Élections en Palestine : des médias sociaux devenus terrain

Élections en Palestine : des
médias sociaux devenus
terrain d’affrontement
Asmaa al-Ghoul Les médias sociaux sont transformés en zone
de guerre électorale entre le Hamas et le Fatah.
Onze ans se sont écoulés depuis que les Palestiniens se sont
rendus dans les bureaux de vote, et il semble aujourd’hui que
l’empressement pour les élections locales prévues pour le 8
octobre a poussé de nombreux amateurs en politique à se lancer
dans des campagnes électorales précoces.
Ces élections sont différentes des dernières élections de
2006, car les médias sociaux sont aujourd’hui largement
utilisés pour une campagne qui commence tôt, et ces derniers
sont le miroir de l’état de polarisation entre le Hamas et le
Fatah.
Hashtags
Cela apparaît clairement à travers les messages des
utilisateurs des médias sociaux proches du Hamas, dans le
cadre de campagnes médiatiques sous des dénominations (ou
hashtags) allouées pour soutenir le mouvement #Ready et
#Before&After, ainsi que #GazaMoreBeautiful.
Ces hashtags ont également été utilisés par les partisans du
Fatah comme ceux du Hamas pour exprimer leurs propres
opinions.
Alors que les partisans du Hamas affichent de belles photos de
Gaza et des statistiques sur le nombre d’écoles et de projets
routiers qui ont été achevés sous le mandat du mouvement
islamique, leurs adversaires utilisent ces mêmes hashtags pour
parler de la détérioration de la situation dans la bande de
Gaza, de la propagation du chômage et de la pauvreté, et des
destructions qui ont eu lieu sous ce même mandat.
Peut-être cette campagne dans les médias sociaux est-elle
juste un test des outils les plus efficaces de la campagne
électorale et de leur impact sur les gens un prélude à ce
qui va se déployer dans les médias sociaux quand la campagne
électorale officielle aura débuté le 24 septembre.
Pourtant, la première campagne a suscité des réactions de
colère parmi les utilisateurs de médias sociaux, à propos de
photos montrant des citoyens portant des bannières avec le
hashtag en arabe « #Before&After » avec toute une série de
commentaires: « Nos enfants ont appris à danser, mais
maintenant ils apprennent à utiliser des armes » et « Nos
mosquées sont devenues plus belles et sont remplies de
croyants, » ainsi que : « Nous n’avons plus de discothèques,
de pubs et de centres d’attractions comme avant. »
Une vision déformée de Gaza ?
Le militant associatif Bisan Shehadeh a déclaré à Al-Monitor:
« Cette campagne est un retour de flamme. Les bannières
donnent l’impression que la société [à Gaza] était éthiquement
corrompue et que le Hamas l’a conduit sur la voie juste de la
religion, bien que la société à Gaza soit une société
historiquement conservatrice. » Shehadeh souligne que la
campagne est une insulte à l’intelligence des citoyens de la
Bande de Gaza.
Hani Habib, un analyste politique pour le journal Al-Ayyam, a
déclaré à Al-Monitor : « Le contenu de ce genre de campagne
lancée par le Hamas est indirectement une bonne publicité pour
le Fatah. Les partisans du Fatah ont répondu vivement aux
photos postées par les partisans du Hamas et ont commencé à
comparer ce qu’était Gaza sous le Fatah et ce qu’elle est
devenue sous le Hamas ».
Concernant la colère engendrée par la campagne #Before&After,
le porte-parole du Hamas Hazem Qasim a déclaré que son
mouvement n’avait rien à voir avec la campagne électorale
anticipée qui se déroule actuellement, en expliquant que ces
hashtags ont été lancées par des groupes de jeunes
enthousiastes.
Qasim a déclaré à Al-Monitor : « Cette campagne ne peut pas
être considérée comme une campagne électorale pour le Hamas,
parce que le mouvement est engagé vis-à-vis de la Charte
d’honneur signée par les organisations palestiniennes avec la
Commission électorale centrale, qui stipule que toutes les
organisations doivent se conformer à la limite de temps fixée
par la loi pour les campagnes électorales. Dans le cas où nous
aurions décidé de soutenir une liste de candidats, notre
campagne serait professionnelle et mettrait l’accent sur les
services qui sont spécifiques à la municipalité. Ce ne sont
pas des élections politiques ».
