SOMMAIRE INTRODUCTION …………………………………………………………………………………………………………………………………… 1 PATIENTS ET METHODES…………………………………………………………………………………………………………… 4 RESULTATS………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 6 I. Profil des intoxiqués…………………………………………………………………………………………...…… 7 II. Le toxique………………………………………………………………………………………………...…………………… 11 III. Circonstances de l’intoxication ………………………………………………………………… 15 IV. Etude clinique……………………………………………………………………………………………………………… 18 V. Prise en charge…………………………………………………………………………………………………………… 20 VI. Evolution…………………………………………………………………………………………………………………… … 23 …… VII. Observations notoires………………………………………………………………………………………… 24 DISCUSSION……………………………………………………………………………………………………………………………………… 39 …………… I. Définitions……………………………………………………………………………………………………… 40 II. Epidémiologie……………………………………………………………………………………………... 42 III. Physiopathologie……………………………………………………………………………………………………… 49 IV. Diagnostic positif…………………………………………………………………………………………………… 57 V. Prise en charge……………………………………………………………………………………………………… VI. Evolution/Pronostic……………………………………………………………………………………………… 84 … … VII. Spécificités selon les classes de toxiques 1– Médicaments ……… ………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 2- Monoxyde de carbone 3- Produits ménagers 6- Plantes 7- Autres 115 ………………………………………………………………………………………………… 118 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 126 ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… CONCLUSION……………………………………………………………………………………………………………… ……… RESUMES ………… ……… …… ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… BIBLIOGRAPHIE 85 110 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… … 5- Pesticides 85 101 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 4- Hydrocarbures et solvants organiques 67 ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ABREVIATIONS…………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………… i 132 133 137 143 156 INTRODUCTION 1 Tandis que le Monde connaît une baisse continue de la mortalité globale, la mortalité par accidents occupe une proportion de plus en plus considérable, surtout chez les enfants et adolescents des pays développés. Dans les pays du Tiers-Monde, le nombre d’enfants malades ou décédés par accidents dépasse considérablement celui des pays riches. Parmi ces accidents, les intoxications aiguës figurent parmi les plus fréquents et les plus dangereux. Dans le Monde, les intoxications aiguës représentent plus de 10 % de l’ensemble des traumatismes accidentels chez l’enfant, avec une incidence qui dépasse 280/100 000. Au Maroc, les intoxications de l’enfant gagnent une ampleur considérable, plus de 1/3 des intoxiqués étant âgés de moins de 15 ans. Dans notre pays, plusieurs facteurs expliquent la fréquence et la diversité des intoxications dont peuvent être victimes enfants et adolescents. Le biotope est riche en plantes dont nombreuses sont connues et exploitées traditionnellement pour leurs vertus médicinales ou cosmétiques. Leurs extraits, parfois traités chimiquement, sont mis en vente dans les commerces et ciblent aussi bien la population citadine que rurale. Le secteur agricole demeure un pilier de l’économie nationale et les agriculteurs tendent à améliorer le rendement des terres en recourant aux pesticides et autres produits chimiques. A l’image d’autres pays émergents, notre pays a assisté à une industrialisation qui a été plus rapide et plus soutenue que les progrès réalisés en matière de réglementation et d’éducation. Des centaines de produits chimiques destinés à un usage professionnel sont entreposés dans les maisons ou détournés pour un usage domestique. L’accès aux médicaments est relativement aisé et leur usage en dehors de tout cadre de prescription est courant et banalisé. Ainsi, dans la vie courante, le risque d’exposition à des substances dont le danger est insoupçonné est devenu majeur, chose particulièrement vraie pour les enfants en bas âge dépourvus de capacités de 2 discernement. Ils sont d’ailleurs les premières victimes des intoxications aiguës accidentelles et sans doute les plus vulnérables d’entre elles. Il s’agit bien là d’un problème de santé publique. Pourtant, peu de travaux ont été consacrés aux intoxications aiguës chez l’enfant au Maroc. Par cette étude prospective d’une année menée aux Services de Pédiatrie et des Urgences Générales de l’Hôpital Al Ghassani du CHU Hassan II de Fès, nous souhaitons : dégager les particularités épidémiologiques, cliniques et évolutives des enfants victimes d’une intoxication aiguë dans la région de Fès ; rappeler les principes généraux de prévention et de prise en charge ; familiariser le lecteur avec les intoxications de l’enfant les plus fréquentes et les plus graves. 3 PATIENTS ET METHODES 4 I. Recrutement des données 1- Type et durée de l’étude Il s’agit d’une étude prospective sur une année, de janvier à décembre 2008. 2- Lieux de l’étude L’étude a lieu au Service de Pédiatrie et au Service des Urgences Générales de l’Hôpital Al Ghassani du CHU Hassan II. Ces deux services ont été choisis car tous deux peuvent accueillir et hospitaliser les enfants victimes d’intoxications aiguës. 3- Critères d’inclusion Nous avons inclus dans cette étude tous les cas d’intoxication aiguë survenus chez les nouveau-nés, nourrissons, enfants et adolescents âgés de moins de 15 ans, étudiés selon les catégories d’âge adoptées par l’OMS. Le cas est retenu qu’il ait directement consulté ou qu’il soit référé, qu’il soit suspect ou certain, que le toxique soit connu ou non. 4- Critères d’exclusion Dans cette étude, nous avons exclu les enfants victimes d’une piqûre ou morsure d’insecte ou d’animal vénéneux comme les piqûres et envenimations scorpioniques. II. Fiche d’exploitation Les données ont été collectées et reportées sur une fiche d’exploitation. 5 RESULTATS 6 I. Profil des intoxiqués 1- Age et sexe Quarante-et-un enfants ont été admis dans nos structures pour intoxication aiguë au cours de l’année 2008. Il existe une légère prédominance masculine : 23 garçons pour 18 filles, d’où un sex-ratio de 1,2 (fig. 1). Fig. 1 : Proportions de chacun des deux sexes parmi nos patients L’âge des patients à l’admission variait de 15 mois à 13 ans (fig. 2), avec une moyenne globale de 4,1 ans. La moyenne d’âge des filles (4,4 ans) était légèrement plus élevée que celle des garçons (3,2 ans). Les patients ont été classés selon les groupes d’âge déterminés par l’OMS. Près des 2/3 des patients (65,8 %) appartenaient à la catégorie d’âge de 1 – 4 ans, dite des « bébés marcheurs », avec un pic à 2 ans (fig. 2 et 3). Nous n’avons constaté aucun cas d’empoisonnement chez les nouveau-nés ni chez les nourrissons de < 1 an. Par ailleurs, on a constaté qu’à mesure que l’âge avance, le nombre de cas est en décroissance constante. 7 9 8 7 6 5 total 4 garcons filles 3 2 1 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 Fig. 2 : Distribution des enfants intoxiqués selon l’âge et le sexe 30 25 20 Total 15 Garçons Filles 10 5 0 0 - 4 semaines 1 - 12 mois 1 - 4 ans 5 - 14 ans Fig. 3 : Répartition des cas selon les tranches d’âge définies par l’OMS et selon le sexe. 8 2- Situation familiale Trente-cinq enfants (85,5 %) vivent dans des familles stables. Trois enfants sont d’une famille monoparentale (de père décédé) et 2 autres sont élevés par leur mère essentiellement, le père étant absent pour des raisons professionnelles. Dans 2 cas, l’un des parents était sous psychotropes, par lesquels s’est intoxiqué l’enfant. 83 % des enfants sont de parents à revenus modestes à modérés. Seuls 5 % sont enfants uniques. 3- Situation scolaire Sur les 10 enfants en âge de scolarisation (≥ 6 ans), 9 sont scolarisés. 4- Milieu Trente-et-un enfants (75,6 %) habitent dans un environnement urbain dont 29 (70,5 %) à Fès. Dix enfants viennent d’un environnement rural (fig. 4). Fig. 4 : Répartition des patients selon l’origine géographique 9 10 5- Antécédents personnels Aucun enfant n’était connu dépressif ni porteur d’une affection psychiatrique. Aucun des patients de notre série n’avait des habitudes toxiques ni un comportement d’addiction ou de toxicomanie. Tous les malades étaient à leur premier épisode d’intoxication aiguë, quel que soit le contexte : accidentel ou intentionnel. 11 II. Le toxique 1- Identification du toxique Le toxique en question était évident dans la quasi-totalité des cas (fig.5) : toxique identifié sur les lieux par la famille (36 cas) ; aveux de l’enfant (4 cas) : il s’agit de 2 fillettes intoxiquées volontairement dans un but d’autolyse et de 2 garçons ayant reconnu avoir ingéré le toxique dont ils n’ont pas mesuré le danger. dans 1 seul cas, celui d’un enfant admis en troubles de conscience après ingestion d’un organophosphoré, l’orientation vers le toxique a été possible grâce au tableau clinique et surtout à la recherche toxicologique, l’interrogatoire n’ayant pas été concluant. A la découverte du toxique, les circonstances de l’intoxication sont devenues plus évidentes pour les proches qui l’ont confirmée a posteriori. Fig. 5 : Proportions de chacun des différents moyens d’identification du toxique en cause 12 2- Quantité La quantité ingérée a pu être déterminée de façon exacte dans 8 cas (19,5 %), exclusivement des prises de comprimés médicamenteux. Elle pouvait être grossièrement estimée dans le cas des produits liquides ou poudreux, qu’il s’agisse de médicaments en sirops, produits ménagers ou pesticides (56 %). Elle n’a pu être quantifiée dans le cas des intoxications aux plantes ou au CO (24,5 %). 3- Nombre de toxiques Tous nos patients ont été empoisonnés par un seul produit, sauf dans le cas d’un jeune enfant de 3 ans ½ qui a pris 2 médicaments placés dans un sac plastique transparent de pharmacie : Broclar® et Clartec® sirops. 4- Structure physique du toxique La forme solide était la plus fréquente (41,5 %), suivie de la forme liquide (36,5 %) puis gazeuse/aérosol (22 %), comme schématisé sur la figure 6. Les toxiques solides étaient dominés par les comprimés pharmaceutiques, tandis que dans les 3 cas d’intoxication par une poudre, il s’agissait exclusivement d’un raticide. Fig. 6 : Répartition des toxiques selon la forme physique 13 5- Nature du toxique Diverses catégories de toxiques ont été retrouvées (fig. 7 et 8). Les médicaments, les produits ménagers et le CO ont été à l’origine des ¾ des intoxications aiguës (75,5 %). Fig. 7 : Proportions des différentes catégories de toxiques Fig. 8 : Répartition des toxiques par classes et sous-classes 14 6- Conditionnement du toxique Certains produits, tels les médicaments et les pesticides, étaient tous pris depuis leur emballage d’origine. D’autres, principalement les dérivés pétroliers (diluants) et à 5 reprises dans les ingestions de produits ménagers (eau de javel), ont été transvasés dans d’autres récipients, parfois alimentaires (bouteilles de soda). 7- Accessibilité au toxique La survenue d’une intoxication aiguë, qu’elle soit accidentelle ou encore intentionnelle, signifie que le toxique était obligatoirement à la portée des enfants. - Dans le cas des intoxications aiguës survenues à domicile, les substances les plus exposées sont : les médicaments : disposés sur une étagère ou dans un meuble assez facile d’accès, à maintes reprises dans le sac-à-main de la maman (6 cas). les produits à usage ménager : l’eau de javel a été souvent entreposée dans un espace de rangement à même le sol (5 cas). Médicaments et produits d’entretien du domicile sont en effet des produits à usage courant, sinon quotidien. - D’autres produits d’usage moins courant étaient entreposés dans un endroit a priori peu fréquenté par les enfants, comme la buanderie ou la terrasse, mais auquel ils ont tout de même accès : ce sont les diluants et les pesticides. - Dans le cas des plantes (chardon à glu), celles-ci ont été consommées dans le voisinage du domicile, sur leur lieu de pousse naturel. 15 III. Circonstances de l’intoxication 1- Voie d’intoxication La voie d’intoxication principale de nos patients reste la voie orale : 33 cas. Les 8 patients restants étaient intoxiqués par inhalation de gaz (CO) (fig. 9). Le toxique peut être sous forme d’aérosol mais être tout de même ingéré per os, comme ça été le cas d’un des enfants empoisonné par un organophosphoré pulvérisé maladroitement sur une boisson fraiche qu’il a ingérée. Fig. 9 : Proportions des différentes voies d’intoxications 2- Caractère accidentel/intentionnel Hormis le cas de 2 fillettes (5 %) âgées de 10 et 13 ans ayant ingéré un toxique dans un but d’autolyse, le reste des malades (95 %) a été accidentellement exposé au toxique (fig. 10). Fig. 10 : Proportions des intoxications accidentelles et intentionnelles 16 3- Caractère individuel/collectif Dans notre série, à 6 reprises l’intoxication était collective (fig. 11) : 2 membres de la même fratrie ingérant accidentellement le même toxique : 2 frères ayant ingéré un raticide (alphacholralose) ; 2 sœurs ayant ingéré une plante (chardon à glu = « ad-dad ») ; 2 frères ayant ingéré un médicament (montélukast). 2 ou plusieurs membres de la même famille victime d’une inhalation de CO, symptomatique chez une partie des concernés : 2 frères avec leurs parents ; 2 frères et 1 sœur avec les parents et des proches ; 2 sœurs avec la mère et des proches. Pour les 27 autres cas (66 %), l’empoisonnement était individuel. Fig. 11 : Proportion des intoxications collectives orales et inhalées 17 4- Lieu En dehors de 2 cas d’intoxication aiguë survenus sur la voie publique, toutes les autres que nous avons prises en charge ont eu lieu à domicile (95%). Nous n’avons recensé aucun cas d’intoxication dans une collectivité, un établissement scolaire ou hospitalier. 5- Période de l’année A l’analyse globale des données, nous n’avons pas constaté de variabilité saisonnière significative. On note néanmoins que les intoxications au CO se sont produites exclusivement pendant les mois d’hiver (novembre, décembre et février) (fig. 12). Fig. 12 : Répartition des intoxications aiguës incluant celles au CO sur les mois de l’année 18 IV. Etude clinique 1- Délai d’admission Le délai entre l’intoxication et la consultation au service des urgences ou au service de pédiatrie était très variable et va de 20 min à 27 heures, avec une moyenne de 3,1 heures. 2- Mesures entreprises préalables à la consultation Lorsqu’ils ne sont pas occasionnés par le toxique, les vomissements sont provoqués par les proches, à visée thérapeutique. Cela a été le cas de 5 des enfants ayant ingéré un caustique ou un dérivé pétrolier : les proches ont provoqué des vomissements par la mise en jeu du réflexe nauséeux avant de consulter. En outre, 6 patients ont eu recours à l’ingestion de produits destinés à limiter les effets nocifs du toxique. Il s’agit quasi-exclusivement d’aliments ou de préparations alimentaires (huile d’olive, lait, miel, épices,…) administrés par les parents ou un proche présent sur les lieux. Seul un malade ayant accidentellement ingéré un des neuroleptiques prescrits pour son père (Haldol® gouttes) a reçu de la part de ce dernier un antiparkinsonien (Artane® cp). Dans l’ensemble, aucun des accompagnants n’a pris l’initiative d’appeler le Centre Antipoison. 3- Signes fonctionnels et signes physiques 24 patients (58,5 %) ont présenté au moins un symptôme en rapport avec l’empoisonnement avant l’admission. Les signes d’appel digestifs ont constitué les symptômes les plus fréquents : les vomissements ont été rapportés chez 21 malades. Dans 9 cas, une somnolence ou des troubles de conscience ou du comportement étaient au premier plan. Aucun enfant ne s’est présenté dans un 19 état d’instabilité hémodynamique ni de détresse respiratoire aiguë. La fig. 13 indique les proportions des différents signes fonctionnels et physiques. Fig. 13 : Prédominance des symptômes constatés à l’admission 4- Diagnostic de gravité Le diagnostic de gravité a été porté chez 14 patients (34 %) d’après la nature même du toxique et/ou sur la base des symptômes et/ou du contexte d’autolyse. Ces observations seront détaillées à la fin de ce chapitre. 20 V. Prise en charge 1- Hospitalisation Chez les 14 patients (34 %) dont l’intoxication aiguë avait un caractère d’emblée ou potentiellement grave, 13 ont été hospitalisés pendant plus de 12 heures aux services des urgences, de pédiatrie ou de réanimation polyvalente. La durée maximale du séjour a été de 5 jours. La figure 14 montre la répartition des malades parmi les services. Fig. 14 : Proportion des cas hospitalisés et leur répartition dans les services Les 27 patients restants (66 %) avaient des intoxications bénignes et ont été gérés en ambulatoire. 2- Avis du CAPM Le CAPM a été contacté au sujet de 14 malades en vue d’obtenir une orientation sur la gravité du cas ou sur les modalités de la prise en charge. Il n’a pas été contacté dans les situations bénignes ou familières et bien codifiées (66 %). 21 3- Recherche de toxiques La recherche de toxiques a été effectuée dans un seul cas, celui d’une intoxication accidentelle aux organophosphorés insoupçonnée par les proches, et qui a mis en évidence le toxique dans les urines. Les circonstances de l’empoisonnement sont devenues plus évidentes pour les proches qui ont confirmé ce dernier. 4- Traitement 4-1 Traitement symptomatique 66 % des patients ont bénéficié d’un traitement symptomatique administré au cours de leur séjour hospitalier ou prescrit en ambulatoire. Diverses classes thérapeutiques ont été utilisées, dominées par les antiémétiques et les antalgiques. Les 14 patients restants (34 %) n’ont eu besoin d’aucune prescription à titre symptomatique : 4 cas d’intoxication au CO ; 4 cas d’intoxication aux oestroprogestatifs ; 2 cas d’intoxication à un antihistaminique H1 ; 2 cas d’intoxication à un fluidifiant bronchique. 4-2 Traitement évacuateur a. Lavage gastrique L’indication d’un lavage gastrique a été posée chez 4 patients victimes d’un empoisonnement par un organophosphoré ou l’alphachloralose ou la quinine (Hexaquine®). Il a été effectué entre H1 et H4. b. Charbon activé 22 Le charbon activé a été employé lorsque l’indication était posée et suivant sa disponibilité (non commercialisé dans le marché). Il a été employé chez 2 enfants victimes d’une intoxication par le montélukast (Singulair®). 23 4-3 Antidote L’antidote le plus utilisé a été l’oxygène normobare au masque dans le cas des inhalations de CO (7 cas). Atropine et pralidoxime (Contrathion®) injectables ont été employés chez une patiente ayant ingéré un organophosphoré dans un but suicidaire, l’atropine seule a été utilisée chez un autre patient. La Nacétylcystéine (Exomuc®) poudre pour suspension orale a été tentée dans les 2 intoxications au chardon à glu (« ad-dad »), mais mal tolérée (vomissements immédiats). 24 VI. Evolution - L’évolution a été favorable pour 38 patients (93 %). - 2 patientes sont décédées : une fillette de 6 ans ayant ingéré du chardon à glu (ad-dad »), décédée au service des urgences à H20 de son admission (H35 de son intoxication) une fillette de 5 ans ayant ingéré du glimépiride (Amarel®), référée du CHP de Taza à H27 de l’intoxication, décédée 1 heure après sa sortie contre avis médical du service des urgences (H39 de son intoxication). - 1 patient a développé une sténose caustique comme séquelle nécessitant des séances de dilatation endoscopique. 25 VII. Observations notoires 1- Cas n° 4 et 5 : Intoxication à l’alphachloralose 1-1 Interrogatoire Ce sont 2 frères âgés de 18 mois et 3 ans, habitant les environs de Qariat Ba Mohammed, en milieu rural. Ils ont été admis au service des urgences à H3 pour ingestion accidentelle d’une quantité non précisée d’alpha-chloralose. Le raticide, entreposé dans une pièce à l’extérieur, a été retrouvé par les parents sur les lieux de l’accident (Fig. 15). Les parents rapportent la notion de vomissements spontanés et déclarent avoir administré un mélange fait de miel et d’huile d’olive avant de consulter au centre de santé d’où ils ont été référés vers notre structure. 1-2 Examen clinique L’examen clinique a trouvé l’ainé des deux légèrement somnolent, polypnéique avec des râles bronchiques diffus et des vomissements au moment de l’examen. Son jeune frère était asymptomatique et présentait moins d’épisodes de vomissements d’après les parents. 1-3 Prise en charge et évolution Tous les deux ont bénéficié d’un lavage gastrique ramenant de rares débris de couleur jaune pâle, notamment chez l’ainé. Après 24 heures de surveillance sans symptôme, les 2 frères ont été déclarés sortants sous amoxiclav. Fig. 15 : en vente libre à un modeste prix, ce sachet d’alphachloralose détaille en arabe le risque sur les chats ingérant les rats morts sans prévenir du danger pour les enfants. 26 2- Cas n°11 et 12 : Intoxication au chardon à glu (« ad-dad ») 2-1 Interrogatoire Il s’agit de 2 sœurs âgées de 6 et 4 ans, non scolarisées, vivant en milieu rural dans les environs de Qariat Ba Mohammed, admises aux urgences à H15 de leur ingestion accidentelle d’une quantité imprécise de chardon à glu (« ad-dad ») en pousse à proximité du domicile. Devant les vomissements apparus à H9, tard dans la nuit, les parents ont interrogé les deux fillettes qui ont confirmé la prise de la plante en fin d’après-midi. Elles n’ont pu être conduites aux urgences de l’hôpital al Ghassani qu’au petit matin par moyens de transport en commun. 2-2 A Examen clinique l’admission, l’ainée présentait toujours des vomissements, était consciente mais asthénique, subictérique, apyrétique, eupnéique. TA et FC étaient alors correctes. Sa jeune sœur ne présentait que des vomissements de plus en plus rares. Toutes deux ont bénéficié de la pose d’une sonde gastrique, d’une voie veineuse périphérique, d’un traitement antiémétique en IV. 2-3 Paraclinique Le bilan biologique de la plus jeune des patientes était peu perturbé, celui de sa grande sœur révélait des anomalies de l’hémogramme et des bilans hépatiques : une anémie à 4,8 g/dl hypochrome microcytaire et une ferritinémie élevée ; un TP à 50 % ; une hyperbilirubinémie à prédominance conjuguée : directe 135 mg/l indirecte 30 mg/l une cytolyse importante : 27 ASAT : 3320 UI/l (65x la normale) ALAT : 2000 UI/l (40x la normale) 28 2-4 Prise en charge et évolution Sur les recommandations du CAPM, on a procédé à une administration de N-acétylcystéine par sonde gastrique (Exomuc® 200mg sachets) chez les deux malades, sachant qu’une partie du traitement n’a pu être tolérée chez les deux et a été vomie malgré le traitement antiémétique. L’évolution n’a cessé d’empirer chez l’ainée qui a fini par installer un coma suivi du décès aux urgences 20 heures après son admission, soit 35 heures après l’ingestion. Sa sœur a été déclarée sortante 48 heures après son intoxication et un bilan biologique toujours normal. 