Ar r ê t d e s t r A i t e m e n t s e n f i n d e v i e
« Il faut oser en parler aux malades »
Oncologue au Centre Léon Bérard à Lyon, le Dr Gisèle Chvetzoff a mené
une enquête sur une question à la fois douloureuse et délicate : l’arrêt des
traitements lorsque ceux-ci sont devenus impuissants et que la maladie
reste la plus forte. Pour cela, elle s’est entretenue avec des patients se
trouvant dans cette situation, ainsi qu’avec des oncologues et des membres
des Comités de patients. Nous l’avons interrogé sur ce travail à l’issue de la
présentation qu’elle a faite de ces observations lors de l’assembe plénière
de la Fédération des Comités de Patients en juin dernier.
Pourquoi avoir mené cette
série dentretiens ?
Dr Chvetzoff : j’ai réalicette
enquête dans le cadre d’une
thèse d’éthique. Je souhaitais
explorer les représentations
et les attentes à la fois des
patients et des médecins
sur cette question difficile.
Personnellement, je pense
que l’on tend à surtraiter les
patients qui sont en situation
la maladie l’emporte, et
que cela ne leur rend pas
nécessairement service.
D’une part, en raison de la
toxicité des médicaments
qui leur sont donnés. D’autre
part, cela ne les place
pas dans les meilleures
Ar r ê t d e s t r A i t e m e n t s
Une enquête sur les
représentations et les
attentes des patients et
des oncologues lorsque
les traitements deviennent
impuissants.
FCPrCC
Le bilan de dix ans de
progrès de la recherche.
Co n g r è s d e lA s C o
Le point sur les dernières
avancées thérapeutiques.
sommaire
Côté Patients
l’ ACtuAlité des Comités d e PAtients Pour l A reCherChe Clinique e n CAnCérologie
(suite en page 2)
sePtembre 2010
• Repères
Ar r ê t d e s t r A i t e m e n t s e n f i n d e v i e
conditions psychologiques pour
faire face. Par ailleurs, je ne pense
pas que les oncologues préfèrent
s’acharner à donner des traitements.
Mes collègues ne sont ni insensibles,
ni incompétents. Il me semble qu’ils
sont vraisemblablement en difficulté
par rapport à cette situation. Il existe
certainement des possibilités de les
aider et d’améliorer les pratiques. Mon
enquête, modeste au demeurant, vise
aussi à comprendre les préoccupations
des oncologues an d’identifier les
bons leviers susceptibles de favoriser
une meilleure approche de la situation
de l’arrêt des traitements.
Il ressort des entretiens que vous
avez conduits que la demande de
poursuite des traitements est
plus le fait des patients que des
oncologues.
Dr Chvetzoff : Qui ne demanderait
pas à continuer un traitement si cela
permet de rester en vie ? Mais c’est
une chose que le malade en fasse
la demande. C’en est une autre que
les médecins y pondent toujours
dans le même sens, en acceptant.
Je crois que c’est une façon d’éviter
une discussion difficile, pour le
patient comme pour l’oncologue. Je
ne suis pas certain qu’il faille éviter
les discussions difficiles. Certes, le
médecin ne doit pas aller au-delà de
ce que le patient peut entendre. Mais il
me semble qu’il ne faut pas considérer
a priori que le malade n’est pas en
mesure d’entendre.
D’après vous, les patients
disposent en eux des ressources
pour faire face ?
Dr Chvetzoff : Je pense que c’est le cas.
Comme lont montré plusieurs études,
le fait de délivrer une information
honnête et sincère constitue un
facteur d’espoir pour les malades.
Même lorsque les nouvelles ne sont pas
bonnes. Car le fait d’être honnête de la
part du médecin inscrit l’échange avec
le patient dans une relation humaine
vraie, ce qui est essentiel. Par ailleurs,
il faut certainement distinguer les
attentes et l’espoir. Ce sont deux
choses différentes. D’un côté, il y a
ce que l’on peut faire. De l’autre, il y
(suite de la page 1)
a lespoir, qui se situe dans
une dimension plus abstraite,
plus inaccessible. Il est tout à
fait normal d’avoir de l’espoir
même quand on ne peut plus
attendre un résultat objectif.
En d’autres termes, vous
invitez les oncologues à
parler avec leurs patients
de l’arrêt des traitements.
Dr Chvetzoff : Il ne faut bien
r pas s’attendre à ce que
l’annonce d’une mauvaise
nouvelle soit facile pour celui
qui la donne et agréable pour
celui qui la reçoit. Pour autant,
il ne faut pas renoncer à dire
au prétexte que ce serait trop
difficile pour le patient. Il y a trente
ans, on considérait que l’on ne pouvait
pas dire le diagnostic de cancer
parce que ce nétait pas supportable.
