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• Les discussions semblent se figer sur la question des droits de douane et des subventions,
qui faussent le jeu de la concurrence, d’autres obstacles au commerce, dits non tarifaires,
comme les normes phytosanitaires et techniques, ont été mis en place notamment par les
pays les plus libéraux et freinent considérablement l’accès à ces marchés.
• Enfin, il convient de rappeler que les pays émergents sont parmi ceux qui affichent les droits
de douane les plus élevés : certes, l'Union européenne applique des droits en matière
agricole supérieurs à ceux des États-Unis (17,9 % contre 5 %), mais inférieurs à ceux de
nombreux pays émergents (près de 60 % pour l'Inde par exemple). Les pays émergents
appliquent également des tarifs beaucoup plus élevés sur les produits manufacturés (près de
30 % pour l'Inde, 11,4 % pour le Brésil, contre 2 % pour l'Union européenne, 1,1% pour les
Etats Unis).
Le volet agricole a donc été le point de blocage majeur. Les Etats-Unis devaient s'engager à baisser
les crédits à l’exportation versés à leurs agriculteurs, alors que les Européens devaient de leur côté
abaisser les droits de douane sur les importations. Tandis que les Européens s’étaient fortement
rapprochés des positions des pays émergents ces derniers mois, les Etats-Unis, en revanche, ont
refusé toute concession sur la question des soutiens agricoles, bloquant ainsi toute chance d’issue
positive aux négociations.
S’il est évident que l’inflexibilité américaine a été considérablement influencée par les pressions
protectionnistes exercées sur l’administration Bush en vue des élections au Congrès d’Octobre, il est
moins aisé de comprendre les raisons de ce blocage face aux enjeux que représenterait un tel accord
sur la question des marchés non agricoles (NAMA), contreparties que les pays émergents s’étaient
engagés à mettre dans la balance. Car si l’agriculture demeure un sujet clé, Etats-Unis et Union
Européenne avaient beaucoup à gagner de l’aboutissement des discussions, prioritairement sur la
question des services. L’agriculture représente en effet une part marginale du PNB de l’UE et des EU
(de l’ordre de 2%), alors que les exportations de services en représentent plus de 70%, avec une part
conséquente des produits industriels (de l’ordre de 25% du PNB).
Alors, pourquoi cette résistance sur l'agriculture, qui pèse moins de 9 % des échanges mondiaux de
marchandises ? La réponse réside pour beaucoup dans la puissance commerciale que la
libéralisation agricole confèrerait aux pays émergents agro-exportateurs. Aujourd’hui réunis au sein de
plusieurs alliances, ces derniers sont ceux à qui cette ouverture des marchés américains et
européens profiterait le plus. En outre, cet accord enverrait un signe fort de repli de la part des Etats-
Unis et de l’Europe. Cette situation met ainsi en parallèle la « stratégie du fort », celle des Etats-Unis
et de l’Union Européenne, qui privilégie la défense des positions acquises, et la « stratégie du faible »,
celle des pays émergents, qui vise à gagner des parts de marché et à revendiquer une place sur
l’échiquier mondial.
L'union faisant la force, c’est notamment par des stratégies d’alliances que ces derniers
entendent imposer des règles à leur profit. Les coalitions, nombreuses au sein des institutions
onusiennes, permettent de défendre des positions communes, mais leur configuration s’est
considérablement compliquée, en raison des intérêts divergents des états membres. Dès lors,
certains états réunis au sein de groupes d’intérêts, peuvent par ailleurs s’affronter sur diverses
questions au sein d’autres groupes. D’où la difficulté de former des groupes homogènes.
La question agricole notamment constitue un cas d’école. Ainsi, à la veille de la conférence de
Cancun, outre les Etats-Unis et l’Union européenne, le paysage des négociations s’est recomposé
autour de plusieurs alliances : le G10, emmené par le Japon et la Suisse, impose des droits de
douane très élevés sur certains produits considérés comme vitaux pour leurs agriculteurs ; le G20,
groupe des pays émergents (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde, Kenya...) dénonce les politiques
agricoles des pays riches ; le G33, groupe de pays en développement dits « intermédiaires » soutient
l’idée d’un traitement spécial et différencié ; et enfin le G90, structure plus informelle qui regroupe les
pays membres du groupe africain, les pays ACP et les Pays les moins avancés, soutient néanmoins
les intérêts des pays les plus pauvres.
Que dire des positions et des enjeux de chacun dans ce dossier ?
L’Union Européenne et les Etats-Unis, avec 53% des exportations mondiales, se querellent la
première place du commerce de produits agroalimentaires. De plus, par la taille de leur marché
intérieur, ils offrent également les débouchés les plus importants du secteur. L’un et l’autre ont
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