29 3- Cas n°19 : Intoxication à un organophosphoré 3-1 Interrogatoire Il s’agit d’un garçon de 7 ans, hospitalisé au service de pédiatrie pour vomissements et somnolence d’installation aiguë remontant au jour même de son admission, évoluant dans un contexte apyrétique. C’est un garçon scolarisé qui a assisté aux cours le matin avant de présenter les symptômes en fin d’après-midi, menant les parents et les proches à consulter. Il ne présente aucun antécédent médical particulier et ne prend aucune médication au long cours, avec un profil psychologique a priori normal. La possibilité d’un empoisonnement restait peu probable pour les proches. 3-2 Examen clinique L’examen à l’admission trouvait un enfant conscient mais somnolent par moments, coopérant, apyrétique, eupnéique, stable sur le plan hémodynamique : FC : 78 b/min, TA : 11/6 cmHg. Il n’y avait aucun déficit sensitif ni moteur, les réflexes étaient présents et symétriques. 3-3 Au Prise en charge cours de son hospitalisation en pédiatrie, les paramètres hémodynamiques et respiratoires sont restés stables. Sur le plan paraclinique : ionogramme sanguin : sans particularités ; TDM cérébrale puis PL : normales. Face à la détérioration progressive de son état de conscience, le GCS ayant atteint 11, un transfert au service de réanimation a été nécessaire (H16 de son admission). En réanimation, le patient est resté inconscient (GCS : 10) avec myosis et bradycardie : 40 – 60 b/min, ayant nécessité des bolus d’atropine. Il a présenté également une paralysie faciale périphérique fruste (signe de Froment positif). ECG : bradycardie sinusale avec troubles de la repolarisation ; 30 recherche de toxiques dans le plasma, les urines et le contenu gastrique : présence d’organophosphorés dans les urines et la sonde gastrique. Face au tableau devenu évident de syndrome intermédiaire des organophosphorés, l’interrogatoire a été repris avec la famille, dont la majorité des membres n’avait pas idée de l’origine de l’empoisonnement. Un des proches a été orienté vers le contexte en interrogeant les camarades de classe du patient, qui ont affirmé que ce dernier a ingéré un verre de boisson sucrée, aromatisée et fraiche, vendue par un des marchands ambulants à la sortie de l’école. Le marchand utiliserait un insecticide pour éloigner les mouches, insecticide qu’il aurait pulvérisé par maladresse et contaminé ainsi accidentellement la solution. 3-4 Evolution Le patient a été transféré au service de pédiatrie à J4 après amélioration de son état de conscience. Il est sorti à J5 de son hospitalisation avec contrôles favorables. 31 4- Cas n° 22 : Intoxication au glimépiride (Amarel®) 4-1 Interrogatoire C’est une fillette de 5 ans, non scolarisée, habitant avec ses parents dans la ville de Taza. Au cours d’une soirée en famille, la fillette qui était jusqu’alors active et vigilante, a présenté de façon brutale une perte de connaissance avec des sueurs. Les proches ont alors fait goutter et ingérer du miel à la petite qui a rapidement repris connaissance, avant de présenter les mêmes symptômes 1 heure plus tard, avec une reprise plus lente de l’état de conscience. Ce n’est que plusieurs heures plus tard que la tante, diabétique sous traitement par glimépiride (Amarel® 1mg comprimés, couleur rose), s’est rendue compte de l’absence de 6 à 8 comprimés dans les tablettes du médicament qui était dans son sac-à-main. L’horaire d’ingestion a été estimé à 6 heures avant son admission au CHP de Taza, où la malade a été mise sous perfusion de Sérum Glucosé à 10 %, malgré quoi la patiente présentait toujours des troubles de conscience entrecoupés de moments de lucidité, ainsi que des crises convulsives tonico-cloniques généralisées. Devant la non amélioration elle a été référée au CHU Hassan II pour prise en charge (à H27 de l’intoxication). 4-2 Examen clinique A l’admission au service des urgences, la patiente présentait un coma avec un GCS à 8, avec des pupilles égales et réactives, un état respiratoire et hémodynamique stable et sans anomalies du reste de l’examen clinique. 4-3 Paraclinique Sur l’ionogramme, la glycémie était à 0,15 g/l sous perfusion de SG 10 %. 4-4 Prise en charge et évolution Malgré la mise en place d’une perfusion permanente de SG 15 %, les contrôles par glycémie capillaire trouvait des chiffres d’hypoglycémie sévère. Les 32 convulsions tonico-cloniques généralisées, par moments partielles, d’une durée de quelques minutes finissaient par céder sous bolus de SG 15 % et diazépam en IV. La sonde gastrique maintenue en siphonage ramenait un liquide bilieux. L’état de conscience était en dégradation continue et les parents ont décidé d’une sortie contre avis médical à H39 de son intoxication, suivie du décès 1 heure plus tard comme l’a confirmé le CAPM. 33 5- Cas n° 25 : Intoxication à l’eau de javel concentrée 5-1 Interrogatoire C’est un nourrisson de 18 mois, de sexe masculin, dernier d’une fratrie de 2, élevé par sa maman femme au foyer et son père fonctionnaire. Il a ingéré l’après-midi accidentellement une quantité minime d’eau de javel reconstituée à partir d’acide chlorhydrique (esprit de sel) vendu par un marchand ambulant. Cette préparation était contenue dans une bouteille d’eau de javel conventionnelle (à 12° chlorométriques) disposée sous l’évier. La maman a été alertée par les cris intenses de son enfant et a commencé par nettoyer les projections de liquide sur les mains et la bouche. Voyant que la douleur ne s’apaisait pas, elle a consulté à H2 d’ingestion au service de pédiatrie. Le nourrisson a entre temps vomi à 2 reprises, sans notion d’hématémèses et présente au moment de son admission une hypersialorrhée. 5-2 Examen clinique A l'examen, hypersialorrhée, œdème de la lèvre inférieure, érythème douloureux péribuccal, de la langue et de la face interne des joues. Le malade était apyrétique, stable sur les plan respiratoire et hémodynamique. 5-3 Prise en charge et évolution Un bilan paraclinique initial a été réalisé montrant une hyperleucocytose à 15500/mm3 avec une hémoglobine, une numération plaquettaire, un TP et une radiographie thoracique normaux. A son admission, le patient a été maintenu à jeun avec une ration de base, antihistaminique H2 et antiémétique par voie intraveineuse dans l'attente d'une exploration endoscopique. Le lendemain il a été mis sous amoxicilline protégée injectable, devant l’aggravation de l’hyperleucocytose à 18200/mm3. La FOGD a été réalisée à J3 montrant des lésions érosives de l’ensemble de l'œsophage avec 34 présence de fausses membranes par endroits. Le patient a été traité par IPP et dompéridone et une reprise de l’alimentation liquide a été autorisée. Au cours du contrôle 4 semaines plus tard, les parents rapportent la présence d’une dysphagie aux solides. A la FOGD, on pouvait noter une sténose haut située infranchissable par le fibroscope, avec une muqueuse sous-sténotique siège de lésions érosives (fig. 16). Le TOGD confirme la sténose caustique en objectivant la présence d’une sténose régulière du 1/3 supérieur de l'œsophage étendue sur 3 cm. Fig. 16 : Sténose œsophagienne caustique avant dilatation (a), au cours du passage du fil guide (b) et après dilatation (c) [Iconographie du Service de Pédiatrie – CHU Hassan II] Après 4 séances de dilatation endoscopique, l’enfant garde 1 an ½ plus tard une bonne courbe de croissance staturo-pondérale malgré une dysphagie transitoire aux solides. Il est régulièrement suivi en consultation par l’unité de gastro-entérologie pédiatrique. 35 6- Cas n° 26 et 27 : Intoxication au montélukast (Singulair®) 6-1 Interrogatoire Il s’agit de 2 garçons de 11 et 7 ans, Marocains d’origine et résidant en Angleterre, venus à Fès pour des vacances en famille. Ils ont ingéré respectivement 4 et 2 comprimés de montélukast (Singulair® 5 mg cp, couleur rose), médicament anti-leucotriène prescrit à leur mère pour son asthme (fig. 17). La boite était disposée dans une armoire au salon. La mère et ses deux enfants ont consulté à H1 de temps post-ingestion et ont été hospitalisés au service de pédiatrie. 6-2 Examen clinique Les deux enfants étaient asymptomatiques. 6-3 Paraclinique L’ECG à la recherche de troubles de conduction et du rythme cardiaque était normal. 6-4 Prise en charge et évolution Sur les recommandations du CAPM, du charbon activé a été administré aux 2 enfants. Ceux-ci sont restés asymptomatiques et ont été déclarés sortants le lendemain (H14 de l’intoxication) après un contrôle ECG qui s’est révélé être normal. 36 Fig. 17 : Le montélukast (Singulair®) disposé dans une plaque thermoformée ingéré par les 2 frères (cas n°26 et 27) 7- Cas n° 31 : Intoxication à un organophosphoré 7-1 Interrogatoire C’est une adolescente de 13 ans, ainée d’une fratrie de 5, admise en pédiatrie à H3 pour une intoxication par organophosphoré dans un but d’autolyse. Elle habite la campagne environnant Fès, est non scolarisée et n’a aucun antécédent particulier, notamment pas de tentatives suicidaires ni symptômes dépressifs. Après avoir réussi à établir le contact, la patiente a avoué avoir ingéré 3 gorgées d’un pesticide liquide, le Diazinon®, suite à un conflit avec son père agriculteur. Elle a aussitôt exprimé des remords quant à son geste et a accepté de procéder à une évacuation par lavage gastrique, ramenant un liquide bilieux d’allure normale. 7-2 Examen clinique A son admission, la patiente était tachycarde à 120 b/min, poplypnéique à 26 c/min, normotendue (12/6 cmHg). Elle présentait aussi un myosis et une hypersalivation, sans autres anomalies. Le tableau clinique correspondant à celui d’une forme mineure, un traitement par atropine IV ainsi qu’une surveillance de 12 heures ont été proposées. 7-3 Paraclinique Des examens complémentaires ont été réalisés dans les heures qui suivent : dosage des CPK-MB : 35 UI/l (normale). hyperleucocytose à prédominance PNN avec lymphopénie : leucocytes : 17400/mm3 PNN : 16000/mm3 lymphocytes 750/mm3. 37 troponine Ic : 0,04 (négative) ECG : sans particularités. 38 7-4 Prise en charge et évolution A H13 de son intoxication et malgré le lavage gastrique et l’administration de bolus d’atropine, la malade a présenté un myosis très serré, un hoquet tenace, des fasciculations spontanées notamment aux bras et aux cuisses, tout en restant consciente, eupnéique et stable sur le plan hémodynamique. Sur l’ECG il y avait des troubles de la repolarisation (ondes T négatives) sans troubles du rythme ni blocs de conduction. Ces signes correspondant à une forme modérée avec risque d’aggravation, nous avons eu recours également au pralidoxime (Contrathion®). Après 48 heures de son admission, la patiente est devenue asymptomatique. La sortie a été décidée au 5ème jour, avec prise de rendez-vous au service de psychiatrie. 39 8- Cas n° 38 : Intoxication au prazépam (Lysanxia®) 1-1 Interrogatoire C’est une adolescente de 10 ans, habitant Fès, admise au service des urgences à H16 d’une intoxication intentionnelle au prazépam (Lysanxia® 10mg comprimés). La jeune adolescente est enfant unique, scolarisée et élevée par sa mère veuve et dépressive sous multiples traitements parmi lesquels le prazépam (Lysanxia®), absente au moment de la consultation. Son père est décédé à l’âge de 2 ans. C’est avec sa jeune tante, vivant avec elles sous le même toit, qu’elle est venue consulter. Aucun antécédent personnel similaire n’a été rapporté. Après avoir réussi à établir un dialogue, la fillette a avoué la prise de 14 comprimés de Lysanxia 10 mg, médicament entreposé dans l’armoire de la chambre à coucher de sa maman. Elle justifie son geste par l’amertume d’un été passé sans vacances, contrairement à ses camardes de classe « plus chanceux d’avoir un père pour financer des vacances ». 8-2 Examen clinique A domicile, le soir, la fillette a vomi à 2 reprises, avec une somnolence marquée. A son admission, la somnolence était en nette amélioration et la malade ne présentait aucune autre anomalie à l’examen somatique. 8-3 Prise en charge et évolution Devant l’absence d’éléments cliniques de gravité, la priorité de la prise en charge a été de restaurer la confiance en ses proches et les médecins, de sorte à la dissuader d’une récidive. La jeune fille a reconnu la gravité du geste et a fini par accepter l’idée d’une consultation en psychiatrie. Elle a été déclarée sortante le jour même. 40 9- Cas n° 41 : Intoxication à l’halopéridol (Haldol®) 2-1 Interrogatoire Garçon de 4 ans ½, 4ème d’une fratrie de 5, habitant Fès, élevé par une maman femme au foyer et un père fonctionnaire connu porteur d’une psychose chronique depuis 30 ans et pour laquelle il prend de l’halopéridol (Haldol® gouttes), phénothiazine (Largactil® comprimés) et lévomépromazine (Nozinan® comprimés). L’enfant a été admis à H36 pour une ingestion accidentelle d’halopéridol (Haldol® gouttes) estimée par le père à 60 gouttes. Le père a constaté à partir de H8 une somnolence manifeste, qu’il jugeait compréhensible au vu des propriétés thérapeutiques de la molécule. A partir de H24 l’enfant a présenté des mouvements anormaux pour lesquels il a administré 2,5 mg de trihexyphéniclyle (½ comprimé d’Artane® 5 mg) dont il avait possession, avec selon lui une correction partielle des troubles. C’est face à la persistance des symptômes et devant l’insistance de la maman que la décision de consulter a été prise. 9-2 Examen clinique A son admission, l’enfant présentait à la fois les signes neuropsychiques, extrapyramidaux et neurovégétatifs d’un surdosage à l’halopéridol : effets neuropsychiques : somnolence entrecoupée de moments de lucidité, sans troubles de conscience. effets extrapyramidaux (hyperkinétiques) : tremblements ; dyskinésie : déviation des globes oculaires à droite (crises oculogyres) ; hypertonie : attitude fléchie penchée en avant. 41 effets neurovégétatifs : bradypnée à 10 c/min ; tachycardie à 150 b/min, contexte apyrétique. hypersialorrhée. 9-3 Prise en charge et évolution Après consultation du CAPM, le patient a bénéficié d’une injection de diazépam (Valium®) en intra-rectal, suite à laquelle il a présenté une amélioration immédiate des signes extrapyramidaux (hypertonie, tremblements, dyskinésie). Les troubles végétatifs, notamment bradypnée et tachycardie, ont totalement cédé dans les 2 heures qui ont suivi l’admission. La sortie a été décidée le lendemain après une surveillance favorable de 12 heures. 42 DISCUSSION 43 I. Définitions Plusieurs définitions méritent d’être rappelées en vue de mieux cerner le phénomène des intoxications. 1- Traumatisme Selon l’OMS, c’est une lésion corporelle provoquée de manière subite ou brève par une énergie violente sur l’organisme. Il peut s’agir : d’une lésion physique résultant d’un transfert soudain ou excessif d’énergie dépassant le seuil de tolérance physiologique de l’atteinte d’une fonction résultant d’une privation d’un ou de plusieurs éléments vitaux (air, eau, chaleur), dans un laps de temps bref. L’énergie en question peut être mécanique, thermique, chimique, électrique ou irradiante [1]. 5,8 millions de personnes meurent chaque année de traumatismes d’après les statistiques de l’année 1998 [2]. 2- Accident Dans les traumatismes, on distingue ceux : intentionnels : suicides et tentatives de suicide, agressions et violences, faits de guerre. accidents : accidents de la circulation, de travail et de la vie courante. La définition des accidents découle de celle des traumatismes : ce sont des traumatismes non intentionnels. 3- Intoxication (= Empoisonnement) Selon l’OMS, c’est une lésion cellulaire ou tissulaire, un trouble fonctionnel ou un décès causés par l’inhalation, l’ingestion, l’injection ou l’absorption d’une substance toxique ou « poison ». L’empoisonnement peut aussi se produire in utero [3]. 44 Ainsi, l’empoisonnement est un traumatisme, pouvant être accidentel au même titre que les accidents de la circulation, de travail ou de la vie courante (noyades, brûlures, chutes,...) ou intentionnel qu’il soit hétéro- ou auto-infligé [3]. L’énergie en question est dans ce cas chimique. 45 II. Epidémiologie Les données épidémiologiques des intoxications aiguës de l’enfant présentent des divergences notables avec celles de l’adulte, entre différentes tranches d’âge au sein même de la population pédiatrique et d’un pays à l’autre. Néanmoins, certaines de ces données restent universelles. 1- Fréquence 1-1 Dans le Monde L’OMS affirme dans un rapport que l’incidence des intoxications accidentelles chez les enfants < 15 ans a été de 282,4/100 000 en 2004, ce qui représente 10,9 % de l’ensemble des traumatismes accidentels chez l’enfant [3]. Le nombre d’intoxiqués, notamment parmi les enfants, est donc considérable. L’ampleur du phénomène peut être appréciée par les données de certains pays dont les réseaux de collecte d’informations sont les mieux structurés : en France, en 2006, 197 042 cas d’exposition humaine à un toxique ont été recensés, avec des circonstances accidentelles dans 82,5 % des cas, intéressant le plus souvent des enfants âgés de 1 à 4 ans (fig.18) [4]. Aux Etats-Unis, 2 482 041 cas d’intoxication humaine ont été rapportés en 2007, sachant que 38,1 % d’entre eux étaient âgés de < 3 ans et 51,2 % âgés de < 6 ans [5]. 1-2 Au Maroc Depuis l’instauration de la déclaration obligatoire des intoxications en 1980, le Maroc dispose d’une base de données qui lui est propre : 4313 cas d’intoxication aiguë ont été déclarés en 2008, chiffre assez constant par rapport aux années précédentes [6]. Il faut cependant garder à l’esprit que près de 27,4 % de ces déclarations concernent des schématisé sur la figure 19. 46 toxi-infections alimentaires, comme Fig. 18 : Répartition des intoxications aiguës accidentelles par tranches d’âge en France (2006) [4] Fig. 19 : Proportion de différentes catégories de toxiques parmi les cas d’intoxication aiguë déclarés au CAPM pendant l’année 2008 [6] 47 L’incidence des intoxications aiguës au Maroc est certainement sousestimée : la grande majorité des cas recensés au CAPM provient des déclarations des structures sanitaires publiques [7], qui prennent en charge les cas les plus sérieux. Ainsi, les déclarations faites au centre antipoison sont au Maroc 50x moins nombreuses qu’en France et 500x moins nombreuses qu’aux Etats-Unis, pays qui compte une population 10x plus importante [4,5]. Statistiquement, les enfants et adolescents sont les premières victimes des intoxications aiguës dans de nombreux pays [4,5,8]. Au Maroc, malgré une pyramide des âges pourtant plus large, la prédominance pédiatrique semble moins forte : de 1980 jusqu’à 2007, les moins de 15 ans n’ont constitué que 32,4 % des intoxiqués [7]. En 2008, ils n’ont été que 28,4 % [6]. Dans notre série, sur les 41 cas d’intoxication aiguë retenus, 7 ont été hospitalisés au Service de Pédiatrie de l’Hôpital Al Ghassani : ils représentent 0,82 % des hospitalisations qui ont eu lieu au cours de l’année 2008 (au nombre de 850). 2- Mortalité 2-1 Mondiale Selon un rapport de l’OMS au sujet des traumatismes accidentels, 345 814 personnes de tous âges sont décédées en 2004 suite à un empoisonnement accidentel, parmi lesquelles 9,4 % sont des enfants de moins de 15 ans [3]. Les empoisonnements accidentels viennent au 13ème rang dans les causes de décès chez les 15 – 19 ans à l’échelle mondiale [3]. A ces chiffres, doivent s’ajouter ceux des décès par empoisonnement intentionnel. Des écarts significatifs existent d’une zone géographique à l’autre : plus de 40 % des 32 728 enfants décédés d’une intoxication accidentelle sont Africains [3]. Dans les pays à faible et moyen revenus dont fait partie le Maroc, le taux de 48 mortalité par empoisonnement accidentel chez les < 20 ans est de 2/100 000, c’est-à-dire 4x plus élevé que dans les pays à haut revenu, portant la moyenne mondiale à 1,8/100 000 [3]. En France, 138 décès ont été rattachés à une intoxication aiguë en 2006 [4], d’où un taux de mortalité de 1,05 ‰, avec un écart considérable entre les taux de mortalité par intoxications accidentelle (0,4 ‰) et volontaire (4,7 ‰) [4]. La majorité des décédés sont âgés de ≥ 20 ans, tel que le montre la figure 20. Aux Etats-Unis, 1239 décès ont été imputés à une intoxication aiguë en 2007 [5], d’où un taux de mortalité de 0,49 ‰. Les enfants de < 12 ans n’ont constitué que 3,8 % des décédés [5], confirmant la plus faible tendance aux décès en bas âge. Pourtant, le décès par intoxication aiguë n’est pas une fatalité chez l’enfant : aucun enfant n’est mort par intoxication aiguë en Suisse de 2004 jusqu’à ce jour [8-12]. Fig. 20 : Répartition des décès par intoxication aiguë entre différentes tranches d’âge en France (2006) [4] 49 2-2 Nationale Sur les 4313 cas d’intoxication aiguë déclarés pendant l’année 2008, le Centre AntiPoison du Maroc (CAPM) rapporte 37 décès (parmi lesquels 7 enfants) [6], correspondant donc à une létalité globale de 8,5 ‰. Ce taux de létalité reste schématique et doit être interprété avec beaucoup de précautions pour plusieurs raisons : l’évolution non précisée pour 20 % des cas déclarés [6]. la sous-déclaration fort probable. En effet, une étude rétrospective couvrant 27 ans (1980 – 2007) effectuée elle aussi par le CAPM a trouvé 1203 décès et une mortalité de 2,3 % [7], taux extrêmement élevé au regard des données de la littérature. Cette surestimation de la mortalité ne peut s’expliquer que par une sous-estimation du nombre d’intoxications. Dans notre pays, 194 jeunes adolescents âgés de 10 à 19 ans sont décédés entre 1992 et 2005 des suites d’une intoxication aiguë, le contexte étant accidentel pour près de la moitié d’entre eux. Au sein de cette tranche d’âge, les enfants de 10 à 14 ans présentent un taux de mortalité de 0,8 ‰ [13]. Dans notre série, nous déplorons 2 décès, soit une létalité de 4,9 %. Cette donnée compte sans nul doute des biais, du fait que ce sont les cas symptomatiques, plus sévères, qui motivent le plus les parents à consulter en urgence au CHU. 50 3- Morbidité Contrairement aux données de mortalité, les données mondiales relatives aux empoisonnements non mortels ne sont pas aisément accessibles. Dans les pays développés, les intoxications aiguës viennent en 2ème rang des accidents de l’enfant avec 4,6 %, ces derniers étant nettement dominés par les traumatismes (64,6 %) [14]. La problématique est inverse dans les pays émergents : au CHU de Brazzaville par exemple, il s’agit de l’accident grave le plus fréquent chez l’enfant, justifiant 65 % des hospitalisations pour accident [15]. En effet, chez l’enfant les intoxications donnent lieu à un taux d'hospitalisation plus élevé que les autres accidents, spécialement en bas âge. Ceci est dû à l'ignorance fréquente de la nature exacte du toxique et de la quantité réellement ingérée. En région parisienne, les intoxications aiguës représentent ainsi 2% des hospitalisations en réanimation pédiatrique de l’hôpital Bicêtre et sont alors souvent de courte durée [16]. Les patients ayant survécu à une intoxication aiguë ne gardent habituellement pas de séquelles : 1,1 % des cas d’intoxication aiguë au Maroc [7]. Certains toxiques sont connus pour laisser des séquelles : c’est le cas notamment des sténoses œsophagiennes survenant à distance d’une ingestion de produits ménagers caustiques, des séquelles pulmonaires en rapport avec l’ingestion de produits pétroliers ou encore de l’encéphalopathie hypoglycémique conséquente à un alcoolisme aigu chez le jeune enfant [17]. Un de nos patients (soit 2,5 % des cas) est toujours suivi pour une sténose caustique du bas œsophage, séquelle d’une ingestion accidentelle d’eau de javel. Il nécessite encore des séances régulières de dilatation endoscopique. 