2013 VOLUME 2, NUMÉRO 1 Les troubles de l’humeur et de l’anxiété Conférences scientifiques MD CURRENT CLINICAL TOPICS FROM LEADING RA SPECIALISTS ACROSS CANADA AND AROUND THE UNE DEAL’ASSOCIATION ANXIEUX W ORESSOURCE R L D I N VÉDUCATIVE I T E D B Y POUR T H ELES R EMÉDECINS BECCA M C D O N A L D CANADIENNE C E N T R E F POUR O R ALER TRAITEMENT T H R I T I S ADES N DTROUBLES AUTOIM M U N EETDDE I S L’HUMEUR EASE Mise à jour 2013 des lignes directrices du CANMAT sur la prise en charge des patients atteints d’un trouble bipolaire Association Canadienne pour le Traitement des Troubles Anxieux et de l’Humeur Par : Sagar V. Parikh, M.D., FRCPC, et Benjamin Goldstein, M.D., Ph.D., FRCPC Membres exécutifs du Conseil consultatif du CANMAT Les troubles bipolaires (TB) font partie des affections que les cliniciens ont le plus de difficultés à traiter, un défi que le CANMAT a tenté de relever par la publication de lignes directrices sur le traitement des TB en 1997, 2005, 2007, 2009 et actuellement par une mise à jour 2013. Les lignes directrices initiales ont été élaborées selon une méthodologie classique, notamment l’évaluation des données sur la base de critères normalisés, ainsi que des recommandations cliniques incorporant une évaluation des éléments de preuve avec un consensus clinique sur la faisabilité de la recommandation basée sur la tolérabilité et l’innocuité. L’article complet comprend 8 sections portant sur toutes les phases des TB et sur d’autres thèmes clés. Dans ce numéro de Les troubles de l’humeur et de l’anxiété – Conférences scientifiques, nous soulignons les éléments les plus importants inclus dans la mise à jour de 2013 en mettant l’accent sur les modifications effectuées. L’article principal de 2005 et la mise à jour de 2013, tous deux publiés dans la revue Bipolar Disorders, comprennent des informations plus complètes et plus détaillées. Sagar V. Parikh, M.D., FRCPC Président chargé de l’éducation, Toronto Rédacteur, Troubles de l’humeur et de l’anxiété – Conférences scientifiques [email protected] Introduction – Nouvelles données sur l’épidémiologie et les caractéristiques cliniques Les trouble bipolaires (TB), incluant un spectre de sous-types, touchent jusqu’à 4 % de la population générale1,2. Une étude de 61 392 individus provenant de 3 continents confirme largement les constatations initiales, révélant des taux au cours de la vie de 0,6 % pour le trouble bipolaire I (BP-I)a, de 0,4 % pour le TB-IIa et de 1,4 % pour le TB infraliminaire3. Schaffer et ses collaborateurs4 ont calculé un taux de prévalence pondéré au cours de la vie de 2,2 % chez les Canadiens, et des taux réduits de prévalence et de traitement dans des populations d’immigrants. Bulloch et ses collaborateurs5 ont estimé que de 0,4 à 1,2 % de la population Canadienne était traité par des psychiatres pour un TB-I. Dans l’ensemble, ces observations suggèrent que d’importants progrès dans le diagnostic et le traitement des TB ont été effectués au Canada. Les données démographiques et les caractéristiques cliniques significatives associées au diagnostic de TB incluaient le jeune âge, un faible revenu, un diagnostic de trouble anxieux et l’abus de substances au cours des 12 mois précédents. L’âge moyen d’apparition chez les patients canadiens atteints d’un TB était de 22,5 ans4 et dans l’étude américaine NCS-R (National Comorbidity Survey Replication)1, l’âge moyen lors du premier épisode maniaque/hypomaniaque ou du premier épisode dépressif majeur était de seulement 18,2 ans pour le TB-I. Perlis et ses collaborateurs6 ont constaté que chez 65,3 % des sujets (N = 983) recrutés dans le Systematic Treatment Enhancement Program for Bipolar Disorder du National Institute of Mental Health, le TB est survenu avant l’âge de 19 ans et chez 27,7 % avant l’âge de 13 ans. Kroon et ses collaborateurs7 ont identifié 2 pics d’âge d’apparition : 15 à 24 ans et 45 à 54 ans. Des antécédents parentaux de dépression