Santé publique
2007,volume 19,n° 4,pp. 335-340
DOSSIER
ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE
Correspondance:F.Baudier
Éducation trapeutiquedupatient
etdisease management:
pour une 3 evoie « àlafrançaise » ?
Patienteducation and disease management:
apotentialthirdavenue,French-style?
FrançoisBaudier(1),GillesLeboube(2)
Ilyaun peuplus dedixans,nous étionsquelques-unsàpenserque le
développementde l’Éducation trapeutiquedupatient(ETP) était un enjeu
majeur pour améliorerl’offredesantédansnotre pays etlaqualitéde la
prise en charge despatients atteints de pathologieschroniques.C’est au
sein duComité françaisd’éducation pour lasanté (CFES, actuel Institut natio-
nalde prévention etd’éducation pour lasanté - INPES),que nous agissions
danscesensauprèsdesinstitutions,syndicats ou soctés savantesconcer-
s.Leséchosétaientpositifsmais une certaine prudence étaitaffichée pour
undomaine encore mal identifié entre « soins» et« prévention ».
Unrapport quidétonne
Aujourd’hui,le processus saccélère. Nous nous en réjouissons.
Successivementlesnouvellesorientationsde l’Assurance maladie en
lamatre (Convention d’objectif etde gestion signé avecl’Étaten 2006)[8],
lapublication (2007)duplan ministériel sur lesmaladieschroniques[11]et
lasortie prochaine duguidede la Hauteautoritédesanté etde l’INPES sur
le sujet, donnentprogressivement uncadreréférentiel etdedéveloppement
àl’ETP.
Pourtantdansce paysage trèsfrançais,le disease management(DM)afait
une entrée remarquée aucours de l’été2006.Elle s’est produitesuiteàla
publication dunrapport deIGAS [6].Comme souvent,lorsque l’on propose
desinnovationsinspiréesdespays anglo-saxons, cedocumentasuscitédes
positions très tranchéesentre, duncôté,laméfiance etle rejet,etde l’autre,
lafascination etl’adsion.
Et si laréponse étaitplus nuancée ?
Un intérêtparta
DM etETP ne recouvrentpasexactementlesmêmesconcepts d’inter-
vention etdeschampsdactivitésentrement superposables.Pourtant,il
apparaîtdesliensévidents entrecesdeux approches, cardanslesdeux cas,
l’objectif est daméliorerlaprise en charge desmaladieschroniques.
(1) Médecin etdirecteur.Union régionale descaissesdassurance maladie (URCAM)deFranche-Comté,1bis
rueDelavelle,25000 Besançon.
(2)Médecin. Direction régionale du service médical (DRSM)deBourgogne Franche-Comté.
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Lesprincipales scificitésde l’ETP sappliquentde lamême fon auDM
etpeuvent serésumerde lafon suivante:
LETP (etle DM)devient une prioritédansle contextede « latransition
épidémiologique » : de maladiesaiguësguérissablesdune durée limitée,
on est passéà desaffectionschroniquesplus longuesetqui peuvent
êtrestabilisées.Dece fait,l’ETP (etle DM) est une vraie nécessité pour
répondrede fon adéquateaux besoinsactuelsde lapopulation en
matredesoins.
LETP (etle DM)sesitueàlalisrededeux domaines:le curatif etle
préventif. Son développementest doncune perspective prometteuse
pour que lesdecinsgénéralistes s’investissentde fon plus forma-
lisée dans une démarche de prévention structurée.
LETP (etle DM) nécessiteune véritable « révolution culturelle » dansla
relation desoins:
•dupointdevuedu soignant, carelle le situedans une position de par-
tage deconnaissances, daccompagnementetdedélégation dune partie
desa démarche desoins;
•dupointdevuedupatient, carelle luidemanded’entrerdans un pro-
cessus actif qui nécessitedesapart un investissement, allantbien au-
delà durespectde lasimple injonction trapeutique etduconstatdune
observance plus oumoins suivie.
Une ETP (et unDM)de qualité ne peut se mettre en œuvre quedans un
cadretrèsprécis.Ilyalà comme ailleurs (en médecine), des recomman-
dationsdebonnespratiques(généralespour l’ensemble dece processus
trapeutique etplus scifiquesà chacune despathologiesconcer-
nées). Elles reposent sur son efficacitédémontrée pour plusieurs mala-
dieschroniques.Deux d’entre elles serventen généralde « modèle » :
l’asthme etle diabète. En effet,pour cesaffections,il ya desbénéfices
démontrésen termesderéduction de mortalité, de morbidité etdamé-
lioration de laqualitédevie [1,7,10].
Au total,l’ETP (etle DM)auntriple intérêt:
sanitaire,
auniveaude laqualitédevie :un patientéduqué, donc acteur et
responsable desasanté, améliore lamaîtrisedesamaladie en
développant sesproprescompétences,
–économique: de nombreusesétudesmontrentquedes réductionsde
coûts sontobtenues surtout grâceàla diminution deshospitalisations
[1,7,10].