51 4- Coût social et économique En matière de santé publique, la maitrise des coûts financiers des prestations de santé à court et à long terme est une nécessité pour garantir et améliorer le niveau des soins à l’échelon national. Peu d’études ont été menées sur le coût des empoisonnements, notamment les empoisonnements d’enfants ou ceux qui se produisent dans des pays à bas ou moyen revenu [3]. Selon une étude Sud-Africaine, le coût annuel direct des hospitalisations à la suite d’un empoisonnement par du pétrole lampant représente à lui seul au moins 1,4 millions de dollars américains [18]. Une autre étude menée aux Etats-Unis confirme ce coût élevé et l’estime à 1780 dollars américains par cas d’empoisonnement, comprenant les frais médicaux, la perte de revenu et la perte de qualité de vie [19]. 52 III. Physiopathologie L’Intoxication est un événement dont la portée varie en fonction de 3 paramètres : l’intoxiqué, le toxique et l’intoxication. 1- L’intoxiqué 1-1 Age D’après l’International Programme on Chemical Safety de l’OMS, 7 catégories d’âge doivent être prises en considération dans l’étude des intoxications aiguës : nouveau-né : 0 – 4 semaines ; nourrisson : 1 – 12 mois ; bébé marcheur: 1 – 4 ans ; enfant : 5 – 14 ans ; adolescents : 15 – 19 ans ; adultes : 20 – 74 ans ; personnes âgées : > 75 ans. Les enfants et adolescents jusqu’à 15 ans d’âge sont la cible de notre étude. Cette tranche d’âge représente en 2008 environ 30,5 % de la population Marocaine [20]. Dans notre travail, la catégorie des « bébés marcheurs » était la plus fréquente, en constituant à elle seule 2/3 des intoxiqués (65,8 %). La prédominance de cette tranche d’âge est classique dans la littérature. Dans une étude récente portant sur les données hospitalières de 4 pays à bas et moyen revenus, il a été constaté que 54 % des empoisonnements de l’enfant sont observés chez les bébés marcheurs (1 – 4 ans), contre 2 % seulement chez les jeunes nourrissons de < 1 an [21]. Une autre étude précise que la période de 9 à 23 mois de vie constitue l’âge de prédilection pour les empoisonnements [22]. En effet, à cet âge commence l’acquisition de la marche et augmente la tendance à 53 empoigner les objets et les porter à la bouche, chez des enfants dont la nature est de plus en plus curieuse [3]. Toutefois, le taux de mortalité chez le nourrisson de < 1 an reste significativement plus élevé que chez les enfants plus âgés, du fait de la plus grande vulnérabilité du premier aux agents toxiques (fig. 22). Dans notre étude, on retrouve 2 pics d’âge : les nourrissons et jeunes enfants de < 6 ans, significativement plus nombreux, et les jeunes adolescents de 12 à 15 ans. A ces deux catégories d’âge correspondent deux mécanismes opposés : accidentel et intentionnel. Le contexte intentionnel devient plus fréquent à mesure que l’enfant grandit et devient adolescent, comme le soulignent les conclusions d’une étude rétrospective portant sur les intoxications mortelles chez les jeunes Marocains âgés de 10 à 19 ans : l’événement a été essentiellement accidentel chez les 10 – 14 ans (70,5 %) et essentiellement intentionnel chez les 15 – 19 ans (91 %) [13]. En conclusion, on peut dire que les intoxications aiguës de l’enfant sont plus fréquentes chez le bébé marcheur (1 – 4 ans) alors qu’elles sont particulièrement graves chez le très jeune nourrisson (1 – 12 mois) et l’adolescent. 54 Fig. 21 : Répartition des intoxications aiguës au Maroc entre 1980 et 2007 par groupes d’âge [7] Fig. 22 : Taux d’empoisonnements mortels pour 100 000 enfants par âge et par sexe dans le Monde en 2004 [3] 1-2 Sexe Dans notre série, les 2 intoxications dans un but d’autolyse étaient toutes l’œuvre de fillettes âgées de 10 à 13 ans. Tous les autres intoxiqués (95 %), parmi lesquels les 2 enfants décédés, l’ont été de manière accidentelle. La faible prédominance masculine dans notre étude (sex-ratio : 1,2) doit être relativisée vu le faible effectif. En milieu pédiatrique, il n’y a habituellement pas de prédominance de sexe dans les intoxications accidentelles [4,5]. Pour les intoxications intentionnelles, surtout à l’adolescence, la prédominance féminine est nette : jusqu’à 82,7 % des patients [4,16]. A l’échelle nationale et en dehors de toute considération d’âge, la prédominance est féminine parmi les intoxiqués (sex-ratio : 0,68 en 2008) et masculine parmi les décédés par intoxication (sex-ratio : 1,3 en 2008) [6]. Il est d’ailleurs admis que les femmes sont plus nombreuses parmi les suicidants alors que les hommes le sont parmi les suicidés. 55 En somme, à la puberté, les jeunes filles sont plus à risque d’empoisonnements que les garçons, le contexte étant plus souvent intentionnel. 1-3 Contexte Au Maroc, en 2008, les intoxications ont été accidentelles dans plus de 85 % des cas [6], situation assez constante et similaire à celle d’autres pays parmi lesquels les pays occidentaux [4,5]. Nos malades n’y font pas exception : 95 % d’entre eux ont été accidentellement empoisonnés. Ces accidents peuvent à leur tour être classés en : accidents de la vie courante ou liés à un défaut de perception du risque : majoritaires ; erreurs thérapeutiques ; accidents professionnels [4]. Les expositions volontaires comprennent : tentatives de suicides : nettement plus fréquents ; tentatives d’homicide ; conduites addictives et toxicomanie [4]. Quoique rare, la tentative de suicide ou d’empoisonnement criminel doit être systématiquement évoquée après l’âge de 6 ans, âge au-delà duquel l’intoxication accidentelle devient moins plausible [23]. Aux Etats-Unis, les expositions intentionnelles sont au premier rang des empoisonnements chez les adolescents de 13 à 19 ans, aussi bien en termes de fréquence que de mortalité [5]. La situation est similaire en France qui compte plus de décès par mécanisme intentionnel que par mécanisme accidentel [4]. Dans notre pays en revanche, près des 2/3 des morts par intoxication aiguë l’ont été de façon accidentelle [6]. Dans notre série les deux fillettes décédées étaient accidentellement exposées au 56 toxique. Il s’agit là d’une des rares différences entre les intoxications des pays riches et celles des pays émergents. 57 1-4 Lieux de survenue des intoxications aiguës et milieu social D’après les données récapitulatives des intoxications aiguës au Maroc, la région de Fès-Boulemane vient malgré sa grande population en 11ème position par ordre de fréquence (2,7 % des déclarations), la région du Grand-Casablanca étant en tête (17,5 % des déclarations) [7]. Dans notre série, 75 % des intoxications se sont produites en milieu urbain et 95 % ont eu lieu à domicile, rejoignant les données de la littérature : en effet, le domicile est de façon universelle le lieu de prédilection des intoxications aiguës quelle que soit la population étudiée (près de 90 %) [4,5,7,8]. En France, les établissements hospitaliers viennent en 2nd, les intoxications qui s’y produisent surviennent essentiellement dans le cadre de surdosages thérapeutiques [4]. Par ailleurs, les intoxications sont plus fréquentes chez les enfants de parents jeunes, de faibles revenus, souvent en déménagement car souvent plus nombreux et mal surveillés [3]. 85 % de nos malades sont de revenus modérés à modestes. 1-5 Caractère collectif L’inhalation de gaz, notamment le CO, est la plus classique des intoxications collectives. Nous l’avons constatée à 3 reprises, concernant à chaque fois 2 ou 3 enfants accompagnés de proches eux-mêmes atteints. En outre, dans 3 situations, nous étions confrontés à des membres d’une même fratrie ayant ingéré accidentellement le même toxique, ce qui représente une spécificité pédiatrique. Nous avons noté qu’à chaque fois c’était le plus âgé d’entre eux qui était le plus gravement atteint : la quantité ingérée était toujours plus grande. 58 2- Le toxique 2-1 Type L’ordre de fréquence des toxiques diffère chez l’enfant par rapport à l’adulte, vu la différence des contextes prédominants : accidentel ou intentionnel. Enfants et adultes partagent tous deux un nombre restreint d'intoxications qui revêtent d’un caractère plutôt collectif, comme l’inhalation de CO. Cette dernière a été au Maroc, en 2008, la cause la plus fréquente d’intoxications, devant les médicaments. C’est aussi la 2ème cause de décès par toxiques, derrière les pesticides. En effet, les pesticides ont été responsables de 14 des 37 décès enregistrés en 2008 [6]. Ils ont été employés pour 71,4 % des suicides au Maroc selon une autre étude couvrant la période de 1992 à 2005 [13]. Le toxique fait très souvent partie de l’environnement immédiat de la population, expliquant les variations de chiffres d’une sphère géographique à une autre : aux Etats-Unis, la majorité des intoxications de l’enfant ≤ 5 ans sont médicamenteuses, tandis qu’au Congo-Brazzaville 60 % des intoxications pédiatriques sont dues au pétrole lampant, utilisé à grande échelle dans l’éclairage [5,15]. Dans notre série, ce sont les médicaments puis les produits ménagers qui ont été les principaux toxiques en cause, comme classiquement décrit dans la littérature. Cependant, la classe thérapeutique la plus concernée a été celle des œstroprogestatifs, alors qu’habituellement ce sont les psychotropes qui viennent en premier [4,5,8]. 2-2 Nombre L’intoxication étant souvent accidentelle, l’implication de plusieurs toxiques demeure rare : moins de 2 % des intoxications aiguës au Maroc, mais près de 10 % des intoxications aiguës aux Etats-Unis [5,7]. Nous n’avons constaté aucun cas 59 d’intoxication aiguë à plusieurs substances parmi nos malades, hormis pour un jeune enfant ayant ingéré des quantités minimes de 2 médicaments en sirop. 2-3 Propriétés physiques En général, un poison ingéré sous forme solide va être résorbé plus lentement, laissant plus de temps pour intervenir sur la résorption. L’absorption est par contre plus rapide pour les poisons liquides [3]. Les gaz peuvent être responsables aussi bien d’une toxicité locale que d’une toxicité systémique. 2-4 Mécanisme de la toxicité En prenant l’exemple des toxiques ingérés, ont peut schématiquement distinguer parmi les produits en cause : ceux dont la toxicité est purement locale : causticité pour les muqueuses digestives (eau de Javel, soude, permanganate de potassium, détergents,...) ceux dont l'absorption détermine secondairement des effets à distance. Cette dualité s’applique aussi pour les produits inhalés, comme pour les fumées d’incendie toxiques à plus d’un titre : les suies ainsi que d’autres vapeurs dégagées en fonction du combustible en cause comme l’acide chlorhydrique, l’ammoniac, l’oxyde d’azote… exercent une toxicité sur la muqueuse respiratoire. les gaz, notamment le CO, le CO2 et les cyanures, ainsi que d’autres produits comme les dérivés sulfurés entraînent une toxicité systémique. 60 3- L’intoxication 3-1 Voie d’intoxication En 2008, 66,7 % des intoxications aiguës ont eu lieu par voie orale, suivies de la voie inhalée (28,9%) et de la voie percutanée (4,4%) [6]. Les Centres Antipoison Américains rapportent pour 2007 des proportions significatives concernant les voies dermique (7,3 %) et oculaire (4,7 %) mais aussi la voie parentérale, rare mais à l’origine de 4,7 % des décès [5]. Chez nos patients, la grande majorité des intoxications aiguës se sont produites par ingestion (80 %), seules 8 (20 %) sont des cas d’inhalation de gaz. 3-2 Phases de l’intoxication L’intoxication aiguë suit en réalité un processus dynamique que l’on a coutume de décomposer en cinq phases : intervalle libre, phase d’aggravation des symptômes, phase d’état, phase d’amélioration et phase de guérison [24]. a. Intervalle libre Il s’agit de la durée écoulée entre l’exposition au toxique et les premiers symptômes. Ce délai correspond à l’absorption du toxique et à sa diffusion. Il varie en fonction du toxique considéré, sa quantité et la voie d’intoxication. b. Phase d’aggravation des symptômes En l’absence de prise en charge précoce et adéquate, cette phase risque de mener vers la phase d’état. c. Phase d’état Phase d’intoxication profonde pendant laquelle le risque encouru est le décès. d. Phase d’amélioration Au cours de cette phase, les effets du toxique commencent à se dissiper à mesure que celui-ci est éliminé par l’organisme. 61 e. Phase de guérison Cette phase mène à la guérison, le risque étant la persistance de séquelles. 62 IV. Diagnostic positif 1- Approche diagnostique globale dans les intoxications aiguës 1-1 Clinique a. Variabilité de la présentation clinique Chez l’enfant, plus que chez tout autre individu, l’intoxication aiguë est souvent bénigne et donne donc rarement lieu à des symptômes. Dans notre étude, les malades asymptomatiques ont constitué 41 % des cas, taux comparables à celles des statistiques les plus larges dans les autres pays [4,5]. Lorsqu’il est symptomatique, le tableau clinique est très polymorphe suivant le toxique en cause, la quantité ingérée et le délai écoulé avant la prise en charge. Chez l’enfant, les vomissements viennent souvent au premier plan du fait de la plus grande fréquence des empoisonnements par voie orale, notamment aux produits ménagers. Ils peuvent traduire la réaction de rejet du tube digestif à l’égard d’un toxique ingéré comme ils peuvent témoigner de l’effet systémique d’un toxique sur le système nerveux végétatif. Schématiquement, on peut dire que les signes digestifs sont les premiers à se manifester, arrivent secondairement les signes neurologiques et cardio- respiratoires plus en rapport avec un effet systémique du toxique alors que les effets viscéraux et hématologiques ne s’expriment que tardivement. b. Notion de toxidromes Par « syndrome toxique » ou « toxidrome » on désigne un ensemble de symptômes qui résultent de l’action toxicodynamique des xénobiotiques [25]. Ces symptômes représentent un ensemble de signes cliniques et éventuellement paracliniques caractéristiques d’une classe de toxiques, sans en être spécifique. Les toxidromes sont d’une grande aide diagnostique pour le clinicien mais constituent par la même occasion un élément de suivi. 63 Néanmoins, la présence d’un toxidrome bien défini n’est pas impérative, notamment face à des toxiques lésionnels (le paracétamol par exemple) ou des polyintoxications. Les toxidromes n’ont pas de spécificités pédiatriques [26]. c. Principaux toxidromes (fig. 23) Fig. 23 : Tableau récapitulatif des principaux toxidromes [25] Dans notre série, les syndromes cholinergique (muscarinique, nicotinique et central), pyramidal et extrapyramidal ont été les plus fréquemment retrouvés parmi les patients symptomatiques. Ils étaient en rapport avec des intoxications aux organophosphorés, à l’halopéridol et au glimépiride. 64 1-2 Paraclinique a. Non spécifique Pour les cliniciens amenés à prendre en charge des intoxications, la recherche et les dosages toxicologiques sont rarement accessibles en situation d’urgence. Certaines analyses biologiques non spécifiques peuvent alors représenter un complément utile voire déterminant pour le patient. En effet, elles seront intéressantes à plus d’un plan [24] : évaluation des fonctions vitales du patient et donc de la gravité du cas : fonctions cardio-pulmonaire, rénale, hépatique notamment. évaluation du retentissement sur l’homéostasie : équilibres glycémique, acido-basique, hydro-électrolytique,... orientation vers la classe du toxique, selon les troubles occasionnés. Dans notre contexte, ils occupent donc, après la clinique, une place cruciale. - Voici quelques exemples illustrant la place des examens de routine dans le diagnostic et l’évaluation des intoxications aiguës : degré et fréquence de l’hypoglycémie dans les intoxications par l’insuline ou les médicaments hypoglycémiants ; valeur de l’hyperglycémie et dosage du fer sérique dans les intoxications par les médicaments contenant du fer ; profondeur de l’hypokaliémie dans l’intoxication à la chloroquine ; hyperkaliémie dans les surdosages en digitaliques et en théophylline ; importance de l’acidose métabolique et des trous anionique et osmolaire dans les intoxications par les alcools et glycols. mesure des lactates et des gaz du sang dans les inhalations de fumées d’incendie (cyanures, CO). 65 valeur du TP dans les intoxications par les raticides coumariniques et les anti-vitamines K. La figure 24 résume les principales indications des examens de routine dans les intoxications les plus graves. Fig. 24 : Tableau récapitulatif de l’intérêt des examens de biologie standard dans les intoxications les plus graves [24] Dans notre série, les examens complémentaires les plus demandés ont été l’ionogramme sanguin ± aminotransférases (12 cas), le TP (8 cas), la radiographie thoracique (8 cas), l’hémogramme (6 cas) et l’ECG (5 cas). b. Spécifique Le toxique peut être détecté et éventuellement quantifié dans l’organisme directement ou à travers son métabolite ou son biomarqueur. La recherche peut s’opérer sur un échantillon de différents milieux biologiques, notamment le liquide gastrique, le plasma ou les urines, en tenant compte de la cinétique du toxique lorsque celui-ci est suspecté (fig. 25). Il n’existe pas de spécificités pédiatriques propres aux analyses toxicologiques [26]. L’intérêt peut être 66 diagnostique ou encore médico-légal dans le cas d’un empoisonnement à caractère criminel. Au Maroc, sur les 3536 prélèvements médico-légaux adressés de 1999 à 2003 au laboratoire de l’Institut National d’Hygiène, 5,9 % étaient positifs pour un toxique donné. La paraphényl-diamine (« takkawt roumia ») vient en tête des empoisonnements biologiquement confirmés qui ont été fatals (44 cas), devant le CO (35 cas), les pesticides (32 cas) et le phostoxin (20 cas) [27]. 67 Fig. 25 : Tableau récapitulatif des modalités de détection et dosage des toxiques les plus usuels [24] Cependant, il ne faut pas omettre que la recherche aveugle de toxiques dans les milieux biologiques est une pratique très coûteuse et faiblement rentable d’un point de vue diagnostique. Sans contextes anamnestique, clinique et paraclinique évocateurs, ces examens spécifiques seront donc d’un faible bénéfice. Les dosages toxicologiques doivent rester l’aboutissement dans l’analyse diagnostique et ne jamais en être le point de départ [24]. 2- Diagnostic de gravité La Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) définit l’intoxication grave chez l’enfant comme étant toute intoxication nécessitant une surveillance en unité de réanimation pédiatrique en raison de la quantité potentiellement létale de la substance absorbée ou des symptômes sévères observés (coma, détresse respiratoire, instabilité hémodynamique), ce qui correspond à 0,5 – 2 % des intoxications de l’enfant [28]. Différents éléments permettent de juger de la gravité d’une intoxication aiguë. 2-1 Eléments anamnestiques En l’absence d’une expérience et d’un recul suffisants, la gravité d’une intoxication est assez souvent sous-estimée sinon surestimée par le médecin, vu le nombre infini de toxiques et la méconnaissance de leurs effets, doublé chez l’enfant par la fréquente incertitude au sujet de la dose ingérée. Dans son rapport annuel, l’OMS a déterminé plusieurs facteurs clés qui conditionnent la gravité et donc l’issue d’un empoisonnement : la nature, la dose et la formulation du poison ; la co-exposition à d’autres poisons ; 68 la voie d’exposition ; l’âge de l’enfant, le fait qu’il s’est alimenté ou est à jeun, ses affections préexistantes [3]. Par les éléments de gravité qu’il est en mesure de mettre en évidence, l’interrogatoire reste une étape incontournable dans la prise en charge des intoxications bénignes à première vue. 2-2 Eléments cliniques Certains symptômes font que l’intoxication est indiscutablement jugée comme étant grave : les signes d’une défaillance cardiocirculatoire ou respiratoire : cyanose, dyspnée, bradypnée, polypnée, signes de lutte, bradycardie, tachycardie, hypotension artérielle systémique, état de choc. les signes d’une défaillance neurologique : coma et convulsions principalement. Au-delà de la gravité dont ils sont synonymes, ces symptômes sont quantifiables et permettent d’évaluer la gravité proprement parlant : valeurs des paramètres de monitorage cardio-respiratoire, score de Glascow, fréquence et durée des crises convulsives,… 2-3 Eléments paracliniques Le grand intérêt des examens de biologie non toxicologique est de détecter des anomalies paracliniques précoces avant que le patient ne devienne symptomatique ou n’en présente les complications. C’est l’exemple de [29,30] : glycémie : détection précoce de la tendance à l’hypoglycémie dans les intoxications sévères par le fer, les antidiabétiques oraux, l’insuline. hémogramme : 69 recherche d’une crise de déglobulinisation dans le cadre d’une intoxication aux produits méthémoglobinisants. recherche précoce d’une hyperleucocytose (> 18000/mm3) avant l’installation des signes d’insuffisance médullaire aiguë face à une intoxication par la colchicine. TP : détection précoce des anomalies liées à une intoxication par un antivitamine K ou un raticide coumarinique. recherche d’une CIVD dans le cadre d’une intoxication par la colchicine. aminotransférases : intéressantes à partir de H12 d’une intoxication par le paracétamol lorsque ce dernier n’a pu être dosé. Le pic plasmatique est plus précoce pour le paractéamol, celui des aminotransférases est atteint au 3ème jour. kaliémie, ECG : la dyskaliémie est un signe de gravité dans les intoxications aux digitaliques, β-bloquants, β-mimétiques, quinine, chloroquine, théophylline, les antidépresseurs tricycliques et tétracycliques entre autres. L’ECG est un examen plus pertinent pour évaluer la dyskaliémie. calcémie : rechercher une hypocalcémie qui est profonde dans les intoxications par l’acide fluorhydrique et oxalique (composants des antirouilles). gaz du sang : détection précoce d’une dépression respiratoire, d’un œdème aigu du poumon, d’une pneumopathie d’inhalation de façon non spécifique. 70 pH, lactacidémie, ionogramme sanguin : à la recherche d’une acidose métabolique avec trou anionique élevé, comme c’est le cas dans les intoxications à l’aspirine, au méthanol, éthylène glycol, isopropanol ou encore aux cyanures (ingestion accidentelle, fumées d’incendie,...) Ces exemples sont non exhaustifs et peuvent comporter des examens plus perfectionnés en fonction du plateau technique. 