majeure, de TB ou de schizophrénie peuvent réduire l’âge du premier épisode de 4 à 5 ans comparativement aux individus qui n’ont pas de tels antécédents familiaux8. Le taux d’affections médicales et psychiatriques concomitantes parmi les patients atteints de TB est très élevé9. Les problèmes métaboliques et les troubles anxieux comptent parmi les plus courants et nécessitent des stratégies thérapeutiques additionnelles, qui ont été décrites dans une série de rapports de groupes de travail du Réseau canadien pour le traitement des troubles affectifs et de l’humeur (CANMAT)10-12. Le TB est généralement un trouble qui dure toute la vie, caractérisé par un cycle de rémissions et de rechutes. Il altère significativement de nombreux domaines fonctionnels, tels que les tâches quotidiennes, les activités professionnelles et les activités sociales et de loisirs. Deux études récentes – EMBLEM13 en Europe et UNITE14, une enquête internationale réalisée auprès de patients – soulignent les taux élevés d’incapacité au travail, une majorité d’entre eux n’étant pas capables de conserver un emploi à plein temps. À la lumière de ces difficultés, il n’est peut-être pas surprenant qu’une méta-analyse de 19 comparaisons intergroupes (N = 1838) réalisée par Nilsson et ses collaborateurs15 ait montré que l’estime de soi chez ces patients est faible, même pendant les rémissions, ce qui indique une cible spécifique en psychothérapie. De plus, les patients a Voir la sous-section sur la classification sous le titre Fondements du traitement pour les définitions du TB-I et du TB-II . Disponible sur Internet à www.humeuretanxieteconferences.ca Raymond W. Lam, M.D., FRCPC Président exécutif, Vancouver Sidney H. Kennedy, M.D., FRCPC Président du groupe chargé de la dépression, Toronto Lakshmi N. Yatham, MBBS, FRCPC, MRCPsych (R.-U.) – Président chargé des troubles bipolaires, Vancouver Jitender Sareen, M.D., FRCPC Président du groupe chargé de l’anxiété, Winnipeg Roger S. McIntyre, M.D., FRCPC Président – Développement commercial et de la recherche, Toronto Roumen Milev, M.D. Ph.D., FRCPsych, FRCPC Président – Conférences internationales, Kingston Membres du Conseil d’administration du CANMAT Serge Beaulieu, M.D., Ph.D., FRCPC Montréal Glenda MacQueen, M.D. Ph.D., FRCPC Calgary Diane McIntosh, M.D., FRCPC Vancouver Arun V. Ravindran, M.B., Ph.D., FRCPC Toronto Association Canadienne pour le Traitement des Troubles Anxieux et de l’Humeur Bureau de l’éducation Salle 9M-329, Toronto Western Hospital 399, rue Bathurst (Toronto) Ontario CANADA M5T 2S8 Le CANMAT – ou Association Canadienne pour le Traitement des Troubles Anxieux et de l’Humeur – est un organisme de recherche indépendant dont les membres sont issus de plusieurs universités canadiennes. L’objectif final du CANMAT est d’améliorer la qualité de vie des personnes souffrant de troubles de l’humeur et de l’anxiété, par des projets et des registres de recherches novatrices, le développement de programmes d’éducation fondés sur des données probantes et les meilleures pratiques et l’élaboration de lignes directrices/politiques. atteints de TB présentent un risque notablement élevé de suicide16-20. Une méta-analyse de 15 études réalisée par Novick et ses collaborateurs16 a révélé des taux de prévalence de tentatives de suicide de 36,3 % dans le TB-I et de 32,4 % dans le TB-II. Tous ces facteurs soulignent la complexité et la chronicité des TB, d’où la nécessité d’établir un modèle systématique de prise en charge de ces maladies chroniques qui serait appliqué par une équipe médicale multidisciplinaire. Toutes les versions des lignes directrices du CANMAT, incluant la mise à jour de 201321, ont souligné la nécessité d’un traitement coordonné et multimodal, en mettant l’accent sur ses fondements, comme conditions essentielles du succès du traitement de toutes les phases du TB. Fondements du traitement Classification et diagnostic Les TB sont divisés en 3 