 % [100,101].
b. Alphachloralose
Les propriétés de l’alphachloralose (ou glucochloral) ont été découvertes en
1889. Il fut utilisé comme hypnotique et anesthésique pendant 100 ans, avant de
devenir exclusivement un rodenticide, actif également vis-à-vis des rongeurs et
d’autres animaux. Chez l’homme, le seuil toxique déterminé pour une
intoxication à l’alphachloralose est de 20mg/kg [102].
134
135
c. Pyréthrinoïdes
Les pyréthrinoïdes sont des dérivés synthétiques de la pyréthrine qui est un
alcaloïde de la fleur de chrysanthème. Par rapport à la pyréthrine, les
pyréthrinoïdes exercent une toxicité sélective pour les insectes mais deviennent à
fortes doses neurotoxiques pour l’animal. L’intoxication aiguë par pyréthrinoïdes
est potentialisée par l’intoxication concomitante par organophosphorés qui
bloquent leur hydrolyse : il est de règle absolue de ne pas mélanger ces deux
types d’insecticides [64].
d. Autres
Tout comme les organophosphorés, les carbamates sont des inhibiteurs de
l’acétylcholine estérase mais avec une toxicité nettement plus élevée : un
syndrome cholinergique franc s’observe à partir d’une dose orale de 0,1 mg/kg.
Ainsi, quelques granulés suffisent pour provoquer une intoxication sévère chez
l’enfant, d’évolution parfois fatale. En contaminant fruits et légumes, les
carbamates peuvent être à l’origine d’empoisonnements collectifs [103].
Tout comme l’alphachloralose, la strichnine est un rodenticide classé parmi
les rodenticides convulsivants. D’autres classes de rodenticides sont plus
fréquemment
utilisés
que
la
strichnine :
ce
sont
les
odenticides
anticoagulants qui comptent les hydroxycoumarines de 1ère et 2ème générations et
les indane-diones.
Le phostoxin ou phosphure d’aluminium est un taupicide couramment
utilisé, doué de propriétés fortement volatiles. En cas d’ingestion orale, il réagit
avec l’eau et l’acidité stomacale pour produire de l’hydrogène phosphoré (PH3),
gaz hautement toxique.
Le paraquat est le plus utilisé des herbicides, en raison de son efficacité. Il
possède une très grande toxicité : 1 seule gorgée d’une solution à 20 % est
136
synonyme de décès par toxicité pulmonaire et défaillance multi-viscérale en 48 –
72 heures.
5-3
Particularités diagnostiques
a. Organophosphorés
Le tableau clinique de l’intoxication aux OP est très variable. Lorsqu’il ne
donne pas lieu à des manifestations digestives comme les nausées, vomissements
ou douleurs abdominales, des symptômes neurologiques sévères évoluent en 3
phases bien définies.
-
La crise cholinergique :
 signes muscariniques :
 signes
oculaires :
myosis,
troubles
de
l’accommodation,
photophobie, douleurs oculaires en cas de contact direct avec
l’oeil ;
 signes respiratoires : bronchospasme, hypersécrétion lacrymale,
sudorale, nasale, salivaire et bronchique avec possibilité d’œdème
pulmonaire ;
 signes digestifs : nausées et vomissements, spasmes gastrointestinaux et coliques, incontinence fécale,
 signes
cardiovasculaires :
hypertension
artérielle
au
avec
départ
peut
tachycardie,
s’observer
puis
une
s’installent
l’hypotension artérielle, la bradycardie voire l’arrêt cardiaque.
 signes
nicotiniques :
fasciculations
musculaires
et
crampes,
puis
asthénie rapidement croissante par atteinte de la plaque motrice
évoluant vers la paralysie des muscles striés et l’arrêt respiratoire.
Les signes nicotiniques sont plus tardifs et ont une valeur de gravité.
137
 signes centraux : troubles du comportement, ataxie, convulsions tonicocloniques, coma contemporain de la dépression respiratoire.
La phase cholinergique survient après un délai variant en fonction de
l’organophosphoré en question et de la voie d’intoxication, allant de quelques
minutes en cas d’inhalation à 24 h dans la voie cutanée ou digestive.
-
Le syndrome intermédiaire : ce syndrome assez caractéristique n’a été décrit
que très récemment (1987). Il s’agit d’une atteinte paralytique caractéristique
avec des paralysies des muscles proximaux des membres, des fléchisseurs de
la nuque, des muscles à innervation céphalique et des muscles respiratoires.
L’atteinte diaphragmatique est à l’origine d’une insuffisance respiratoire aiguë.
L’électromyogramme
d’importance
capitale
car
met
en
évidence
une
diminution du potentiel d’action en réponse à une stimulation rapprochée et la
disparition de ces anomalies pour des fréquences plus basses.
Sa survenue semble liée à la cinétique d’élimination du toxique, qui dépend de
la dose ingérée, de la liposolubilité de la molécule et des fonctions hépatique
et rénale entre autres.
-
La neuropathie retardée : elle survient 1 à 3 semaines après l’intoxication,
prédomine aux membres inférieurs et est le plus souvent motrice axonale,
parfois sensitivo-motrice et rarement sensitive pure. D’autres manifestations
neurologiques (extrapyramidales, cérébelleuses) sont possibles mais plus rares
[100,101,104,105].
b. Alphachloralose
L’intervalle libre est habituellement de 1 à 2 heures. Les manifestations sont
neurologiques et respiratoires :
-
neurologiques : somnolence, parfois en alternance avec un état d’agitation,
hypertonie
ou
abolition
des
réflexes
138
ostéo-tendineux
sont
possibles,
myoclonies provoquées, convulsions et exceptionnellement un coma profond
avec état de mort apparente.
-
respiratoires :
hypersécrétion
salivaire
et bronchique
voire
la
détresse
respiratoire par encombrement pulmonaire, qui reste une complication
redoutable. Chez le nourrisson, la présence isolée d’une dyspnée avec
encombrement rend le diagnostic difficile hors contexte, surtout que la
réponse aux bronchodilatateurs peut être immédiate et simuler un asthme.
L’élimination du toxique se fait dans les urines où il peut être dosé de façon
fiable si nécessaire [106,107].
c. Pyréthrinoïdes
En fonction de la quantité ingérée et de la voie d’intoxication : nausées,
vomissements,
douleurs
abdominales,
irritation
cutanéo-muqueuse
et
respiratoire, voire myoclonies, ataxie, dysesthésies faciales transitoires ou
troubles de conscience.
d. Autres
Par leur mécanisme d’action, les carbamates sont à l’origine d’un syndrome
cholinergique. Les rodenticides anticoagulants altèrent essentiellement le TP et
peuvent donner lieu à un syndrome hémorragique grave. Les raticides minéraux
comme les phosphures d’aluminium, de zinc ou de calcium donnent lieu à des
signes digestifs, avec une haleine assez caractéristique, une détresse circulatoire
et un état de choc.