Maisdesdifférencesliéesà deshistoires singulières
Pour l’Éducation trapeutiquedupatient
De nombreux decinsouautres soignants ontle sentimentderéinventer
àtravers l’éducation dupatient,une discipline debon sens,qu’ilspratiquent
depuis toujours [2].Pourtant, c’est aucours desannées80et90quece
domaine émerge réellementdans une forme plus conceptualisée. Ce
mouvement s’est faitàlafaveur du rapprochementdedeux champs
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d’intervention en santérelativementéloignés:le traitementdespathologies
chroniquesetl’éducation pour lasanté.
Pour le premier,il concerne principalementlaprise en charge dedeux
maladiesbien connues,l’asthme etle diabète. En effet,lespatients
concers vontêtre obligésdevivre pendant toute leur existenceavec ces
affectionsquitouchent souventdes sujets jeunes.Les scialistesdeces
deux pathologiesontdoncétérapidementconfrontésà despopulations
d’enfants pour lesquellesla démarche éducative est àlafois une nécessité,
maisaussiune opportunité, à unâge oùle cursus scolaire facilite
l’inscription desindividus concersdans une posturedapprenant.
Lautrechamp d’intervention est celuide l’éducation pour lasanté. Dans
lesannées80et90,il est l’objetde profondesévolutions structurelles,
conceptuellesetthodologiques.Une desconséquencesdeceschan-
gements serale rapprochementdedeux univers de professionnelsayantpeu
l’habitudederéfléchiretdetravaillerensemble,laprévention etle soin. En
effet, commentintéresserles soignants àune approche desantésouvent très
collective oùlesenjeux débordentlargementle champ médical ?
L’éducation dupatienta doncétéune opportunité pour fairetravailler
ensemble leshommesetlesinstitutions, afin detracerde nouvelles voies
d’intervention en santé. LeComité françaisd’éducation pour lasanté – CFES
(B.Sandrin Berthon),la Direction générale de lasanté (sous l’impulsion de
Joël Ménard) maisaussideséquipesfrancophonespionnièresà Paris(J.-F.
dIvernoisetR.Gagnayre), Genève (J.-Ph. Assal), Louvain (A.Deccache)… ont
permisde fédérerdesdynamiques, derapprocherles structuresetles
individus.Parailleurs unséminaire (Mialaret)[13], uncolloque (àl’Hôpital
GeorgesPompidou)[9]et une production de l’OMS [12]ontjouéunrôle
fondateur danscettedémarche innovante.
Lechamp ciblé parl’ETP est donc celuiretenuparl’OMS en 1998 :
«Léducation trapeutiqueapour objectif de formerle malade pour qu’il
puisseacquérir unsavoirfaireadéquat, afin darriveràun équilibre entresa
vie etle contrôle optimal de samaladie. Léducation trapeutique du
patientest un processus continuqui faitpartie intégrante des soins
médicaux.Léducation trapeutique dupatientcomprend lasensibilisation,
linformation,lapprentissage,le support psychosocial,tous liésàla
maladie etau traitement.La formation doitaussi permettreaumalade et
àsafamille de mieux collaboreravecles soignants ».
(OMS, traduction duProfesseur JP Assal – janvier1999) [12].
Pour le disease management
Lerécent rapport de l’IGAS reprendl’histoireduDM [6].Elle est
sensiblementdifférentedecelle de l’ETP.En effet,si lespremièresinitiatives
danscedomaine sesituentàlamême période (années90), dansle casdu
DM, cesontlesentreprisespharmaceutiquesquisontàl’origine deces
programmes, avecle soucidaméliorerla compliancedespatients aux
traitements dicamenteux.Parlasuite, de nombreuses soctésaux USA
ontconstruitdesprogrammesetproposéune offredeservice en DM aux
assureurs, créantainsiune nouvelle discipline et un nouveautier.
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Dansle même rapport,lesauteurs précisentl’objetduDM.Ilserésume de
lamanièresuivante:
«LeDM a pour objectif principal de favoriser une meilleure prise en charge
parlesmaladeseux-mêmesde leur pathologie. Il développe une démarche
d'éducation trapeutiquevisantà améliorerlesconnaissancesetlescom-
tencesdespatients.Ilviseaussi,en soutenantleur motivation (coaching)
à aiderlespatients à adopterdescomportements adaptés soiten termes
d'observance des traitements,soiten termesde style de vie (diététique,
exercice physique,tabagisme...). Lesprogrammes visentégalementàfavo-
riserla coordination des soins(aide àl'orientation dupatient,préparation
desconsultations,planification des soins). Enfin,danscertainscasetpour
certainspatients, à travers desdispositifsde monitoring àdomicile,le DM
intervientcomme unsystème d'alerte ».
