Infections urinaires chez la femme Blavier Frédéric, MD UZ Brussel, BELGIUM 25-03-2017 Plan 2 Définitions Anatomie-histologie Urine physiologique Incidence-prévalence des infections urinaires Facteurs favorisants vs de protection Germes responsables les plus fréquents Clinique Complication(s) Traitements-Prophylaxie Définitions - Anciennement: IU basse (la cystite) vs IU haute, maintenant : - Infection urinaire simple ou - Infection urinaire compliquée 3 Définitions - Cystite = inflammation/infection de la vessie - Pyélonephrite = inflammation/infection du ou des rein(s). En général un seul. Parfois abcès dans le rein. 4 Définitions - Infection urinaire simple: - Patient jeune (< 65 ans) sans facteur de risque ou agé (> 65 ans) sans comorbidité: cystite aiguë simple ou pyélonephrite aiguë simple. NB: comorbidité = maladie(s) associée(s) 5 Définitions - Infection urinaire compliquée: - 6 Anomalie organique ou fonctionnelle sous jacente et/ou comorbidité. Anatomie chez la Femme 7 Anatomie chez l’Homme 8 Anatomie de l’appareil urinaire 1 petit calice 2 grand calice 3 bassinet 4 uretère 5 vessie 6 urètre 9 Histologie (muqueuse) 10 Urine physiologique - Filtrat du sang - Rôle: éliminer des déchets du corps humains - Production journalière +/- 1,5 L/jour - Le besoin d’uriner commence à 200mL. A 400 mL ce besoin est impérieux. 11 Composition de l’urine o o o o o Eau 95% Urée (2%) < destruction des acides aminés Acide urique < destruction du DNA Créatinine < dégradation des muscles Sodium, Chlore, Potassium, … o MAIS: o Pas de sucre o Pas de sang (ni GR, ni GB) o Pas (peu) de protéine (mucoprotéines de TammHorsfall, dans la matrice de la plupart des cylindres urinaires, synthétisée et secrétée spécifiquement dans la branche ascendante large de l’anse de Henle et ajoutée à l’urine après la filtration glomérulaire) o Pas de bactérie (stérile) 12 Facteurs favorisants - Femmes > Hommes (urètre plus long et coudé + sécrétions prostatiques) 13 Facteurs favorisants - D’autant plus, Femme avec: - Grossesse Ménopause Relations sexuelles - Homme, fréquence augmente > 50 ans - Diabète, immunosupression - Malformation, sonde urinaire 14 titel 29-3-2017 Facteurs favorisants - Les urines sont un “bon” milieu de culture pour certaines bactéries, surtout venant de réservoire proche (intestin, vagin, peau) - Surtout si pH entre 6 et 7 (femmes enceintes). - La moyenne du pH des urines chez l’homme est de 5.59 et est de 5.71 chez la femme (non enceinte) 15 Facteurs favorisants Certaines bactéries avec: - Pouvoir de multiplication - Pouvoir de contamination et de dissémination: facteurs d’uropathogénicité - 16 “filaments” à la surface des bactéries (surtout E. coli) qui leur permettent de s’accrocher aux cellules de la paroi vésicale Adhésines Kau AL, Hunstad DA, Hultgren SJ. Review : Interaction of uropathogenic Escherichia coli with host uroepithelium. Curr Opin Microbiol. 2005 Feb; 8(1):54-9. Facteurs favorisants Selon les bactéries et le terrain, 2 modes de contamination : < 10% A. Voie Ascendante - À partir du réservoir digestif (E. coli, Enterococques) - Périnée (Staphylococques, candida) D. Voie Descendante (hématogène) - Staphylocoque, salmonella, candida 17 > 90% Facteurs de protection - Facteurs anatomiques, physicochimiques et mécaniques s’opposent à la colonisation - Facteurs tels que l’exfoliation cellulaire et l’inhibition de l’adhésion bactérienne s’opposent à l’invasion muqueuse 18 Facteurs de protection - Protection des reins: système anti-reflux 19 Facteurs favorisants Pourquoi est-ce plus fréquent chez la femme enceinte? - Facteurs mécaniques: utérus peut comprimer les uretères (hydronephrose), plus de reflux vésico-urétéral - Facteurs hormonaux: progesterone diminue le peristaltisme, les oestrogènes favorisent l’hyperhémie du trigone et de là, l’adhérence des germes - Facteurs chimiques: glycosurie, pH ↑ 20 Quels sont les bactéries? Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 25 avril 2012 21 titel 29-3-2017 Quel est l’incidence/prévalence des champignons? - - Présents chez 1 à 2% des patients ambulatoires dont la majorité était composée de diabétiques ou de personnes traitées par antibiotiques dans les jours précédents*. A l'opposé, l'incidence est 8 à 26,5% des infections urinaires liées à un cathéter ou à une sonde vésicale parmi les patients hospitalisés**, avec une prédominance pour les unités de soins intensifs***. Candida albicans : environ 50% des cas Candida glabrata : environ 15% des cas Plusieurs espèces de Candida : environ 10% des cas Candida ou/et associé à une ou des bactéries *Schoenbeck J., Einsehn S. : The occurence of yeast-like fungi in the urine under normal conditions and in various types of urinary pathology. Scand. J. Urol. Nephrol., 1972 ; 6 : 123-128. **Ang B.S., Telenti A., King B., Steckelberg J.M., Wilson W.R.: Candidemia from a urinary tract source: microbiological aspects and clinical significance. Clin. Infect. Dis., 1993 ; 17 : 662-666. Bouza E., San Juan R., Munoz P., Voss A., Kluytmans J., Co-operative Group of the European Study Group on Nosocomial Infections : A European perspective on nosocomial urinary tract infections I. Report on the microbiology workload, etiology and antimicrobial susceptibility (ESGNI-003 study). European Study Group on Nosocomial Infections. Clin. Microbiol. Infect., 2001 ; 7 : 523-531. Conference de consensus co-organisee par la Societede pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et l'Association française d'urologie (AFU) : Infections urinaires nosocomiales de l'adulte. Méd. Mal. Infect., 2003 ; 33 (S4) : 193-310. Dupont B. : Fongiuries. Pathogénie et conduite thérapeutique. Bull. Soc. Fr. Mycol. Med., 1986 ; 15 : 307-310. ***Lundstrom T., Sobel J. : Nosocomial candiduria: a review. Clin. Infect. Dis., 2001 ; 32 : 1602-1607. Rivett A.G., Perry J.A., Cohen J. : Urinary candidiasis : a prospective study in hospital patients. Urol. Res., 1986 ; 14 : 183-186. 22 Clinique - Cystite aiguë: - 23 Pollakiurie / imperiosité (“faux besoin”) Dysurie (brûlure à la miction) Parfois: hematurie (cystite hemorragique) Mais PAS de fièvre, PAS de douleur lombaire Clinique - Cystites récidivantes: - - 24 Réinfections successives (en général germes différents) > 4 x/an ou < 3 mois après la précédente Anomalie prédisposante ou comorbidité Entre 18 et 39 ans, risque de recurrence après 1er épisode = 25% ! Clinique - Pyélonéphrite aiguë: - - 25 Fièvre +++ Douleurs dorso-lombaires abdominales Parfois plaintes type “cystite” et/ou Clinique Bactériurie asymptomatique de la femme enceinte: - Fréquente Non traitée: risque de pyélonéphrite Associée à un risque d’accouchement prématuré Traitement nécessaire Prévention si récidive 26 Clinique - Comment dépister/faire le diagnostic? - - 27 Clinique: très variable Tigette urinaire (leucocyturie): peu de valeur Examen microscopique urinaire (pyurie?) avec culture: “gold standard”, résultat en 2-3 jours Échographie: pas pour un diagnostic mais pour la mise au point Clinique (dépistage) - Tigette (ou bandelette) urinaire - Test d’activité esterasique = leucocytes (=GB) Présence de nitrites: bactériurie Performance du test: VPN = 95%, VPP = 30% VPN: valeur predictive négative: quelle est la chance que la maladie soit absente si le test est négatif? VPP: valeur prédictive positive: quelle est la chance que la maladie soit effectivement présente si le test est positif? 