5-4
Particularités du traitement curatif
a. Organophosphorés
Le traitement symptomatique est essentiellement respiratoire et vise à
désencombrer les voies aériennes et assurer une oxygénation correcte. Le patient
arrive parfois au stade de ventilation contrôlée. La défaillance hémodynamique
139
peut être corrigée par un remplissage vasculaire par cristalloïdes, à répéter toutes
les 15 à 20 minutes en cas d’échec. En cas de troubles du rythme et de
conduction résistant aux traitements classiques, le sulfate de magnésium reste
une bonne alternative [101].
Deux
traitements
spécifiques
peuvent
antagoniser
les
effets
des
organophosphorés :
 atropine : antagoniste compétitif des récepteurs muscariniques et
centraux de l’acétylcholine. Son utilisation vise à améliorer la fonction
respiratoire et diminuer les signes muscariniques.
Il est recommandé de l’utiliser par voie intraveineuse :
 à la dose de 0,03 mg/kg, sans dépasser 0,5 à 2 mg par injection, à
répéter toutes les 5 – 10 minutes jusqu’au tarissement des
sécrétions bronchiques ;
 des doses de relais sont souvent nécessaire toutes les 1 – 4
heures, en fonction de la réapparition des signes muscariniques.
 pralidoxine (Contrathion®) : c’est un régénérateur des cholinestérases,
aussi bien des acétylcholinestérases des plaques terminales musculaires
motrices, pour lesquelles l’atropine n’est pas utile, que celles du système
nerveux périphérique. Pour que son action soit pleinement efficace, il
doit être administré dans les premières 24 heures :
 un bolus de 30 mg/kg ;
 suivi d’une dose d’entretien de 8 mg/kg/h.
Le traitement évacuateur n’est pas toujours possible : le lavage gastrique
peut être bénéfique s’il est réalisé dans des délais proches, tout étant
fonction de la forme physique de l’organophosphoré, de son type et de sa
quantité. Le charbon activé n’est d’aucune efficacité [101,108].
140
b. Alphachloralose
Il n’existe pas d’antidote spécifique à l’alphachloralose. Dans le cas d’une
ingestion
d’alphachloralose,
le
lavage
gastrique
n’est
justifié
qu’en
cas
d’ingestion massive, susceptible de donner un coma prolongé, c’est-à-dire audelà de 10g. autrement, l’administration de charbon activé est suffisante. Un
traitement symptomatique par benzodiazépines, β2-mimétiques ou le cas échéant
par ventilation mécanique peut s’avérer nécessaire. L’antibiothérapie probabiliste
est souhaitable vu la fréquence élevée des pneumopathies d’inhalation, traitement
que nous avons prescrit à nos 2 patients (cas n° 4 et 5). En général, la guérison
sans séquelles est la règle [106,109].
c. Pyréthrinoïdes
Le traitement est symptomatique. Il n’existe pas d’antidote ni d’indication
aux mesures de décontamination digestive.
d. Autres
Contrairement aux organophosphorés, les carbamates ne répondent pas au
pralidoxime (Contrathion®), mais les autres mesures thérapeutiques demeurent
valables. Dans le cas des rodenticides anticoagulants, administrer selon les
valeurs de prothrombine de fortes doses de vitamine K1 : 50 à 100 mg per os ou
en IV. Plusieurs contrôles du TP s’imposent car la normalisation peut être
transitoire. Les organochlorés doivent mener à une décontamination cutanée et
sont une contrindication à la décontamination digestive. Le paraquat est quant à
lui carbo-adsorbable. Les phosphures d’aluminium et autres raticides minéraux
doivent être traités symptomatiquement et peuvent être décontaminés par
l’ingestion de permanganate de potassium dilué [93,101,103,109].
5-5
Particularités du traitement préventif
141
Outre les mesures de prévention communes à toutes les intoxications, il
convient de rappeler les facteurs susceptibles d’entrainer une intoxication, parfois
collective, aux pesticides :
 utilisation et stockage de pesticides dans de mauvaises conditions ;
 manipulation des aliments sans lavage préalable et suffisant des mains ;
 élimination sans précaution ou réutilisation de récipients ayant contenu
des pesticides [3].
La prévention restera la seule mesure efficace contre des poisons mortels
comme les carbamates, le phosphure d’aluminium ou le paraquat.
142
5-6
Particularités évolutives
La létalité des pesticides dans notre pays est de 4,8 % [98]. Plusieurs
facteurs prédictifs de gravité et donc de risque de décès ont été identifiés :
 circonstances volontaires ;
 classe chimique impliquée :
 raticides minéraux comme le phostoxin ;
 raticides convulsivants comme le chloralose ;
 présentation clinique : grade 3 selon le poisoning severity score [98].
Là encore, le nombre absolus de cas d’empoisonnements et de décès sont sans
nul doute sous-estimés. La prévalence élevée des empoisonnements aux
pesticides s’explique par une réglementation insuffisamment restrictive en
matière de mise en vente des pesticides. Des produits à base d’alphachloralose
sont en vente libre pour une poignée de dirhams. Nos patients présentaient à
l’admission des signes d’appel neurologiques et ont nécessité la mise en route de
traitements
évacuateurs
et
spécifiques.
L’évolution
était
favorable
dans
l’ensemble, malgré un séjour en réanimation pour un de nos patients et une
hospitalisation prolongée pour l’une d’entre eux.
143
6- Plantes
6-1
Particularités épidémiologiques
Par la diversité de son climat et de son relief, le Maroc possède une flore
diversifiée comptant des milliers d’espèces et sous-espèces. Ce sont les outils
d’une médecine traditionnelle toujours vivante, prisée pour son faible coût et sa
plus grande accessibilité. Certaines de ces plantes sont toxiques et menacent la
santé des plus jeunes, notamment ceux vivant à la campagne.
En effet, plantes et autres végétaux sont probablement les plus vieux
toxiques au Monde. Et pourtant, leur ingestion continue à être à l’origine de
nombreux cas d’empoisonnements au Monde parmi les enfants, dont une
proportion non négligeable avec une issue fatale. En Suisse, en 2004, 80 % des
2786 appels au centre antipoison suisse concernent des enfants d’âge préscolaire
ayant ingéré champignons et fruits sauvages toxiques [9]. Dans notre pays, 437
cas d’intoxications par ingestion de plantes ont été signalés au CAPM durant les
années 1990. La région de Rabat est la plus concernée par le phénomène (90 cas),
suivie par la région de Fès (76 cas) qui arrive devant Casablanca qui est pourtant
la plus peuplée (73 cas). Ces données s’expliquent par la proximité des terrains
agricoles et la diversité de la flore, comme le confirme le pic enregistré au mois
d’avril (95 des 437 cas) [110]. Là encore, le nombre de cas est sans nul doute
sous-estimé, du fait que seuls les cas les plus sérieux ayant motivé la
consultation puis l’appel au CAPM ont pu être comptabilisés.