catégories22,23. Le TB-I est caractérisé par la présence d’au moins un épisode maniaque complet, avec ou sans dépression (bien que la plupart des personnes atteintes de TB-I souffrent de dépression). En revanche, le TB-II est caractérisé par un tableau clinique regroupant des symptômes primaires de dépression récurrente accompagnés d’épisodes hypomaniaques. Enfin, les troubles bipolaires non classés ailleurs, appelés antérieurement TB non spécifiés (NS), comprennent les troubles accompagnés de symptômes maniaques/hypomaniaques qui ne répondent pas aux critères utilisés pour les sous-types définis de TB, tels que l’élévation de l’humeur mais où les symptômes sont trop peu nombreux ou une durée trop courte de l’hypomanie. Dans tous les cas, pour être considérés comme associés à un TB, ces tableaux cliniques doivent être exclusivement dus à l’utilisation d’une substance, à une affection médicale ou à un trouble psychiatrique concomitant. Le nouveau Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5e édition (DSM-5) comprend des sections séparées sur les TB et les affections associées, et les troubles dépressifs22,24. Le Critère A relatif aux épisodes maniaques et hypomaniaques a été modifié de façon importante, car il met désormais l’accent sur les modifications du niveau d’activités/d’énergie et non pas uniquement sur les variations de l’humeur. De plus, la catégorie « épisode mixte » considérée comme une entité indépendante dans le DSM-IV a été éliminée. Désormais, les épisodes sont caractérisés comme maniaques, hypomaniaques ou dépressifs, avec l’ajout de la spécification « avec des caractéristiques mixtes » en présence de symptômes significatifs du pôle opposé. Une spécification additionnelle permet également l’évaluation des symptômes d’anxiété concomitants. Le respect des lignes directrices existantes, afin d’assurer l’identification exacte et le diagnostic différentiel des TB, plutôt que l’utilisation de moyens heuristiques, est une méthode efficace pour éviter un diagnostic erroné25-27. Les observations de la famille, des aidants et/ou des amis fournissent généralement des informations complémentaires ou confirmant le diagnostic. De plus, les entrevues diagnostiques manualisées, telles que l’entrevue clinique structurée pour le DSM-IV (ECS)28 et le Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia (SADS)29 ainsi que les tests de dépistage tels que le General Behavior Inventory30 ou le Questionnaire sur les troubles de l’humeur (MDQ)31, sont des instruments importants pour une évaluation complète. Le journal personnel des patients est également utile comme moyen de recueillir des informations diagnostiques. Un facteur de nuisance clé est la prévalence élevée d’autres troubles médicaux et psychiatriques, qui sont soit la cause sous-jacente des symptômes de type bipolaire soit des comorbidités accompagnant les TB. Les troubles de l’anxiété, de la personnalité et de l’utilisation de substances sont les affections psychiatriques comorbides les plus courantes, qui peuvent simuler les symptômes des TB. Le chevauchement des symptômes entraîne souvent un diagnostic erroné32-34. Par exemple, les changements au niveau de l’énergie, du sommeil et/ou de l’irritabilité sont des caractéristiques d’une variété de troubles autres que les TB, ce qui souligne l’importance d’un diagnostic différentiel minutieux. Traitement aigu de la manie bipolaire Les épisodes de manie et d’hypomanie sont les manifestations typiques des TB. L’interprétation des états typiques d’agitation dans les épisodes maniaques aigus est un défi sur le plan diagnostique et thérapeutique. La manie peut être pure ou mixte, c’est-à-dire accompagnée de symptômes dépressifs intercurrents24. Le patient peut présenter ou non des symptômes psychotiques (p. ex. les hallucinations ou les idées erronées). Il peut également avoir des antécédents de cycles rapides. Un tableau clinique d’agitation et/ou d’agression nécessite