Séquelles traumatiques de l`articulation acromio

fiche
médecine du sport
Sous la responsabilité de son auteur P. Le Goux*
n° 2
FICHE À DÉTACHER
La Lettre du Rhumatologue 344 - septembre 2008 | I
Figure 1. Joueur de rugby.
Figure 2. Lésions ligamentaires et stades lésionnels.
Ligaments coraco-claviculaires :
Trapézoïde
Conoïde
Ligaments acromio-claviculaires
Stade I Stade II Stade III
Séquelles traumatiques de l’articulation
acromio-claviculaire chez un rugbyman
L’
articulation acromio-claviculaire (AC) est soumise essentiel-
lement à des contraintes en compression, la clavicule servant
de vecteur des efforts du membre supérieur vers le tronc.
Dans certaines circonstances traumatiques, notamment la pratique
du rugby (figure 1), des lésions ligamentaires cartilagineuses et
osseuses peuvent survenir au niveau de cette articulation (choc
aigu lors d’une chute sur le moignon de l’épaule, chocs répétés
avec “hyperutilisation”). À distance de ces accidents aigus ou
chroniques peuvent apparaître des séquelles. On distingue trois
types de pathologie :
l’instabilité acromio-claviculaire ;•
l’arthropathie acromio-claviculaire ; •
l’ostéolyse distale de la clavicule (qui est plus rare). •
Parmi les séquelles traumatiques, l’instabilité AC avec lésions liga-
mentaires (figure 2) est d’une grande fréquence. De nombreuses
classifications mettent en évidence trois stades de gravité crois-
sante :
stade I avec un étirement simple des ligaments AC sans insta-
•
bilité réelle ;
stade II avec une rupture du ligament AC qui entraîne une mobilité
•
de la clavicule ;
stade III avec une rupture de tous les ligaments maintenant la
•
clavicule en place, y compris les ligaments coraco-claviculaires,
conduisant à une ascension nette de la clavicule.
Une autre classification, dite “de Rockwood”, décrit six stades tenant
compte de l’instabilité postérieure, qui peut être isolée ou associée
au déplacement vertical selon l’étendue des lésions ligamentaires
de la capsule et des parties molles. Elle permet d’établir une prise
en charge thérapeutique plus adaptée :
le stade 1 correspond à une simple entorse AC ; •
le stade 2 fait état des lésions des ligaments et de la capsule
•
articulaire avec une légère instabilité AC antéro-postérieure ;
le stade 3, plus sévère, est marqué par une rupture de la capsule et
•
un étirement des ligaments coraco-claviculaires avec une instabilité
purement verticale ;
le stade 4 représente les lésions décrites aux stades 2 et 3, plus •
marquées, avec une instabilité majeure multidirectionnelle de la
clavicule ;
les stades 5 et 6, plus exceptionnels, donnent lieu également à
•
des lésions sévères des parties molles musculaires (désinsertion
étendue de la chape deltotrapézienne). * Rhumatologue médecin du sport, praticien attaché à l’hôpital Ambroise-Paré, Boulogne ;
médecin de la Fédération française de tennis, consultant à l’Institut national du sport
et de l’éducation physique.
© Graeme Purdy
fiche médecine du sport n°2
FICHE À DÉTACHER
II | La Lettre du Rhumatologue 344 - septembre 2008
Figure 3.
Cross arm test
.
Figure 4. Recherche d’une instabilité acromio-claviculaire.
Les arthropathies microtraumatiques sont dues à la répétition exces-
sive de certains gestes ou de certains efforts mettant en compression
ou en étirement l’articulation AC (haltérophilie, gymnastique, tennis,
golf, etc.) ou à l’exposition à des chutes répétées sur le moignon
de l’épaule comme au rugby. Dans la majorité des cas, ces lésions
semblent bien tolérées par le sportif, mais elles nécessitent parfois un
traitement. Enfin, l’ostéolyse distale de la clavicule est plus exception-
nelle et se caractérise radiologiquement par une résorption osseuse
de l’extrémité latérale de la clavicule.