144
6-2
Particularités physiopathologiques
Atractylis gummifera est le nom scientifique du chardon à glu, appelé « addad » en marocain (fig. 32). Cette plante redoutable est répandue dans le bassin
méditerranéen, dans l’ensemble des régions du Maroc, sauf au niveau de l’AntiAtlas et des zones désertiques. C’est la plus mortelle des plantes de notre pays.
Ses principales victimes sont les enfants des zones rurales qui en mâchonnent et
ingèrent la racine gluante et sucrée en la confondant avec le chardon d’Espagne
(« garnina ») et l’artichaut sauvage (« kouk lakhla »). Ces intoxications sont
habituellement accidentelles, souvent printanières et collectives. Rarement, elle
est utilisée dans un but suicidaire ou dans une visée thérapeutique.
Dans le chardon à glu, la racine renferme un liquide visqueux, blanchâtre, au goût
sucré et contenant 2 principes actifs toxiques : l’atractyloside et le carboxyatractyloside (= gummiférine) qui inhibent la phosphorylation oxydative et le cycle
de Krebs [111].
Fig. 32 : Atractylis gummifera ou chardon à glu (« ad-dad ») en période de floraison (A)
et desséchée (B) (d’après [111])
Dans le cas de nos 2 patientes concernées par l’ingestion de cette plante, il
s’agissait de 2 sœurs habitant les environs de Qariat Ba Mohammed, dans une
zone où le chardon à glu est assez répandu. Il s’est avéré que les parents
connaissaient pourtant le danger de la plante.
145
Datura stramonium (= stramoine ou pomme épineuse) est une plante
connue dans notre pays sous le nom de « chdeq ej-jmel » (fig. 33). C’est une
plante appréciée pour son caractère ornemental mais qui possède des vertus
médicinales. Ses graines sont utilisées comme aphrodisiaque, sédatif en cas de
céphalées et narcotique si insomnie, alors que feuilles et fleurs sont brûlées et
inhalées en cas d’asthme. Elle a également des propriétés hallucinogènes et est
souvent consommée simultanément avec le cannabis [112].
Elle contient 3 alcaloïdes tropaniques doués d’effets anti-cholinergiques.
Ces substances agissent en effet par blocage des récepteurs muscariniques de
l’acétylcholine (effet parasympathicolytique).
Au Maroc, 48 cas d’intoxication au datura ont été déclarés au CAPM en 13 ans,
dont plus des 2/3 concernent des enfants < 15 ans. Ces intoxications sont
réputées graves [113].
Durant la période de notre étude, nous n’avons été confronté à aucun cas
d’intoxication par cette plante.
Fig. 33 : Datura stramonium ou stramoine (« chdeq ej-jmel ») en période de floraison (A)
et desséchée (B)
D’autres plantes toxiques comme Ricinus communis ou Cannabis sativa
existent dans notre pays.
146
147
6-3
Particularités diagnostiques
Dans les intoxications par ingestion de chardon à glu, l’intervalle libre est
de 6 à 24 heures, voire davantage. Cet intervalle libre prolongé retarde la prise en
charge et explique le fort taux de létalité.
Les symptômes sont essentiellement :
 digestifs : présents dans ¾ des cas, dominés par les nausées,
vomissements, douleurs abdominales et la diarrhée, typiquement
profuse.
 neurologiques : somnolence, convulsions, hypothermie. Leur présence
est un élément de gravité, annonciateur d’un coma imminent.
 cardio-respiratoires : tachycardie, hypotension artérielle, troubles du
rythme, dyspnée, troubles ventilatoires.
 syndrome hémorragique : à type d’épistaxis, purpura, mélénas,… il
témoigne de l’insuffisance hépatocellulaire.
Les examens paracliniques doivent chercher une hypoglycémie constante,
précédée ou non d’une hyperglycémie et les autres signes de défaillance multiviscérale : hépatite cytolytique, insuffisance hépatocellulaire et insuffisance rénale
principalement. Une confirmation toxicologique reste possible, par la recherche
de l’atractyloside et du carboxyatractyloside dans le liquide gastrique, le sang ou
les urines [110,111,114].
Dans le cas de Datura stramonium, de très petites quantités suffisent à
provoquer une intoxication grave qui se traduit par un syndrome atropinique,
avec fièvre, mydriase, sécheresse muqueuse, tachycardie, iléus paralytique,
rétention urinaire, confusion, somnolence, hallucinations, délire, coma, rarement
des convulsions. La mort peut survenir par la dépression respiratoire d’origine
médullaire [113].
148
L’analyse toxicologique est possible et permet d’authentifier l’empoisonnement.
149
6-4
Particularités de prise en charge
Une surveillance de 48 heures s’impose dans le cas d’ingestion de chardon
à glu ou de toute autre plante méconnue. Le traitement est symptomatique et vise
à lutter contre l’hypoglycémie et restaurer les fonctions vitales. L’évacuation
gastrique par lavage peut être réalisée dans le cas d’une consultation précoce ou
de quantités importantes. Il n’existe pas pour l’heure de traitement spécifique.
L’administration de N-acétylcystéine pour les deux sœurs en question (cas n°11 et
12) a été réalisée sur recommandation du CAPM, dans le sens d’un possible
bénéfice pour les hépatocytes.
Dans le cas d’ingestion de datura stramonium, une évacuation par vidange
gastrique peut être entreprise même tardivement, du fait d’un ralentissement du
transit
par
l’effet
anticholinergique.
Le
traitement
est
essentiellement
symptomatique, notamment par diazépam (Valium®) en cas d’agitation, délire,
hallucinations ou convulsions.
6-5
Particularités évolutives
Une des deux fillettes décédées dans notre série (cas n° 11) avait ingéré
avec sa sœur cadette du chardon à glu, en pousse à proximité de leur domicile à
la campagne, malgré les mesures de traitement en hospitalier. En 22 ans, le
Maroc a dénombré 1418 cas d’ingestion de plantes toxiques parmi lesquels 124
décès sur les 773 cas dont l’évolution est connue, soit une létalité de 14,2 %. La
plupart des cas sont des enfants victimes d’une ingestion de chardon à glu. C’est
dire le danger des empoisonnements par ingestion de végétaux et leur pronostic
incertain par rapport aux autres toxiques [114]. Plus spécifiquement sur la
tranche des 10 – 14 ans, une autre étude rétrospective a déterminé que les
ingestions accidentelles de plantes est la première cause de décès par
intoxications, devant l’inhalation de CO [13].
