chapitre v : proprietes electriques des solides

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CHAPITRE V : PROPRIETES ELECTRIQUES DES SOLIDES
I/ Introduction
Un échantillon de matière solide placé dans un champ électrique montre en général l'un des deux
types de comportement : conducteur ou isolant, selon qu'il y circule un courant électrique ou non. Le
paramètre prépondérant dans le phénomène de conduction est la résistivité du matériau. Entre un matériau
très conducteur (comme le cuivre ou l'argent) et un isolant (comme le quartz), la résistivité peut varier dans
un rapport 1020. Cependant, le long de cette échelle, il n'y a pas de transition nette permettant de distinguer
clairement entre conducteurs et isolants. On s'intéressera donc aux représentants des deux extrémités de
l'échelle pour commencer.
L'observation courante montre que les métaux sont en général de bons conducteurs tandis que les
matériaux ioniques, covalents ou moléculaires sont en général des isolants. La conductivité est en effet liée à
la présence des électrons susceptibles de se déplacer facilement dans le solide; dans la mesure où les
électrons se déplacent sous l'action du champ électrique appliqué, encore faut-il que celui-ci soit suffisamment
fort pour vaincre l'énergie de liaison des électrons.
L'analyse quantitative de la conductibilité des matériaux passe par l'utilisation des concepts de la
physique quantique.
II/ Les diélectriques
L'application d'un champ électrique sur un matériau à très forte résistivité, si elle ne provoque pas la
circulation d'un courant électrique, n'est pas sans effet : il peut apparaître certaines propriétés intéressantes
ayant des applications importantes. Pour cette raison il vaut mieux utiliser le terme diélectrique que le terme
isolant.
Un matériau diélectrique isotrope (cubique, polycristallin ou amorphe) placé entre les plaques d'un
condensateur augmente la capacité de celui-ci. Le matériau est caractérisé par une constante diélectrique
ou permittivité relative εr > 1. En général cette constante est inférieure à 10.
Les diélectriques, incolores ou colorés, sont transparents aux ondes électromagnétiques. Ils sont
caractérisés par leur indice de réfraction n relié à la permittivité par les équations de Maxwell :
n2 = εr
Les cristaux non cubiques montrent une anisotropie lorsqu'ils sont soumis au champ électrique
extérieur : on observe une biréfringence ou une polarisation rotatoire.
II-1) Polarisation des diélectriques
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Dans un cristal, globalement électriquement neutre, le barycentre des charges positives coïncide avec
celui des charges négatives et le moment électrique du cristal est nul. La maille est non polaire. Il se peut
cependant que le cristal soit constitué d'entités polaires (des molécules par exemple), mais ce n'est
qu'exceptionnellement qu'il existe un moment dipolaire global.
Un cristal non polaire soumis à un champ électrique statique voit ses charges électriques se déplacer
légèrement en sens inverse, autour de leur position d'équilibre, produisant un moment électrique induit
proportionnel au champ appliqué E. Le vecteur polarisation P est donné par :
P =ε0.χ.E
ε0 = 8,85.10-12 F.m-1 est la permittivité du vide et χ la susceptibilité diélectrique du matériau. On peut
montrer que : εr = 1 + χ
Le vecteur polarisation peut ne pas avoir la même orientation que le vecteur champ électrique, à
cause des forces de rappel des ions au sein du cristal anisotrope. Dans ce cas le rapport entre P et E est un
tenseur. La biréfringence est une conséquence de ce fait.
II-2) Les cristaux piézo-électriques
Les cristaux piézo-électriques ont la propriété de se polariser sous l'action d'une contrainte mécanique
(pression, traction ou torsion). Le quartz est l'exemple le mieux connu.
