DAF/COMP(2012)13/REV1
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7. Ces mutations économiques se sont accompagnées d’une évolution de la théorie économique. À
l’aide d’outils et de concepts de la théorie des jeux, la théorie de l’économie industrielle a fait des progrès
considérables dans l’analyse du comportement des sociétés dans les marchés en concurrence imparfaite.
Elle a également mené analysé de manière plus approfondie le comportement concurrentiel des entreprises,
en tenant compte notamment des effets stratégiques et des réactions des rivaux. À partir du paradigme
SCP, la Harvard School était partie du principe que de nombreuses pratiques adoptées par des entreprises
dotées d’un pouvoir de marché étaient anticoncurrentielles. L’école de Chicago a quant à elle expliqué le
comportement des entreprises essentiellement par des considérations d’efficience. Contrastant avec ces
deux approches, la nouvelle théorie de l’économie industrielle reconnaît que la plupart des pratiques
commerciales se sont toujours accompagnées d’effets à la fois favorables et défavorables pour la
concurrence. Dans de nombreux cas, des considérations d’efficience permettent d’expliquer le comportement
observé, du moins en partie. Une autorité de la concurrence doit décider si, dans une affaire donnée, ce sont
les effets favorables ou défavorables priment. On accorde donc davantage d’importance aux effets
concurrentiels effectifs du comportement en question.
8. Parallèlement à cette évolution et aux progrès de l’analyse économique des effets des fusions et
du comportement des entreprises, de nouvelles technologies ont fait leur apparition et ont eu un impact
colossal sur les données disponibles, le traitement de ces données et les outils empiriques permettant de les
analyser. Les caisses à lecteur de code-barres des magasins fournissent quantité de données sur le
comportement des acheteurs, leur sensibilité aux prix et les comportements de substitution. Les progrès de
l’informatique ont permis de traiter toutes ces données. Ceci a permis d’affiner les méthodes
économétriques employées pour analyser les marchés et d’estimer les fonctions de la demande ainsi que
des systèmes de demande entiers.
9. Ces évolutions ont posé les jalons d’une approche tenant davantage compte des effets dans
l’application du droit de la concurrence, notamment dans le domaine du contrôle des fusions. Le test du
monopoleur hypothétique (TMH) a été intégré aux Lignes directrices américaines de 1982 pour calculer
des parts de marché révélatrices. Les Lignes directrices américaines de 1992 ont tenu compte des effets
unilatéraux. Il était en effet devenu évident que se fonder simplement sur les parts de marché et le degré de
concentration du marché, même si ces données provenaient du TMH, pouvait occulter de sérieux effets
anticoncurrentiels des fusions, notamment lorsque le marché était doté de produits différenciés. Les parts
de marché ne reflètent pas toujours justement le poids des effets unilatéraux sur la concurrence. Les Lignes
directrices américaines sur les fusions horizontales de 2010 ont cessé d’exiger que l’on procède avant tout à
une définition du marché lors de chaque analyse de fusion.
10. Les évolutions récentes, qui semblent minorer l’importance de la définition du marché, ont
entraîné diverses réactions. La première est l’adaptation de cette procédure aux conditions particulières de
certains types de marchés, comme les marchés à effets de réseau, les marchés d’enchères et fonctionnant
par appels d’offres et les marchés bifaces. La deuxième est la mise au point de nouveaux outils qui, dans
certaines conditions, sont liés à la définition du marché, mais permettent d’évaluer plus directement les
effets escomptés d’une fusion ou d’un autre comportement d’entreprise. Ces outils comptent, entre autres,
les indices de pression sur les prix (IPP), les réductions compensatoires du coût marginal, les simulations de
fusion et l’approche fondée sur les effets directs. En règle générale, on ne considère pas que ces concepts
puissent se substituer à la définition du marché, mais doivent être vus comme des substituts optionnels ou des
méthodes venant compléter cette procédure en fournissant des informations supplémentaires.
11. Ces réactions et les nouvelles approches récemment proposées ont posé la question de savoir
comment la politique et le droit de la concurrence devaient réagir. Les nouvelles lignes directrices
devraient-elles rester fidèles au principe selon lequel toute analyse de la concurrence commence par (ou à
tout le moins comprend) une définition du marché ou d’autres outils doivent-ils être autorisés à la place ou