Pourquoi les enfants du millénaire rejetteront Donald Trump, Jeffrey D. Sachs,
Professor of Sustainable Development and… Project Syndicate
Jeffrey D. Sachs, Professor of Sustainable Development and Professor of Health Policy and
Management at Columbia University, is Director of the UN Sustainable Development Solutions
Network. His books include The End of Poverty, Common Wealth, and, most recently, The Age of
Sustainable Development. FEB 2, 2017. Traduit de l’anglais par Martin Morel
NEW YORK – Aux États-Unis, le principal clivage politique n’oppose pas les partis ou les États ; il
oppose les générations. Les jeunes du nouveau millénaire (à savoir les 18-35 ans) ont voté
massivement contre Donald Trump, et constitueront l’essentiel de la résistance opposée aux
politiques du nouveau président. Bien que les Américains plus âgés se montrent plus divisés,
l’assise électorale de Trump se situe chez les plus de 45 ans. Au fur et à mesure des problématiques
soulevées, les jeunes électeurs rejetteront Trump, et le considéreront comme un acteur politique du
passé plutôt que de l’avenir.
Bien entendu, les chiffres ici évoqués ne sont que des moyennes, et pas des valeurs absolues. Ils
confirment néanmoins l’existence d’un fossé générationnel. D’après les sondages réalisés à la sortie
des bureaux de vote, Trump a obtenu 53 % des votes chez les 45 ans et plus, 42 % chez les 30-44
ans, et seulement 37 % chez les 18-29 ans. Dans un sondage de 2014, 31 % des jeunes du millénaire
s’identifiait comme libéraux, contre 21 % chez les baby boomers (âgés de 50 à 68 ans lors de cette
étude), et seulement 18 % parmi la génération silencieuse (les 69 ans et plus).
Et il ne faut pas s’attendre à ce que les jeunes libéraux d’aujourd’hui deviennent tout simplement
les vieux conservateurs de demain. La génération du millénaire est de manière générale beaucoup
plus libérale que ne l’étaient les baby boomers et la génération silencieuse dans leur jeunesse. Elle
se montre également nettement moins partisane, et entend soutenir ceux des acteurs politiques qui
défendent ses valeurs et répondent à ses besoins, y compris les aspirants moins solidement établis.
Au moins trois différences majeures opposent les jeunes et les plus anciens dans le domaine de la
politique. Premièrement, les jeunes se montre socialement plus libéraux que les générations
antérieures. Aux yeux de cette jeunesse, la pluralité ethnique, religieuse et sexuelle croissante qui
caractérise l’Amérique ne constitue pas un problème. Loin d’y voir un changement dramatique par
rapport au passé, ces jeunes ont toujours connu une société multiculturelle faite de blancs, d’Afro-
américains, de Latinos, d’Asiatiques, d’immigrants et de nouveaux arrivants nés dans le pays. Ils
acceptent une diversité des orientations sexuelles et des genres – gays, lesbiennes, transsexuels,
bisexuels, intersexués, pansexués, et autres – qui était essentiellement taboue, ou inconnue, pour la
génération de leurs grands-parents (à laquelle appartient Trump).
Deuxièmement, les jeunes sont aujourd’hui confrontés à des défis économiques sans précédent, liés
à la révolution de l’information. Ils entrent actuellement sur le marché du travail alors même que
les rendements des marchés s’orientent rapidement vers le capital (robots, intelligence artificielle,
et machines intelligentes de manière générale) et s’éloignent du travail. Par opposition, les riches
seniors profitent d’un essor des marchés boursiers, engendré par cette même révolution
technologique.
Trump défend une réduction de l’impôt sur les sociétés et sur les successions, vouée à ne bénéficier
qu’à ces riches seniors (qui composent l’essentiel du son cabinet), au prix d’importants déficits
budgétaires voués à peser sur la jeunesse. Or, les jeunes ont besoin d’une politique précisément
inverse : hausse des impôts sur la richesse de la génération plus âgée, afin que puissent être
financés l’enseignement supérieur, le formation professionnelle, les infrastructures relatives aux
énergies renouvelables, et autres investissements nécessaires à l’avenir de l’Amérique.
Troisièmement, en comparaison avec leurs parents et grands-parents, les jeunes d’aujourd’hui sont
beaucoup plus soucieux du changement climatique et des menaces qu’il fait naître. Là où Trump
persuade la génération antérieure de s’en tenir encore un moment aux combustibles fossiles, les
jeunes ne suivront pas cette voie. Ils aspirent à une énergie propre, et entendent lutter contre la
destruction d’une planète dont eux-mêmes et leurs propres enfants hériteront.