Janvier-Février 2016 VOL 80 MCED www.mced.fr
MISE AU POINT
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teurs de transcription affectant la survie
des lymphocytes T). A partir d’une série
de 66 patients porteurs d’une maladie de
Cushing, suivis au moins 5 ans après leur
rémission, les auteurs ont noté l’appari-
tion d’une atteinte auto-immune princi-
palement cutanée chez 11 patients, ce qui
représente un sur-risque par rapport à la
population générale. Neuf cas cliniques
avaient déjà été rapportés dans la littéra-
ture sur ce sujet avec apparition de derma-
tite atopique, thyroïdite auto-immune, sar-
coïdose, lupus ou pemphigus auto-immun
[29]. Aucune mesure spécifique préven-
tive ne pouvant être prise, ces résultats
doivent uniquement faire penser aux dia-
gnostics auto-immuns en cas de survenue
de signes atypique après la rémission.
Conclusion : en pratique,
que proposer à un patient
en rémission d’un syndrome
de Cushing ?
La prise en charge du patient porteur
d’un hypercorticisme doit être multidis-
ciplinaire avant le traitement spécifique,
et une nouvelle évaluation des complica-
tions (et séquelles éventuelles) doit être
maintenue au cours du suivi. Il faut garder
à l’esprit que sur un ensemble de 5 larges
études portant sur au moins 300 patients
évalués par rapport à des témoins, la sur-
mortalité post- rémission est estimée à 1-4
fois en fonction de la durée de suivi et de
la période d’exposition à l’excès de gluco-
corticoïdes. Le risque tend à diminuer avec
la durée de suivi, mais n’est toujours pas
comparable aux témoins à 5 ans [4-7, 30].
Aucun consensus n’a été établi sur la
façon dont les patients porteurs d’hyper-
corticisme en rémission devaient être éva-
lués sur le plan des complications. Voici
quelques suggestions de surveillance :
• Sur le plan cardio-vasculaire et
métabolique, le patient en rémission
d’un hypercorticisme doit être considéré
comme à haut risque cardio-vasculaire, au
moins dans la première année suivant la
rémission. Chaque facteur de risque doit
être pris en charge au diagnostic, et une
réévaluation régulière doit avoir lieu au
cours de la première année, pour adapter
les traitements et déterminer le profil final
séquellaire. Une échographie cardiaque
doit être proposée dans le bilan de tout
patient avec hypercorticisme, et une nou-
velle échographie pourrait être effectuée
1 an après la rémission.
• Sur le plan osseux, une ostéodensi-
tométrie doit être effectuée dans le cadre
du bilan d’hypercorticisme. Compte tenu
de la lenteur de récupération de la den-
sité minérale osseuse, il n’est pas utile de
renouveler cet examen de façon rappro-
chée. Une nouvelle ostéodensitométrie
pourrait être proposée dans les 2 à 5 ans
après la rémission. Toutes les stratégies
pouvant permettre une récupération plus
rapide peuvent être envisagées, en com-
mençant par la plus simple, la supplémen-
tation en vitamine D.
• Sur le plan coagulopathie, un doppler
veineux des membres inférieurs doit être
effectué au diagnostic, et proposé dans les
suites de la prise en charge chirurgicale.
Le patient doit être informé des risques de
phlébite et des signes qui doivent l’ame-
ner à consulter rapidement. La question de
l’anticoagulation prophylactique n’est pas
tranchée à ce jour et doit se discuter au cas
par cas, que cela soit avant le traitement ou
dans ses suites. Certains auteurs recom-
mandent une anticoagulation prophylac-
tique dès le diagnostic. Pour le post-opé-
ratoire, en cas de prescription, une durée
minimale d’anticoagulation prophylac-
tique de 1-3 mois doit être observée.
• Enn, sur le plan cognitif, il semble
nécessaire de mettre en place un suivi neu-
rologique et neuropsychologique adapté
en cas de plaintes au diagnostic, mais sur-
tout au cours du suivi. La récupération est
lente. La réalisation systématique d’ima-
gerie cérébrale est discutable, du fait de
l’absence de thérapeutique spécifique (en
dehors de la prise en charge des facteurs
de risque cardio-vasculaires).
En résumé, l’endocrinologue est déjà
au centre de la prise en charge de l’hyper-
corticisme depuis le diagnostic jusqu’au
traitement ; il doit rester le chef d’or-
chestre orientant le patient vers les nom-
breuses disciplines auxquelles il devra
faire appel au cours du suivi pour dépis-
ter les séquelles de l’hypercorticisme. Si
l’on ajoute à toutes ces complications le
risque de récidive, il est absolument indis-
pensable que les patients pris en charge
pour un hypercorticisme soient suivis de
façon très prolongée après leur rémission.
Comme indiqué pour certaines compli-
cations, il est probable que certains pro-
fils génétiques rendent des patients plus à
risque de conserver des séquelles de l’hy-
percorticisme : on est cependant encore
loin de la médecine individualisée, et les
suggestions de surveillance proposées dans
le cadre de cette revue doivent s’appliquer
à tous les patients considérés comme « en
rémission » de leur hypercorticisme.
Frédéric Castinetti
Service d’endocrinologie et Centre de référence
DEFHY, Hôpital de la Conception, Marseille
Aix Marseille Université et Assistance Publique
Hôpitaux de Marseille, Faculté de médecine, Marseille
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