une évaluation initiale et un traitement urgents. L’algorithme de traitement élaboré par le CANMAT pour la manie aiguë est illustré à la figure 121. La pharmacothérapie pour la manie aiguë est appuyée par plusieurs méta-analyses35-37. Les options de monothérapie de première ligne demeurent les stabilisateurs de l’humeur comme le lithium et le divalproex, et les antipsychotiques atypiques comme la rispéridone, l’olanzapine, la quétiapine à libération standard ou prolongée (LS, LP), la ziprasidone et l’aripiprazole. La mise à jour de 2013 a ajouté le divalproex LP, l’asénapine et la palipéridone LP comme autres agents de première ligne recommandés. Certaines caractéristiques cliniques peuvent orienter les choix de médicaments chez un patient donné. Par exemple, le lithium peut être plus efficace dans les cas de manie euphorique classique, alors que dans les cas d’épisodes mixtes ou d’antécédents de cycles rapides, le divalproex peut être plus favorable. Les antipsychotiques atypiques peuvent être plus efficaces dans la manie mixte et sont particulièrement préférés en présence d’agitation ou de psychose. La combinaison d’un stabilisateur d’humeur et d’un antipsychotique atypique, qui a été plus rapidement efficace et a produit des taux de réponses de 20 % plus élevés qu’un stabilisateur de l’humeur seul38, est encore utilisé comme traitement de première ligne. L’asénapine a été ajoutée aux combinaisons d’antipsychotiques atypiques à la suite de la publication des résultats d’une étude de prolongation de 40 semaines faisant suite à un essai randomisé et contrôlé (ERC) démontrant une amélioration significative des symptômes de manie comparativement à un placebo chez des patients recevant du lithium/divalproex39. L’absence de réponse à un essai de 2 semaines avec les agents ci-dessus devrait inciter à passer à un autre médicament de première ligne ou à ajouter un deuxième médicament de première ligne. On devrait faire l’essai de plusieurs options de première ligne avant de passer à un médicament de deuxième ligne. L’utilisation du clonazépam en concomitance est également fréquemment utile. Dans la mise à jour de 2013, l’halopéridol a été ajouté aux options antérieures de monothérapie de deuxième ligne – la carbamazépine (standard et LP) et thérapie électroconvulsive (TEC). L’halopéridol est utilisé désormais non plus en traitement de troisième ligne mais en traitement de deuxième ligne sur la base d’une méta-analyse réalisée par Cipriani et ses collaborateurs35 qui a révélé que ce médicament présentait l’effet de taille le plus important dans le traitement de la manie aiguë. La combinaison de médicaments de deuxième ligne demeure le lithium + le divalproex. Les options de troisième ligne destinées aux patients réfractaires au traitement, incluent l’addition de la cariprazine en monothérapie ainsi que de la chlorpromazine, de la clozapine et de l’oxcarbazépine. Cependant, la cariprazine n’a pas été approuvée par Santé Canada. La mise à jour de 2013 recommande également d’envisager d’utiliser des agents nouveaux/expérimentaux, tels que la zotépine, le lévétiracétam, la phénytoïne, la mexilétine, les acides gras Ω3, la calcitonine, un régime de déplétion rapide en tryptophane, l’allopurinol, l’amisulpride, l’acide folique et la mémantine. Traitement de la dépression dans le trouble bipolaire I aigu La dépression dans le TB est significativement plus courante que la manie, et les patients atteints d’un TB sont beaucoup plus susceptibles de demander une aide médicale pendant un épisode dépressif que pendant un épisode maniaque40. Kupka et ses collaborateurs41 ont établi des ratios de 2,9 pour la dépression/manie et de 3,8 pour le TB-I et le TB-II, respectivement. La dépression bipolaire a également Figure 1 : Algorithme de traitement pour la manie aiguë Évaluer l’innocuité/le fonctionnement Établir un plan de traitement Arrêter les antidépresseurs Exclure les causes médicales Arrêter