28 Clinique (diagnostic) - Echantillon d’urine au microscope (examen direct): - 29 Présence de leucocytes (=GB) Présence de bactéries? Présence de GR? Clinique (diagnostic) - Culture: > 100000 col/mL Performance du test: VPN = 99%, VPP = 95% mais prend plusieurs jours (entre 24 et 72 heures) 30 titel 29-3-2017 Qui va traiter? - - 31 Médecin généraliste Gynécologue (souvent si grossesse) Urologue (si cystites récidivantes ou patients agés) Pharmaciens ? Traitement recommandé - Cystite: se traite par des antibiotiques PO - - 32 Différents schémas: - Une dose (Monuril) - 3 jours : Triméthoprime-sulfaméthoxazole - 5 jours : Cephalosporines ou Quinolones - 7 jours : Nitrofurantoin ou Amoxycilline +/- ac. clavulanique Pyélonephrite: antibiotique IV (hospitalisation) 2 à 10 jours + PO 10 jours-3 semaines (ambulatoire) Prophylaxie - “ = empêcher que cela n’arrive” Donc surtout en cas de cystites récidivantes ou chez les patients à risque. - Important, pourquoi ? - Problème de résistance aux antibiotiques 33 Pourcentages des résistances aux AB des germes les plus fréquents La tunisie Medicale - 2010 ; Vol 88 ( n°012 ) : 898 - 901 34 titel 29-3-2017 Sensibilité (%) aux AB de 3 entérobactéries les plus fréquentes http://www.urofrance.org/nc/science-et-recherche/base-bibliographique/article/html/infections-urinaires-bassesepidemiologie-bacterienne-et-recommandations.html 35 titel 29-3-2017 Prophylaxie -Boire +++… et vider sa vessie régulièrement -Correction (chirurgicale) anatomique (reflux) 36 d’une anomalie Prophylaxie Hygiène: nettoyage dans sens urètre -> vagin -> anus (et non l’inverse) 37 titel 29-3-2017 Prophylaxie - Substances protectrices : - - 38 Empêcher l’adhesion d’E. Coli dans le TD… (xyloglucane+gelatine) Acidifier les urines (hibiscus) Canneberge D-mannose Acide ascorbique (vit C), autres anti-oxydants Bromelain: enzyme de fruits, propriétés antibacteriennes et anti-inflammatoires Acupuncture Prophylaxie Canneberge La canneberge (Cranberry, qui appartient à la famille des myrtilles) contient une quantité importante de proanthocyanidines (PAC). Antioxydantes et anti-inflammatoires, les PACs empêcheraient les bactéries E. coli d’adhérer à la paroi de la vessie. 3 études* ont montré que boire régulièrement du jus de canneberge évitait des cystites. Cependant une étude “randomisée et en double-aveugle”, canneberge vs autre jus n’a pas montré de différence**. En revanche, après sondage, le jus de cranberry pourrait prévenir l’infection urinaire. Foxman B. et al. ont en effet publié en 2015 les résultats d’une étude randomisée contre placebo chez 160 femmes ayant eu une chirurgie gynécologique légère impliquant la pose d’une sonde urinaire***. Cochrane Review (2013): Pour le traitement des IU, il faudrait encore des essais, bien planifiés, en groupes parallèles et en double aveugle, comparant le jus de canneberges et d'autres produits à base de canneberges avec un placebo. *Jass J, Reid G. Effect of cranberry drink on bacterial adhesion in vitro and vaginal microbiota in healthy females. Can J Urol. 2009 Dec ;16(6):4901-7. Eells et al. (2011): Daily Cranberry prophylaxis to prevent recurrent urinary tract infections may be beneficial in some populations of women. Clin. Inf. Diseases 52(11): 1393-1394. Efros M. et al.: Novel concentrated cranberry liquid blend, UTI-STAT with Proantinox, might help prevent recurrent urinary tract infections in women. Urology. 2010; 76(4):841-5. **Juthani-Mehta M, Van Ness PH, Bianco L, et al. Effect of cranberry capsules on bacteriuria plus pyuria among older women in nursing homes : A randomized clinical trial. JAMA. 2016. ***Foxman B, Cronenwett AE, Spino C, et al. Cranberry juice capsules and urinary tract infection after surgery : results of a randomized trial. Am J Obstet Gynecol. 2015 Aug ;213(2):194.e1-8. doi : 10.1016/j.ajog.2015.04.003. Epub 2015 Apr 13. (Original) PMID : 25882919. 