• Repères
Ar r ê t d e s t r A i t e m e n t s e n f i n d e v i e
conditions psychologiques pour
faire face. Par ailleurs, je ne pense
pas que les oncologues préfèrent
s’acharner à donner des traitements.
Mes collègues ne sont ni insensibles,
ni incompétents. Il me semble qu’ils
sont vraisemblablement en difficulté
par rapport à cette situation. Il existe
certainement des possibilités de les
aider et d’améliorer les pratiques. Mon
enquête, modeste au demeurant, vise
aussi à comprendre les préoccupations
des oncologues afin d’identifier les
bons leviers susceptibles de favoriser
une meilleure approche de la situation
de l’arrêt des traitements.
Il ressort des entretiens que vous
avez conduits que la demande de
poursuite des traitements est
plus le fait des patients que des
oncologues.
Dr Chvetzoff : Qui ne demanderait
pas à continuer un traitement si cela
permet de rester en vie ? Mais c’est
une chose que le malade en fasse
la demande. C’en est une autre que
les médecins y répondent toujours
dans le même sens, en acceptant.
Je crois que c’est une façon d’éviter
une discussion difficile, pour le
patient comme pour l’oncologue. Je
ne suis pas certain qu’il faille éviter
les discussions difficiles. Certes, le
médecin ne doit pas aller au-delà de
ce que le patient peut entendre. Mais il
me semble qu’il ne faut pas considérer
a priori que le malade n’est pas en
mesure d’entendre.
D’après vous, les patients
disposent en eux des ressources
pour faire face ?
Dr Chvetzoff : Je pense que c’est le cas.
Comme l’ont montré plusieurs études,
le fait de délivrer une information
honnête et sincère constitue un
facteur d’espoir pour les malades.
Même lorsque les nouvelles ne sont pas
bonnes. Car le fait d’être honnête de la
part du médecin inscrit l’échange avec
le patient dans une relation humaine
vraie, ce qui est essentiel. Par ailleurs,
il faut certainement distinguer les
attentes et l’espoir. Ce sont deux
choses différentes. D’un côté, il y a
ce que l’on peut faire. De l’autre, il y
(suite de la page 1)
a l’espoir, qui se situe dans
une dimension plus abstraite,
plus inaccessible. Il est tout à
fait normal d’avoir de l’espoir
même quand on ne peut plus
attendre un résultat objectif.
En d’autres termes, vous
invitez les oncologues à
parler avec leurs patients
de l’arrêt des traitements.
Dr Chvetzoff : Il ne faut bien
sûr pas s’attendre à ce que
l’annonce d’une mauvaise
nouvelle soit facile pour celui
qui la donne et agréable pour
celui qui la reçoit. Pour autant,
il ne faut pas renoncer à dire
au prétexte que ce serait trop
difficile pour le patient. Il y a trente
ans, on considérait que l’on ne pouvait
pas dire le diagnostic de cancer
parce que ce n’était pas supportable.
Aujourd’hui, le diagnostic est énoncé
et les gens le supportent. Par rapport
à l’arrêt des traitements, c’est un peu
pareil. Bien entendu, dans un premier
« Au final, ce qui
compte, c’est de ne pas
abandonner le patient.
C’est ce que souhaitent
tous les malades. »
après l’arrêt des traitements. C’est
un vrai problème. Il faudrait que les
consultations soient poursuivies. Ce
n’est pas parce qu’une consultation
ne se conclut pas par une prescription
qu’elle a été inutile pour le patient,
bien au contraire dans ce type de
situation.
Qu’est-ce qui vous a le plus étonné
au cours de vos entretiens ?
Dr Chvetzoff : Même si je m’y
attendais un peu, j’ai été surprise
par l’implication émotionnelle des
oncologues. Ils ne sont pas des
rocs penchés sur leurs données
statistiques. Le souhait de bien faire,
l’attachement pour les patients, la
peur de les blesser, tout cela est très
présent chez eux.
Pour autant, est-ce un sujet dont
vos confrères parlent entre eux ?
Dr Chvetzoff : Non, ce n’est jamais
évoqué. Chacun se débrouille comme
il peut dans son coin. Cependant,
depuis environ deux ans, je constate
que cette question émerge dans les
congrès médicaux. Plusieurs équipes
travaillent également à des projets
de recherche sur ce thème. On peut
donc espérer voir apparaître des
outils et des approches qui aideront
les oncologues et les patients. Même
si, au final, la question de l’arrêt des
traitements restera avant tout une
affaire de cas particuliers, chaque
patient étant unique.
temps, beaucoup de patients ont une
réaction de colère ou de révolte. C’est
naturel. La question essentielle pour
les oncologues, c’est d’être en mesure
de recevoir ce type de réactions et
d’émotions, et de poursuivre malgré
tout la relation. Car au final, ce qui
compte, c’est de ne pas abandonner le
patient. C’est ce que tous les malades
disent : avant tout, ils ne veulent pas
être abandonnés.
Mais en pratique, après un arrêt de
traitement, est-ce que la relation
entre l’oncologue et le patient est
réellement poursuivie ?
Dr Chvetzoff : C’est variable selon les
structures. Il est évident que dans
certains centres, les patients ne
voient presque plus leur oncologue