34 % des intoxications que nous avons eu à gérer présentent les caractères d’une intoxication grave. Cette proportion inhabituellement élevée s’explique par la tendance des services hospitaliers universitaires à prendre en charge électivement des affections sévères. Elle ne traduit pas la situation réelle des intoxications de l’enfant, certes plus nombreuses et moins souvent dangereuses. 2-4 Poisoning Severity Score Par le passé, la gravité des intoxications aiguës ne pouvait être évaluée que dans le cadre de scores généraux de sévérité, comme le score APACHE II. L’absence de spécificité faisait que ces scores n’étaient d’aucune utilité pratique face à une intoxication aiguë car ils sous-estimaient très largement la mortalité. En 1998, le « Poisoning Severity Score » fut mis en place par la collaboration de l’European Association of Poisons Centres and Clinical Toxicologists, l’International Programme on Chemical Safety et la commission Européenne [31]. Ce score, validé sur 9 toxiques, représente la première mesure visant à évaluer la gravité des intoxications aiguës de façon objective en les classant dans une des 5 catégories de gravité : absente, mineure, modérée, sévère et fatale (fig. 26). L’intérêt de ce score est davantage épidémiologique qu’individuel : il permet d’évaluer de façon globale les stratégies de prévention et de prise en charge plutôt que de déterminer la conduite à tenir pour un cas précis. 71 Fig. 26 : Poisoning Severity Score (d’après [31]) 72 V. Prise en charge 1- Traitement curatif Le traitement curatif des intoxications aiguës est urgent. Il comprend 3 volets : le traitement symptomatique est déterminant et prioritaire face aux traitements évacuateur et spécifique qui ne sont pas toujours possibles. 1-1 Hospitalisation La majorité des intoxications courantes ne nécessitent qu’une observation courte de 6 à 12 heures pour en apprécier la gravité [16,26]. Ce délai s’impose car le patient peut consulter à la phase silencieuse correspondant à l’intervalle libre. Il est habituellement suffisant, sauf face à certains toxiques comme le chardon à glu dont l’intervalle libre habituel varie entre 8 et 36 heures (H9 dans notre étude) [32]. L’hospitalisation peut avoir lieu dans une structure gérée par des pédiatres ou des urgentistes, mais certains critères imposent l’admission en unité de soins intensifs ou en réanimation [16] : la présence précoce d’une défaillance cardiocirculatoire ou respiratoire la présence d’une défaillance neurologique : coma ou convulsions. la dangerosité potentielle du toxique incriminé. Chez l’enfant, certains médicaments sont dangereux et menacent sérieusement le pronostic vital : barbituriques, valproate de sodium, médicaments à base de fer et paracétamol en sont les exemples les plus usuels [28]. Par contre, d’autres sont potentiellement létaux à faible dose et sont donc extrêmement dangereux : antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs calciques, clonidine, opiacés, salicylés, et sulfamides hypoglycémiants notamment [28,33]. Dans notre étude, l’une des deux malades décédées avait ingéré accidentellement du glimépiride (Amarel®). 73 74 1-2 Traitement évacuateur Le traitement épurateur (= évacuateur) est un traitement visant à diminuer la pénétration du toxique dans l’organisme et à augmenter son élimination [16]. Bien avant de procéder à des gestes spécifiques, il faut veiller à soustraire l’enfant à la source d’exposition, ôter éventuellement les vêtements contaminés et procéder à un lavage abondant de la peau ou des muqueuses exposées et le transporter dans un environnement aéré. a. Epuration digestive 1-2.a.1 Sirop d’Ipeca - Modalités d’utilisation : l’ingestion de sirop d’Ipéca, extrait à partir d’une plante d’Amérique du Sud, reste la seule méthode médicalement approuvée pour provoquer des vomissements chez l’enfant [34]. Il doit être administré à la dose de 10 à 15 ml chez les < 3 ans et de 20 à 30 ml chez les enfants plus âgés, dilué dans 5 à 10x son volume d’eau. - Efficacité : les vomissements surviennent dans 80 à 99 % des cas, généralement 20 minutes après l’administration et peuvent durer persister jusqu’à 3 heures après. Ainsi, il est impératif qu’il soit administré avant la 30ème minute suivant l’intoxication pour qu’il soit efficace [35,36]. - Effets secondaires : exceptionnellement vomissements syndrome de prolongés, diarrhée, Mallory-Weiss, léthargie et pneumomédiastins, pneumopathies d’inhalation [37]. - Indications et recommandations : aux Etats-Unis, l’American Academy of Pediatrics (AAP) a recommandé en 2003 d’abandonner le recours au sirop d’Ipeca comme mesure de traitement à domicile en cas d’intoxication par voie orale [38]. Jusqu’alors, l’usage du sirop d’Ipeca était répandu, l’idée étant que les vomissements provoqués permettent de décontaminer le tube digestif du 75 toxique. Les recommandations initiales de l’AAP, datant de 1983, publiées en 1989 et approuvées par l’association des centres antipoison américains (AAPCC), incitaient les ménages à disposer du vomitif à domicile et d’y recourir sur avis d’un professionnel de santé [38]. La position commune de l’American Academy of Clinical Toxicology et de l’Association Européenne des Centres antipoison et de Toxicologie Clinique en 1997, qui excluent son usage en milieu hospitalier, de même que la publication d’études mettant en doute son bénéfice, montrant une plus grande fréquence de pneumopathies d’inhalation et soulevant son incompatibilité avec l’administration de charbon activé et des antidotes ont conduit l’AAP à revoir sa position [37,39]. Les données recueillies par les centres antipoison confirment cette tendance à l’abandon aux EtatsUnis : chez les enfants < 6 ans victimes d’intoxications, le sirop d’Ipeca a été administré chez 10,7 % d’entre eux en 1985 contre 0% en 2007 [5]. Dans d’autres pays comme la France ou la Nouvelle-Zélande, le médicament est retiré du marché pharmaceutique et son emploi est abandonné [24,26,28,36,40] Le sirop d’Ipéca n’a été utilisé chez aucun de nos patients et ne figure pas dans nos protocoles de prise en charge. 1-2.a.2 Lavage gastrique - Modalités d’utilisation : chez le jeune enfant, après mise en place d’une sonde gastrique de grand calibre, procéder à l’injection de 50 – 100 ml de liquide isotonique (sérum physiologique) à chaque cycle jusqu’à atteindre un total de 2 – 5 l ou éclaircissement du liquide gastrique chez le jeune enfant. Chez l’adolescent, 250 – 350 ml/cycle pour un total de 10 – 15 l. 76 - Efficacité : l’efficacité du lavage gastrique reste assez faible selon les données de la littérature et ne trouve son intérêt que dans des situations restreintes [28]. - Effets secondaires : risque important de vomissements et d’inhalation conséquente. - Indications et recommandations : la SRLF limite les indications du lavage gastrique, après bonne évaluation du bénéfice-risque, aux cas d’ingestion depuis < 1 heure d’une quantité importante d’un toxique non carboadsorbable susceptible d’engager le pronostic vital (lithium et fer par exemple) [24,28]. Le lavage gastrique doit tenir compte des contre-indications liées au produit ou au patient : jeune nourrisson < 6 mois ; absence de protection efficace des voies aériennes ; troubles de conscience ou convulsions installés ou susceptibles de survenir à moins d’intuber le patient avec une sonde trachéale à ballonnet gonflé ; état hémodynamique précaire ; ingestion de produits caustiques, moussants ou d’hydrocarbures. Parmi nos patients, 4 ont bénéficié d’un lavage gastrique, ce qui correspond à 9,75 % des malades. Il s’agissait d’enfants victimes d’empoisonnements potentiellement dangereux (organophosphoré, alphachloralose, Hexaquine®) ayant consulté entre H1 et H4 d’intoxication. 1-2.a.3 Charbon activé - Modalités d’utilisation : le charbon activé est une préparation officinale d’origine végétale à base de noix de coco broyée dotée d’un fort pouvoir absorbant. Il est commercialisé sous la forme d’une poudre noire insoluble 77 inodore et insipide (Carbomix®). En cas de refus par l’enfant, il peut être administré par sonde gastrique. Il doit être donné à la dose de 1 g/kg sans dépasser 50 – 75 g en veillant à le diluer dans 5x son volume d’eau et à le faire boire en 10 à 15 minutes. Une dose unique est suffisante sauf en cas d’intoxication par ingestion de médicaments à libération prolongée, carbamazépine, phénobarbital, quinine, théophylline ou dapsone. Cette efficacité a été démontrée également pour d’autres médicaments usuels mais avec un niveau de preuve encore insuffisant. D’autres Dans ce cas, on réadministre 0,5 – 1 g/kg toutes les 4 – 6 heures pendant 24 – 48 heures [26,28,36,41]. - Efficacité : le charbon activé est destiné à diminuer l’absorption intestinale et accélérer l’élimination des toxiques dits carbo-adsorbables. C’est l’un des adsorbants les plus efficaces disponibles sur le marché : administré avant H1 d’ingestion d’un toxique, il peut réduire l’absorption de celui-ci jusqu’à 75 % ; mais au-delà, la biodisponibilité du toxique ne diminue que modérément. Il présente plusieurs avantages par rapport au sirop d'ipéca : une administration moins traumatisante et une plus grande efficacité et sécurité d’emploi. - Effets secondaires : nous n’insisterons pas sur les effets secondaires potentiels du charbon activé vu leur rareté et leur bénignité en regard du bénéfice attendu. Il s’agit principalement des vomissements, pouvant intéresser jusqu’à 14 % des enfants avec éventuelle inhalation, ou encore de la constipation notamment si prises répétées, de la déshydratation notamment si prise associée de sorbitol, ainsi que d’autres effets secondaires plutôt décrits chez l’adulte [42]. - Indications et recommandations : certains auteurs recommandent la prise d’une dose unique de charbon activé pour le traitement des intoxications 78 aiguës pauci-symptomatiques de l’enfant ayant ingéré un toxique carboadsorbable [42]. En 1985, Merigian et al ont publié les résultats d’une grande étude prospective comparant différentes modalités d’épuration : les malades victimes d’une intoxication aiguë et admis dans un état symptomatique étaient 2x moins hospitalisés en unité de soins intensifs et moins intubés lorsqu’ils étaient mis sous charbon activé seul que ceux traités à la fois par vidange gastrique (sirop d’Ipéca ou lavage gastrique) et charbon activé [43]. Ce constat est confirmée par une autre étude spécifiquement destinée à la population pédiatrique, au cours de laquelle le charbon activé a été administré avec du sorbitol pour en améliorer le goût et donc l’acceptabilité [44]. En Finlande, une étude menée par les autorités de santé recommande aux parents de disposer du charbon activé pour une utilisation à domicile en cas d’empoisonnement chez un enfant, après avis d’un médecin ou du centre antipoison [45]. L’Institut National de Santé Publique du Québec a proposé aux autorités de procéder à la distribution gratuite de charbon activé pour la population n’ayant pas accès à un service d’urgence à moins de 45 minutes de leur domicile [46]. Au Maroc, au cours de l’année 2008, le CAPM a approvisionné les principaux établissements de santé publiques et privés, dont les services de pédiatrie et de réanimation polyvalente du CHU Hassan II, en charbon activé. Il faut rappeler tout de même que ce produit n’est pas disponible à la vente en pharmacie et qu’il reste donc trop peu accessible à nos patients. - Limites d’utilisation : le charbon activé n’est pas systématique dans les intoxications par voie orale [28]. Ainsi : 79 il ne doit concerner que les patients conscients avec possibilité de protection des voies aériennes et qui se sont présentés dans la 1ère heure suivant l’ingestion. il ne doit être prescrit que dans le cas de toxiques carbo-adsorbables : antidépresseurs carbamazépine, digitaliques, tricycliques, chloroquine, salicylés, benzodiazépines, paraquat, paracétamol, colchicine, β-bloquants, barbituriques, phénothiazines, méprobamate, théophylline,… il n’a aucun intérêt en cas d’ingestion de cyanure, alcools, glycols, fer, lithium. 80 il est contrindiqué : en cas de troubles de conscience, de risque de survenue de convulsions sauf si intubation avec sonde à ballonnet gonflé ; en cas d’ingestion de produits caustiques, car inefficace et entrave l’exploration endoscopique, émétisants, moussants ou des hydrocarbures vu le risque en cas d’inhalation ; en cas de recours envisagé à un antidote par voie orale chez le jeune nourrisson < 6 mois. Le charbon activé a pourtant été utilisé à des doses réitérées avec succès chez un nouveau-né né en dépression respiratoire des suites d’une ingestion maternelle massive d’une benzodiazépine 3 jours avant l’accouchement [47]. Cette observation illustre le pouvoir du charbon activé à épurer un toxique en l’adsorbant à travers les parois du tube digestif, même si la voie d’intoxication est parentérale : c’est la technique d’entérodialyse [48]. son efficacité chez les patients initialement asymptomatiques n’a pas été prouvée, comme le souligne l’étude de Merigian et al [43]. son acceptabilité par l’enfant n’est pas automatique : dans une série, 41 % des enfants ont refusé de l’ingérer, obligeant l’équipe soignante à l’administrer par sonde gastrique [42]. L’ajout de produits aromatisants appréciés par les enfants, comme le sorbitol, un yaourt, une crème glacée, de la confiture de fruits, du lait chocolaté ou toute autre aliment constitue une solution utile mais non recommandée par les sociétés savantes, dont la SRLF. 81 Face à la redéfinition du cadre d’utilisation du charbon activé, il est 2x moins employé chez les enfants Américains < 6 ans, passant de 1,7 % en 1985 à 0,9 % en 2007 [5]. Dans notre série, sur les 14 enfants admis pour intoxication médicamenteuse, 2 enfants présentaient les critères appropriés pour une administration de charbon activé : il s’agit de 2 frères ayant ingéré le montélukast (Singulair®) et ayant consulté à H1 post-ingestion. 1-2.a.4 Lavage intestinal Le lavage intestinal est exceptionnellement employé. Il peut être réalisé en complément au lavage gastrique face à l’ingestion massive d’une substance non carbo-adsorbable, à résorption retardée ou à enrobage entérique. L’une des indications les plus concrètes est l’ingestion de quantités significatives de fer. Plusieurs molécules peuvent être utilisées : polyéthylène glycol, sulfate de soude, mannitol à 20 % ou sorbitol [28,36]. 1-2.a.5 Laxatifs Aucune indication [28]. b. Epuration rénale La diurèse forcée et l’alcalinisation des urines consistent à éliminer la fraction ionisée non réabsorbable d’un toxique dans les urines en augmentant le débit de filtration glomérulaire ou en augmentant le pH urinaire. On y recourt par la perfusion continue et lente de SB 14 ‰ en alternance avec du SG 10 % ou du mannitol 10 % osmotiquement actifs. C’est la principale mesure recommandée en cas d’intoxication par les salicylés ne justifiant pas le recours à l’hémodialyse. D’autres indications sont moins formelles : ingestion de barbituriques, dérivés chlorophénoxy (certains herbicides), méthotrexate [16,24,28]. 82 c. Epuration extra-rénale 1-2.c.1 Hémodialyse et dialyse péritonéale L’hémodialyse est efficace et sera parfois proposée comme traitement épurateur dans les intoxications par les alcools, l’éthylène-glycol et le lithium comme complément [16,24,28]. 1-2.c.2 Exsanguino-transfusion Ses seules indications sont les méthémoglobinémies et les hémolyses sévères d’origine toxique [16,28]. d. Conclusion Le traitement épurateur ne doit être entrepris que si le bénéfice escompté est évident et que les conditions de son innocuité sont réunies. Les vomissements provoqués n’ont plus lieu d’être. L’indication du lavage gastrique n’est posée que dans les situations où une épuration digestive s’impose pour un toxique non carbo-adsorbable. L’administration de charbon activé n’est pas systématique dans les intoxications médicamenteuses. L’épuration rénale et extra-rénale sont à considérer au cas par cas. 83 1-3 Traitement spécifique Par traitement spécifique ou antidote on entend tout médicament capable de modifier la cinétique du toxique ou d’en diminuer les effets et dont l’utilisation améliore le pronostic vital ou fonctionnel de l’intoxication [16]. Les antidotes peuvent agir de différentes manières [16] : en limitant l’absorption digestive du toxique ou en accélérant son élimination : exemple des chélateurs de métaux lourds ; en le neutralisent avant qu’il n’atteigne sa cible : exemple du Nacétylcystéine dans les intoxications au paracétamol ; en le déplaçant de sa cible : exemples du naloxone dans les intoxications aux opiacés ou de l’O2 dans le cas des inhalations de CO ; en corrigeant ses effets : exemple de la vitamine B6 ou de l’isoniazide ou du bleu de méthylène dans les intoxications aux produits méthémoglobinisants. Selon les dernières recommandations de la SRLF, dans le cas des toxiques lésionnels comme peut l’être le paracétamol, l’antidote doit être employé avant l’atteinte organique, autrement il ne pourra entraîner aucun effet bénéfique. Pour les toxiques fonctionnels tels les benzodiazépines, les opiacés et les digitaliques, l’effet de l’antidote doit être constaté sur une amélioration des signes cliniques ou biologiques [28]. Entre l’adulte et l’enfant il n’existe pas de différences dans les indications et les modalités d’administration, il suffit d’adapter les doses [26]. Si la liste des toxiques est infinie, celle des antidotes reste en revanche assez réduite. Sachant que dans certaines intoxications les antidotes sont parfois salvateurs, leur connaissance est obligatoire. La figure 27 résume les principaux antidotes connus à ce jour avec leurs indications. 84 Fig. 27 : Principaux toxiques et antidotes correspondants (d’après [36]) Cette liste d’antidotes ne comprend pas l’oxygène qui obéit pourtant à la définition d’un antidote vis-à-vis du CO. Dans notre travail, l’oxygène a été l’antidote le plus employé (7 cas), devant l’atropine (2 cas) et la pralidoxime (1 cas). La N-acétylcystéine (Exomuc®) est un antidote classique pour le paracétamol, mais qui a été proposé par le CAPM pour traiter spécifiquement les 2 cas d’intoxications au chardon à glu (« ad-dad ») vu l’homologie des mécanismes d’action des deux toxiques lésionnels. 85 1-4 Traitement symptomatique « Traiter le patient avant de traiter le toxique » disait Goldfrank [49]. Le traitement symptomatique reste le plus déterminant pour la grande majorité des intoxications, sans quoi le patient risque le décès ou les séquelles par les effets du toxique, bien avant l’élimination de celui-ci. Le traitement symptomatique commence dès la mise en place d’une sonde gastrique ou d’un cathéter veineux périphérique par exemple et inclut autant l’antiémétique, l’oxygénothérapie, l’expansion volémique que la ventilation mécanique ou l’épuration extrarénale dans les cas d’insuffisance rénale, d’acidose métabolique ou hyperkaliémie, en passant par le diazépam et les drogues vasoactives entre autres. 66 % de nos malades ont bénéficié d’un traitement symptomatique : l’antiémétique a été la classe de médicaments la plus prescrite, devant les antalgiques à la tête desquels le paracétamol. 1-5 Consultation de psychiatrie Face à un acte d’empoisonnement volontaire, le rôle du pédiatre ou de l’urgentiste sera d’établir une relation de confiance permettant le bon déroulement des différentes étapes de soins, en veillant à ne pas réprimander un enfant assez fragilisé par la situation qui l’a mené à l’acte et souvent habité par un sentiment de culpabilité après une tentative de suicide. Il doit aussi guetter les signes annonciateurs d’une possible récidive, en cherchant notamment la notion de préméditation ou encore l’absence de regrets. Une consultation chez un psychiatre s’impose chaque fois que le caractère intentionnel de l’intoxication est mis en évidence, quel que soit l’âge du patient. Les 2 jeunes patientes de 10 et 13 ans qui se sont empoisonnées dans un but d’autolyse ont été adressées en psychiatrie accompagnées de leurs proches pour un entretien et un éventuel suivi. 86 87 1-6 Standardisation de la prise en charge pour certains types d’intoxication Aucun médecin ne peut prétendre réussir à lui seul à gérer convenablement toute situation d’intoxication en raison de l’immense diversité des toxiques. Il doit avoir la possibilité de contacter à tout moment une structure comme le centre antipoison qui pourrait grâce à sa base de donnée lui servir d’appui pour réagir promptement et prendre des mesures appropriées. Au-delà de son rôle de conseil pour le personnel soignant et la population générale, le centre antipoison a pour mission d’élaborer et assurer la diffusion de schéma de prise en charge codifiées pour les intoxications les plus fréquentes ou les plus menaçantes. En effet, les intoxications aiguës comptent parmi les affections qui se prêtent volontiers aux stratégies standardisées de prise en charge, à l’instar des piqures de scorpion [50]. Ce sont en effet des évènements de gravité variable qui laissent peu de temps à la réflexion et sont susceptibles d’engager le pronostic vital. Ces stratégies, inspirées par les consensus mondiaux et parfois adaptées à notre environnement et à nos moyens, ont un impact prouvé sur la morbidité et la mortalité qui s’en trouvent considérablement réduites. Le CAPM a promu un certain nombre de ces conduites à tenir dont les plus connues concernent les intoxications oxycarbonées, paraphényldiamine (« takkawt roumia ») [51,52]. 88 les organophosphorés et la 2- Prévention Dans un rapport traitant de l’efficacité du sirop d’Ipéca et du charbon activé dans la prise en charge des intoxications, l’Institut National de Santé Publique du Québec conclut que le seul moyen thérapeutique efficace reste la prévention primaire [46]. Aucune mesure curative ne vaudra jamais la prévention. 