la consommation de caféine, d’alcool et de substances illicites Stratégies comportementales/rythmes, psycho-éducation Étape 1 : Examiner les principes généraux et évaluer l’état de santé Ne reçoit pas de traitement ou d’agent de 1ère intention Étape 2 : Initier/optimiser, vérifier l’observance Initier : Li, DVP, APA ou combinaison de 2 médicaments Sous agent 1ère intention Li ou DVP Combinaison de 2 médicaments (Li ou DVP + APA) APA Aucune réponse Étape 3 : Ajouter un médicament ou passer à un autre médicament Ajouter/passer à un APA Ajouter/passer à Li ou DVP Remplacer un ou les 2 agents par d’autres agents de 1ère intention Aucune réponse Étape 4 : Ajouter un médicament ou passer à un autre médicament Remplacer un ou les deux agents par d’autres agents de 1ère intention Envisager d’ajouter ou passer au deuxième ou troisième agents Aucune réponse Étape 5 : Ajouter des agents nouveaux ou expérimentaux Envisager d’ajouter un agent nouveau ou expérimental Li = lithium; DVP = divalproex; APA = antipsychotique atypique Reproduit de Yatham LN et coll. Bipolar Disord. 2013;15(1):1-44. Copyright © 2012 John Wiley and Sons A/S. un impact beaucoup plus profond sur les patients en termes de durée et de qualité de vie, que les épisodes maniaques40. Les recommandations élaborées par le CANMAT pour le traitement de la dépression dans le trouble bipolaire I sont classées dans le tableau 121. Aucun changement n’a été apporté aux listes de monothérapies de première ligne – lithium, lamotrigine et quétiapine (standard et LP) – ou à la combinaison de médicaments de première ligne (lithium ou divalproex + un inhibiteur sélectif des récepteurs de la sérotonine [ISRS], olanzapine + ISRS, lithium + divalproex, lithium ou divalproex + bupropion). La paroxétine ne doit pas être utilisée dans les combinaisons mentionnées précédemment comme la composante ISRS. Comme pour la manie bipolaire, il a été démontré que l’absence de réponse précoce (2-3 semaines) suffit pour justifier le passage à d’autres traitements. Pour le traitement de deuxième ligne, la lurasidone a rejoint le divalproex en monothérapie. L’utilisation de la lurasidone ou de la lamotrigine combinée avec le lithium ou le divalproex est également nouvelle. Le modafinil en traitement d’appoint et la quétiapine + un ISRS représentent toujours des options de combinaisons de deuxième ligne. Dans les études préliminaires, la lurasidone s’est montrée efficace pour la dépression bipolaire en monothérapie et en traitement d’appoint, mais l’absence d’expérience clinique et la nonpublication des versions finales des études clés réalisées en vue de l’homologation du médicament au moment de la rédaction des lignes directrices du CANMAT n’ont pas permis de recommander la lurasidone comme traitement de première ligne42,43. Les monothérapies dans les options de troisième ligne sont principalement les mêmes : carbamazépine, olanzapine et TEC. Il est important de noter que les médicaments ajoutés dans la catégorie « non recommandé » incluaient le lévétiracétam en traitement d’appoint et la ziprasidone, en monothérapie ou en traitement d’appoint. Cette mise à jour reflète les versions des lignes directrices antérieures identifiant le TEC comme un choix potentiel en première ou en deuxième ligne dans certains cas, en particulier pour la dépression bipolaire psychotique et en présence d’un risque élevé de suicide et de complications médicales dues au fait de ne pas manger ou boire21. Deux essais récents avec le TEC confirment l’efficacité de ce traitement chez des patients atteints d’un TB. On notera que chez les patients atteints d’un TB sous anticonvulsivants, le TEC a été efficace, mais ils ont eu besoin d’un plus grand nombre de séances de TEC que les patients atteints de TB n’étant pas sous anticonvulsivants44,45. Les recommandations additionnelles de stratégies de troisième ligne incluent les combinaisons lithium + carbamazépine, lithium + pramipexole, lithium