Le bilan clinique
Quels que soient les antécédents traumatiques, il convient d’analyser
deux éléments :
La douleur, qui siège à la partie antéro-supérieure de l’épaule
•
au niveau de l’articulation AC elle-même. Elle peut irradier dans la
partie antéro-latérale du cou. Une douleur postérieure de l’épaule ou
irradiant dans le bras à sa partie proximale doit faire rechercher une
autre étiologie (pathologie de la coiffe, névralgie cervico-brachiale
tronquée, neuropathie microtraumatique, etc.). La douleur AC est
reproduite par la palpation de l’interligne articulaire, soit à la pres-
sion verticale, soit d’avant en arrière. Le
cross arm test
(figure 3),
effectué le bras placé en adduction dans un plan horizontal, met en
compression la jonction AC. De même, le mouvement de rétropulsion
forcée peut réveiller la douleur. Il est à noter que des craquements
sont possibles lors de ces manœuvres.
L’instabilité AC, qui doit être recherchée
•
(figure 4). Elle peut
être visualisée dès l’inspection compte tenu de la bosse liée au
déplacement supérieur de l’extrémité de la clavicule. Par ailleurs, on
retrouve la classique touche de piano lors de la tentative de réduc-
tion. L’instabilité postérieure de l’AC est moins facile à mettre en
évidence par l’examen clinique, le bras étant maintenu en adduction
horizontale. On notera également la négativité des tests d’appré-
hension à l’armer du bras, ce qui élimine le diagnostic d’instabilité
gléno-humérale survenant dans les suites d’un accident de luxation
de l’épaule.
Le bilan radiologique
Les radiographies standard peuvent suffire si les clichés sont com-
paratifs et que l’on dispose notamment d’incidences ciblées sur
l’articulation AC. On recherche des signes de souffrance articulaire :
pincement de l’interligne ou élargissement, géodes sous-chondrales,
ostéophytose ou ossifications périarticulaires, aspect irrégulier des
berges… En cas de lésion ligamentaire, il faut apprécier l’importance
et le sens du déplacement de l’extrémité de la clavicule. L’IRM peut
compléter le bilan en objectivant un œdème sous-chondral ; devant
une arthropathie, elle peut également montrer un épanchement
articulaire. Enfin, l’arthrographie peut être utile à titre diagnostique
et surtout thérapeutique pour réaliser une infiltration corticoïde
guidée en intra-articulaire.
Le traitement
Dans les séquelles des luxations AC aux stades 1 et 2, une instabilité est rarement
présente, mais il y a souvent une arthropathie secondaire, dont le traitement est
essentiellement médical (AINS, physiothérapie, infiltrations, etc.), et doit être
associé, selon le besoin, à un repos sportif de quelques semaines.
En revanche, les séquelles des stades 3 et 4 constituent plus fréquemment une
source d’instabilité et peuvent nécessiter un traitement chirurgical :
soit par résection distale de la clavicule ;•
soit par réduction du déplacement et stabilisation de la clavicule.•
La résection de la clavicule semble être le seul traitement chirurgical envisageable,
du fait de la détérioration articulaire avancée à ces stades, alors que de nombreuses
techniques de réparation des ligaments AC ont été décrites. Le brochage AC peut
également être proposé. In fine, toutes ces modalités thérapeutiques ne donnent
pas toujours satisfaction.
Lorsque l’atteinte dégénérative est trop évoluée et que les traitements médicaux
sont inefficaces, les patients souffrant d’une arthropathie AC peuvent donc bénéfi-
cier d’une résection distale de la clavicule sous arthroscopie. Quant aux ostéolyses
distales de la clavicule, leur traitement n’est pas chirurgical ; on peut toutefois
proposer un geste de débridement arthroscopique si elles sont fonctionnellement
gênantes ou douloureuses.
Pour en savoir plus…
+ Sauzière P. L’articulation acromio-claviculaire. In : Rodineau J, Rolland E (eds). Séquelles des traumatismes articulaires chez les sportifs.
Paris : Elsevier Masson, 25e Journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière, 2007:3-8.
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