2-1 Le Identification des facteurs favorisant les empoisonnements volet préventif s’adresse principalement aux empoisonnements accidentels, qui constituent la grande majorité des cas constatés chez l’enfant. Certaines pratiques sociales et commerciales expliquent en partie les intoxications par voie orale chez les enfants en entraînant dans l'esprit de ceux-ci une fâcheuse confusion [3] : pauvreté, analphabétisme, ignorance et croyances populaires. Les enfants sont sous la responsabilité d’adultes dont les comportements actifs ou passifs peuvent conduire involontairement les enfants à un empoisonnement ; c’est l’exemple de l’utilisation du charbon pour le chauffage ou la cuisson dans un environnement confiné. manque d’organisation et de gestion appropriée des espaces de rangement : on a constaté que les sacs à main, les réfrigérateurs, les tablettes, les étagères et les rebords de salles de bain étaient les lieux de rangement les moins sûrs, indépendamment du toxique en question [53]. commercialisation des produits ménagers dans des conditionnements publicitaires aux couleurs attirantes exerçant un attrait sur les enfants. En effet, des études ont démontré l’attirance du jeune enfant pour les couleurs claires plutôt que pour les couleurs foncées, pour les liquides plutôt que pour les solides et pour les objets de petite taille plus que 89 pour ceux de grande taille. Par conséquent, ce sont les liquides clairs et les petits objets solides qui ont le plus de chances d’être mis en bouche [54]. entreposage de détergents, dérivés pétroliers comme les diluants et le pétrole lampant ainsi que d’autres toxiques dans des bouteilles prévues pour un usage alimentaire telles les bouteilles de soda ; commercialisation de paquets de lessive avec des gadgets et jouets en plastique offerts à l’intérieur ; coloration et aromatisation de certains médicaments comprimés, gélules ou sirop pouvant être pris pour des bonbons ou des produits de confiserie par les enfants ; 2-2 Mesures préventives Plusieurs mesures simples ont prouvé leur efficacité dans la prévention des empoisonnements accidentels chez l’enfant. - Sensibiliser la population sur la toxicité des produits les plus courants et indiquer aux parents notamment les bonnes attitudes. Il faut rappeler que toute substance potentiellement toxique doit être mise hors de la portée des enfants : les armoires de pharmacie et de toilette ainsi que les armoires de cuisine et les tiroirs semblent être les lieux de rangement les plus sûrs, d’autant plus s’ils sont en hauteur ou disposent d’une fermeture à clé [53] ; insister sur les méfaits du charbon en combustion utilisé dans un environnement confiné, sur les précautions d’usage du chauffe-eau à gaz,... - Adopter des fermetures d’emballage spéciales dites résistantes aux enfants, notamment : les emballages à bouchon de sécurité : leur ouverture nécessite une série d’actions complexes, notamment le fait de serrer le bouchon ou 90 d’appuyer dessus tout en le faisant tourner. Cette mesure est déjà en vigueur dans les pays Occidentaux : les produits sont aux normes lorsqu’au moins 85 % des enfants âgés de 42 à 51 mois sont incapables d’ouvrir le récipient en 5 minutes et qu’au moins 80 % n’y arrivent pas même après une démonstration [3,55]. les emballages thermoformés : employés notamment pour les médicaments en comprimés ou en gélules, ces emballages ont été jugés résistants aux enfants car les médicaments devaient être retirés à l’unité, ce qui est moins dangereux que si le médicament était contenu dans un flacon [56]. Les plaquettes thermoformées demeurent moins efficaces que les emballages à bouchon de sécurité. Mais, même dans un emballage sécurisé aux normes, il faut se souvenir qu’un produit disposé dans un lieu à la portée des enfants sera toujours plus dangereux qu’un autre correctement rangé, car aucun système de sécurité n’est parfait [3,57]. - Promouvoir les médicaments les moins toxiques face aux molécules à faible index thérapeutique, à l’image des benzodiazépines privilégiées aux dépens des barbituriques ou du paracétamol plus prisé que l’aspirine [58]. Une autre mesure notable consiste à commercialiser les médicaments à des doses théoriquement insuffisantes pour provoquer la mort comme dans le cas du paracétamol [3]. - Rendre les produits moins toxiques : s’il est vrai qu’il sera impossible de retirer tous les toxiques du marché, il est possible en revanche d’en réduire le niveau de toxicité. C’est l’exemple de l’eau de javel ou du vinaigre dont les préparations concentrées peuvent être interdites au profit de celles diluées, ou encore celui des pesticides dont il existe des molécules moins toxiques. 91 - Rendre les agents toxiques moins attractifs : en donnant la préférence aux emballages opaques aux couleurs neutres, plutôt qu’à ceux transparents ou aux couleurs vives ; en ajoutant des colorants pour les liquides clairs et des agents amérisants. - Légiférer et réglementer au sujet de l’étiquetage, la distribution, le stockage et l’élimination des toxiques. Cette mesure devrait logiquement conduire à une réduction des cas d’intoxication, mais son impact paraît dérisoire, les enfants < 6 ans, les plus fréquemment concernés, ne réagissant pas au contenu des étiquettes [3]. L’AAP considère que les emballages à fermeture résistant aux enfants et la prescription de médicaments de moindre toxicité sont les 2 mesures phares expliquant la chute spectaculaire de la mortalité par empoisonnements chez les enfants aux Etats-Unis [38]. L’OMS juge par ailleurs que les emballages résistants aux enfants se révèlent efficaces dans le cas des médicaments, combustibles, produits d’entretien et pesticides. Ils ont été expérimentés en Afrique du Sud où leur distribution gratuite au sein d’une communauté a fait chuter les cas d’ingestion accidentelle de pétrole lampant de moitié en l’espace de 14 mois [3]. La figure 28 hiérarchise les différentes stratégies préventives des intoxications chez l’enfant tel que les a évaluées l’OMS. 92 Fig. 28 : Efficacité des différentes stratégies clés pour la prévention des intoxications chez l’enfant selon l’OMS (d’après [3]) VI. Evolution / Pronostic Selon une grande étude rétrospective récapitulant les données recueillies par le CAPM depuis sa création en 1980 jusqu’en 2007 [7] : - 96,5 % des cas d’intoxication aiguë recensés au Maroc pendant cette période ont évolué favorablement ; - 1,1 % des intoxiqués ont gardé des séquelles ; - 2,3 % sont décédés (correspondant à 1203 cas). Ce taux de létalité semble très élevé à première vue car non comparable à ceux enregistrés par les centres antipoison étrangers disposant d’un nombre de recrues nettement supérieur – donc statistiquement plus fiables – et appliquant des critères précis d’imputabilité pour les décès [4,5,8]. En France à titre d’exemple, les centres antipoison ont répertorié 197 042 cas d’exposition humaine à un toxique en 2006, dont 130 463 qui étaient suffisamment documentés pour être exploitables. Sur les 214 cas de décès enregistrés, seuls 93 138 l’ont été avec une imputabilité au moins plausible [4]. D’après ces données, le taux de mortalité n’est que de 0,1 %. Par contre, dans d’autres pays émergents comme le Sri Lanka et le Vietnam, les taux de létalité par empoisonnement sont similaires voire plus élevés que ceux constatés au Maroc [59,60]. Dans notre série, les taux calculés de mortalité (4,9 %) et de survie avec séquelles (2,4 %) souffrent certainement des mêmes biais : seule une partie des empoisonnements, jugés sérieux par les parents ou les médecins qui les ont adressés, sont notifiés et éventuellement admis par les internes de garde aux urgences. Nous considérons le nombre de décès par intoxication un indicateur plus fiable que le taux de létalité des intoxications dans des pays comme le notre qui ont encore des progrès à réaliser dans le recueil des données. 94 VII. Spécificités selon les classes de toxiques 1- Médicaments Avec 1/3 des cas (14 patients), les intoxications médicamenteuses ont constitué la 1ère cause d’intoxications dans notre étude. Chez l’enfant, la prédominance des intoxications aux médicaments et aux produits ménagers est classique dans la littérature [4,8]. La proportion des intoxications médicamenteuses dépasse même les 55 % en Turquie et aux Emirats Arabes Unis [61,62]. Les classes thérapeutiques les plus incriminées chez les enfants ≤ 5 ans sont les analgésiques [5,61,62], par opposition aux adultes qui recourent avant tout aux psycholeptiques [4]. Nous aborderons les spécificités des intoxications par certaines classes de médicaments que nous avons eu à gérer au cours de ce travail ou par d’autres classes thérapeutiques qui méritent d’être mieux connues en raison de leur fréquence ou leur gravité potentielle chez l’enfant. 1-1 Antalgiques antipyrétiques a. Paracétamol 1-1.a.1 Particularités physiopathologiques Chez l’enfant de 1 à 5 ans, le risque d’hépatotoxicité par prise de paracétamol est plus faible que chez l’adulte, du fait du caractère accidentel limitant la dose ingérée, de la prépondérance du mécanisme de sulfonoconjugaison dans le métabolisme du paracétamol à cet âge et de la faible teneur en paracétamol des suspensions commercialisées [26,63]. 1-1.a.2 Particularités diagnostiques Les intoxications au paracétamol sont dites graves lorsque la dose ingérée ≥ 125 mg/kg, voire moins si malnutrition, prise d’inducteurs enzymatiques du 95 cytochrome P450, prise répétée de paracétamol ou prise simultanée de sulfaméthoxazole-triméthoprime ou de zidovudine, alcoolisme chronique. Le dosage de la paracétamolémie et son interprétation sur le nomogramme de rumack et Matthew permet de confirmer le diagnostic et d’évaluer la gravité (fig. 29). Cependant, ce dosage n’a de valeur que s’il est effectué après H4 d’ingestion. Si l’horaire d’ingestion n’est pas connu, il convient de répéter ce dosage 4 heures plus tard pour mesurer la demi-vie plasmatique d’élimination. L’hépatite toxique est certaine lorsque cette demi-vie d’élimination > 4 heures. Chez l’adulte, l’hépatite est mortelle si la paracétamolémie ≥ 300 mg/l à H4 et 45 mg/l à H15. Elle est sans risque lorsqu’elle est < 150 mg/l à H4 et < 25 mg/l à H15 [28,63,64]. 1-1.a.3 Particularités thérapeutiques La N-acétylcystéine (Exomuc®) est indiquée dans les intoxications graves au paracétamol. Deux protocoles sont recommandés par la SRLF : - par voie veineuse, à privilégier tant que possible : 150 mg/kg en 1 h, puis 50 mg/kg en 4 h, puis 100 mg/kg en 16 h. - par voie orale, si indisponibilité de la N-acétylcystéine pour usage intraveineux et en l’absence de vomissements ou d’utilisation du charbon activé : 140 mg/kg, puis 70 mg/kg/4h pendant 72h. L’efficacité est optimale si l’antidote est administré avant H10 d’intoxication. Si le patient est vu après H24 ou présente d’emblée des signes d’hépatite cytolytique, le même protocole est maintenu en plus de 300 mg/kg/j jusqu’à guérison [28] Par ailleurs, le paracétamol est carbo-adsorbable. Des mesures symptomatiques peuvent être nécessaires, notamment les corrections d’une 96 acidose lactique ou d’une insuffisance rénale. L’éventualité d’une transplantation hépatique doit être envisagée si le TP devient < 50 % [16]. Fig. 29 : Nomogramme de Rumack et Matthew indiquant les zones de toxicité possible ou probable (d’après [64]) b. Aspirine Les salicylés font partie des médicaments susceptibles de donner la mort chez l’enfant à des doses relativement faibles [33]. L’intoxication aux salicylés est fort heureusement en recul depuis la promotion du paracétamol comme antalgique et antipyrétique auprès des médecins traitants. Néanmoins, l’enfant est toujours exposé au risque d’ingestion accidentelle d’aspirine qui reste largement appréciée par la population et mise en vente libre dans les commerces. L’association de troubles neurosensoriels comme les acouphènes ou l’hypoacousie, hyperventilation, déshydratation, hyperthermie, sueurs avec acidose métabolique ou alcalose respiratoire doit faire rechercher une intoxication par l’aspirine et ses dérivés [28]. Les salicylés sont des molécules carboadsorbables. Ils représentent une des rares indications à l’alcalinisation des 97 urines. L’hémodialyse ou l’hémofiltration sont utiles en cas de forme sévère avec insuffisance rénale. c. Ibuprofène L’ibuprofène est l’anti-inflammatoire le plus utilisé en pédiatrie en raison de sa bonne tolérance et sa sécurité d’emploi. En effet, même si la dose thérapeutique maximale est de 40mg/kg/j, les prises uniques < 100 mg/kg n’entraînent aucun effet. A des doses plus importantes peuvent s’observer des douleurs abdominales, nausées, vomissements, céphalées, vertiges, acouphènes, nystagmus, troubles visuels ou une somnolence, mais 90 % des intoxications à l’ibuprofène chez l’enfant demeurent asymptomatiques. Des complications graves surviennent à des doses de 400 mg/kg ou sur un terrain de déshydratation ou d’insuffisance rénale : convulsions, coma profond, hypothermie, dépression respiratoire, acidose métabolique, insuffisance hépatocellulaire, insuffisance rénale aiguë, troubles de l’excitabilité cardiaque [63,64]. Le charbon activé peut être proposé chaque fois que la prise dépasse 100 mg/kg, à côté de mesures symptomatiques comme la réhydratation et la correction hydro-électrolytique. En cas de convulsions, les benzodiazépines sont utilisées [63]. Durant notre année d’étude, nous n’avons recensé aucun cas d’intoxication au paracétamol, ni à l’aspirine ni à l’ibuprofène (2008). 98 1-2 Psycholeptiques et psychoanaleptiques Parmi les médicaments à effets neuropsychiatriques on distingue : psycholeptiques : antipsychotiques, anxiolytiques, hypnotiques et sédatifs. psychoanaleptiques : antidépresseurs, psychostimulants, traitement des syndromes d’hyperactivité psycholeptiques et et nootropiques, psychoanaleptiques, association médicaments contre de la démence. a. Benzodiazépines 1-2.a.1 Particularités épidémiologiques Les benzodiazépines sont des molécules dotées de propriétés anxiolytiques, hypnotiques, anticonvulsivantes et myorelaxantes, expliquant leur grande fréquence de prescription. Depuis leur découverte dans les années 1960, elles ont été promues et préférées à d’autres médicaments ayant une faible sécurité d’emploi, comme le méprobamate (Equanil®) employé comme sédatif et dont l’effet anxiolytique ne se manifeste qu’à fortes doses. Leur courante prescription comme anxiolytiques pour des durées souvent prolongées et l’automédication expliquent la grande place qu’elles occupent dans les intoxications volontaires ou accidentelles aux psychotropes. Au Maroc, selon une récente étude, l’adolescente et la jeune femme sont les principales concernées par les tentatives de suicide aux médicaments, avec un âge moyen de 20,9 ± 9.19 ans et un sex-ratio de 0,35. Les spécialités neuropsychiatriques constituent 43,9 % des substances concernées avec les benzodiazépines, le bromazépam notamment, en tête (près de ¼) [65]. Dans notre série nous avons rapporté 2 cas de tentatives de suicide dont un par prise médicamenteuse (cas n°38). Cette jeune fille de 10 ans a ingéré 140 mg de 99 prazépam (Lysanxia®), sachant que la dose thérapeutique usuelle est de 60 mg/j chez l’adulte. Elle adhère donc au profil des suicidants décrit dans notre pays. D’autre part, benzodiazépines et autres psychotropes sont souvent en cause dans des intoxications accidentelles de l’enfant. Une étude menée au Service de Pédiatrie II du CHU Ibn Rochd de Casablanca confirme cette tendance : 48,6 % de l’ensemble des intoxications médicamenteuses étaient dues à des psychotropes, parmi lesquelles les anxiolytiques (les benzodiazépines) sont largement majoritaires (69,8 %), devant les neuroleptiques (13,2 %), les barbituriques, les antidépresseurs, les antiépileptiques et autres sous-classes (< 5 % chacune). D’après cette même étude, ces intoxications étaient accidentelles dans 80 % des cas, mono-médicamenteuses dans 97,5 % et ont toutes évolué favorablement [67]. 1-2.a.2 Particularités cliniques Aux doses toxiques, les benzodiazépines dans leur globalité entraînent : - troubles du comportement et de la mémoire : agitation, désinhibition, agressivité, ébriété, une amnésie antérograde constante. Ces manifestations sont les plus précoces. - dépression du système nerveux central : hypotonie, obnubilation et somnolence voire un coma calme, dépression respiratoire souvent modérée et plus fréquente chez les enfants. Ces troubles sont plus tardifs. 1-2.a.3 Particularités de prise en charge L’antidote des benzodiazépines est une autre benzodiazépine, le flumazénil (Anexate®), qui agit comme un inhibiteur compétitif : il possède une affinité aux mêmes récepteurs membranaires qu’il occupe sans les activer. Dans les formes sévères d’intoxication aux benzodiazépines, on administre une dose de charge de 10 µg/kg en intraveineux lent, entretenue par une perfusion de 10 µg/kg/h. 100 Cependant, il faut tenir compte de la demi-vie de la benzodiazépine en question, souvent plus longue que celle du flumazénil (20 – 30 min), impliquant sa réadministration malgré l’amélioration apparente. D’autre part, le flumazénil inhibe l’action des benzodiazépines même si elles sont données à visée anticonvulsivante, dans le cadre d’intoxications polymédicamenteuses [36,64,66]. Les benzodiazépines sont carbo-adsorbables. b. Neuroleptiques Dans notre série, le cas d’un jeune garçon de 4 ans ½ (cas n°41) illustre la gravité de ces intoxications : ayant ingéré 60 gouttes d’halopéridol (Haldol® gouttes) soit 6 mg, l’enfant n’a été amené en consultation que tardivement avec d’emblée des signes neuropsychiques, extrapyramidaux et neurovégétatifs graves comme la bradypnée. Pour rappel, l’halopéridol est une molécule qu’il est possible de prescrire chez l’enfant à la dose de 0,02 mg/kg/j (0,2 gouttes/kg/j) et l’augmenter progressivement sans dépasser 0,2 mg/kg/j (2 gouttes/kg/j). Notre patient a été exposé à la dose de 0,4 mg/kg/j et a reçu par la propre initiative de son père du trihexyphéniclyle (Artane®), traitement potentiel pour corriger les effets de l’halopéridol mais peu prescrit chez l’enfant, chez qui le traitement symptomatique se base principalement sur les benzodiazépines. Un syndrome malin des neuroleptiques doit être évoqué devant tout tableau associant une confusion, une hypertonie généralisée avec hyperréflexie ostéotendineuse, des sueurs, une hyperthermie, une instabilité hémodynamique ainsi qu’une rhabdomyolyse. Ces symptômes sont assez voisins de ceux d’une intoxication aux antidépresseurs. En effet, sauf si le tableau clinique associe des myoclonies, élément négatif dans le syndrome malin des neuroleptiques et décrit dans le syndrome sérotoninergique, les deux syndromes sont difficilement distinguables. Par conséquent, le traitement spécifique par la bromocriptine, qui 101 est un agoniste dopaminergique, est risqué dans les situations douteuses. Cette mesure peut améliorer les troubles dans les intoxications aux neuroleptiques et les aggraver s’il s’agit d’antidépresseurs. Au moindre doute, il est plus prudent de se limiter au traitement symptomatique [63]. c. Antidépresseurs La gravité de l’intoxication aux antidépresseurs chez l’enfant tient à leur potentiel létal à faible dose [28,63]. Plusieurs classes existent (tricycliques, inhibiteurs de la monoamine oxydase, inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline,…) et exercent dans différentes proportions une toxicité neurologique par inhibition de la recapture de neurotransmetteurs centraux et une toxicité cardiaque par un effet stabilisant de membrane [68]. En cas de surdosage, ils entraînent : syndrome sérotoninergique : coma agité, convulsions, hypertonie, myoclonies, hyperéflexivité, hyperthermie, sueurs, rashs cutanés. syndrome anticholinergique : agitation, tremblements, sécheresse buccale, mydriase, globe vésical. Il s’observe à partir de 5 mg/kg. troubles troubles cardiovasculaires : de la conduction tachycardie sinusale auriculo-ventriculaire initialement et voire ventriculaire, dépression myocardique et vasodilatation systémique en cas de doses > 10 mg/kg. d'autres effets en fonction de la molécule considérée, comme les syndrome adrénolytique, histaminergique,… Le syndrome sérotoninergique est assez spécifique. Il doit être évoqué, en l’absence d’un traitement récent par neuroleptique, devant l’association d’au moins 3 signes parmi les suivants : hypomanie ou confusion, agitation, myoclonies, hyperréflexie, mydriase, hypersudation, frissons, tremblements, 102 diarrhées, incoordination et/ou hyperthermie. En effet, hormis les myoclonies qui sont un élément discriminant absent du syndrome malin des neuroleptiques, les deux syndromes sont difficiles à départager. Au moindre doute, il convient de s’en tenir au traitement symptomatique et à l’épuration digestive. Les antidépresseurs tricycliques sont carbo-adsorbables [28,63]. L’ECG, la kaliémie et le pH sont des éléments intéressants pour la prise en charge : la présence de QRS > 0,1s impliquent le recours au bicarbonate de sodium et le renouveler si nécessaire. La ventilation mécanique fait souvent partie des mesures symptomatiques, au même titre que les mesures d’apyrexie, la sédation par benzodiazépines ou les inhibiteurs non spécifiques de la sérotonine. La régression sans séquelles peut s’observer en 24 à 36 heures [16,63]. Nous n’avons été confrontés à aucun antidépresseur au cours de notre année d’étude. 103 cas d’intoxication par un 1-3 Cardiotropes Les cardiotropes sont des médicaments rarement mise en cause dans les intoxications de l’enfant pour lequel ils constituent un danger à faibles doses [16,33]. a. β-bloquants Les β-bloquants risquent d’occasionner une dépression myocardique et une hypoglycémie. La surmortalité est plus élevée lorsqu’il s’agit de molécules possédant en plus un effet stabilisant de membranes comme le propranolol. Sur l’ECG on observe fréquemment une bradycardie sinusale, des blocs sinoauriculaire ou auriculo-ventriculaire de degré élevé, mais on peut avoir également des complexes QRS larges dans le cadre d’un rythme ventriculaire d’échappement ou d’un effet stabilisant des membranes, cependant l’ECG peut rester normal malgré une situation d’état de choc cardiogénique [64]. En cas d’intoxication, le glucagon peut être utilisé précocement comme antidote en raison de son action chronotrope et inotrope positives directes. Il est indiqué devant une hypoglycémie réfractaire au resucrage et en cas de dépression myocardique, en complément de l’utilisation d’amines vasopressives : si hypoglycémie réfractaire au resucrage, administrer du glucagon (Glucagen®) par voie parentérale à raison de 0,5 mg chez les enfants < 20 kg, 1 mg chez ceux ≥ 20 kg. Il ne peut plus être réutilisé après 3 essais, c’est-à-dire après épuisement des réserves hépatiques en glycogène. si dépression myocardique : 25 – 100 µg/kg (sans dépasser 1 mg par injection) puis relais intraveineux à la dose de 25 µg/kg/h pendant 5 à 12 heures selon l’évolution clinique, toujours en complément des amines vasopressives. 104 Les β-bloquants sont carbo-adsorbables. 