Chapitre 9 : Anesthésie en cas d`ischémie et de revascularisation

Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 09 Ischémie coronarienne 1
CHAPITRE 09
ANESTHESIE EN CAS
D’ISCHEMIE ET DE
REVASCULARISATION
CORONARIENNES
Mise à jour: Juin 2014
Précis d’Anesthésie Cardiaque
PAC
Précis d’Anesthésie cardiaque 2011 – 09 Ischémie coronarienne 2
Table des matières
Introduction 2
Ischémie myocardique 4
Sténose coronarienne 4
Ischémie et infarctus 8
Infarctus en chirurgie non-cardiaque 14
Infarctus en chirurgie cardiaque 17
Hibernation & reperfusion 18
Préconditionnement 21
Syndrome clinique 25
Manifestations cliniques & SCA 25
Méthodes diagnostiques 26
Investigations coronariennes 30
Echocardiographie 35
Contractilité segmentaire 35
ETO peropératoire 42
ETO des complications ischémiques 43
Traitement de l’ischémie myocardique 49
Ischémie aiguë 49
Ischémie chronique 61
Traitement interventionnel 64
Comparaison des thérapeutiques 71
Evaluation préopératoire du risque ischémique 77
Facteurs de risque 77
Revascularisation préalable 81
Algorithme de prise en charge 85
Anesthésie du patient ischémique 92
Prémédication 92
Agents d’anesthésie et ischémie 94
Conduite de l’anesthésie 97
Anesthésie rachidienne et combinée 99
Ischémie/infarctus péri-opératoires 102
Anesthésie pour revascularisation coronarienne 104
Evaluation préopératoire 104
Technique chirurgicale 107
Monitorage 111
Technique d’anesthésie 113
Causes/traitement de l’ischémie perop 116
Conclusions 119
Bibliographie 120
Auteurs 133
Introduction
L'insuffisance coronarienne est la cardiopathie la plus fréquemment rencontrée chez les malades
chirurgicaux. Dans les pays occidentaux, près de 20% des patients opérés souffrent de maladie
coronarienne à des degrés divers [218]. Cette prévalence tend à augmenter avec l’aggravation des
maladies cardiovasculaires et le vieillissement de la population. Dans cette cohorte, les patients de
chirurgie vasculaire occupent une place à part. Plus de 60 % d'entre eux présentent des signes de
coronopathie, et le taux d'infarctus postopératoire y oscille entre 4.7 et 8.5% [14]. C'est la raison pour
laquelle la majeure partie des études sur l'ischémie périopératoire en chirurgie non-cardiaque est
conduite chez des populations de malades vasculaires. On y trouve des relations entre la prise en
charge anesthésique et le devenir postopératoire qui n'apparaissent pas forcément dans le reste de la
population. Or cette catégorie à très haut risque ischémique ne représente que 10% de tous les malades
chirurgicaux.
Le type, la gravité et l'incidence de la pathologie coronarienne est variable selon les populations. Dans
le cas des anévrismes de l’aorte abdominale, par exemple, l’incidence d’angor clinique est de 20% en
France et de 49% en Suède, et celui d’infarctus respectivement de 16% et 50% [22,158]. La
prévalence de la maladie coronarienne est nulle chez les esquimaux. Au Japon, elle n'est qu'un dixième
de celle de l'Europe et des USA, mais l'incidence des complications cardiaques postopératoires dans
ces populations n'est pas différente d'un continent à l'autre [309]. La réponse au traitement est
également inhomogène: en Amérique du Nord, par exemple, la population noire répond moins bien
aux béta-bloqueurs que la population blanche [367]. Il faut donc rester réservé sur les possibilités de
transposer les résultats d’une population à une autre.
Dans l’évaluation des résultats, il est également nécessaire de tenir compte des variations qui existent
entre les différentes institutions: chaque hôpital a des conditions de travail particulières, une qualité de
soin variable, une population de malades à plus ou moins haut risque et des caractéristiques de
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morbidité et de mortalité qui lui sont propres. Lorsqu'on compare l'impact de techniques différentes
sur le devenir des malades, ces biais prennent toute leur importance.