150
151
7- Autres
Un seul enfant dans notre série a présenté une agitation psychomotrice
suite à l’ingestion a priori involontaire de cannabis. La toxicomanie serait
responsable de 1% des intoxications aiguës recensées au Maroc [6]. En France, les
cas d’adolescents et d’enfants admis aux urgences pédiatriques pour intoxication
éthylique aiguë ou par intoxication à la méthadone ou à l’ecstasy sont de plus en
plus nombreux [115]. Aux États-Unis, la toxicomanie infantile pose un véritable
problème de santé publique et fait l’objet d’une surveillance épidémiologique. En
1993, 35,3 % des élèves de terminale disaient avoir consommé de la marijuana au
moins une fois, 17,4 % disaient avoir inhalé des solvants, 10,3 % avoir consommé
du LSD. 6,1% d’entre eux affirment avoir consommé de la cocaïne et 1,1% de
l’héroïne [116].
Au Maroc, en 2006, une enquête par questionnaire anonyme menée auprès
d’élèves de baccalauréat de la ville de Rabat a révélé que 12 % des interrogés sont
des usagers de cannabis et/ou de maâjoun, parmi lesquels 90 % de garçons et
tous appartenant à différentes classes socio-économiques [117]. Ces données
rejoignent celles d’une autre étude réalisée auprès d’élèves de différents âges
scolarisés dans les agglomérations de Rabat et de Casablanca, affirmant que 17 %
des garçons et 4,2 % des filles auraient consommé au moins une fois une drogue,
en tête desquelles se trouve le cannabis [118].
152
CONCLUSION
153
La toxicologie pédiatrique est une entité particulière du fait du caractère
souvent accidentel des intoxications chez l’enfant. Certes, ce dernier partage avec
l'adulte
certaines
intoxications
à
caractère
collectif
comme
l’inhalation
oxycarbonée, mais il garde des spécificités épidémiologiques et évolutives. Tout
pédiatre est amené un jour ou l’autre à prendre en charge un jeune enfant victime
d’une intoxication accidentelle ou un adolescent intoxiqué dans un but
d’autolyse. Dans notre étude, le plus prédominant de ces deux stéréotypes reste
le premier, ce qui correspond aux données de la littérature.
L’ampleur du phénomène est sous-évaluée dans notre pays, du fait d’une
insuffisance du système de déclaration et l’absence d’initiative de la part de la
population générale pour joindre le centre antipoison. Dans notre série comme
dans la littérature mondiale, les intoxications pédiatriques sont accidentelles,
domestiques et isolées. Elles sont dominées par les médicaments, les produits
ménagers
et
le
monoxyde
de
carbone,
qui ont
représenté
¾
des
cas
d’empoisonnements pendant notre période d’étude. Seule l’inhalation de
monoxyde de carbone se distingue par sa prédominance hivernale et la fréquente
atteinte collective.
La symptomatologie est extrêmement polymorphe suivant le toxique en
cause, la quantité ingérée et le délai écoulé avant la prise en charge. Elle peut être
initialement digestive à cause de la voie d'introduction du produit puis
secondairement
neurologique,
cardio-respiratoire,
métabolique
ou
hématologique. Certaines associations de symptômes sont caractéristiques d’une
classe de toxiques : on parle alors de toxidromes. La coexistence possible de
plusieurs toxiques différents dans un même produit est à l'origine d’un tableau
clinique très complexe.
154
Compte-tenu du nombre infini de toxiques potentiels, une bibliographie à
portée de main ou la possibilité d’avoir un avis externe auprès de structures de
référence comme le centre antipoison sont souvent utiles voire déterminants.
Devant la fréquente ignorance de la nature exacte du toxique et de la
quantité réellement ingérée, les intoxications de l’enfant donnent lieu à des
hospitalisations plus fréquentes que les autres accidents. Cependant, une
observation de 6 à 12 heures est souvent suffisante pour décider des suites de la
prise en charge. Un diagnostic de gravité peut être porté sur des éléments
anamnestiques, en rapport avec le toxique et l’état de santé de base de
l’intoxiqué, cliniques face à la présence de signes de défaillance neurologique ou
cardio-respiratoire, ou paracliniques.
En effet, à l’admission, chaque fois qu'un toxique est à même de perturber
gravement le milieu intérieur, la mesure des effets biologiques du toxique est
plus urgente et prime sur l'analyse toxicologique. Ainsi, les troubles occasionnés
seront identifiés à temps et guideront les mesures de réanimation de base. Dans
les situations peu évidentes, la recherche spécifique du toxique dans les milieux
biologiques peut faire poser le diagnostic.
Face à toute intoxication, le traitement symptomatique est obligatoire et
prioritaire devant le traitement épurateur dont les indications sont de plus en plus
restreintes et un traitement spécifique rarement possible. En effet, le lavage
gastrique et le charbon activé à dose unique, qui étaient d’usage quasisystématique, sont rarement indiqués de nos jours.
La meilleure mesure restera sans équivoque la prévention, qui a prouvé son
efficacité à grande échelle. La fermeture des produits dangereux sous clé ou
encore la promotion des bouchons résistants aux enfants et des emballages
thermoformés sont des actions qui ont prouvé leur efficacité. La multiplication
155
des campagnes d’information et de sensibilisation face au danger méconnu de
nombreux produits toxiques porteront leurs fruits à court et long termes. Un
effort devra être consenti du côté de la législation et de son application.
Les intoxications aiguës sont probablement plus morbides que ne le
laissent paraître les statistiques nationales. Certes, leur grande majorité guérit
sans séquelles, mais une partie d’entre elles aboutit à des séquelles ou au décès.
Chez l’enfant, il existe des toxiques comme le glimépiride potentiellement
mortels à faibles doses. D’autres comme le chardon à glu sont largement
répandus et présentent un danger insoupçonné. Néanmoins, les intoxications de
l’enfant demeurent de meilleur pronostic par rapport à celles de l’adulte en raison
de leur caractère souvent accidentel.
156
RESUMES
157
Résumé
Au Maroc, rares sont les travaux qui ont été consacrés aux intoxications
aiguës de l’enfant. Notre étude est prospective, portant sur les cas d’intoxications
aiguës des enfants et adolescents de moins de 15 ans, admis au Service de
Pédiatrie ou au Service des Urgences Générales de l’Hôpital Al Ghassani du CHU
Hassan II de Fès.