Aujourd’hui, le diagnostic est énoncé
et les gens le supportent. Par rapport
à l’art des traitements, c’est un peu
pareil. Bien entendu, dans un premier
« Au final, ce qui
compte, c’est de ne pas
abandonner le patient.
C’est ce que souhaitent
tous les malades. »
après l’arrêt des traitements. C’est
un vrai problème. Il faudrait que les
consultations soient poursuivies. Ce
nest pas parce qu’une consultation
ne se conclut pas par une prescription
qu’elle a été inutile pour le patient,
bien au contraire dans ce type de
situation.
Qu’est-ce qui vous a le plus étonné
au cours de vos entretiens ?
Dr Chvetzoff : Même si je m’y
attendais un peu, j’ai été surprise
par l’implication émotionnelle des
oncologues. Ils ne sont pas des
rocs pencs sur leurs données
statistiques. Le souhait de bien faire,
l’attachement pour les patients, la
peur de les blesser, tout cela est ts
présent chez eux.
Pour autant, est-ce un sujet dont
vos confrères parlent entre eux ?
Dr Chvetzoff : Non, ce n’est jamais
évoqué. Chacun se débrouille comme
il peut dans son coin. Cependant,
depuis environ deux ans, je constate
que cette question émerge dans les
congs médicaux. Plusieurs équipes
travaillent également à des projets
de recherche sur ce thème. On peut
donc espérer voir apparaître des
outils et des approches qui aideront
les oncologues et les patients. Même
si, au nal, la question de larrêt des
traitements restera avant tout une
affaire de cas particuliers, chaque
patient étant unique.
temps, beaucoup de patients ont une
réaction de colère ou de révolte. C’est
naturel. La question essentielle pour
les oncologues, c’est d’être en mesure
de recevoir ce type de réactions et
d’émotions, et de poursuivre malg
tout la relation. Car au nal, ce qui
compte, c’est de ne pas abandonner le
patient. C’est ce que tous les malades
disent : avant tout, ils ne veulent pas
être abandons.
Mais en pratique, après un arrêt de
traitement, est-ce que la relation
entre l’oncologue et le patient est
réellement poursuivie ?
Dr Chvetzoff : C’est variable selon les
structures. Il est évident que dans
certains centres, les patients ne
voient presque plus leur oncologue
FCPRCC
LNCC – Paris
Coordonnateur médical : Dr F. May-Levin / Logistique : M. Lanta
Etat des lieux : 30 patients
BECT – Paris
Coordonnateur médical : Dr J. Genève / Logistique : Mme C. Gamet
ARCAD – Paris
Coordonnateur : Mme M. de Bausset
Etat des lieux : soumission des protocoles pour relecture
Centre Léon Bérard – Lyon
Coordonnateurs : Mme Z. Abdelbost, Mme C. Baconnier
Etat des lieux : 2 patients, soumission des protocoles pour relecture
• Institut Bergonie – Bordeaux
Coordonnateur : Mme S. Louchet, Mme M. Birac
Etat des lieux : soumission des protocoles pour relecture
• Institut Paoli Calmettes – Marseille
Coordonnateur : Dr D. Genre
Etat des lieux : 2 patients, soumission des protocoles pour relecture
• Centre Oscar Lambret – Lille
Coordonnateurs : Mme S. Clisant, Mme Y. Vendel
Etat des lieux : soumission des protocoles pour relecture
• Centre Antoine Lacassagne – Nice
Coordonnateur : Mme C. Lovera
Etat des lieux : 1 patient
• Institut Jean Godinot – Rei ms
Coordonnateur : Mme M.-L. Manche-Thevenot
Etat des lieux : soumission des protocoles pour relecture
• Centre Val d’Aurelle-Paul Lamarque – Montpellier
Coordonnateurs : Dr J-P. Bleuze, Mme B. Pont
Etat des lieux : soumission des protocoles pour relecture
• Centre René Huguenin – Saint-Cloud
Coordonnateur : Dr E. Fourme
Etat des lieux : soumission des protocoles pour relecture
• Centre Alexis Vautrin – Nancy
Coordonnateur : Dr E. Luporsi
Etat des lieux : 2 patients, soumission des protocoles pour relecture
• Centre René Gauducheau – Nantes
Coordonnateur : Mme G. Perrocheau
Etat des lieux : 2 patients
• Centre Jean Perrin – Clermont-Ferrand
Coordonnateur : Mme G. Niezgodzki
Etat des lieux : 1 patient
• Institut Curie – Paris
Coordonnateurs : Dr S. Maral, Mme M. Le Begue
Etat des lieux : soumission des protocoles pour relecture
• Centre Georges-François Leclerc – Dijon
Coordonnateur : Mme S. Tiago
Etat des lieux : soumission des protocoles pour relecture
Lors de la dernière assemblée plénière de la Fédération des Comités de
Patients, qui s’est tenue à Paris le 22 juin dernier, le Pr Jacqueline Godet,
vice-présidente de la Ligue Nationale contre le Cancer, chargée de la
recherche, a brossé le panorama des progrès thérapeutiques réalisés au
cours des dix dernières anes. Ce fut l’occasion de constater à quel
point ces progs ont été importants pour le traitement des cancers et de
revenir sur toutes les pistes de recherche en cours d’exploration.