105 b. Inhibiteurs calciques Un seul comprimé de nifédipine à 10 mg (Adalate®) peut mener au décès chez un enfant de bas âge [63]. Les complications cardiovasculaires sont redoutables et se manifestent par une hypotension artérielle systémique, un état de choc plus souvent hyperkinétique que cardiogénique, une bradycardie et un bloc auriculo-ventriculaire. Le tropisme variable des molécules implique un traitement à déterminer en fonction des troubles prédominants. Il fera appel essentiellement : aux sels de calcium ; perfusion de gluconate de calcium selon le poids de l’enfant et les symptômes. au glucagon. Dans ses dernières recommandations, la SRLF précise que la place du glucagon reste encore à définir ; mais aussi selon le profil hémodynamique : au remplissage et aux α-adrénergiques si vasoplégie prédominante ; aux β-adrénergiques si baisse de la contractilité ; à l’atropine, l’isoprénaline voire l’entraînement électrosystolique si prédominance des troubles de la conduction. L’association insuline – glucose, recommandée en complément aux autres moyens thérapeutiques pour la prise en charge des intoxications aux inhibiteurs calciques chez l’adulte, n’a pas été proposée chez l’enfant [28,26]. c. Digitaliques Lorsqu’il s’agit d’un empoisonnement par digitaliques, le tableau clinique associe des troubles digestifs, neurosensoriels et surtout de la conduction et de l’automatisme cardiaque. 106 L’atropine peut être employée en cas de bradycardie mais ne constitue pas un antidote. Le traitement spécifique consiste à administrer des immunoglobulines anti-digitaliques. Ses indications chez l’enfant sont [16] : 107 une cardiopathie sous-jacente ; une dose ingérée > 0,3 mg/kg ; une digoxinémie > 5 ng/ml ; une arythmie menaçante, une instabilité hémodynamique ou une hyperkaliémie > 6 mmol/l ; une progression rapide de la toxicité. L’impact de ces anticorps sur la mortalité est prouvé, la dose à laquelle ils doivent être prescrits dépend de la quantité de digoxine ingérée [69]. Leur emploi se heurte à leur coût et à leur disponibilité encore insuffisante en urgence, même dans les pays riches [70]. Dans tous les cas, le traitement épurateur reste possible, les digitaliques étant carbo-adsorbables. Parmi nos patients, aucun n’a été victime d’une intoxication par un médicament cardiotrope. Par contre, certains médicaments à fortes doses étaient en mesure de donner lieu à des effets sur l’appareil cardio-vasculaire, par un effet cholinergique muscarinique ou un effet stabilisant des membranes, comme pour la quinine et la loratadine. 108 1-4 Autres a. Sulfamides hypoglycémiants Les sulfamides hypoglycémiants font partie des molécules susceptibles d’entraîner le décès à des doses faibles [33]. Une de nos patientes âgée de 5 ans (cas n°22) est décédée après ingestion de 60 à 80 mg de glimépiride. Devant une telle intoxication impliquant une hospitalisation indiscutable, le traitement repose sur : en 1ère intention : oral ou en perfusion continue de sérum glucosé hypertonique de sorte à obtenir une glycémie ≥ 0,6 g/l [26,28] ; en 2ème intention : en cas d’échec du resucrage, administration d’octréotide (Sandostatine®) à raison de 1 – 5 μg/kg/j chez l’enfant, répartie en 4 injections/j sans dépasser 50 μg/injection. L’ocréotide est un analogue synthétique de la somatostatine qui agit en inhibant les canaux calciques des cellules β des ilots de Langerhans du pancréas, réduisant ainsi la sécrétion d’insuline. Administré par voie sous-cutanée ou intraveineuse, son délai d’action est rapide pour une durée d’action de 90 minutes. Il peut être perfusé à raison de 0,015 µg/kg/min [26,28]. en 3ème intention : si échec du resucrage et de l’ocréotide, il faut administrer du glucagon (Glucagen®) par voie parentérale à raison de 0,5 mg chez les enfants < 20 kg, 1 mg chez ceux ≥ 20 kg. Le glucagon ne peut plus être réutilisé après 3 essais, c’est-à-dire après épuisement des réserves hépatiques en glycogène [26,28]. 109 b. Antipaludéens Quinine et chloroquine sont deux antipaludéens caractérisés par une marge thérapeutique étroite. Les intoxications sont d’origine variée : surdosages accidentels dans le cas des traitements anti-palustres, utilisation détournée à des fins abortives ou dans un but suicidaire. Le danger de telles molécules est leur toxicité cardiaque, étant donné qu’elles possèdent un puissant effet stabilisant de membrane. Elles peuvent par ailleurs entraîner des troubles de digestifs. Une hypokaliémie parfois sévère peut se voir et est corrélée à la gravite de l'intoxication et suffisante à elle seule pour confirmer l’intoxication, sans attendre l’analyse toxicologique trop tardive [30]. Chez un de nos patients, la quinine était prescrite au père pour des crampes et a été ingérée accidentellement. Les symptômes digestifs étaient au premier plan. c. Antihistaminiques H1 Plusieurs médicaments antihistaminiques H1 ou ayant des propriétés antihistaminiques sont commercialisées : antiallergiques, anxiolytiques, stimulants d’appétit,… Chez l’enfant, l’intoxication peut être sévère et produire des effets : - neuropsychiatriques : agitation, hallucination, ataxie, incoordination, syndrome extrapyramidal. Les convulsions sont habituelles quelle que soit la molécule; - syndrome atropinique : mydriase, tachycardie, chaleur, rougeur du visage, sécheresse des muqueuses, rétention d’urine et fièvre qui peut être préoccupante chez l’enfant [64]. - Dans le cas de l’hydroxyzine (Atarax®), des troubles de repolarisation, à type d’onde T plate et de QT long ont été rapportés [64] 110 Le traitement est symptomatique, basé éventuellement sur le lavage gastrique en respectant indications et contre-indications. Les 2 enfants victimes d’une ingestion accidentelle d’une quantité minime d’un antihistaminique n’ont eu besoin d’aucune prescription. d. Fer Aucun de nos patients n’a été intoxiqué par prise de fer. Ce dernier est l’une des causes les plus fréquentes de décès par intoxication chez l’enfant. Sa toxicité sur la muqueuse digestive commence à partir de 20 mg/kg de fer élément et ses effets systémiques s’observent à partir de 60 mg/kg. Les concentrations intracellulaires élevées compromettent les fonctions mitochondriales et provoquent une nécrose cellulaire. Viennent alors des signes de défaillance multiviscérale et particulièrement d’insuffisance hépatocellulaire 12 à 48 heures après ingestion. Une radiographie de l’abdomen sans préparation peut objectiver des particules radio-opaques, justifiant une épuration digestive quel qu’en soit le moyen. La présence de symptômes comme le coma ou les signes de choc hypovolémique et cardiogénique, d’acidose métabolique ou une concentration sérique > 5mg/l à H4 imposent le traitement par desferrioxamine (Desféral®). Ce chélateur de fer doit être administré en intraveineux à la dose de 15 mg/kg/h pendant les 4 à 6 premières heures puis réduire la dose de sorte, sans dépasser 3 à 6 g au total [63]. e. Montélukast Le montélukast (Singulair®) est un anti-leucotriène utile dans le traitement de fond de l’asthme de l’enfant et de l’adulte. Dans notre série, 2 frères en ont ingéré 20 et 10 mg et ont été hospitalisés et traités par charbon activé sur avis du CAPM, avec bonne évolution. Leur cas illustre la prudence adoptée face à une intoxication par un principe actif encore peu manipulé et donc peu connu par le 111 personnel médical, notamment en situation d’urgence. En effet, ce médicament n’a commencé à être commercialisé au Maroc que très récemment (2004). Au Texas, la situation était similaire et a poussé le centre antipoison à mener une étude rétrospective à propos des cas rapportés d’ingestion de montélukast chez les enfants < 5 ans : de 2000 à 2005, 95 % des 3698 cas retenus sont restés asymptomatiques et 5 % d’entre eux ont subi des effets mineurs. L’intoxication est gérable à domicile [71]. f. Oestroprogestatifs Hormis une possible hémorragie de privation chez l’adolescente, les oestroprogestatifs n’expriment aucune toxicité et ne comprennent aucun risque chez les jeunes enfants et les garçons. Il s’agit de la classe médicamenteuse la plus fréquemment mise en cause dans notre série (4 cas) et dans une série du centre antipoison de Lille [72]. L’explication la plus probable est la disposition habituelle de la pilule contraceptive dans les sac-à-mains des mamans ou dans le tiroir de la table de chevet. Devant une telle intoxication, l’abstention est de règle. 112 2- Monoxyde de carbone 2-1 Particularités physiopathologiques Etant incolore, inodore, insipide, non irritant et non suffoquant, le CO est un gaz qu’il est possible d’inhaler à des concentrations potentiellement létales sans qu’aucun symptôme n’attire l’attention des victimes. Par ailleurs, le CO est un gaz inflammable et potentiellement détonnant. Son origine principale est la combustion incomplète des combustibles organiques. Il est d’une grande diffusibilité dans le milieu ambiant. Dans l’organisme, il se lie facilement au fer divalent et sa solubilité est décuplée par la présence de l’hémoglobine, pour laquelle il possède une affinité 250x plus importante que celle de l’oxygène. En présence d’infimes pressions partielles de CO, le transport artériel en oxygène est significativement diminué, aggravés par une libération moindre au niveau des tissus périphériques ce qui entraîne une hypoxie. La baisse du débit cardiaque résultant de la formation de carboxymyoglobine myocardique non fonctionnelle et l’hyperventilation réflexe mise en jeu par le système nerveux végétatif est responsable en ambiance toxique d’un cercle vicieux menant à une aggravation rapide des troubles. D’autre part, le CO exerce une toxicité directe sur les cellules en inhibant la cytochrome-coxydase, enzyme terminale de la chaîne respiratoire mitochondriale, ce qui conduit à une anaérobiose puis à une acidose lactique. A cela s’ajoute le stress oxydatif suite à la production excessive de radicaux libres par les mitochondries, pourvoyeurs de lésions cérébrales. Ces lésions sont immédiates (nécrose) et éventuellement tardives (démyélinisation) survenant à distance de l’épisode toxique [73]. Tous ces éléments expliquent l’immense danger du CO lui valant d’être appelé « silent killer » (tueur silencieux) [74]. 113 2-2 Particularités épidémiologiques L’intoxication au CO est la première cause de décès par intoxication accidentelle dans le monde [74]. Elle est responsable à elle seule de 1/3 des décès occasionnés par les fumées d’incendie [74]. En Turquie, chez les enfants et adolescents ≤ 18 ans, 78 % des décès par intoxication domestique sont dus à une inhalation de CO [75]. En Angleterre, entre 1968 et 2000, 84 % des décès toxiques chez les < 10 ans ont été attribués à un empoisonnement par inhalation de gaz, dont 58,2 % imputés au CO [58]. Aux Etats-Unis, les expositions accidentelles au CO non liées à un incendie font admettre aux urgences environ 1600 enfants de < 5 ans chaque année, dont 10 qui évoluent vers le décès [76]. Dans notre série, il s’agit de la 3ème intoxication par ordre de fréquence, après les médicaments et les produits ménagers. Au Maroc, l’inhalation de CO a représenté l’intoxication la plus fréquente au cours de l’année 2008 (28 % des cas) [6]. Pourtant, l’ampleur du phénomène est sous-estimée [51,77]. D’après une récente publication du CAPM, 11488 cas d’inhalation de CO ont été déclarés au Maroc de 1991 à 2007, soit 15,8 % de l’ensemble des intoxications aiguës. Typiquement, l’intoxication au CO dans notre pays est accidentelle (98,5 %), domestique (96,8 %), urbaine (86,5 %) et hivernale/automnale (68 %) ; elle est collective dans 24,5 % des cas. Les enfants de < 15 ans représentent près du ¼ des intoxiqués [51]. Malgré son très large effectif et sa longue période d’étude, la série du CAPM est limitée par la méthode même de recrutement des cas, basée sur les inconstantes déclarations des centres hospitaliers [51]. Ainsi, 79 décès par intoxication oxycarbonée ont été notifiés entre 1991 et 2007 selon les données du CAPM, tandis que le Bureau Municipal d’Hygiène de Rabat en dénombre 40 rien que pour ces 4 dernières années (2005 – 2008) [77]. Cette disparité entre les statistiques des décès traduit les difficultés à apprécier la réalité nationale des 114 intoxications oxycarbonées comme pour d’autres types d’intoxications. A cela s’ajoute la méconnaissance du diagnostic par le clinicien face à des symptômes manquant de spécificité. La proportion des cas méconnus est estimée à 30 % même dans des pays développés comme la France [74,78]. Les nombres de malades et de morts par inhalation de CO sont indéniablement sous-estimés à l’échelle de notre pays. Le recours à des hydrocarbures comme le butane ou le propane comme combustibles pour le chauffage dans les villes a considérablement fait réduire le nombre d’inhalations de CO : ces intoxications sont à présent le résultat d’un dysfonctionnement des appareils de chauffage ou de production d’eau chaude ou d’une exposition excessive aux gaz d’échappement des véhicules à moteur ou de groupes électrogènes [74]. Dans les pays émergents, la cuisson à domicile et a fortiori dans un environnement mal aéré est une autre activité potentiellement émettrice de quantités toxiques de CO, à l’image du braséro (« majmar ») d’usage courant dans notre contexte [3,77]. Dans notre série, le caractère hivernal de l’intoxication oxycarbonée s’explique par la plus grande fréquence d’usage du chauffage à gaz et du chauffe-eau à gaz, d’autant plus que les volets sont souvent fermés en raison du froid. Il correspond au profil saisonnier de l’intoxication décrit au Maroc avec des pics en décembre et en janvier (figure 29) [51]. 115 Fig. 29 : Répartition des intoxications au CO selon les mois au Maroc (d’après [51]) 2-3 Particularités cliniques Sur le plan clinique, l’intoxication au CO est insidieuse et sousdiagnostiquée en raison d’un tableau clinique souvent bâtard [79]. Elle doit être systématiquement évoquée face à l’installation brutale sans contexte évident de signes neurosensoriels à type de céphalées et/ou de vertiges, de nausées/vomissements, d’une dyspnée, ou encore devant toute atteinte à caractère collectif chez des personnes qui se trouvaient dans le même lieu [74,78]. C’est le cas chez la totalité des 7 patients de notre série : il s’agissait à chaque fois d’une atteinte de 2 ou 3 enfants avec celle des proches. Les symptômes sont variés, non spécifiques et ne sont pas obligatoirement corrélés au taux mesurés de carboxyhémoglobine : céphalées, vertiges, nausées/vomissements, tachycardie, faiblesse musculaire, syndrome pyramidal, dyspnée, cyanose, conscience, coma, troubles visuels, hypotension confusion, artérielle, convulsions, précordialgies, troubles état de de choc cardiogénique, arrêt cardio-respiratoire [74,80]. Car même en dehors de toute cardiopathie sous-jacente, tout individu est susceptible de développer un état de choc cardiogénique après inhalation de CO en quantités suffisantes pour entraîner 116 une ischémie myocardique diffuse [81]. Les classiques teinte rouge cochenille et lèvres rouge cerise sont rares [74]. L’enfant est plus vulnérable que l’adulte face à l’intoxication au CO : la léthargie est plus fréquente et la syncope survient à partir de 24 % de carboxyhémoglobine, seuil plus bas que les valeurs usuellement décrites chez l’adulte [82]. Au Maroc, une étude rétrospective du CAPM portant sur 5072 cas d’intoxications au CO a montré que la présence de symptômes neurovégétatifs était un facteur de haut risque de décès (RR = 9), devant la présence de signes d’appel cardiovasculaires (RR = 3,65) ou cutanés (RR = 2,58) [83]. Ces symptômes étaient absents chez nos patients, seuls 3 d’entre eux ont présenté des vomissements. 2-4 Particularités paracliniques Le dosage de la carboxyhémoglobine est l’examen paraclinique clé pour la confirmation diagnostique. Cette mesure doit être effectuée dans la mesure du possible sur les lieux de l’intervention avant toute oxygénothérapie [51]. Le résultat, exprimé en pourcentage de l’hémoglobine totale, doit être interprété en tenant compte de la possible exposition chronique au tabagisme actif ou passif ainsi que de l’horaire du prélèvement de sang par rapport à la découverte de l’intoxiqué. Chez le sujet normal, la carboxyhémoglobine peut être détectée en faible quantité (< 1 %) en raison d’une réserve physiologique de CO endogène. Elle est de 8 à 9 % chez les fumeurs réguliers et peut atteindre jusqu’à 15 % chez les grands fumeurs [74]. D’autre part, le taux de carboxyhémoglobine dans le sang chute de 40 % après 3 heures si le dosage est différé [84]. Hormis ces situations particulières, le diagnostic d’une intoxication au CO peut être porté face à un taux de carboxyhémoglobine ≥ 10 %. C’est donc un examen fort utile pour le diagnostic des inhalations de CO, malgré ses sensibilité et spécificité 117 imparfaites. N’étant pas disponible durant la période de notre étude, tous nos patients présumés victimes d’une inhalation de CO ont bénéficié d’une oxygénothérapie normobare au masque. Au Maroc, le Laboratoire de Recherche et d’Analyses Techniques et Scientifiques de la Gendarmerie Royale peut procéder à ce dosage. Une autre alternative est la mesure de la fraction expirée en CO. Dans tous les cas, il n’a pas de valeur pronostique et ne conditionne pas les modalités de la prise en charge [74]. L’avis est partagé quant à la réalisation systématique d’un ECG et à la signification des éventuels troubles de repolarisation [36,74]. D’autres examens non spécifiques peuvent être utiles : radiographie thoracique, gaz du sang, lactacidémie, hémogramme, ionogramme sanguin ou autres en fonction du contexte. L’imagerie cérébrale et l’électroencéphalogramme peuvent être demandés dans le cadre du bilan lésionnel. 2-5 Particularités thérapeutiques a. Mesures curatives L’oxygène est l’antidote du CO : il permet d’accélérer la dissociation de la carboxyhémoglobine et d’améliorer le transport artériel en oxygène vers les tissus. L’oxygénothérapie normobare, c’est-à-dire administrée à pression atmosphérique, reste le traitement de routine et doit être entreprise en première intention et systématiquement face à toute présomption d’inhalation de CO. C’est un traitement urgent à entreprendre sans attendre la confirmation du diagnostic. Dans les cas les plus simples elle doit être administrée à fort débit au masque à haute concentration [74]. Certains auteurs la recommandent pendant 12 heures chez l’enfant lorsque la carboxyhémoglobine > 5 % [36]. 118 L’oxygénothérapie hyperbare est un moyen thérapeutique qui consiste à administrer l'oxygène à une pression supérieure à la pression atmosphérique, au sein d’une chambre spéciale appelée caisson hyperbare. Ses effets sont : la dissociation plus rapide du CO de l’hémoglobine et du système des cytochromes ; l’augmentation du taux d’oxygène dissous dans le sang ; la vasoconstriction cérébrale limitant l’œdème cérébral ; la réduction de la production de radicaux libres. Son bénéfice par rapport à l’oxygénothérapie normobare dans la prévention des séquelles neurologiques est prouvé lorsqu’elle est entamée dans les premières 24 heures et reste à prouver au-delà [85,86]. Elle se heurte dans notre pays comme ailleurs à la rareté des centres hyperbares, au nombre de 8 et concentrés sur les villes de Rabat, Casablanca, Al Hoceima, Tanger et M’diq [87]. L’oxygénothérapie hyperbare doit être envisagée systématiquement chaque fois que l’accès rapide à un centre hyperbare est possible dans les cas suivants [88] : perte de connaissance initiale, coma persistant, signes neurologiques objectifs (hypertonie, hyperréflexie ostéotendineuse, signe de Babinski,…) ; signes de dysfonction cardiovasculaire, œdème pulmonaire en rapport avec l’intoxication ; femme enceinte. Le candidat doit être stable sur les plans hémodynamique et respiratoire et disposer d’une radiographie thoracique pour éliminer un pneumothorax. D’autres traitements spécifiques doivent être administrés si intoxication associée à l’acide cyanhydrique. Le contexte est alors celui d’un d’incendie brûlant des éléments plastiques ; les 119 symptômes sont ceux d’une méthémoglobinémie : cyanose cutanéo-muqueuse généralisée de couleur « gris ardoise », avec une SaO2 abaissée non corrigée par l’oxygénothérapie (la Pa(O 2) est en réalité normale). Le traitement consiste à administrer : nitrite de sodium 10 ml/1,7m2 en intraveineux lent (3 min) puis Hyposulfène® 12 g/1,7m2 et hydroxocobalamine (vitamine B6) 70 à 150 mg/kg en 30 minutes. Les corticoïdes sont contre-indiqués dans cette situation [28,36]. Dans notre série, tous nos patients ont bénéficié d’une oxygénothérapie normobare au masque à oxygène, aucun d’entre eux n’a présenté une indication à l’oxygénothérapie hyperbare. b. Mesures prophylactiques La prévention de l’intoxication au CO est un problème de santé publique nécessitant des mesures multiples impliquant différents acteurs [51,74] : recensement exhaustif des intoxications ; contrôle régulier et périodique avec entretien si nécessaire des sources potentielles de CO ; information et sensibilisation de la population générale sur les origines et le danger du CO ; sensibilisation des médecins au diagnostic ; inciter à la pose de détecteurs de CO, notamment dans les locaux à risque comme les caves, les garages, à proximité des groupes électrogènes. Cet appareil déclenche un signal sonore et visuel chaque fois qu’il détecte une élévation de la concentration atmosphérique en CO. C’est équipement, obligatoire en France pour les équipes de 120 secouristes, a permis dans une récente étude la détection fortuite de 65 foyers d’intoxication au CO à l’occasion d’une visite médicale à domicile avec hospitalisation de 43 patients [89]. 121 2-6 Particularités évolutives Chez l’enfant, dans 2,8 à 10,7 % des cas selon les séries, des signes neurologiques peuvent se voir au-delà d’un intervalle libre après l’épisode toxique et récupération apparente, dans le cadre du syndrome post-intervallaire. Dans une série pédiatrique, cet intervalle a duré de 2 à 51 jours [90]. La majorité des malades qui en souffrent récupèrent lentement de leurs troubles mais une proportion assez considérable en garde des séquelles définitives [73,90]. Pour cette raison, les malades les plus fragilisés ou sévèrement exposés doivent bénéficier d’une surveillance prolongée [51,74]. Au Maroc, d’après les données du CAPM, l’évolution a été favorable pour 98,8 % des cas ; 79 malades sont décédés et 21 d’entre eux ont gardé des séquelles à type de cécité ou de neuropathie [77]. Dans la littérature, les séquelles sont plus fréquentes et principalement neuropsychiatriques ; jusqu’à 40 % des intoxiqués peuvent garder des séquelles : neurosensorielles ou psychiatriques : céphalées chroniques, cécité, surdité, troubles du langage, convulsions, syndromes pyramidal ou extrapyramidal, troubles de la concentration et de la mémorisation, retard mental, échec scolaire, mutisme, incontinence fécale ou urinaire, démence, état neurovégétatif, paralysie faciale, neuropathie périphérique, troubles de la personnalité, psychoses,… [73,90,91]. cardiaques plus rarement : troubles de la repolarisation voire insuffisance cardiaque en cas de terrain défavorable sous-jacent [92]. Tous les patients que nous avons pris en charge n’ont pas présenté de symptômes évidents de séquelles neurosensorielles. Leurs résultats scolaires doivent être observés sur une plus longue période d’étude. 