Au repos dans le cristal les charges électriques sont réparties régulièrement et il n'y a pas de
moment électrique spontané. Si on provoque une déformation élastique très faible du cristal, dans une
certaine direction, proportionnelle à la contrainte appliquée, il se produit, à l'intérieur de chaque maille, de très
petits déplacements des atomes, donc des charges électriques. Si la maille possède un centre de symétrie, rien
ne change après déformation, les barycentres des charges coïncident toujours. Au contraire, si la maille n'est
pas centrosymétrique, la déformation provoque la séparation des barycentres, donc l'apparition d'un moment
électrique, une polarisation du cristal proportionnelle à la contrainte appliquée. Il est possible de faire
apparaître une différence de potentiel proportionnelle à la contrainte.
Il existe un phénomène piézo-électrique inverse : placé dans un champ électrique le cristal se polarise,
les charges électriques se déplacent et la maille se déforme. Le cristal dans son ensemble se déforme. Si le
potentiel est alternatif, la polarisation est alternative avec la même fréquence que le potentiel : les oscillations
électriques et élastiques sont couplées. L'application la plus commune est la montre à quartz. Une autre
application est la production d'ultrasons.
II-3) Les cristaux pyro-électriques et les électrets
Certains cristaux non centro-symétriques possèdent une polarisation spontanée. Ces cristaux sont
polaires. La polarisation spontanée de certains matériaux se manifeste quand elle varie fortement avec la
température. Pour la tourmaline par exemple, elle chute à 7% de sa valeur quand on passe de 300 à 20°K.
Les électrets sont des polymères (Téflon ou polytétrafluoroéthylène) qui ont la propriété de conserver
de façon permanente leur polarisation. Ils ont pour application le microphone.
II-4) Les cristaux ferroélectriques
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Les cristaux ferroélectriques soumis à une variation alternative du champ appliqué voient leur
polarisation suivre un cycle d'hystérèse semblable à celui des matériaux ferromagnétiques, d'où leur nom. Il
s'agit de cas exceptionnels dont l'exemple typique est le titanate de baryum BaTiO3.
Au-dessus de 120°C le titanate de baryum cristallise dans le système cubique pérovskite, mais à
120°C se produit une transformation allotropique : la maille devient quadratique avec c/a = 1,04 et les ions
Ba2+ et Ti4+ se déplacent légèrement le long de c par rapport aux oxygènes O2- : le cristal se polarise. Le
moment électrique prend la direction de l'axe cristallographique c. Comme la transition est un phénomène
coopératif, il s'organise des domaines à l'intérieur desquels toutes les mailles sont caractérisées par une
même orientation du moment électrique, avec des limites rectilignes et une quasi -périodicité des domaines du
point de vue de leur taille. Chaque domaine se trouve polarisé, mais le moment résultant est nul du fait de
l'équipartition statistique des orientations dans les domaines.
Lorsqu'une lamelle de matériau ferroélectrique est soumise à un champ électrique extérieur, elle se
polarise par orientation progressive des domaines dans la direction la plus favorable énergétiquement
(moments parallèles au champ appliqué) : les domaines les mieux orientés croissent aux dépens de ceux qui le
sont moins jusqu'à ce que le cristal constitue un domaine unique. La polarisation atteint alors la saturation. Si
le champ appliqué décroît, la polarisation diminue mais sans suivre exactement car le cristal reste un mono
domaine orienté, et à champ nul il subsiste une polarisation (polarisation rémanente). Lorsqu'on inverse le
champ électrique extérieur, il germe des domaines dont la polarisation est inverse, puis ces domaines croissent
aux dépens des autres, la polarisation s'annule pour une certaine valeur du champ appliqué (champ coercitif),
puis atteint la valeur à saturation en polarisation inverse.
Ce qui vient d'être décrit ressemble à ce qui se passe pour les matériaux ferromagnétiques et c'est
d'ailleurs pour cela que le titanate de baryum est dit ferroélectrique.