Parailleurs,la définition de l’Association aricaine dudisease
management(DMAA) est particulièrementexplicite (citée dans[6]):
«LeDM est unsystème coordonné dinterventionsen matre de soins,
dirigé vers despopulationspour lesquelleslesefforts despatients eux-
mêmesont un impact significatif.Ledomaine desmaladieschroniquesest
pour celaunchamp privilégié.
LeDM :
soutientlarelation médecin-patientdansle cadre d’un plan de soins;
seconcentresur laprévention descomplicationsen utilisantdes
recommandations scientifiquementfondéesetdes stratégies visanta
accrtre lescapacitésdespatients ase prendre en charge (ETP et
coaching) ;
–évalueses résultats dansle but daméliorerlasanté despatients ».
Deux approchesconvergentesau sein dun nouveaumodèle
français
Cesquelques rappelshistoriquesetdéfinitionsmontrentbien que l’ETP et
DM ontdesorigines trèsdifférentes:
–pour lapremière (ETP),elle est le fruitde larencontrede l’éducation
pour lasanté etdu soin dans uncontextede prise en charge
relativement traditionnel (en dehors ducadrescifiquedes réseaux)
[3];
–pour laseconde (DM),elle s’est centrée sur l’efficiencede laprise en
charge desmaladeschroniquesdans uncadrebudtairecontraintet
avecl’objectif detoucherle plus grandnombre possible de patients.
Danslaperspectivedune 3 evoie « àlafrançaise »,quatre éléments
doiventêtre prisen compte:
1. l’objectif commun (àl’ETP etauDM) est daméliorerlaprise en charge
despatients atteints de maladieschroniques;
2.laréforme de l’Assurance maladie fournitdesleviers essentielspour
agir:decin traitant, accordsetcontrats conventionnels;
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3.lesacquisdudéveloppementactuel de l’ETP en France (relativement
naissantet souventlimitéaumonde hospitalieretaux réseaux desanté)
commencentpourtantà donner toutesalégitimité et sespremiers
résultats probants à cedomaine d’intervention ;
4. lesperspectiveset techniquesd’intervention identifiéesdansle cadre le
DM (difficilementapplicables tellesquellesdansnotre pays) proposent
desthodesefficientespour rejoindreune population importantede
malades– plusieurs millions.
Aprèsavoirétudié le DM dansplusieurs pays, dontprincipalementlesUSA,
la Grande-Bretagne etl’Allemagne,le rapport de l’IGAS propose les
recommandations suivantes:
–le modèle misen œuvreaux USA (même s’il n’est pas unique) semble le
plus prometteur ;
danscedispositif,le rôle desinfirmièresetdu suivi par téléphone sont
deux éléments clefs ; pour êtreappliquésouadaptésen France,une
évolution très significativedesmentalitésde lapart desprofessionnels
desanté etdespatients seracessaire.
Enrevanche, danscerapport, deux dimensions sont relativementpeu
prisesen compte, alors qu’ellespourraientêtredesfacteurs deréussite
essentielspour une 3 evoie « àlafrançaise » :
–laplacedudecin traitant:il doitêtre non seulementle déclencheur
duprocessus de prise en charge maisaussicelui qui établit un lien
trapeutique fort pour la continuitéduprocessus desoin ;c’est à cette
condition qu’il pourra accepteren touteconfiance (avecson patient),
l’intervention dunautre professionnel desanté (en l’occurrenceune
infirmière) ;
–l’existencedune offredaval en éducation trapeutiquedupatient:
elle doitêtreconsolidée etactivée en relaisavecle médecin traitantet/
oude la démarche deDM.
Au total,il nous semble qu’il n’yapasd’incompatibilité majeure entreces
deux démarches,sous réserve qu’elles soientdéveloppéesdans unsoucide
complémentaritéréciproque. On peut même penserque l’amélioration
équitable de laprise en charge de millionsde patients atteints de maladies
chroniquespasse parce processus partagé.
Comme nous le souhaitionsil yaquelquesannées,plusieurs initiativesou
dispositifsdevraientdonner rapidement une place effectiveà cettedémarche
nouvelle desoinsdansnotre pays.Troisnous paraissentdevoirêtre
relevées:
–lamise en placedune exrimentation àgrande échelle parl’Assurance
maladie dun programme daccompagnementdespatients diabétiques
[5];
–lesdynamiques régionalesfavorisant undéveloppement structuréde
l’ETP à travers lesPlans régionaux desanté publique,lesSchémas
régionaux d’organisation des soinsde3 egénération etlesProgrammes
régionaux communsde l’Assurance maladie (voirdansce même nuro
l’article pp. 303-311) ;
–les recommandations récentesouàvenirde la Hauteautoritédesanté.
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