122 3- Produits ménagers 3-1 Particularités physiopathologiques a. Produits caustiques Selon la rapidité des réactions physicochimiques qu’ils produisent sur les tissus, on distingue : caustiques forts : entraînent une nécrose immédiate des tissus ; caustiques moyens : entraînent une nécrose progressive dont la profondeur dépend du temps de contact avec le produit. Le plus utilisé des caustiques reste l’hypochlorite de sodium, ou eau de javel. L’eau de javel est un caustique moyen, oxydant, utilisé comme désinfectant ménager. Elle est commercialisée sous des formes correspondant à différentes concentrations : eau de Javel diluée (12° chlorométriques) : commercialisée à grande échelle et destinée au grand public, dans des bouteilles de 1 litre habituellement. eau de javel concentrée (48° chlorométriques) : également en vente, y compris par des marchands ambulants dans notre contexte. Celle-ci n’est pas adaptée pour un usage de routine et doit être diluée par 3x son volume d’eau. Elle est habituellement vendue dans des récipients de 5 litres. Elle est donc plus dangereuse. Le tableau clinique est lié à la concentration du produit et à la quantité ingérée : les solutions diluées donnent des irritations de la muqueuse, celles concentrées provoquent de véritables lésions caustiques. Ces dernières seront plutôt gastriques qu’œsophagiennes, vu le temps de contact nécessaire pour leur constitution. 123 Pour leur part, les acides forts provoquent une nécrose de coagulation, ce qui forme une escarre superficielle qui s'oppose à I'extension des lésions en profondeur. Etant par ailleurs fluides, ces solutions provoquent des lésions étendues en surface, principalement au niveau inférieur de I'œsophage et de I'estomac. Une ingestion massive (≥ 100 ml) dans le cadre d’une tentative de suicide affecte les organes de voisinage du médiastin et de l’abdomen par diffusion immédiate. Les bases fortes quant à elles provoquent une nécrose de liquéfaction, par saponification des lipides membranaires. Cette nécrose risque donc de s'étendre en profondeur, atteindre la musculeuse, la séreuse et les organes de voisinage. L'oropharynx et de I’œsophage supérieur sont souvent atteints. L’atteinte de l’œsophage en totalité et de I'estomac se voit en cas d’ingestion massive. D’autres caustiques forts peuvent être source d’une toxicité systémique : c’est l’exemple de certains antirouilles à base d’acide fluorhydrique et/ou oxalique, chélateurs de calcium et donc capables d’induire une hypocalcémie. La figure 30 résume les principales classes de caustiques, leurs propriétés et l’usage qu’il en fait. 124 Fig. 30 : Principaux caustiques et leurs propriétés (d’après [93]) Les 9 patients ayant ingéré un produit ménager dans notre série sont des enfants de la catégorie d’âge des « bébés marcheurs », ayant tous ingéré de l’eau-de-javel diluée (8 cas) ou concentrée (1 cas). 125 b. Produits détergents Les détergents anioniques et non ioniques sont employés notamment comme produits pour vaisselle à la main, nettoyants de surface, lessives, savons liquides, gels douches et shampooings. Ils sont irritants et moussants : ceux anioniques sont plus moussants que ceux non ioniques, ces derniers étant plus irritants. Les détergents cationiques entrent dans la composition des assouplissants textiles, les algicides pour piscine et certains désinfectants de surfaces. Ces produits sont essentiellement irritants. Les détergents n’ont concerné aucun de nos patients. 3-2 Particularités épidémiologiques En Suisse, les produits ménagers sont en tête des intoxications de l’enfant avec 1/3 des cas recensés en 2008 [8]. Aux Etats-Unis, des produits comme l’ammoniaque, les produits de blanchissage et les détergents pour lessive ont été source de 120 000 intoxications chez les enfants de < 6 ans pour l’année 2004 [94]. 3-3 Particularités diagnostiques a. Produits caustiques En fonction de la quantité d’eau de javel ingérée, il peut y avoir hypersialorrhée, dysphagie, vomissements plus ou moins sanglants, douleurs retro-sternales et abdominales. Les projections oculaires provoquent des douleurs oculaires, des kérato-conjonctivites. Les caustiques forts donnent lieu à des lésions tissulaires étendues pour les acides, profondes pour les bases. Les bases ont un effet plus insidieux mais sont plus dangereuses, y compris en cas d’exposition cornéenne. 126 Dans notre étude, 8 des 9 patients ayant ingéré un produit ménager étaient symptomatiques au moment de la consultation mais sans signes de défaillance respiratoire ni hémodynamique. Seul un d’entre eux (cas n° 25) a été hospitalisé de façon prolongée en raison de la nécessité d’une exploration endoscopique. b. Produits détergents Des lésions caustiques sont possibles également en cas d’ingestion de solutions concentrées de détergents cationiques. L'ingestion accidentelle de faibles quantités de détergents anioniques ou non ioniques provoque des nausées, des douleurs abdominales et des diarrhées. Des quantités plus importantes peuvent entraîner une inondation bronchique, par passage de la mousse dans les voies respiratoires. Cette inhalation peut se traduire par une toux, une fièvre voire une dyspnée qui seront à surveiller. La radiographie pulmonaire est l’examen de choix. Guetter les signes d’une hypocalcémie et procéder au dosage de la calcémie dans le cas d’une exposition aux antirouilles. 3-4 Particularités thérapeutiques a. Traitement évacuateur Produits caustiques et détergents représentent des contre-indications formelles de l’évacuation gastrique quelle qu’en soit la méthode. Il est proscrit de faire boire l’enfant durant les 2 à 3 heures qui suivent l’intoxication. On peut conseiller en revanche de faire manger la mie de pain ou des gâteaux secs pour faire absorber la mousse [93]. b. Traitement symptomatique Le traitement symptomatique tient compte de la nature du produit en cause : 127 dans le cas de produits moussants ou de produits irritants dilués et en faibles quantités : pansement digestif 3x/j pendant 2 à 3 jours. dans le cas de produits irritants concentrés ou en grandes quantités : le pansement digestif est contre-indiqué car il fausse les résultats d’une endoscopie à visée diagnostique qui est nécessaire. Certains auteurs préconisent de prévenir la médiastinite par un traitement à base d’amoxicilline–acide clavulanique [36]. dans le cas spécifique des caustiques antirouilles : décontamination de la peau, pansement digestif et perfusion de chlorure ou du gluconate de calcium [93]. Antalgique et antiémétique doivent être prescrits. En cas de projection oculaire, rincer les yeux à l’eau tiède courante pendant 10 à 15 minutes. Une corticothérapie parentérale voire la ventilation invasive sont indiqués dans les cas les plus sévères avec dyspnée d’emblée [36,93]. 3-5 Particularités évolutives Dans une série pédiatrique, près des ¾ d’intoxications à des produits ménagers sont liées à l’eau de javel, avec dans près de la ½ des cas une indication à la fibroscopie œsogastroduodénale. Cette dernière a mis en évidence une œsophagite avec gastrite modérée dans 5 % des cas [95]. Dans l’immédiat, le risque est celui de la perforation. A moyen et long termes, le risque est celui d’une cicatrisation fibreuse et rétractile, pouvant aboutir à une sténose et exposant au risque de perforation retardée. Dans notre série, 1 nourrisson ayant ingéré une quantité minime d’eau de javel recomposée à partir d’acide chlorhydrique (= esprit de sel) a gardé une sténose caustique du 1/3 supérieur de l’œsophage, étendue sur 3 cm, pour laquelle 4 séances de dilatation endoscopique ont été nécessaires. L’enfant est 128 toujours suivi et garde au dernier contrôle une bonne courbe de croissance staturo-pondérale malgré une dysphagie aux solides. 129 4- Hydrocarbures et solvants organiques 4-1 Particularités physiopathologiques Les hydrocarbures et les solvants organiques sont employés comme combustibles ou comme produits d’entretien dans l’industrie et dans les travaux domestiques (peintures, vernis, encres,…). Leur lipophilie leur confère des propriétés toxiques communes : irritants par leur pouvoir dissolvant des lipides des muqueuses et dépresseurs du SNC où ils se concentrent. A côté des ingestions souvent accidentelles des hydrocarbures liquides, les vapeurs dégagées par la colle ou d’autres solvants organiques peuvent être délibérément inhalées par des adolescents toxicomanes qui risquent la mort subite par arrêt cardiaque. En effet, les hydrocarbures sont environ 140x plus toxiques par inhalation que par ingestion [3]. 4-2 Particularités épidémiologiques Le pétrole lampant est la principale cause d’empoisonnement chez les enfants de nombreux pays en voie de développement [3,15]. Les solvants organiques comme les décapants pour peintures et les colles peuvent être concernés. Le diéthylène-glycol, un des constituants de l’antigel, peut être source d’empoisonnement tragique chez l’enfant : à Haïti, 109 enfants sont tombés malades en 1998 après la consommation de paracétamol contaminé par du diéthylène-glycol et 85 d’entre eux en sont morts. Cette intoxication accidentelle trahit une réglementation insuffisante dans les procédés de fabrication [96]. Dans une étude menée à Casablanca, les produits pétroliers ont été à l’origine de 12,3 % des intoxications aiguës de l’enfant. Le diluant de peinture était en cause dans 2/3 des cas [97]. Dans notre travail, le diluant de peinture a été à l’origine de 7,3 % des intoxications (3 cas), toutes symptomatiques mais bénignes. 130 4-3 Particularités diagnostiques Les solvants aliphatiques halogénés comme le trichloréthylène sont très irritants pour le tube digestif. Ils provoquent des douleurs abdominales et des diarrhées pouvant aller jusqu'à donner des irritations anales avec escarres fessières. Par ailleurs, ils menacent le rythme cardiaque par des troubles à type de tachycardie et de fibrillations ventriculaires. Les solvants aliphatiques non substitués comme l’essence, le pétrole, le fuel et l’essence de térébenthine provoquent des vomissements, des diarrhées et pour des quantités importantes, un état ébrieux (« ivresse pétrolique ») avec somnolence, voire convulsions des ou un coma susceptible de régresser en quelques heures. Les hydrocarbures aromatiques comme le benzène, le toluène et le paradichlorobenzène ont une toxicité neurologique. Ces produits entraînent à de faibles doses une pneumopathie d’inhalation, qui demeure leur complication la plus constante et la plus sérieuse. Même face à des symptômes banals et régressifs, la radiographie thoracique s’impose et peut montrer des anomalies dès H1 dont le siège est assez évocateur. En l’absence de surinfection bactérienne retardant la guérison, la pneumopathie d’inhalation évolue favorablement en quelques jours. En cas de contact cutané ou oculaire, ces produits peuvent provoquer des irritations importantes [64,93]. 4-4 Particularités thérapeutiques En cas d’intoxication, veiller à retirer les vêtements imprégnés de ces substances car elles sont volatiles. Respecter les contre-indications formelles de l’évacuation gastrique quelle qu’en soit la méthode et se limiter au traitement symptomatique [36]. Le cliché de radiographie thoracique guide la prise en charge : 131 en l’absence de pneumopathie, le traitement est ambulatoire par pansement digestif. La température doit être surveillée pendant 48 heures et mener en cas de fièvre à une consultation avec une nouvelle radiographie thoracique. en cas d’atteinte d’un seul lobe, le pronostic est favorable. Elle implique une surveillance clinique, radiologique et biologique et éventuellement une antibiothérapie. en cas d’atteinte de plusieurs lobes, le malade doit être placé en milieu de soins intensifs quel que soit son état clinique, car une assistance ventilatoire pourrait devenir indispensable L’antibiothérapie est systématique. Dans tous les cas la corticothérapie est inutile [64]. 132 à tout moment. 5- Pesticides 5-1 Particularités épidémiologiques Dans notre étude, les raticides ont été responsables de 3 intoxications accidentelles en ville, intéressant de jeunes enfants (cas n° 4, 5 et 35), tandis qu’un pesticide organophosphoré a été employé comme poison par une adolescente dans un but d’autolyse (cas n° 31) et a contaminé un aliment ingéré involontairement par un garçon (cas n° 19). Elles représentent 12,2 % des intoxications dans notre série. Cette proportion correspond aux statistiques nationales. En effet, une étude rétrospective analysant les données disponibles au CAPM de 1992 à 2007 affirme que les pesticides sont à l’origine de 11,3 % (2609 cas) de l’ensemble des intoxications. Elle confirme la proportion considérable d’enfants parmi les victimes (39,4 %) [98]. Il s’agit plus souvent d’insecticides et raticides (54,3 % et 34 % des cas respectivement) et exceptionnellement d’herbicides et fongicides (1,6 % et 0,49 % des cas respectivement). Dans notre pays, les pesticides donnent lieu à des intoxications habituellement isolées (93,7 %) et domestiques (81,9 %), qu’elles soient accidentelles (50,1 %) ou suicidaires (42,2 %) [98]. Chez l’enfant, l’exposition à cette catégorie de toxiques n’est pas toujours accidentelle : dans une série pédiatrique Casablancaise, 19 % des intoxications par organophosphorés étaient volontaires [99]. En dehors d’un contexte accidentel ou suicidaire évident, l’hypothèse d’un empoisonnement criminel mérite être soulevée quel que soit l’âge de l’enfant [98]. Les organophosphorés sont en tête des classes chimiques impliquées (30 %), suivis de l’alphachloralose et des piréthrinoïdes comme l’illustre la figure 31. En raison de leur fréquence dans notre contexte, ces classes seront abordées plus en détail. 133 Fig. 31 : Classes chimiques impliquées dans les intoxications aux pesticides au Maroc (d’après [98]) 5-2 Particularités physiopathologiques a. Organophosphorés Les organophosphorés sont les pesticides les plus fréquemment utilisés au Maroc, le malathion étant le plus courant d’entre eux. Ils agissent au niveau de la jonction synaptique par inhibition de l’acétylcholinestérase, donnant lieu en cas d’intoxication aiguë à un syndrome cholinergique. Les symptômes manifestés par les malades sont corrélés au degré de baisse de l’acétylcholine estérase : ils apparaissent en général lorsque celle-ci s’abaisse au dessous de 50 %. L’intoxication est grave lorsque l’inhibition dépasse 90 % [100,101]. b. Alphachloralose Les propriétés de l’alphachloralose (ou glucochloral) ont été découvertes en 1889. Il fut utilisé comme hypnotique et anesthésique pendant 100 ans, avant de devenir exclusivement un rodenticide, actif également vis-à-vis des rongeurs et d’autres animaux. Chez l’homme, le seuil toxique déterminé pour une intoxication à l’alphachloralose est de 20mg/kg [102]. 134 135 c. Pyréthrinoïdes Les pyréthrinoïdes sont des dérivés synthétiques de la pyréthrine qui est un alcaloïde de la fleur de chrysanthème. Par rapport à la pyréthrine, les pyréthrinoïdes exercent une toxicité sélective pour les insectes mais deviennent à fortes doses neurotoxiques pour l’animal. L’intoxication aiguë par pyréthrinoïdes est potentialisée par l’intoxication concomitante par organophosphorés qui bloquent leur hydrolyse : il est de règle absolue de ne pas mélanger ces deux types d’insecticides [64]. d. Autres Tout comme les organophosphorés, les carbamates sont des inhibiteurs de l’acétylcholine estérase mais avec une toxicité nettement plus élevée : un syndrome cholinergique franc s’observe à partir d’une dose orale de 0,1 mg/kg. Ainsi, quelques granulés suffisent pour provoquer une intoxication sévère chez l’enfant, d’évolution parfois fatale. En contaminant fruits et légumes, les carbamates peuvent être à l’origine d’empoisonnements collectifs [103]. Tout comme l’alphachloralose, la strichnine est un rodenticide classé parmi les rodenticides convulsivants. D’autres classes de rodenticides sont plus fréquemment utilisés que la strichnine : ce sont les odenticides anticoagulants qui comptent les hydroxycoumarines de 1ère et 2ème générations et les indane-diones. Le phostoxin ou phosphure d’aluminium est un taupicide couramment utilisé, doué de propriétés fortement volatiles. En cas d’ingestion orale, il réagit avec l’eau et l’acidité stomacale pour produire de l’hydrogène phosphoré (PH3), gaz hautement toxique. Le paraquat est le plus utilisé des herbicides, en raison de son efficacité. Il possède une très grande toxicité : 1 seule gorgée d’une solution à 20 % est 136 synonyme de décès par toxicité pulmonaire et défaillance multi-viscérale en 48 – 72 heures. 5-3 Particularités diagnostiques a. Organophosphorés Le tableau clinique de l’intoxication aux OP est très variable. Lorsqu’il ne donne pas lieu à des manifestations digestives comme les nausées, vomissements ou douleurs abdominales, des symptômes neurologiques sévères évoluent en 3 phases bien définies. - La crise cholinergique : signes muscariniques : signes oculaires : myosis, troubles de l’accommodation, photophobie, douleurs oculaires en cas de contact direct avec l’oeil ; signes respiratoires : bronchospasme, hypersécrétion lacrymale, sudorale, nasale, salivaire et bronchique avec possibilité d’œdème pulmonaire ; signes digestifs : nausées et vomissements, spasmes gastrointestinaux et coliques, incontinence fécale, signes cardiovasculaires : hypertension artérielle au avec départ peut tachycardie, s’observer puis une s’installent l’hypotension artérielle, la bradycardie voire l’arrêt cardiaque. signes nicotiniques : fasciculations musculaires et crampes, puis asthénie rapidement croissante par atteinte de la plaque motrice évoluant vers la paralysie des muscles striés et l’arrêt respiratoire. Les signes nicotiniques sont plus tardifs et ont une valeur de gravité. 137 signes centraux : troubles du comportement, ataxie, convulsions tonicocloniques, coma contemporain de la dépression respiratoire. La phase cholinergique survient après un délai variant en fonction de l’organophosphoré en question et de la voie d’intoxication, allant de quelques minutes en cas d’inhalation à 24 h dans la voie cutanée ou digestive. - Le syndrome intermédiaire : ce syndrome assez caractéristique n’a été décrit que très récemment (1987). Il s’agit d’une atteinte paralytique caractéristique avec des paralysies des muscles proximaux des membres, des fléchisseurs de la nuque, des muscles à innervation céphalique et des muscles respiratoires. L’atteinte diaphragmatique est à l’origine d’une insuffisance respiratoire aiguë. L’électromyogramme d’importance capitale car met en évidence une diminution du potentiel d’action en réponse à une stimulation rapprochée et la disparition de ces anomalies pour des fréquences plus basses. Sa survenue semble liée à la cinétique d’élimination du toxique, qui dépend de la dose ingérée, de la liposolubilité de la molécule et des fonctions hépatique et rénale entre autres. - La neuropathie retardée : elle survient 1 à 3 semaines après l’intoxication, prédomine aux membres inférieurs et est le plus souvent motrice axonale, parfois sensitivo-motrice et rarement sensitive pure. D’autres manifestations neurologiques (extrapyramidales, cérébelleuses) sont possibles mais plus rares [100,101,104,105]. b. Alphachloralose L’intervalle libre est habituellement de 1 à 2 heures. Les manifestations sont neurologiques et respiratoires : - neurologiques : somnolence, parfois en alternance avec un état d’agitation, hypertonie ou abolition des réflexes 138 ostéo-tendineux sont possibles, myoclonies provoquées, convulsions et exceptionnellement un coma profond avec état de mort apparente. - respiratoires : hypersécrétion salivaire et bronchique voire la détresse respiratoire par encombrement pulmonaire, qui reste une complication redoutable. Chez le nourrisson, la présence isolée d’une dyspnée avec encombrement rend le diagnostic difficile hors contexte, surtout que la réponse aux bronchodilatateurs peut être immédiate et simuler un asthme. L’élimination du toxique se fait dans les urines où il peut être dosé de façon fiable si nécessaire [106,107]. c. Pyréthrinoïdes En fonction de la quantité ingérée et de la voie d’intoxication : nausées, vomissements, douleurs abdominales, irritation cutanéo-muqueuse et respiratoire, voire myoclonies, ataxie, dysesthésies faciales transitoires ou troubles de conscience. d. Autres Par leur mécanisme d’action, les carbamates sont à l’origine d’un syndrome cholinergique. Les rodenticides anticoagulants altèrent essentiellement le TP et peuvent donner lieu à un syndrome hémorragique grave. Les raticides minéraux comme les phosphures d’aluminium, de zinc ou de calcium donnent lieu à des signes digestifs, avec une haleine assez caractéristique, une détresse circulatoire et un état de choc. 5-4 Particularités du traitement curatif a. Organophosphorés Le traitement symptomatique est essentiellement respiratoire et vise à désencombrer les voies aériennes et assurer une oxygénation correcte. Le patient arrive parfois au stade de ventilation contrôlée. La défaillance hémodynamique 139 peut être corrigée par un remplissage vasculaire par cristalloïdes, à répéter toutes les 15 à 20 minutes en cas d’échec. En cas de troubles du rythme et de conduction résistant aux traitements classiques, le sulfate de magnésium reste une bonne alternative [101]. Deux traitements spécifiques peuvent antagoniser les effets des organophosphorés : atropine : antagoniste compétitif des récepteurs muscariniques et centraux de l’acétylcholine. Son utilisation vise à améliorer la fonction respiratoire et diminuer les signes muscariniques. Il est recommandé de l’utiliser par voie intraveineuse : à la dose de 0,03 mg/kg, sans dépasser 0,5 à 2 mg par injection, à répéter toutes les 5 – 10 minutes jusqu’au tarissement des sécrétions bronchiques ; des doses de relais sont souvent nécessaire toutes les 1 – 4 heures, en fonction de la réapparition des signes muscariniques. pralidoxine (Contrathion®) : c’est un régénérateur des cholinestérases, aussi bien des acétylcholinestérases des plaques terminales musculaires motrices, pour lesquelles l’atropine n’est pas utile, que celles du système nerveux périphérique. Pour que son action soit pleinement efficace, il doit être administré dans les premières 24 heures : un bolus de 30 mg/kg ; suivi d’une dose d’entretien de 8 mg/kg/h. Le traitement évacuateur n’est pas toujours possible : le lavage gastrique peut être bénéfique s’il est réalisé dans des délais proches, tout étant fonction de la forme physique de l’organophosphoré, de son type et de sa quantité. Le charbon activé n’est d’aucune efficacité [101,108]. 