ou divalproex + venlafaxine, lithium + un inhibiteur de la monoamine oxydase (IMAO) et lithium ou divalproex ou un antipsychotique atypique + un antidépresseur tricyclique. Enfin, les lignes directrices incluent une discussion nuancée sur les controverses relatives à l’utilisation des antidépresseurs pour la dépression bipolaire, suggérant l’usage de courte durée de la plupart des ISRS ou du bupropion conjointement à un stabilisateur de l’humeur, en évitant la paroxétine, la venlafaxine et les antidépresseurs tricycliques. Traitement d’entretien Les cycles de rémissions-rechutes dans les TB soulignent l’importance d’un traitement d’entretien, et c’est durant cette phase que la psychothérapie joue un rôle essentiel, comme nous le résumons cidessous. Les facteurs associés au temps avant la survenue d’une rechute incluent l’observance du traitement, la présence de symptômes sous-syndromiques, le stress psycho-social de base, un nombre plus élevé d’épisodes antérieurs, la présence d’un TB-II comparativement à un TB-I, le sexe féminin, l’abus récent de substances et des cycles rapides46-48. La rechute est souvent liée à l’inobservance médicamenteuse qui selon les lignes directrices est associée à une fréquence élevée d’épisodes bipolaires (surtout dépressifs), à des taux accrus d’hospitalisation et de visites aux urgences et à un absentéisme au travail accru. La littérature rapporte des taux d’observance du traitement pharmacologique prescrit de l’ordre de 70 % à seulement 31 %49-53. Les facteurs qui augmentent l’inobservance incluent un manque de compréhension ou de sensibilisation au TB, les effets indésirables (EI), l’inefficacité du traitement, une routine quotidienne/des conditions Tableau 1 : Recommandations pour la traitement pharmacologique de la dépression dans le trouble bipolaire I aigua Première ligne Monothérapie Thérapie de combinaison Lithium, lamotrigine, quétiapine, quétiapine LP Lithium ou divalproex + ISRSb, olanzapine + ISRSb, lithium + divalproex, lithium ou divalproex + bupropion Deuxième ligne Monothérapie Thérapie de combinaison Divalproex, lurasidonec Quétiapine + ISRSb, modafinil en traitement d’appoint, lithium ou divalproex + lamotriginec, lithium ou divalproex + lurasidonec Psychothérapie Troisième ligne Monothérapie Thérapie de combinaison d Carbamazépine, olanzapine, TEC Lithium + carbamazépine, lithium + pramipexole, lithium ou divalproex + venlafaxine, lithium + IMAO, lithium ou divalproex ou APA + ATC, lithium ou divalproex ou carbamazépine + ISRSb + lamotrigine, quétiapine + lamotrigine c Non recommandé Monothérapie Thérapie de combinaison que la plupart des ERC ont une durée ≤ 1 an et aucun n’a une durée supérieure à 2 ans. Néanmoins, 2 méta-analyses54,55 résument les données existantes, afin de démontrer l’efficacité des traitements d’entretien de première et de deuxième ligne dans les lignes directrices du CANMAT. En ce qui concerne le traitement de deuxième ligne, la palidéridone LP a été ajoutée à la carbamazépine en monothérapie. Les combinaisons de médicaments demeurent inchangées par rapport à la mise à jour de 2009 : lithium avec l’un des agents suivants : divalproex, carbamazépine, olanzapine, rispéridone ou lamotrigine, divalproex + olanzapine et olanzapine + fluoxétine. La nouvelle option pour le traitement de troisième ligne est l’asénapine, en monothérapie et en traitement d’appoint, qui a été ajoutée sur la base de nouvelles données publiées montrant des effets bénéfiques56,57. D’autres options de traitement d’appoint incluent la phénytoïne, la clozapine, le TEC, le topiramate, les acides gras Ω-3, l’oxcarbazépine et la gabapentine. Gabapentine, aripiprazole, ziprasidone c Ziprasidone c ou levetiracetamc en traitement d’appoint TEC = thérapie électroconvulsive; IMAO = inhibiteur de la monoamine oxydase; ATC = antidépresseur tricyclique; ISRS = inhibiteur sélectif des récepteurs de la sérotonine; LP = libération prolongée. a Le traitement d’un épisode dépressif bipolaire avec des antidépresseurs demeure complexe. Le clinicien doit faire la part des choses entre l’effet désiré de la rémission et l’effet indésirable du passage à un autre médicament. b Excepté la paroxétine. c Nouveau ou changement conformément aux recommandations. d Pourrait être utilisé comme traitement de première et de deuxième intention dans certaines situations. Reproduit de Yatham LN et coll. Bipolar Disord. 