Pourtant, les médias affiliés au Hamas, comme Shehab News
Agency, al-Resalah.net et Felesteen Online, ont ouvertement
soutenu ces campagnes et hashtags. Ils affichaient même
quelques-uns de leurs messages sur leurs propres comptes de
médias sociaux. Les grandes bannières de la campagne qui se
répandent dans les rues soulèvent des questions sur les moyens
et l’influence des groupes de jeunes à l’origine de ces
campagnes.
Respecter ou non la loi
électorale
Sur un autre registre, Habib et Shehadeh ont souligné que la
publicité électorale en faveur du Hamas s’était intensifiée à
l’occasion des sermons dans les mosquées. Elle est bruyamment
diffusée dans les rues, surtout le vendredi, et parle de la
corruption sous le gouvernement du Fatah et des résultats
positifs obtenus sous l’administration du Hamas.
Habib a déclaré à Al-Monitor: « En 2006, le Hamas n’a pas
réussi à obtenir le soutien des mosquées comme aujourd’hui,
car il ne contrôlait pas les mosquées comme il le fait
maintenant, et ceci est la raison pour laquelle il est en
train de lancer une campagne de publicité religieuse dans ces
mêmes mosquées, tout en essayant de se concentrer dans les
médias sociaux sur ses réalisations militaires et ses efforts
de reconstruction ».
Qasim nous dit: » Chaque mot et déclaration d’un fan du Hamas
ne peuvent être considérés comme une position prise par le
mouvement lui-même. Nous avons décidé de ne pas utiliser ces
plates-formes religieuses dans notre campagne électorale. Nous
étions déterminés à ce sujet lors des élections législatives
de 2006, et les autorités [électorales] de surveillance
peuvent en témoigner. »
Cependant, un rapport publié en février 2016 par le Centre
palestinien pour les droits de l’homme (PCHR) a signalé des
dizaines de violations par le Hamas et le Fatah de l’article
64 de la loi électorale n°9 de 2005, qui préconise de ne pas
organiser de festivals électoraux et de ne pas tenir de
réunions électorales dans les mosquées et les églises.
Le rapport indique que les prédicateurs dans les mosquées ont
explicitement appelé à voter pour les candidats de la liste
« du changement et de la réforme » dans les circonscriptions
durant la campagne électorale de 2006. Il a également noté que
le Hamas a organisé une marche pour soutenir la liste du
Changement et de la réforme, à partir de deux mosquées dans la
ville de Gaza, et au cours de cette marche, les participants
portaient des banderoles et criaient des slogans. Le rapport
énumère les noms des mosquées et les types de violations.
Quelle efficacité ont ces
campagnes anticipées ?
Sur l’efficacité de la campagne électorale, Habib a expliqué :
« Je ne crois pas que la campagne électorale produise un
avantage ou un effet. Les électeurs ont déjà fait leur choix.
Ceux affiliés au Fatah vont voter pour le Fatah, tandis que
ceux affiliés au Hamas vont voter pour le Hamas ».
Une source proche du Hamas nous a dit de son côté, sous
couvert d’anonymat, que le Hamas ne va probablement pas nommer
de directeur de campagne à l’occasion des élections, car il ne
se présentera pas sous son propre nom, mais plutôt en
soutenant des listes de candidats précis.
« Le Hamas va choisir et soutenir les listes qui sont les plus
capables de servir notre peuple, loin des considérations
politiques, et il fera campagne pour ces listes », a déclaré
Qasim.
Lors des élections de 2006, le Hamas avait fait un travail de
terrain, en contact direct avec les électeurs et il avait
fourni d’importants services sociaux, ce qui s’était ensuite
reflété dans les sondages et les résultats.
Pourtant, les choses sont différentes aujourd’hui. Le Hamas a
géré la bande de Gaza pendant plus de 10 ans, sous un siège
permanent, un manque de liberté, des guerres répétées et une
détérioration de l’économie au point que la Banque mondiale a
déclaré dans un communiqué de presse en mai 2015, que
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