De janvier à décembre 2008, nous avons retenu 41 cas. L’âge des patients à
l’admission varie de 15 mois à 13 ans, avec une moyenne globale de 4,1 ans et
une légère prédominance masculine (sex-ratio de 1,2). Près des 2/3 des patients
(65,8 %) appartiennent à la catégorie d’âge de 1 – 4 ans, dite des « bébés
marcheurs », avec un pic à 2 ans. Le nombre de cas est en décroissance constante
à mesure que l’âge des patients progresse.
75 % des patients habitent dans un environnement urbain. 83 % sont de
parents à revenus modestes à modérés. Dans l’ensemble, ils sont éduqués dans
des familles stables, avec un climat éducatif et affectif acceptable. Deux d’entre
eux se sont empoisonnés par des psychotropes prescrits à l’un de leurs parents.
Les intoxications sont domestiques dans 95 % des cas. Hormis le cas de 2
fillettes (5 %) âgées de 10 et 13 ans ayant ingéré un toxique dans un but
d’autolyse, le reste des malades (95 %) a été accidentellement exposé au toxique.
Tous étaient à leur premier épisode d’intoxication, que le contexte soit accidentel
ou intentionnel. Près de 1/3 des intoxications étaient collectives : ingestion de
plantes, de médicaments et inhalation de monoxyde de carbone. Cette dernière
survient essentiellement pendant les mois d’hiver.
Le délai entre l’intoxication et la consultation au service des urgences ou au
service de pédiatrie varie de 20 min à 27 heures, avec une moyenne de 3,1
heures.
158
159
Le toxique en cause est évident dans la quasi-totalité des cas, à l’exception
d’un cas d’ingestion d’organophosphorés dont la preuve diagnostique a été
fournie par la recherche toxicologique. La quantité reçue est assez précise dans
les ingestions de comprimés médicamenteux, grossièrement estimée pour les
liquides et non quantifiable dans les inhalations de monoxyde de carbone. Toutes
les principales catégories de toxiques ont été retrouvées ; médicaments, produits
ménagers et monoxyde de carbone représentent ¾ des intoxications aiguës.
Vingt-quatre patients (58,5 %) sont symptomatiques avant l’admission. Le
diagnostic de gravité a été porté chez 14 malades soit 34 % des cas. Le lavage
gastrique a été réalisé chez 4 enfants et le charbon activé a été délivré à 2 autres.
L’antidote
le
plus
utilisé
reste
l’oxygénothérapie
normobare ;
atropine,
pralidoxime (Contrathion®) et N-acétylcystéine (Exomuc®) ont été employés
également.
Les pesticides ont été les toxiques les plus morbides, tandis que le chardon
à glu et le glimépiride (Amarel®) ont été mortels. Au final, 38 enfants (93 %) ont
survécu sans séquelles, 1 enfant (2,5 %) a gardé une séquelle et 2 autres (5 %)
sont décédés.
160
Abstract
In Morocco, very few studies have been devoted to acute poisoning in
children. Our study is prospective, involving cases of acute poisoning in children
and adolescents under 15 years admitted to the Pediatric Department or to the
General Emergencies Department at Al Ghassani Hospital in CHU Hassan II in Fez.
From January to December 2009, we selected 41 cases. At the moment of
the admission, age ranged from 15 months to 13 years, with an overall average of
4.1 years and a slight male predominance (sex ratio 1.2). About 2/3 of patients
(65.8%) belong to the age group of 1 to 4 years, so-called "baby walkers, with a
peak at 2 years. The number of cases is decreasing steadily as the age of the
patient
progresses.
75 % of patients live in an urban environment. 83 % have parents with low to
moderate income. Overall, they are brought up in stable families, with acceptable
educational and emotional climates. Two of them were poisoned by psychotropic
drugs
prescribed
to
one
of
their
parents.
The poisonings are domestic in 95% of cases. Except of 2 girls (5 %) aged
10 and 13 who ingested a toxic substance for the purpose of autolysis, the
remaining patients (95 %) were accidentally exposed to toxic. For all it was the
first episode of poisoning no matter the context is accidental or intentional.
Nearly 1 / 3 of the poisonings were collective: ingestion of plants, medicines and
inhalation of carbon monoxide. This occurs mainly during the winter months.
The delay between intoxication and consultation in the Emergency or the
Pediatric Department ranges from 20 minutes to 27 hours, with an average of 3.1
hours.
The toxic is evident in almost all cases, except one case of ingestion of
organophosphorus whose diagnostic evidence was provided by the Toxicology
161
Research. The amount received is accurate enough in the case of ingestion of
drugs tablets, roughly estimated for liquids and not quantifiable for inhalation of
carbon monoxide. All major categories of toxics have been found. Drugs,
domestic products and carbon monoxide are behind ¾ of acute poisonings.
Twenty-four patients (58.5 %) were symptomatic prior to admission.
Severity was found in 14 patients (34 % of cases). Gastric lavage was performed in
4 children and activated charcoal has been gived to 2 others. The most used
antidotes was normobaric oxygen. Atropine, pralidoxime (Contrathion®) and Nacetylcysteine (Exomuc®) were also employed.
Pesticides have been the most morbid toxic, while Atractylis gummifera and
glimepiride (Amarel®) have been fatal. Finally, 38 children (93%) survived without
sequelae, 1 child (2.5%) kept a sequel and 2 others (5%) died.
162
163
BIBLIOGRAPHIE
164
[1] Krug E. Injury. A leading cause of the global burden of the disease.
Organisation Mondiale de la Santé. Genève. 1999. Disponible sur internet au :
www.who.int/violence_injury_prevention
[2] Holder Y, Peden M, Krug E, et al. Lignes directrices pour la surveillance des
traumatismes.
Organisation Mondiale de la Santé. Genève. 2004.
[3] Peden M, Oyegbite K, Ozane-Smith J, et al. Rapport mondial sur la prévention
des traumatismes chez l’enfant.
Editions de l’OMS. Genève. 2008.
[4] Villa A, Cochet A, Guyodo G. Les intoxications signalées aux centres antipoison
français en 2006.
La Revue du Praticien, vol. 58, 2008
[5] Bronstein A.C, Alvin C., Spyker, et al. 2007 Annual Report of the American
Association of Poison Control Centers National Poison Data System (NPDS): 25th
Annual Report.
Clinical Toxicology,46:10,927-1057
[6] Bulletin de toxicovigilance du Centre Anti-Poison du Maroc.
Numéro 20. Quatrième trimestre 2008.