140 b. Alphachloralose Il n’existe pas d’antidote spécifique à l’alphachloralose. Dans le cas d’une ingestion d’alphachloralose, le lavage gastrique n’est justifié qu’en cas d’ingestion massive, susceptible de donner un coma prolongé, c’est-à-dire audelà de 10g. autrement, l’administration de charbon activé est suffisante. Un traitement symptomatique par benzodiazépines, β2-mimétiques ou le cas échéant par ventilation mécanique peut s’avérer nécessaire. L’antibiothérapie probabiliste est souhaitable vu la fréquence élevée des pneumopathies d’inhalation, traitement que nous avons prescrit à nos 2 patients (cas n° 4 et 5). En général, la guérison sans séquelles est la règle [106,109]. c. Pyréthrinoïdes Le traitement est symptomatique. Il n’existe pas d’antidote ni d’indication aux mesures de décontamination digestive. d. Autres Contrairement aux organophosphorés, les carbamates ne répondent pas au pralidoxime (Contrathion®), mais les autres mesures thérapeutiques demeurent valables. Dans le cas des rodenticides anticoagulants, administrer selon les valeurs de prothrombine de fortes doses de vitamine K1 : 50 à 100 mg per os ou en IV. Plusieurs contrôles du TP s’imposent car la normalisation peut être transitoire. Les organochlorés doivent mener à une décontamination cutanée et sont une contrindication à la décontamination digestive. Le paraquat est quant à lui carbo-adsorbable. Les phosphures d’aluminium et autres raticides minéraux doivent être traités symptomatiquement et peuvent être décontaminés par l’ingestion de permanganate de potassium dilué [93,101,103,109]. 5-5 Particularités du traitement préventif 141 Outre les mesures de prévention communes à toutes les intoxications, il convient de rappeler les facteurs susceptibles d’entrainer une intoxication, parfois collective, aux pesticides : utilisation et stockage de pesticides dans de mauvaises conditions ; manipulation des aliments sans lavage préalable et suffisant des mains ; élimination sans précaution ou réutilisation de récipients ayant contenu des pesticides [3]. La prévention restera la seule mesure efficace contre des poisons mortels comme les carbamates, le phosphure d’aluminium ou le paraquat. 142 5-6 Particularités évolutives La létalité des pesticides dans notre pays est de 4,8 % [98]. Plusieurs facteurs prédictifs de gravité et donc de risque de décès ont été identifiés : circonstances volontaires ; classe chimique impliquée : raticides minéraux comme le phostoxin ; raticides convulsivants comme le chloralose ; présentation clinique : grade 3 selon le poisoning severity score [98]. Là encore, le nombre absolus de cas d’empoisonnements et de décès sont sans nul doute sous-estimés. La prévalence élevée des empoisonnements aux pesticides s’explique par une réglementation insuffisamment restrictive en matière de mise en vente des pesticides. Des produits à base d’alphachloralose sont en vente libre pour une poignée de dirhams. Nos patients présentaient à l’admission des signes d’appel neurologiques et ont nécessité la mise en route de traitements évacuateurs et spécifiques. L’évolution était favorable dans l’ensemble, malgré un séjour en réanimation pour un de nos patients et une hospitalisation prolongée pour l’une d’entre eux. 143 6- Plantes 6-1 Particularités épidémiologiques Par la diversité de son climat et de son relief, le Maroc possède une flore diversifiée comptant des milliers d’espèces et sous-espèces. Ce sont les outils d’une médecine traditionnelle toujours vivante, prisée pour son faible coût et sa plus grande accessibilité. Certaines de ces plantes sont toxiques et menacent la santé des plus jeunes, notamment ceux vivant à la campagne. En effet, plantes et autres végétaux sont probablement les plus vieux toxiques au Monde. Et pourtant, leur ingestion continue à être à l’origine de nombreux cas d’empoisonnements au Monde parmi les enfants, dont une proportion non négligeable avec une issue fatale. En Suisse, en 2004, 80 % des 2786 appels au centre antipoison suisse concernent des enfants d’âge préscolaire ayant ingéré champignons et fruits sauvages toxiques [9]. Dans notre pays, 437 cas d’intoxications par ingestion de plantes ont été signalés au CAPM durant les années 1990. La région de Rabat est la plus concernée par le phénomène (90 cas), suivie par la région de Fès (76 cas) qui arrive devant Casablanca qui est pourtant la plus peuplée (73 cas). Ces données s’expliquent par la proximité des terrains agricoles et la diversité de la flore, comme le confirme le pic enregistré au mois d’avril (95 des 437 cas) [110]. Là encore, le nombre de cas est sans nul doute sous-estimé, du fait que seuls les cas les plus sérieux ayant motivé la consultation puis l’appel au CAPM ont pu être comptabilisés. 144 6-2 Particularités physiopathologiques Atractylis gummifera est le nom scientifique du chardon à glu, appelé « addad » en marocain (fig. 32). Cette plante redoutable est répandue dans le bassin méditerranéen, dans l’ensemble des régions du Maroc, sauf au niveau de l’AntiAtlas et des zones désertiques. C’est la plus mortelle des plantes de notre pays. Ses principales victimes sont les enfants des zones rurales qui en mâchonnent et ingèrent la racine gluante et sucrée en la confondant avec le chardon d’Espagne (« garnina ») et l’artichaut sauvage (« kouk lakhla »). Ces intoxications sont habituellement accidentelles, souvent printanières et collectives. Rarement, elle est utilisée dans un but suicidaire ou dans une visée thérapeutique. Dans le chardon à glu, la racine renferme un liquide visqueux, blanchâtre, au goût sucré et contenant 2 principes actifs toxiques : l’atractyloside et le carboxyatractyloside (= gummiférine) qui inhibent la phosphorylation oxydative et le cycle de Krebs [111]. Fig. 32 : Atractylis gummifera ou chardon à glu (« ad-dad ») en période de floraison (A) et desséchée (B) (d’après [111]) Dans le cas de nos 2 patientes concernées par l’ingestion de cette plante, il s’agissait de 2 sœurs habitant les environs de Qariat Ba Mohammed, dans une zone où le chardon à glu est assez répandu. Il s’est avéré que les parents connaissaient pourtant le danger de la plante. 145 Datura stramonium (= stramoine ou pomme épineuse) est une plante connue dans notre pays sous le nom de « chdeq ej-jmel » (fig. 33). C’est une plante appréciée pour son caractère ornemental mais qui possède des vertus médicinales. Ses graines sont utilisées comme aphrodisiaque, sédatif en cas de céphalées et narcotique si insomnie, alors que feuilles et fleurs sont brûlées et inhalées en cas d’asthme. Elle a également des propriétés hallucinogènes et est souvent consommée simultanément avec le cannabis [112]. Elle contient 3 alcaloïdes tropaniques doués d’effets anti-cholinergiques. Ces substances agissent en effet par blocage des récepteurs muscariniques de l’acétylcholine (effet parasympathicolytique). Au Maroc, 48 cas d’intoxication au datura ont été déclarés au CAPM en 13 ans, dont plus des 2/3 concernent des enfants < 15 ans. Ces intoxications sont réputées graves [113]. Durant la période de notre étude, nous n’avons été confronté à aucun cas d’intoxication par cette plante. Fig. 33 : Datura stramonium ou stramoine (« chdeq ej-jmel ») en période de floraison (A) et desséchée (B) D’autres plantes toxiques comme Ricinus communis ou Cannabis sativa existent dans notre pays. 146 147 6-3 Particularités diagnostiques Dans les intoxications par ingestion de chardon à glu, l’intervalle libre est de 6 à 24 heures, voire davantage. Cet intervalle libre prolongé retarde la prise en charge et explique le fort taux de létalité. Les symptômes sont essentiellement : digestifs : présents dans ¾ des cas, dominés par les nausées, vomissements, douleurs abdominales et la diarrhée, typiquement profuse. neurologiques : somnolence, convulsions, hypothermie. Leur présence est un élément de gravité, annonciateur d’un coma imminent. cardio-respiratoires : tachycardie, hypotension artérielle, troubles du rythme, dyspnée, troubles ventilatoires. syndrome hémorragique : à type d’épistaxis, purpura, mélénas,… il témoigne de l’insuffisance hépatocellulaire. Les examens paracliniques doivent chercher une hypoglycémie constante, précédée ou non d’une hyperglycémie et les autres signes de défaillance multiviscérale : hépatite cytolytique, insuffisance hépatocellulaire et insuffisance rénale principalement. Une confirmation toxicologique reste possible, par la recherche de l’atractyloside et du carboxyatractyloside dans le liquide gastrique, le sang ou les urines [110,111,114]. Dans le cas de Datura stramonium, de très petites quantités suffisent à provoquer une intoxication grave qui se traduit par un syndrome atropinique, avec fièvre, mydriase, sécheresse muqueuse, tachycardie, iléus paralytique, rétention urinaire, confusion, somnolence, hallucinations, délire, coma, rarement des convulsions. La mort peut survenir par la dépression respiratoire d’origine médullaire [113]. 148 L’analyse toxicologique est possible et permet d’authentifier l’empoisonnement. 149 6-4 Particularités de prise en charge Une surveillance de 48 heures s’impose dans le cas d’ingestion de chardon à glu ou de toute autre plante méconnue. Le traitement est symptomatique et vise à lutter contre l’hypoglycémie et restaurer les fonctions vitales. L’évacuation gastrique par lavage peut être réalisée dans le cas d’une consultation précoce ou de quantités importantes. Il n’existe pas pour l’heure de traitement spécifique. L’administration de N-acétylcystéine pour les deux sœurs en question (cas n°11 et 12) a été réalisée sur recommandation du CAPM, dans le sens d’un possible bénéfice pour les hépatocytes. Dans le cas d’ingestion de datura stramonium, une évacuation par vidange gastrique peut être entreprise même tardivement, du fait d’un ralentissement du transit par l’effet anticholinergique. Le traitement est essentiellement symptomatique, notamment par diazépam (Valium®) en cas d’agitation, délire, hallucinations ou convulsions. 6-5 Particularités évolutives Une des deux fillettes décédées dans notre série (cas n° 11) avait ingéré avec sa sœur cadette du chardon à glu, en pousse à proximité de leur domicile à la campagne, malgré les mesures de traitement en hospitalier. En 22 ans, le Maroc a dénombré 1418 cas d’ingestion de plantes toxiques parmi lesquels 124 décès sur les 773 cas dont l’évolution est connue, soit une létalité de 14,2 %. La plupart des cas sont des enfants victimes d’une ingestion de chardon à glu. C’est dire le danger des empoisonnements par ingestion de végétaux et leur pronostic incertain par rapport aux autres toxiques [114]. Plus spécifiquement sur la tranche des 10 – 14 ans, une autre étude rétrospective a déterminé que les ingestions accidentelles de plantes est la première cause de décès par intoxications, devant l’inhalation de CO [13]. 150 151 7- Autres Un seul enfant dans notre série a présenté une agitation psychomotrice suite à l’ingestion a priori involontaire de cannabis. La toxicomanie serait responsable de 1% des intoxications aiguës recensées au Maroc [6]. En France, les cas d’adolescents et d’enfants admis aux urgences pédiatriques pour intoxication éthylique aiguë ou par intoxication à la méthadone ou à l’ecstasy sont de plus en plus nombreux [115]. Aux États-Unis, la toxicomanie infantile pose un véritable problème de santé publique et fait l’objet d’une surveillance épidémiologique. En 1993, 35,3 % des élèves de terminale disaient avoir consommé de la marijuana au moins une fois, 17,4 % disaient avoir inhalé des solvants, 10,3 % avoir consommé du LSD. 6,1% d’entre eux affirment avoir consommé de la cocaïne et 1,1% de l’héroïne [116]. Au Maroc, en 2006, une enquête par questionnaire anonyme menée auprès d’élèves de baccalauréat de la ville de Rabat a révélé que 12 % des interrogés sont des usagers de cannabis et/ou de maâjoun, parmi lesquels 90 % de garçons et tous appartenant à différentes classes socio-économiques [117]. Ces données rejoignent celles d’une autre étude réalisée auprès d’élèves de différents âges scolarisés dans les agglomérations de Rabat et de Casablanca, affirmant que 17 % des garçons et 4,2 % des filles auraient consommé au moins une fois une drogue, en tête desquelles se trouve le cannabis [118]. 152 CONCLUSION 153 La toxicologie pédiatrique est une entité particulière du fait du caractère souvent accidentel des intoxications chez l’enfant. Certes, ce dernier partage avec l'adulte certaines intoxications à caractère collectif comme l’inhalation oxycarbonée, mais il garde des spécificités épidémiologiques et évolutives. Tout pédiatre est amené un jour ou l’autre à prendre en charge un jeune enfant victime d’une intoxication accidentelle ou un adolescent intoxiqué dans un but d’autolyse. Dans notre étude, le plus prédominant de ces deux stéréotypes reste le premier, ce qui correspond aux données de la littérature. L’ampleur du phénomène est sous-évaluée dans notre pays, du fait d’une insuffisance du système de déclaration et l’absence d’initiative de la part de la population générale pour joindre le centre antipoison. Dans notre série comme dans la littérature mondiale, les intoxications pédiatriques sont accidentelles, domestiques et isolées. Elles sont dominées par les médicaments, les produits ménagers et le monoxyde de carbone, qui ont représenté ¾ des cas d’empoisonnements pendant notre période d’étude. Seule l’inhalation de monoxyde de carbone se distingue par sa prédominance hivernale et la fréquente atteinte collective. La symptomatologie est extrêmement polymorphe suivant le toxique en cause, la quantité ingérée et le délai écoulé avant la prise en charge. Elle peut être initialement digestive à cause de la voie d'introduction du produit puis secondairement neurologique, cardio-respiratoire, métabolique ou hématologique. Certaines associations de symptômes sont caractéristiques d’une classe de toxiques : on parle alors de toxidromes. La coexistence possible de plusieurs toxiques différents dans un même produit est à l'origine d’un tableau clinique très complexe. 154 Compte-tenu du nombre infini de toxiques potentiels, une bibliographie à portée de main ou la possibilité d’avoir un avis externe auprès de structures de référence comme le centre antipoison sont souvent utiles voire déterminants. Devant la fréquente ignorance de la nature exacte du toxique et de la quantité réellement ingérée, les intoxications de l’enfant donnent lieu à des hospitalisations plus fréquentes que les autres accidents. Cependant, une observation de 6 à 12 heures est souvent suffisante pour décider des suites de la prise en charge. Un diagnostic de gravité peut être porté sur des éléments anamnestiques, en rapport avec le toxique et l’état de santé de base de l’intoxiqué, cliniques face à la présence de signes de défaillance neurologique ou cardio-respiratoire, ou paracliniques. En effet, à l’admission, chaque fois qu'un toxique est à même de perturber gravement le milieu intérieur, la mesure des effets biologiques du toxique est plus urgente et prime sur l'analyse toxicologique. Ainsi, les troubles occasionnés seront identifiés à temps et guideront les mesures de réanimation de base. Dans les situations peu évidentes, la recherche spécifique du toxique dans les milieux biologiques peut faire poser le diagnostic. Face à toute intoxication, le traitement symptomatique est obligatoire et prioritaire devant le traitement épurateur dont les indications sont de plus en plus restreintes et un traitement spécifique rarement possible. En effet, le lavage gastrique et le charbon activé à dose unique, qui étaient d’usage quasisystématique, sont rarement indiqués de nos jours. La meilleure mesure restera sans équivoque la prévention, qui a prouvé son efficacité à grande échelle. La fermeture des produits dangereux sous clé ou encore la promotion des bouchons résistants aux enfants et des emballages thermoformés sont des actions qui ont prouvé leur efficacité. La multiplication 155 des campagnes d’information et de sensibilisation face au danger méconnu de nombreux produits toxiques porteront leurs fruits à court et long termes. Un effort devra être consenti du côté de la législation et de son application. Les intoxications aiguës sont probablement plus morbides que ne le laissent paraître les statistiques nationales. Certes, leur grande majorité guérit sans séquelles, mais une partie d’entre elles aboutit à des séquelles ou au décès. Chez l’enfant, il existe des toxiques comme le glimépiride potentiellement mortels à faibles doses. D’autres comme le chardon à glu sont largement répandus et présentent un danger insoupçonné. Néanmoins, les intoxications de l’enfant demeurent de meilleur pronostic par rapport à celles de l’adulte en raison de leur caractère souvent accidentel. 156 RESUMES 157 Résumé Au Maroc, rares sont les travaux qui ont été consacrés aux intoxications aiguës de l’enfant. Notre étude est prospective, portant sur les cas d’intoxications aiguës des enfants et adolescents de moins de 15 ans, admis au Service de Pédiatrie ou au Service des Urgences Générales de l’Hôpital Al Ghassani du CHU Hassan II de Fès. De janvier à décembre 2008, nous avons retenu 41 cas. L’âge des patients à l’admission varie de 15 mois à 13 ans, avec une moyenne globale de 4,1 ans et une légère prédominance masculine (sex-ratio de 1,2). Près des 2/3 des patients (65,8 %) appartiennent à la catégorie d’âge de 1 – 4 ans, dite des « bébés marcheurs », avec un pic à 2 ans. Le nombre de cas est en décroissance constante à mesure que l’âge des patients progresse. 75 % des patients habitent dans un environnement urbain. 83 % sont de parents à revenus modestes à modérés. Dans l’ensemble, ils sont éduqués dans des familles stables, avec un climat éducatif et affectif acceptable. Deux d’entre eux se sont empoisonnés par des psychotropes prescrits à l’un de leurs parents. Les intoxications sont domestiques dans 95 % des cas. Hormis le cas de 2 fillettes (5 %) âgées de 10 et 13 ans ayant ingéré un toxique dans un but d’autolyse, le reste des malades (95 %) a été accidentellement exposé au toxique. Tous étaient à leur premier épisode d’intoxication, que le contexte soit accidentel ou intentionnel. Près de 1/3 des intoxications étaient collectives : ingestion de plantes, de médicaments et inhalation de monoxyde de carbone. Cette dernière survient essentiellement pendant les mois d’hiver. Le délai entre l’intoxication et la consultation au service des urgences ou au service de pédiatrie varie de 20 min à 27 heures, avec une moyenne de 3,1 heures. 158 159 Le toxique en cause est évident dans la quasi-totalité des cas, à l’exception d’un cas d’ingestion d’organophosphorés dont la preuve diagnostique a été fournie par la recherche toxicologique. La quantité reçue est assez précise dans les ingestions de comprimés médicamenteux, grossièrement estimée pour les liquides et non quantifiable dans les inhalations de monoxyde de carbone. Toutes les principales catégories de toxiques ont été retrouvées ; médicaments, produits ménagers et monoxyde de carbone représentent ¾ des intoxications aiguës. Vingt-quatre patients (58,5 %) sont symptomatiques avant l’admission. Le diagnostic de gravité a été porté chez 14 malades soit 34 % des cas. Le lavage gastrique a été réalisé chez 4 enfants et le charbon activé a été délivré à 2 autres. L’antidote le plus utilisé reste l’oxygénothérapie normobare ; atropine, pralidoxime (Contrathion®) et N-acétylcystéine (Exomuc®) ont été employés également. Les pesticides ont été les toxiques les plus morbides, tandis que le chardon à glu et le glimépiride (Amarel®) ont été mortels. Au final, 38 enfants (93 %) ont survécu sans séquelles, 1 enfant (2,5 %) a gardé une séquelle et 2 autres (5 %) sont décédés. 160 Abstract In Morocco, very few studies have been devoted to acute poisoning in children. Our study is prospective, involving cases of acute poisoning in children and adolescents under 15 years admitted to the Pediatric Department or to the General Emergencies Department at Al Ghassani Hospital in CHU Hassan II in Fez. From January to December 2009, we selected 41 cases. At the moment of the admission, age ranged from 15 months to 13 years, with an overall average of 4.1 years and a slight male predominance (sex ratio 1.2). About 2/3 of patients (65.8%) belong to the age group of 1 to 4 years, so-called "baby walkers, with a peak at 2 years. The number of cases is decreasing steadily as the age of the patient progresses. 75 % of patients live in an urban environment. 83 % have parents with low to moderate income. Overall, they are brought up in stable families, with acceptable educational and emotional climates. Two of them were poisoned by psychotropic drugs prescribed to one of their parents. The poisonings are domestic in 95% of cases. Except of 2 girls (5 %) aged 10 and 13 who ingested a toxic substance for the purpose of autolysis, the remaining patients (95 %) were accidentally exposed to toxic. For all it was the first episode of poisoning no matter the context is accidental or intentional. Nearly 1 / 3 of the poisonings were collective: ingestion of plants, medicines and inhalation of carbon monoxide. This occurs mainly during the winter months. The delay between intoxication and consultation in the Emergency or the Pediatric Department ranges from 20 minutes to 27 hours, with an average of 3.1 hours. The toxic is evident in almost all cases, except one case of ingestion of organophosphorus whose diagnostic evidence was provided by the Toxicology 161 Research. The amount received is accurate enough in the case of ingestion of drugs tablets, roughly estimated for liquids and not quantifiable for inhalation of carbon monoxide. All major categories of toxics have been found. Drugs, domestic products and carbon monoxide are behind ¾ of acute poisonings. Twenty-four patients (58.5 %) were symptomatic prior to admission. Severity was found in 14 patients (34 % of cases). Gastric lavage was performed in 4 children and activated charcoal has been gived to 2 others. The most used antidotes was normobaric oxygen. Atropine, pralidoxime (Contrathion®) and Nacetylcysteine (Exomuc®) were also employed. Pesticides have been the most morbid toxic, while Atractylis gummifera and glimepiride (Amarel®) have been fatal. Finally, 38 children (93%) survived without sequelae, 1 child (2.5%) kept a sequel and 2 others (5%) died. 162 163 BIBLIOGRAPHIE 164 [1] Krug E. Injury. A leading cause of the global burden of the disease. Organisation Mondiale de la Santé. Genève. 1999. Disponible sur internet au : www.who.int/violence_injury_prevention [2] Holder Y, Peden M, Krug E, et al. Lignes directrices pour la surveillance des traumatismes. Organisation Mondiale de la Santé. Genève. 2004. [3] Peden M, Oyegbite K, Ozane-Smith J, et al. Rapport mondial sur la prévention des traumatismes chez l’enfant. Editions de l’OMS. Genève. 2008. [4] Villa A, Cochet A, Guyodo G. Les intoxications signalées aux centres antipoison français en 2006. 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