D'une manière générale, la relation entre les évènements peropératoires et l'infarctus postopératoire est
multifactorielle. De nombreux éléments entrent en ligne de compte :
Le type de population (géographique, éthnique, masculine ou féminine) ;
La variabilité génétique de la réponse aux médicaments ;
L’importance de la stimulation sympathique et du syndrome inflammatoire ;
Les pathologies associées (diabète, polyvascularité, insuffisance rénale) ;
Le type de chirurgie et l’importance des perturbations hémodynamiques ;
Le type de lésion ischémique (déséquilibre entre la demande et l’apport en O2 ou rupture de
plaque instable) ;
La qualité de la prise en charge médicale.
Ces différents éléments influencent la morbi-mortali aussi bien en chirurgie cardiaque qu’en
chirurgie générale.
Les données sur l'ischémie périopératoire en chirurgie de revascularisation coronarienne ne sont pas
transposables aux patients de chirurgie non-cardiaque. Ces deux catégories de malades ne présentent
ni les mêmes types de lésions, ni les mes relations entre les évènements peropératoires et les
complications cardiaques postopératoires. Pour le formuler de manière simplifiée, les malades de
chirurgie générale souffrent en général de lésions diffuses et périphériques se traduisant pas une
ischémie sous-endocardique avec sous-décalage du segment ST et infarctus non-Q. Les patients
subissant une revascularisation coronarienne chirurgicale ont des lésions tronculaires se traduisant par
une ischémie segmentaire, une surélévation du segment ST et un infarctus avec onde Q. Les premiers
courent davantage de risque pendant les premiers jours postopératoires que pendant la période
peropératoire, alors que les seconds sont en principe guéri de leur affection par la chirurgie
coronarienne, pour autant que la revascularisation soit complète.
Ce chapitre aborde cinq tmes principaux:
Un rappel de la physiopathologie et de la clinique de l’ischémie myocardique (voir aussi
Chapitre 05, Perfusion coronariene) ;
Le traitement de la maladie coronarienne ;
L’évaluation du risque ischémique (voir aussi Chapitre 03) ;
L'anesthésie du coronarien pour la chirurgie non-cardiaque ;
L'anesthésie pour la revascularisation coronarienne.
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Ischémie myocardique
L’anatomie et la physiopathologie de la circulation coronarienne sont traitées en détail dans le
Chapitre 05 (voir : Anatomie des coronaires, Perfusion coronarienne et ischémie myocardique, Flux
coronarien, Apport et demande d’O2, Collatérales et phénomène de vol).
Sténose coronarienne
La sténose coronarienne est le fait d'une plaque d'athérome à laquelle se surimpose parfois un spasme
musculaire. L'athéromatose elle-même est une réponse inflammatoire chronique à un
dysfonctionnement endothélial, caractérisé par un taux excessif de protéine C-réactive, et à des stimuli
biochimiques comme le cholestérol LDL (Low-density lipoprotins), la fumée ou le diabète. La
dysfonction endothéliale est liée à une prédisposition génétique et au stress de paroi (hypertension
artérielle). Elle aboutit à l'infiltration, d’abord discrète puis massive, de la paroi vasculaire par des
cellules musculaires lisses et par des macrophages remplis de cholestérol à basse densité (foam cells).
Il se forme une capsule fibreuse plus ou moins résistante à la rupture, qui isole la lésion du flux
sanguin. La dysfonction de l’endothélium s’accompagne d’une perte de sa fonction anticoagulante et
vasodilatatrice, et d’une augmentation des déclencheurs de l'adhésivité locale des plaquettes (voir
Chapitre 08, Voie cellulaire) [43].
Sténose stable et plaque instable
Schématiquement, la sténose coronarienne est liée à l’existence de deux types de plaques (Figure 9.1)
[208].
Plaque athéromateuse stable caractérisée par une partie centrale lipidique de faible dimension,
recouverte d'une couche fibro-musculaire épaisse, parfois calcifiée. Elle cause le plus souvent
des sténoses serrées (> 75%), bien visibles à l’angiographie, qui croissent de manière
progressive et qui limitent le flux sanguin dans tout un territoire.