2013;15(1):1-44. Copyright © 2012 John Wiley and Sons A/S. de vie irrégulières, des difficultés à prendre régulièrement ses médicaments, la polarité dépressive du dernier épisode aigu, l’utilisation concomitante de substances et la croyance par le patient que ses médicaments ne sont plus nécessaires. Les complications concernant les EI sont associées aux EI eux-mêmes dont les patients font l’expérience (réels ou imaginés) et à la peur des EI perçus. La sédation et le gain pondéral comptaient parmi les effets secondaires les plus importants liés à une observance réduite49. On n’a noté aucun changement dans les options de traitement d’entretien : le lithium, la lamotrigine (efficace uniquement dans la prévention des rechutes de dépression), le divalproex, l’olanzapine, la quétiapine, la rispéridone injectable à action prolongée (IAP) et l’aripiprazole. Les combinaisons de médicaments de première ligne demeurent le lithium ou le divalproex + la quétiapine, la rispéridone IAP, l’aripiprazole ou la ziprasidone. Il existe toujours des preuves convaincantes de l’efficacité du lithium, de la lamotrigine, de l’olanzapine et (dans une moindre mesure) du divalproex. Il existe un écart au niveau des éléments de preuve pour la phase d’entretien, étant donné La littérature a appuyé historiquement les effets bénéfiques des interventions psychologiques – incluant la psychoéducation, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), la thérapie familiale et la psychothérapie interpersonnelle et des rythmes sociaux – combinées avec une pharmacothérapie. Lam et ses collaborateurs58 ont conclu que les psychothérapies étaient efficaces dans la prévention ou le retardement des rechutes (risque relatif global 0,74; intervalle de confiance à 95 % 0,64 à 0,85). Plusieurs études ont fourni des données contradictoires sur la valeur de la TCC pour le TB59-62, mais 2 autres études63,64 ont souligné l’efficacité de la psychoéducation seule ou comme composante de la TCC, et l’on a noté un excellent rapport coût-efficacité pour la psychoéducation de groupe. La psychoéducation doit être administrée lorsque le diagnostic de TB est établi pour la première fois, mais une réitération et un renforcement périodique de courte durée sont nécessaires : la répétition complète (des années après le diagnostic) d’un programme psycho-éducatif en mettant l’accent sur un exercice de prévention des rechutes est souvent utile. Traitement aigu et traitement d’entretien du trouble bipolaire II Comme nous l’avons mentionné antérieurement, le TB-II est caractérisé par la phénoménologie d’épisodes de dépression et d’hypomanie : les premiers, syndromiques ou sous-syndromiques, sont la caractéristique principale du TB-II22,23. Le TB-II est considéré comme la forme dont la prévalence est la plus élevée, et les cycles rapides peuvent être plus fréquents que dans le TB-I23,65,66. L’absence d’études bien conçues sur le TB-II constitue un obstacle à l’élaboration de recommandations fondées sur des données probantes pour l’hypomanie. Les lignes directrices actuelles sont donc fondées sur l’extrapolation de thérapies efficaces pour la manie sur la base de l’expérience clinique accumulée. Peu de changements ont été apportés aux recommandations sur le traitement de la dépression aiguë dans le TB-II figurant dans les lignes directrices mises à jour. La quétiapine demeure l’unique monothérapie de première ligne. La forme LP a été ajoutée à la forme standard. Le traitement de