Dans un premier temps, le Pr Godet a rappelé ce constat publié dans un
rapport de l’Institut National du Cancer en avril 2010 : aujourd’hui, on
estime que 38 % des personnes atteintes d’un cancer pourront guérir de
leur maladie. Cette estimation statistique est à prendre avec précaution,
car la probabilité de guérison dépend notamment du type de cancer,
certain étant de nettement meilleur pronostic que d’autres. Néanmoins,
cela témoigne des progrès accomplis.
Ces progrès sont en partie liés à l’amélioration du dépistage des cancers.
Grâce aux campagnes d’information et au perfectionnement des outils
de diagnostic, la maladie est désormais identifiée plus souvent plus tôt.
Sachant que plus un cancer est pris en charge à un stade précoce et
meilleures sont les chances de succès thérapeutiques.
Les progs sont dus aussi à ce que le Pr Jacqueline Godet a qualifié de
« grands pas », à savoir les avancées de la génomique et la mise au point
de thérapies ciblées. Avec la génomique, c’est-dire le décryptage des
mécanismes des cancers par l’étude des gènes, il est aujourd’hui possible
de définir ce que l’on appelle des « signatures » ; celles-ci permettent,
dans un certain nombre de cas, de prévoir le risque d’évolution de la
maladie et d’adapter les traitements en conquence. Avec la génomique,
on s’oriente de plus en plus vers une individualisation de la prise en
charge thérapeutique.
le P A s e n A v A n t d e s t h é r A P i e s C i b l é e s
De leur côté, les thérapies ciblées sont utilisées pour détruire les
cellules cancéreuses gce à des molécules dirigées spécifiquement
contre certaines anomalies de ces cellules, sans atteindre les cellules
normales. Plusieurs types de « cibles » sont possibles. Il existe ainsi
des médicaments qui bloquent la proliration des cellules tumorales en
inhibant une enzyme favorisant leur multiplication. D’autres dicaments
sont des anticorps qui ciblent un récepteur spécifique à la surface des
cellules cancéreuses et empêchent celles-ci de recevoir des signaux
favorisant leur développement. Dautres encore empêchent la production
de nouveaux sanguins destinés à « alimenter » les cellules tumorales.
Contre différents types de cancers, les thérapies ciblées ont permis
d’obtenir des améliorations substantielles du pronostic pour les malades.
Ils ne sont toutefois pas dénués deffets indésirables plus ou moins
sérieux et peuvent perdre de leur efficacité au fil du temps en raison de la
survenue de mutations de résistance au sein des cellules tumorales.
La recherche sur les thérapies ciblées est particulièrement active et
nul doute que de nombreux nouveaux médicaments de ce type seront
mis à la disposition des oncologues et des malades dans les prochaines
années. Il est également probable que seront associés plusieurs de ces
thérapies an d’accroître leur efficacité. Dans le même temps, les travaux
de génomique et sur les marqueurs biologiques devraient contribuer à
poursuivre l’individualisation des traitements, an que, dans un avenir
que l’on souhaite le plus proche possible, chaque malade puisse recevoir
les médicaments qui lui sont le plus adaptés pour une efficacité la plus
optimale possible.
• Fédération des Comités de Patients
re C h e r C h e t h é r A p e u t i q u e
Une décennie de progrès
Réalisation : RCP Communication
• Actualité
Co n g r è s d e lAsCo 2010
Le point sur les dernières
avancées thérapeutiques
Le congrès annuel de l’ASCO (American Society of Clinical
Oncology) est sans conteste le plus important congrès médical
au monde consacré à la recherche sur les cancers. La dernière
édition de cette conférence sest tenue en juin dernier à Chicago.
Lors de l’assemblée pnière de la Fédération des Comités de
Patients, fin juin, le Dr Jean Genève (FNCLCC) a fait le point
sur plusieurs informations thérapeutiques importantes.