[7] Ouammi L, Rhalem N, Aghandous R, et al. Profil épidémiologique des
intoxications au Maroc de 1980 à 2007.
Toxicologie Maroc, N° 1, Mai 2009.
[8] Centre Suisse d’information toxicologique.
Rapport annuel 2008.
[9] Centre Suisse d’information toxicologique.
Rapport annuel 2004.
[10] Centre Suisse d’information toxicologique.
Rapport annuel 2005.
[11] Centre Suisse d’information toxicologique.
Rapport annuel 2006.
165
[12] Centre Suisse d’information toxicologique.
Rapport annuel 2007.
[13] Khattabi A, Sghier Z, Rhalem N, et al. Les intoxications mortelles,
accidentelles et suicidaires chez l’adolescent au Maroc (1992-2005).
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVIII, n° 4, 2006
[14] Addor V, Santos-Eggiman B. Population-based incidence of injuries among
preschoolers.
Eur J Pediatr 1995;115:839–40.
[15] Mbika-Cardorelle A, Okokoa A.R, Ibalaa R, et al. Epidémiologie des accidents
de l'enfant au centre hospitalier universitaire de Brazzaville.
Arch Pediatr 2003;10:648–57.
[16] Chevret L. Intoxications graves : prise en charge en réanimation pédiatrique.
Arch Pediatr 2004;11:680–2.
[17] Dickerman JD, Bishop W, Marcks JF. Acute Ethanol Intoxication in a child.
Pediatrics 1968;42;837-840.
[18] Danseco ER, Miller TR, Spicer RS. Incidence and costs of 1987–1994
childhood injuries: demographic breakdowns.
Pediatrics, 2000, 105:E27
[19] Durkin MS et al. Low-income neighborhoods and the risk of severe pediatric
injury: a small-area analysis in northern Manhattan.
American Journal of Public Health, 1994, 84:587–592.
[20] http//www.cia.gov
[21] Hyder AA et al. Childhood unintentional injury surveillance: a multi-site pilot
study. Baltimore, MD, Johns Hopkins University and World Health Organization (in
press).
[22] Agran PF et al. Rates of pediatric injuries by 3-month intervals for children 0
to 3 years of age.
Pediatrics, 2003,111:683–692.
166
[23] Cremer R, Mathieu-Nolf M. Épidémiologie des intoxications de l’enfant.
Arch Pediatr 2003;11:677–9.
[24] Szymanowicz A, Danel V. Bio marqueurs de toxicité dans les principales
intoxications graves.
Immuno-analyse & Biologie spécialisée 20 (2005) 144–160.
[25] Hachelaf M, Capellier G, Danel V. Les toxidromes.
Réanimation 15 (2006) 364–369.
[26] Brissaud O, Chevret L, Claudet I. Intoxication grave par médicaments et/ou
substances illicites admise en réanimation : spécificités pédiatriques.
Réanimation 15 (2006) 405–411
[27] Ait El Cadi M, Khabbal Y, Mahnine N, et al. Les décès toxiques au Maroc :
bilan de 5 ans d’études (1999-2003).
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XIX, n° 3, 2007
[28] Mégarbane B, Donetti L, Blanc T, et al. Intoxications graves par médicaments
et substances illicites en réanimation.
Réanimation 15 (2006) 332–342
[29] Lheureux P, Garbuzinski J, Devuyst F, et al. Apport de la biologie et de la
clinique dans l’évaluation des intoxications aiguës.
Revue Française des Laboratoires, avril 1999, N ° 312.
[30] Laforge M, Levillain P, Gourlain H, et al. Analyses biologiques : critères
indirects d'une intoxication aiguë.
Revue Française des Laboratoires, avril 1999, numéro 312.
[31] Persson HE, SJöberg GK, Haines JA, et al. Poisoning severity score. Grading of
acute poisoning.
Clin Toxicol. 1998;36,3:205-13.
[32] Masri W, Hedhili A, Amamou M. Intoxication par Atractylis gummifera L : à
propos de deux cas cliniques.
Revue Francophone des Laboratoires, Juin 2009 - N°413 87-91.
167
[33] Michael JB, Sztajnkrycer MD. Deadly pediatric poisons: nine common agents
that kill at low doses.
Emerg Med Clin North Am 2004;22:1019–50
[34] Rumack BH. Ipecac use in the home [commentary].
Pediatrics. 1985;75:1148
[35] Shannon M. Ingestion of toxic substances by children.
New Eng Jour Med 2000; 342 :186-191
[36] Haas H. Conduite à tenir devant les intoxications aiguës accidentelles de
l’enfant.
Arch Pediatr 2004;11:683–8
[37] American Academy of Clinical Toxicology, European Association of Poisons
Centres and Clinical Toxicologists. Position paper: ipecac syrup.
J Toxicol Clin Toxicol. 1997;35:699–709
[38] Committee on Injury, Violence, and Poison Prevention. Poison Treatment in
the Home.
Pediatrics 2003;112;1182-5.
[39] Corby DG, Decker WJ, Moran MJ, Payne CE. Clinical comparison of
pharmacologic emetics in children.
Pediatrics. 1968;42:361–364
[40] Quang LS, Woolf AD. Past, present and future role of ipecac syrup.
Curr Opin Pediatr. 2000 Apr;12(2):153-62.
[41] American Academy of Clinical Toxicology, European Association of Poisons
Centres and Clinical Toxicologists. Position statement and practice guidelines on
the use of multi-dose activated charcoal in the treatment of acute poisoning.
J Toxicol Clin Toxicol 1999;37:731–51.
[42] Leclerc F, Lejeune C, Martinot A et al. Peut-on traiter les intoxications
médicamenteuses aiguës paucisymptomatiques de l'enfant par une prise unique
de charbon activé ?.
Réan. Urg., 1995, 4 (5), 571-576
168
[43] Merigian KS, Woodard M, Hedges JR, et al. Prospective evaluation of gastric
emptying in the self-poisoned patient.
Am J Emerg Med 1990;8:479-83.
[44] Kornberg A.E., Dolgin J. Pediatric ingestions: charcoal alone versus ipecac and
charcoal.
Ann. Emerg. Med., 1991, 20, 648-651.
[45] Lamminpää A, Vilska J, Hoppu K. Medical charcoal for a child's poisoning at
home: availability and success of administration in Finland.
Hum Exp Toxicol., 1993, 12, 29-32.
[46] Leduc S, Sergerie D, Sanfaçon G, et al. Avis scientifique concernant
l’utilisation du sirop d’Ipéca et du charbon activé.
Institut National de Santé Publique du Québec. 2002.