III/ La conductibilité électrique des matériaux solides
III-1) La loi d'OHM
Le courant électrique est le résultat du déplacement d'ensemble de porteurs de charge. Dans un
barreau de section S et de longueur L soumis à une différence de potentiel V entre ses extrémités, si q est la
charge commune aux porteurs de charge et n leur densité (nombre par unité de volume), la densité de
courant est donnée par : J = I/S = n.q.v I est l'intensité du courant et v la vitesse moyenne des
porteurs de charge. A l'intérieur du barreau le champ est égal à : E = V/L. Dans la majorité des cas, la
vitesse moyenne des porteurs de charge est proportionnelle au champ E : v = µ.E µ est la mobilité des
porteurs de charge. J = I/S = n.q.µ.E = n.q.µ.V/L
V = (1/(n.q.µ)).(L/S).I
V = ρ .(L/S).I
où : σ = n.q.µ représente la conductivité, et son inverse ρ la résistivité.
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Seulement deux types de particules chargées sont capables d'assurer le passage d'un courant
électrique : les électrons et les ions. Les électrons seront des porteurs de charge beaucoup plus mobiles que
les ions et la conductivité électronique représente toujours le phénomène prépondérant lorsqu'il y a
compétition.
Dans un cristal ionique parfait soumis à un champ électrique, les ions ne peuvent pas se déplacer à
cause des forces de rappel très intenses qui les maintiennent sur leur position d'équilibre : la conductivité
ionique est nulle. Dans le cristal réel la présence de lacunes permet une faible mobilité des porteurs de
charge; d'une manière générale les composés ioniques sont de bons isolants. Il existe des cas intéressants de
composés ioniques ayant une résistivité très élevée : de l'ordre de 102 .m, comme celle des semi-
conducteurs. On les appelle super conducteurs ioniques et l'exemple le plus connu est l'alumine ß (alliage 11
Al2O3, plus 1,3 Na2O). Dans la structure cristalline de l'alumine les ions sodium occupent des sites de faible
énergie et en nombre plus grand que celui des ions, ce qui explique la mobilité des ions sodium.
III-2) La conductibilité électronique des solides et la théorie des bandes
La maille cristalline des métaux est constituée en première approximation par un empilement d'ions
positifs, peu chargés en moyenne, et les électrons de valence sont relativement mobiles dans le réseau.
On considére dans un premier temps qu'un électron se meut dans un potentiel électrostatique
constant, positif par rapport à l'extérieur; l'électron ne peut pas quitter le solide. Dans ce modèle, dit de la
"boîte vide", on néglige les importantes variations de potentiel que subit l'électron au voisinage des ions
positifs du réseau ainsi que les interactions entre électrons. On peut montrer que l'électron dans la boîte
vide ne peut occuper que des niveaux d'énergie discrets, c'est à dire que son énergie est quantifiée, comme
dans l'atome. Si l'on suppose que la boîte contient N électrons, le principe d'exclusion de PAULI impose que
ces N électrons occupent N/2 niveaux discrets au moins. Le niveau d'énergie le plus élevé occupé s'appelle
niveau de FERMI et se note EF; il est fonction de la température.
Le modèle de la boîte vide reste insuffisant pour décrire les propriétés des cristaux car il ne prend pas
en compte les caractéristiques discontinues de l'état cristallin. En réalité les électrons se déplacent dans un
potentiel périodique, et non pas continu, à cause de la présence des ions positifs aux noeuds du réseau, la
période étant celle du réseau cristallin bien entendu. Si en potentiel continu l'électron est délocalisé dans la
boîte, en potentiel périodique l'amplitude de l'onde associée à son déplacement est modulée avec la
périodicité du réseau : la probabilité de présence de l'électron est plus grande près d'un ion positif, ce qui se
conçoit bien en termes d'attraction électrostatique. Tant que la modulation reste faible, loin d'un ion positif,
l'électron se meut comme dans la boîte vide; à proximité d'un ion positif, la modulation devient forte, la
perturbation de l'énergie est grande et l'électron peut posséder deux niveaux d'énergie nettement séparés :
l'intervalle qui sépare ces deux niveaux s'appelle le "gap" ou bande d'énergie interdite.