Plaque instable, de croissance discontinue et irrégulière, composée d'une partie centrale
massive de nature lipidique à haute teneur en cholestérol (LDL), se mêlent des
macrophages et des facteurs tissulaires; cet amas est faiblement encapsulé par une couche
fibreuse fine (50-65 mcm) qui présente des signes d’érosion et de cicatrisation. A
l’angiographie, cette plaque ne se manifeste que par une sténose modeste ( 50%) et non-
limitative du flux, car elle tend à bomber vers l’exrieur et non vers l’intérieur de l’artère
[207]. Son risque est tributaire de son activité inflammatoire et de sa susceptibilité à la
rupture, mais non du degré de sténose qu’elle occasionne [61].
La fragile capsule fibreuse d’une plaque instable est tissée de collagène synthétipar les cellules
musculaires lisses. Les macrophages, stimulés par les cellules T activées lors d’une réaction
inflammatoire, sécrètent des protéinases qui dégradent ce collagène. La rupture subséquente de la
capsule met à nu le matériel lipidique et les macrophages, qui entrent alors en contact avec le sang. La
violente réaction inflammatoire qui accompagne un infarctus ou une opération chirurgicale déstabilise
les plaques sur tout l’arbre coronarien, ce qui explique la fréquence des syndromes coronariens aigus
survenant à la suite de ces évènements et le le protecteur d’une revascularisation précoce [97].
Lorsque la capsule est fissurée, le facteur tissulaire (FT) présent sur les macrophages et les cellules
musculaires lisses entre en contact avec le facteur VII circulant et déclenche la formation de thrombine
(voir Figure 8.3). D’autre part, le facteur von Willebrand, lui aussi mis à nu par la rupture, immobilise
et active les plaquettes en circulation (voir Figure 8.5) [207]. L'adhésivité de ces dernières est stimulée
et conduit à une thrombose locale; celle-ci peut être spontanément lysée, emboliser en périphérie, se
recanaliser, ou occlure totalement le vaisseau. Le sultat est un syndrome coronarien aigu ou un
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infarctus. Les plaquettes stimulées induisent la libération de substances puissamment
vasoconstrictrices (thromboxane A2, sérotonine, endothéline).
Figure 9.1 : Evolutions possibles d'une plaque athéromateuse. La lésion stable est riche en zones calcifiées, en
fibre musculaire lisse et en collagène; elle est recouverte d'une capsule fibreuse résistante. La lésion instable a
perdu ses fibres conjonctives et musculaires lisses; elle est remplie de matériel lipidique et de macrophages, sa
fine capsule fibreuse est très inflammatoire. Sa rupture est potentialisée par les forces de cisaillement et le
syndrome inflammatoire. La rupture de la plaque met le matériel lipidique et les éléments cellulaires en contact
avec les facteurs de coagulation et les thrombocytes circulants. Un thrombus se forme. L'évolution peut se faire
vers l'occlusion totale du vaisseau et l'infarctus, ou vers une fibrinolyse et une cicatrisation. Le thrombus peut
secondairement se recanaliser. L'étendue de l'infarctus dépend du territoire perfusé par le vaisseau occlus, de son
degré de collatéralisation, de la demande en O2 du myocarde au moment de l'accident évolutif, et des facteurs
induisant la fibrinolyse et la recanalisation; l'état d'hypercoagulabilité périopératoire aggrave évidemment la
situation.
Ces deux types de lésions conduisent très schématiquement à trois modalités de pathologies
ischémiques [8,207,251].
La plaque stable est responsable d'épisodes d'angor itératifs, caractéristiques d’un déséquilibre
entre l’apport et la demande en O2 parce qu’elle limite le flux lorsque la demande est
augmentée comme lors d’exercice, de tachycardie, d’hypertension, de stress ou de douleur
(Demand ischaemia). Elle se caractérise par des sténoses serrées (> 75%) à l’angiographie et
par des épreuves d’effort en général positives. Lorsqu'elle croît jusqu'à l'occlusion, cette
sténose donne lieu à un infarctus de type non-Q, accompagné de sous-décalage du segment
ST, correspondant à des lésions le plus souvent sous-endocardiques. Cet infarctus survient
Plaque
instable
Rupture +
thrombus
Ischémie sur
obstruction
Athérome
intrapariétal
Ischémie :
DO2 insuffisant
si mVO2
Sténose
< 60%
Sténose
> 70%
© Chassot 2012
1 / 133 100%
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