[47] Malgorn G, Leboucher B, Harry P, et al. Intoxication par les benzodiazépines
chez un nouveau-né : évaluation clinique et toxicocinétique de l’entérodialyse par
le charbon activé.
Arch Pediatr 2004;11:819–21
[48] Harry P. Pratique de l’administration du charbon activé en toxicologie aiguë.
Réan Urg 1993;2:210–4.
[49] Lewis R. Goldfrank. Goldfrank's toxicologic emergencies.
McGraw-Hill Professional, 2006.
[50] Soulaymani-Bencheikh R, El Oufir Rh. Stratégie nationale de lutte contre les
piqûres et les envenimations scorpioniques.
Toxicologie Maroc, N° 2, Juillet 2009.
[51] Soulaymani-Bencheikh R, Aghandous R. Stratégie de lutte contre les
intoxications au monoxyde de carbone.
Toxicologie Maroc, N° 3, Octobre 2009.
[52] Windy M, Jalal G, Chafiq F, et al. Evaluation de l’impact de la standardisation
de la prise en charge sur le profil de l’intoxication à la PPD.
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVIII, n° 4, 2006.
169
[53] Wiseman HM et al. Accidental poisoning in childhood: a multicentre survey
and the role of packaging in accidents involving medications.
Human Toxicology, 1987, 6:303–314.
[54] Gee P, Ardagh M. Paediatric exploratory ingestions of paracetamol.
New Zealand Medical Journal, 1998, 111:186–188.
[55] Durham G. Code of practice for child-resistant packaging of toxic
substances.
Wellington, Ministry of Health, 1998.
[56] Turvill JL, Burroughs AK, Moore KP. Change in occurrence of paracetamol
overdose in UK after introduction of blister packs.
The Lancet, 2000, 355:2048–2049.
[57] Chien C et al. Unintentional ingestion of over the counter medications in
children less than 5 years old.
Journal of Paediatrics and Child Health, 2003, 39:264–269.
[58] Flanagan R, Rooney C, Griffiths C. Fatal poisoning in childhood, England and
Wales, 1968–2000.
Forensic Science International, 2005, 148:121–129.
[59] Fernando R, Fernando DN. Childhood poisoning in Sri Lanka.
Indian Journal of Pediatrics, 1997, 64:457–560.
[60] Du NT, Due B, Due P. Epidemiology of acute poisonings in Vietnam.
Clinical Toxicology, 2001, 39:527–528.
[61] Dawson KP et al. Accidental poisoning of children in the United Arab
Emirates.
Eastern Mediterranean Health Journal, 1997, 3:38–42.
[62] Andiran N, Sarikayalar F. Pattern of acute poisonings in childhood in Ankara:
what has changed in twenty years?
Turkish Journal of Pediatrics, 2004, 46:147–152.
[63] Kuster A, Picherot G, Liet JM, et al. Nouvelles intoxications de l’enfant.
Arch Pediatr 2004;11:689–91
170
[64] Villa A, Baud F, Megarbane B, et al. Intoxications aiguës les plus fréquentes.
EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-030-A-10, 2007.
[65] Abouali F, Rhalem N, Soulaymani-Bencheikh R. Tentatives suicidaires aux
médicaments.
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVIII, n° 4, 2006
[66] Hoizey G, Marty H, Lamiable D, et al. Intoxications aiguës par les
benzodiazépines.
Revue Française des Laboratoires. Avril mai 2000, N° 322.
[67] Zaidani A, Fadil A, Jennane F, et al. Intoxications aux psychotropes chez
l’enfant.
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVIII, n° 4, 2006
[68] Mégarbane B, Delahaye A. Intoxication aiguë par les antidépresseurs
tricycliques.
Encyclopédie Orphanet. Mars 2003.
[69] Lapostolle F, Borron SW, Verdier C, et al. Digoxin-specific Fab fragments as
single first-line therapy in digitalis poisoning.
Crit Care Med 2008;36:3014-8.
[70] Ruscev M, et al., Accessibilité des antidotes en urgence.
PresseMed(2009), doi: 10.1016/j.lpm.2009.06.014.
[71] Forrester MB. Pediatric montelukast ingestions reported to Texas poison
control centers, 2000-2005.
J Toxicol Environ Health A. 2007 Nov;70(21):1792-7.
[72]
Ingestion
de
pilules
contraceptives
chez
le
jeune enfant
- Étude du centre antipoison de Lille 2000 – 2002.
http://www.chru-lille.fr/cap/ca5-03fev3.htm (consulté le 7/12/09).
[73] Thom SR, Keim LW. Carbon monoxide poisoning: a review epidemiology,
pathophysiology, clinical findings, and treatment options including hyperbaric
oxygen therapy.
J Toxicol Clin Toxicol 1989;27:141–56.
171
[74] Donati S.-Y, Gainnier M, Chibane-Donati O. Intoxication au monoxyde de
carbone.
EMC-Anesthésie Réanimation 2 (2005) 46–67.
[75] Asirdizer M, Yavuz MS, Albek E, et al. Infant and adolescent deaths in Istanbul
due to home accidents.
Turk J Pediatr 2005; 47: 141-9.
[76] Unintentional non-fire-related carbon monoxide exposures: United States,
2001–2003.
Morbidity and Mortality Weekly Report, 2005, 54:36–39, 131–132
[77] Aghandous R, Rhalem N, Semllali, et al. Profil épidémiologique des
intoxications par le monoxyde de carbone au Maroc (1991-2007).
Toxicologie Maroc, N° 3, Octobre 2009.
[78] Heckerling PS. Occult carbon monoxide poisoning: a cause of winter
headache. Am j Emerg Med. 1987; 5,3:2001-2004
[79] Tissot B.
Registre Fédéral des intoxications au CO. Rapport 01 Janvier–31 Décembre 2007.
[80] Yarar C, Yakut A, Akin A, et al. Analysis of the features of acute carbon
monoxide poisoning and hyperbaric oxygen therapy in children.
Turk J Pediatr 2009; 50: 235-241.
[81] Yanir Y, Shupak A, Abramovich A, et al. Cardiogenic shock complicating acute
carbon monoxide poisoning despite neurologic and metabolic recovery.
Ann Emerg Med 2002;40:420–4.
[82] Crocker PJ, Walker JS. Pediatric carbon monoxide toxicity.
J Emerg Med. 1985;3(6):443-8.
[83] Sellami S, Soulaymani A, Idrissi M, et al. Les facteurs de gravité des
intoxications oxycarbonées au Maroc (1994-2004).
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVIII, n° 4, 2006
[84] Malbosc R. Intoxication aiguë et chronique par le monoxyde de carbone :
aspects analytiques et interprétation des oxycarbonémies.
172
Rev Fr Lab 2000;323:19–25.