deuxième ligne est identique à celui prescrit dans la mise à jour précédente : lithium, lamotrigine, divalproex, lithium ou divalproex + antidépresseurs, lithium + divalproex + antidépresseurs et antipsychotiques atypiques + antidépresseurs. Les nouvelles options pour le traitement de troisième ligne incluent la quétiapine + la lamotrigine et une TEC d’appoint, la N-acétylcystéine ou la triiodothyronine, qui ont été ajoutées à la monothérapie par des antidépresseurs (principalement pour ceux présentant des hypomanies peu fréquentes) et d’autres antidépresseurs. Les troubles de l’humeur et de l’anxiété Conférences scientifiques En ce qui concerne le traitement d’entretien pour le TB-II, la quétiapine a été ajoutée aux options existantes de première ligne, i.e. le lithium et la lamotrigine. La quétiapine et la lamotrigine en traitement d’appoint sont les nouveaux éléments dans le traitement de deuxième ligne, rejoignant le divalproex, la combinaison lithium ou divalproex ou un antipsychotique atypique + un antidépresseur et la combinaison de 2 des médicaments suivants : lithium, divalproex ou un antipsychotique atypique. La fluoxétine est la dernière option de troisième ligne avec la carbamazépine, l’oxcarbazépine, les antipsychotiques atypiques et le TEC. Conclusion La mise à jour 2013 des lignes directrices élaborées par le CANMAT met à nouveau en lumière les approches diagnostiques et thérapeutiques adoptées à l’égard de l’important problème de santé à l’échelle mondiale que posent les TB et fournit de nouvelles options thérapeutiques efficaces pour les diverses composantes et les divers tableaux cliniques des TB. Les thérapies doivent être adaptées à chaque patient, idéalement avec des composantes pharmacologiques et psychothérapeutiques et une évaluation complète régulière du patient, afin de maximiser l’issue et l’innocuité du traitement. En raison de contraintes d’espace, cet article ne résume que les sections sur les fondements de la prise en charge et sur le traitement de chaque phase du TB. La mise à jour complète 2013 des lignes directrices incluent des sections additionnelles précieuses sur les populations spéciales comme les femmes, les enfants et les personnes âgées, sur le trouble bipolaire II et sur la surveillance métabolique. L’article complet ainsi que les versions antérieures des lignes directrices peuvent être téléchargés à partir du site Web du CANMAT à l’adresse www.canmat.org. Le Dr Parikh est professeur de psychiatrie à l’Université de Toronto et psychiatre en chef adjoint au sein du Réseau universitaire de santé, Toronto, Ontario. Le Dr Goldstein est professeur adjoint de psychiatrie et de pharmacologie à l’Université de Toronto et professeur adjoint associé de psychiatrie à l’Université de Pittsburgh. Il est directeur du Centre for Youth Bipolar Disorder au Centre des sciences de la santé Sunnybrook et chercheur au Sunnybrook Research Institute, Toronto, Ontario. Références : 11. Merikangas KR, Akiskal HS, Angst J, et coll. 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Les avis de changement d’adresse et les demandes d’abonnement à Les troubles de l’humeur et de l’anxiété – Conférences scientifiques doivent être envoyés par la poste à l’adresse B.P. 310, Station H, Montréal (Québec) H3G 2K8 ou par fax au (514) 932-5114 ou par courrier électronique à l’adresse [email protected]. Veuillez vous référer au bulletin Les troubles de l’humeur et de l’anxiété – Conférences scientifiques dans votre correspondance. Les envois non distribuables doivent être envoyés à l’adresse ci-dessus. Poste-publications #40032303 La version française a été révisée par Martin Lepage, Ph.D., Montréal UN PARTENARIAT POUR UNE FORMATION MÉDICALE INDÉPENDANTE La publication de Les troubles de l’humeur et de l’anxiété conférences scientifiques a été rendue possible grâce aux subventions à l’éducation de Lundbeck Canada Inc. 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