Dans le solide, si l'on considère l'échelle des états d'énergies possibles il apparaît une série de bandes
d'énergie permises accessibles aux électrons séparées par des bandes interdites. Un solide cristallisé est
caractérisé par sa structure de bandes.
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III-3) Isolants et conducteurs
III-3-a) Les isolants
Prenons l'exemple classique du carbone dans sa variété diamant. Le cristal contient N atomes.
Chaque atome de carbone étant hybridé "sp3", les 4N orbitales atomiques de valence hybrides forment deux
bandes de 2N niveaux, en première approximation. Ces deux bandes sont nettement séparées par une bande
interdite dont la largeur à 0°K vaut 5,4 eV.
Le principe d'exclusion de PAULI et les règles de remplissage des niveaux électroniques conduisent
à admettre que la première bande, celle dont les énergies sont les plus faibles, est saturée avec les 4N
électrons (deux électrons par niveau, 2N niveaux). Cette bande est appelée "bande de valence". Elle est
pleine. La deuxième bande, au-dessus de la bande interdite, est vide, même à des températures élevées car
le gap est grand (5,4 eV) devant le terme d'agitation thermique kB.T. Cette deuxième bande est appelée
"bande de conduction". Elle est vide. L'excitation d'un électron depuis le haut de la bande de valence jusque
vers le bas de la bande de conduction, sous l'action d'un champ électrique par exemple, est très difficile : le
diamant est isolant. Cela revient à dire que le niveau de Fermi est trop éloigné de la bande de conduction.
III-3-b) Les conducteurs
La situation est très différente lorsque la première bande d'énergie n'est pas complètement remplie
par des électrons, comme dans le cas des métaux alcalins ou celui des métaux de transition.
Dans le cas des métaux du groupe I, sodium ou cuivre par exemple, il n'y a qu'un électron de valence
par atome et la bande (s), qui pourrait en principe en accueillir deux par atome, reste incomplète. Les états
occupés sont ceux de plus faible énergie. Dès que l'on soumet le cristal à un champ électrique chaque
électron est soumis à une force : - e.E et sa quantité de mouvement varie; les sauts dans les sites vacants de
la zone sont possibles et l'ensemble des états occupés est soumis à une translation : il y a conduction d'un
courant électrique, le cristal est conducteur.
La situation est identique pour les métaux de transition ou les lanthanides et actinides : les états de
l'atome isolé ne sont pas tous occupés et de ce fait les bandes ne sont pas saturées dans le cristal.
Le cas des métaux du groupe II, alcalino-terreux et zinc, par exemple, est différent. En effet, il y a
deux électrons par orbitale (s) dans l'atome isolé et en théorie la bande formée à partir des états
correspondants dans le cristal est saturée. Ces métaux devraient être des isolants, ou des semi-conducteurs.
En pratique, comme il a été dit plus haut, il se produit un recouvrement des bandes (s) et (p), très proches déjà
dans les atomes isolés, ce qui se traduit par une bande unique incomplète. Le niveau de Fermi se trouve à
l'intérieur de la bande qui, de ce fait, devient une bande de conduction.
Ce qui précède implique que pour un cristal parfait, dès qu'une impulsion a été donnée et qu'il s'est
produit un léger déplacement des électrons, ceux-ci occupent des états stationnaires et se propagent sans
entrave dans le cristal. En réalité cela n'est jamais observé, à cause des imperfections cristallines des cristaux
réels.En effet, les matériaux même très bons conducteurs possèdent une certaine résistivité liée à la qualité
cristalline d'une part, à la température d'autre part. L'onde électronique est diffusée par les distorsions et
vibrations du réseau (phonons) et l'électron peut changer d'état. Ce phénomène est à l'origine de l'effet
Joule.
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