[85] Weaver LK, Hopkins RO, Chan KJ, et al. Hyperbaric oxygen for acute carbon
monoxide poisoning.
N Engl J Med 2002;347:1057–67.
[86] Uzun G, Sen H, Mutluoglu M, et al. Hyperbaric oxygen therapy for pediatric
patients with carbon monoxide poisoning.
Turk J Pediatr 2009; 51: 403-4.
[87] Lamzouri H, Boulila A, Mimouni A, et al. La médecine hyperbare.
Toxicologie Maroc, N° 3, Octobre 2009.
[88] Camporesi EM. Hyperbaric oxygen therapy: a committee report 7-10. In:
Undersea and Hyperbaric Medical Society. Kensington; 1996
[89] Crocheton N, et al. Dépistage des intoxications au monoxyde de carbone
(CO) par des médecins généralistes effectuant des visites à domicile.
Presse Med (2009), doi: 10.1016/j.lpm.2009.07.021.
[90] Meert KL, Heidemann SM, Sarnaik AP. Outcome of children with carbon
monoxide poisoning treated with normobaric oxygen.
J Trauma 1998; 44: 149-154
[91] Meredith T, Vale A. Carbon monoxide poisoning.
BMJ 1988; 296:77–9.
[92] Tritapepe L, Macchiarelli G, Rocco M, et al. Functional and ultrastructural
evidence of myocardial stunning after acute carbon monoxide poisoning.
Crit Care Med 1998;26:797–801.
[93] Baudet M, Amouroux N, Houin G. Intoxications aiguës accidentelles.
Revue Française des Laboratoires, mai/juin 2000, N° 323.
[94] Watson WA, Litovitz TL, Rodgers GC, et al. 2004 Annual report of the
American Association of Poison Control Centers Toxic Exposure Surveillance
System.
American Journal of Emergency Medicine, 2005, 23:589–666.
173
[95] Belmourida F, Salimi S, Jennane F,et al. Intoxications aigues aux produits
ménagers chez l’enfant.
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVIII, n° 4, 2006.
[96] O’Brien KL et al. Epidemic of pediatric deaths from acute renal failure caused
by diethylene glycol poisoning.
Journal of the American Medical Association, 1998, 279:1175–1180
[97] Les intoxications aiguës de l’enfant aux produits pétroliers et dérivés. A
propos de 97 cas.
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVIII, n° 4, 2006.
[98] Rhalem N, Khattabi A, Achour S, et al. Facteurs prédictifs de gravité de
l’intoxication aux pesticides. Expérience du Centre Antipoison du Maroc.
Ann Toxicol Anal. 2009; 21(2): 79-84.
[99] Bichri S, Draiss G, Sakhi A, et al. Intoxications aiguës aux organophosphorés
chez l’enfant.
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVIII, n° 4, 2006.
[100] Rafai MA, Boulaajaj FZ, Bourezgui M, et al. Aspects cliniques et
électrophysiologiques
de
l’intoxication
aiguë
aux
organophosphorés.
Neurophysiologie Clinique (2007) 37, 35—39.
[101] Thabet H, Brahmi N, Kouraïchi N, et al. Intoxications par les pesticides
organophosphorés : nouveaux concepts.
Réanimation (2009) 18, 633—639
[102] Boles J-M.
Réanimation Médicale. Paris: Elsevier Masson; 2001.
[103]
Testud
F,
Grillet
JP.
Insecticides
organophosphorés,
carbamates,
pyréthrinoïdes de synthèse et divers.
EMC, Toxicologie - Pathologie professionnelle, 16-059-C-10, 2007.
[104] Benslama A, Moutaouakkil S, Charra, B et al. Le syndrome intermédiaire des
intoxications aiguës par les insecticides organophosphorés.
Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 23 (2004) 353–356
174
[105] Senanayake N, Karalliedde L. Neurotoxic effect of organophosphorus
insecticides: an intermediate syndrome.
N Engl J Med 1987;316:761–3.
[106]
Harry
P.
Intoxications
par
Produits
Agricoles
:
intoxications
non
médicamenteuses.
Rev Prat 2000; 50(4):372-76.
[107] Federici S, Claudet I, Laporte-Turpin E, et al. Intoxication sévère par le
chloralose chez un nourrisson. Archives de pédiatrie 13 (2006) 364–366.
[108] Eddleston M, Juszczak E, Buckley NA, et al. Multiple dose activated charcoal
in acute self-poisoning: a randomized controlled trial. Lancet 2008;371:579—87.
[109] Schlossmacher P, Gaüzère BA, Meyer N, et al. Intoxication au chloralose, à
l’île de La Réunion, entre 1988 et 1998 : à propos de 366 cas. Propositions
thérapeutiques.
Bull Soc Pathol Exot, 2003,96,3,235-236.
[110] Soulaymani A, Rhalem N, Mokhtari A, et al. Epidémiologie des intoxications
par les plantes. Expérience du Centre Anti-Poison du Maroc de 1992 à 2000.
Le Pharmacien d’Afrique. N° 193 Juin/Juillet 2006.
[111] Madani N, Sbaï H, Harandou M, et al. Intoxication par le chardon à glu chez
une femme enceinte.
Presse Med. 2006; 35: 1828-30.
[112] El Bazaoui A, Stambouli H, Bellimam MA. Détermination des alcaloïdes
tropaniques des graines du Datura stramonium L. par CPG/SM et CL/SM.
Ann Toxicol Anal. 2009.
[113] Hami H, Soulaymani A, Ouammi L, et al. Intoxication par Datura stramonium
au Maroc « chdeq-jmel », 1981-2003.
Ann Toxicol Anal. 2009; 21(2): 85-111
[114] Hami H, Souleymani A, Ouammi L, et al. Les intoxications mortelles par les
plantes au Maroc.
Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 57S (2009) S3–S59.
175
[115] Lacroix L, Manzano S, Vunda A, et al. Intoxication éthylique aiguë chez les
adolescents admis aux urgences : un nouveau fléau ?
Journal européen des urgences supplément 2, page A83.
[116] O’Malley PM, Johnston LD, Bachman JD. Adolescent substance use.
Epidemiology and implications for public policy.
Pediatr Clin North Am 1995;42:241–60
[117] Jayche S., Skalli S, Soulaymani R, et al. Usage de cannabis et autres drogues
licites et illicites chez les adolescents de Rabat en scolarisation.
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVIII, n° 4, 2006
[118] Stambouli A., Mergaoui-Rholi L, El Karni N, et al. Prévalence de la drogue,
du tabac et de l’alcool chez les jeunes en milieu scolaire.
Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVIII, n° 4, 2006
176
Téléchargement