39 Prophylaxie D-mannose - 40 D-mannose = sucre simple absorbale mais non assimilable par l’organisme, et, fabriqué en petite quantité par notre corps et certains fruits. Donc, il peut être aussi donné aussi aux diabétiques. Prophylaxie D-mannose Les bactéries, comme l’E. coli, se fixent aux sucres présents physiologiquement sur la paroi de la muqueuse vésicale. Dans l’urine, les bactéries se lient au D-mannose (sucre) avant d’arriver contre la muqueuse et ne peuvent plus adhérer à la paroi. Elles sont donc éliminées dans l’urine avec une odeur parfois plus marquée. Cordeiro MA, Werle CH, Milanez GP, Yano T. Curli fimbria: an Escherichia coli adhesin associated with human cystitis. Braz J Microbiol. 2016 Apr-Jun;47(2):414-6. doi: 10.1016/j.bjm.2016.01.024. 41 titel 29-3-2017 Prophylaxie D-mannose Le D-mannose permettrait d’administrer moins d’antibiotiques et de réduire le risque d’apparition de résistances avec, jusqu’à présent, aucun effet secondaire décrit*. Le D-mannose et l’extrait de canneberge pourrait être une bonne combinaison selon 1 étude chez des femmes sujettes à des infections urinaires récidivantes**. *Kranjcec et al. (2014): D-Mannose powder for prophylaxis of recurrent urinary tract infections in women: a randomized clinical trial. World J. Urol. 32:79-84. Michaels EK, Chmiel JS, Plotkin BJ, Schaeffer AJ. Effect of D-mannose and D-glucose on Escherichia coli bacteriuria in rats. Urol Res. 1983;11:97–102. Wellens A, Garofalo C, Nguyen H, et al. Intervening with urinary tract infections using anti-adhesives based on the crystal structure of the FimH-oligomannose-3 complex. PLoS One. 2008;3:e2040. Felipe I, Bochio EE, Martins NB, Pacheco C. Inhibition of macrophage phagocytosis of Escherichia coli by mannose and mannan. Braz J Med Biol Res. 1991;24:919–924. van der Bosch JF, Verboom-Sohmer U, Postma P, et al. Mannose-sensitive and mannose-resistant adherence to human uroepithelial cells and urinary virulence of Escherichia coli. Infect Immun. 1980;29:226–233. **Vicariotto F. Effectiveness of an association of a cranberry dry extract, D-mannose, and the two microorganisms Lactobacillus plantarum LP01 and Lactobacillus paracasei LPC09 in women affected by cystitis: a pilot study. J Clin Gastroenterol. 2014 NovDec;48 Suppl 1:S96-101. doi: 10.1097/MCG.0000000000000224. 42 titel 29-3-2017 Traitement et prophylaxie D-mannose 43 2 études suggèrent le D-mannose sans association à des antibiotiques pour le traitement de infection urinaire basse non compliquée (cystite), en plus de l’effet prophylactique (moins de récidive que les cystites traitées par un antibiotique seul). Avant de généraliser ce traitement seul, les résultats prometteurs sont à vérifier sur de plus grandes cohortes et à inclure dans des protocoles (par exemple, indication précise et limitée au cystite simple avec instructions claires données à des patients qui comprennent et sont fiables et sans facteur de risque). Par contre, il semble évident qu’il convient de le proposer en association avec la prise d’antibiotique dans le traitement et en prophylaxie pour les infections urinaires récidivantes. Domenici L, Monti M, Bracchi C, Giorgini M, Colagiovanni V, Muzii L, Benedetti Panici P. D-mannose: a promising support for acute urinary tract infections in women. A pilot study. Eur Rev Med Pharmacol Sci. 2016 Jul;20(13):2920-5. Panchev P, Slavov Ch, Mladenov D, Georgiev M, Yanev K, Paskalev E, Simeonov P, Gerassi R, Bogov B, Saltirov I. [A multicenter comparative observation on the effectiveness and the rapidness of the effect of Cystostop Rapid versus antibiotic therapy in patients with uncomplicated cystitis]. Akush Ginekol (Sofiia). 2012;51(7):49-55. [Article in Bulgarian] titel 29-3-2017 Conclusions, que retenir? - Définitions: simple vs compliquée - Anatomie-histologie, en défaveur de la femme, surtout enceinte - Infection urinaire = fréquente - Facteurs favorisants vs de protection - Germes responsables les plus fréquents : E. coli, enterobactéries, Candida - Clinique: fièvre=pyélonéphrite=AB IV! - Traitements-Prophylaxie: guérir sans récidive et sans création de résistance 44 Merci 45