Une avancée importante pour le
traitement du mélanome
Les sultats d’un essai international
évaluant un nouveau dicament appelé
ipilimumab constituent le premier progs
important obtenu depuis longtemps pour
le traitement des mélanomes à un stade
avan. Lipilimumab est un anticorps
monoclonal dont l’action favorise
l’activi des défenses immunitaires
contre les cellules tumorales. Lessai
dont les sultats ont été présentés
au congs de l’ASCO a concer 676
patients atteints d’unlanome à un
stade avancé et pour lesquels un premier
traitement avait été inefficace. Dans cette
situation, les options thérapeutiques
étaient jusqu’à présent très limies.
Les patients ont reçu soit l’ipilimumab
seul, soit ce dernier associé à un vaccin
(appelé gp100), soit le vaccin seul.
Il a é observé une augmentation de la
due diane de survie (c’est-à-dire
le temps écoulé jusqu’au dés de 50 %
des patients) chez les participants qui
ont ru l’ipilimumab : 10,1 mois par
rapport à 6,4 mois chez ceux qui ont
reçu uniquement le vaccin. Après un an
de suivi, 45 % des patients ayant ru
l’anticorps monoclonal étaient toujours
vivants, ce qui était le cas de 25 % de
ceux trais uniquement avec le vaccin.
Le traitement par ipilimumab est ainsi
associé dans cet essai à une duction
de 34 % du risque de décès.
Ce nouveau dicament n’est pas nué
d’effets insirables. Ceux-ci peuvent
me être graves mais ils sont le plus
souvent réversibles avec une prise en
charge appropriée.
Avec cet essai, cest la premre fois
depuis plus de 30 ans qu’une amélioration
de la due de vie des personnes atteintes
d’un lanome à un stade avan est
observée.
Un nouveau traitement de référence
contre le cancer du pancréas
Un scma thérapeutique appe
folfirinox, associant quatre molécules,
a permis d’obtenir une augmentation du
taux de réponse et de la due de vie par
rapport au traitement standard chez des
patients atteints d’un cancer du pancas
avec des métastases. Réali en France
par la ration Nationale des Centres
de Lutte contre le Cancer (FNCLCC) et
la ration Fraaise de Chirurgie,
l’essai ACCORD 11/0402 a inclus 342
patients qui ont reçu soit le folfirinox soit
le traitement standard (la gemcitabine).
L’essai a été interrompu aps qu’une
analyse interdiaire ait mont une
nette supériori du premier par rapport
au second.
Ainsi, le taux de ponse partiel est de
31 % dans le groupe folfirinox par rapport
à 9,4 % dans le groupe gemcitabine.
De me, la due diane de survie
est respectivement de 11,1 mois par
rapport à 6,8 mois. Après un an de suivi,
48,4 % des patients ayant ru le schéma
folfirinox étaient toujours vivants en
comparaison de 20,6 % de ceux traités
par gemcitabine.
Toutefois, le traitement par folfirinox
s’avère entraîner davantage d’effets
insirables, parfois sévères, notamment
sur le plan hématologique et gastro-
intestinal. Il n’empêche que ce scma
thérapeutique constitue une avane
certaine et qu’il fait d’ores et figure
de nouveau traitement de rence pour
la prise en charge des patients présentant
un cancer du pancréas à un stade avan.
La FNCLCC a d’ores et dé prévu
d’évaluer le folfirinox pour le traitement
du cancer du pancas à un stade plus
précoce (traitement adjuvant).
En bref
Un gain du lai sans progression
dans le traitement du cancer de
l’ovaire à un stade avancé. Un essai
a montré qu’un traitement d’entretien
par l’anti-angiogénique vacizumab a
permis d’augmenter la due du temps
sans progression de 3,8 mois.
Un nouveau traitement de férence
dans le traitement du cancer de
la prostate localement avancé. La
privation androgénique (appelée
aussi « castration chimique ») assoce
à la radiotrapie permet d’améliorer
la survie globale par rapport au
traitement androgénique seul, sans
surcroît de toxicité.
Cancer du sein : int dune
radiothérapie ciblée. Une étude
internationale indique qu’une
radiotrapie ciblée alie pendant
l’intervention chirurgicale visant à
enlever la tumeur (radiotrapie
peroratoire) est toute aussi
efficace que la radiotrapie externe
classique, tout en exposant à moins
d’effets insirables et en étant moins
contraignante pour les patientes.
Cette lettre d’information est éditée par le BECT de la FNCLCC et la Ligue Nationale Contre
le Cancer pour rendre compte des activités de la Fédération des Comités de Patients pour la
Recherche Clinique en Cancérologie.
Site web : www.asco.org
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