L A TRANSPLANTATION RÉNALE ET PANCRÉATIQUE SIMULTANÉE (SPK) L. ESPOSITO Département de Néphrologie – Transplantation d’Organes - Hôpital Rangueil – Toulouse Session 4 Dès 1967, KELLY et LILLEHEI ont démontré qu’une transplantation pancréatique pouvait normaliser la glycémie chez des diabétiques insulinodépendants. Son développement a été longtemps limité par les problèmes de techniques chirurgicales et les complications liées aux sécrétions pancréatiques exocrines (1,2). Ces difficultés transitoirement améliorées par la transplantation d’un pancréas segmentaire avec occlusion du Wirsung (JM Dubernard en 1978) a trouvé une solution grâce à la technique de greffe duodénopancreatique sur une anse en Y (3). 61 L. ESPOSITO La transplantation du pancréas organe permet de restaurer une normoglycémie en apportant suffisamment de cellules bêta. Elle reste le traitement de référence, malgré les progrès constants des résultats de la greffe d’îlots de langerhans. La double transplantation rénale et pancréatique permet de restaurer simultanément la fonction du pancréas endocrine (4) et la fonction rénale chez les patients dont le diabète insulinodépendant s’accompagne d’une insuffisance rénale terminale. Plusieurs registres internationaux notamment dès 1980, l’ IPTR ou International Pancreas Transplant registry permettent une analyse des résultats de la transplantation rein pancréas dans le monde (5). La transplantation rénale et pancréatique permet d’améliorer la qualité de vie des patients diabétiques. Ses avantages à long terme sont toutefois à mettre en balance avec sa morbidité et sa mortalité, notamment les effets secondaires de l’immunosuppression. Plus de 23000 transplantations pancréatiques ont été enregistrées par l’IPTR (5). La transplantation combinée rein-pancréas en majorité avec des organes d’un même donneur est la plus pratiquée. Les autres types de transplantations pancréatiques sont les transplantations de pancréas seule (PTA : pancreas transplantation alone) ou après transplantation rénale (PAK : pancreas after kidney). Depuis 1995, le nombre de transplantions combinées est constant, en revanche le nombre de transplantations pancréatiques seules a quadruplé. En 2011 en France, le nombre de transplantations combinées était de 67 pour 148 patients diabétiques en attente sur la liste. 62 Les patients sont éligibles pour une transplantation combinée lorsqu’ils sont atteints de complications liées au diabète : néphropathie avec insuffisance rénale chronique (à partir de 50 ml/min de clairance de la créatinine), rétinopathie et neuropathie ou lorsque le diabète est instable provoquant coma hypoglycémique ou hyperosmolaire. Les règles d’attribution des greffons en France accordent une priorité aux patients de moins de 55 ans diabétiques de type I. Un bilan pré transplantation détaillé, principalement cardiaque et vasculaire périphérique, doit être réalisé pour chaque patient et renouvelé. La transplantation combinée est la méthode thérapeutique de choix lorsque le patient diabétique de type I présente une insuffisance rénale chronique. En effet, l’insuffisance rénale associée à la macroprotéinurie est un facteur significatif de mortalité (6). L’idéal est donc de proposer cette greffe combinée avant le stade d’insuffisance rénale terminale dès que la clairance est inférieure ou égale à 50ml/min (7). Toutefois, lorsque le temps d’attente s’allonge pour la double transplantation rein pancréas, une transplantation rénale préemptive peut éviter la mortalité et la morbidité liée à la dialyse particulièrement significative chez ces patients diabétiques. La survie des greffons pancréatiques et rénaux est meilleure en cas de greffe simultanée comparée aux greffes rénales ou pancréatiques isolées (2009 OPTN/SRTR annual report). La Transplantation Rénale et Pancréatique Simultanée (SPK) patients diabétiques ayant eu une transplantation rénale cadavérique seule (8, 9). Les patients diabétiques de type I ayant une fonction rénale normale et stable, une faible protéinurie mais un diabète instable avec hypoglycémie non ressentie mettant en jeu le pronostic vital ou, atteints d’une gastroparésie invalidante peuvent bénéficier d’une transplantation pancréatique seule. Cependant, 30% des patients seront candidats à une transplantation rénale secondairement en moyenne 10 ans après la transplantation pancréatique. La toxicité rénale des anticalcineurines en est le facteur principal (10). Session 4 La survie des patients est également significativement meilleure par rapport à la survie des 63 L. ESPOSITO Une diminution de la filtration glomérulaire de 20% est notée dès la première année (11). A cet égard des protocoles d’immunosuppression n’utilisant pas les anticalcineurines sont en cours Les patients transplantés d’un pancréas seul présentent également une détérioration plus rapide de leur fonction rénale que les patients sous insulinothérapie intensive (12). La transplantation pancréatique doit être proposée dès que l’insulinothérapie intensive est en échec et avant que le patient soit macroprotéinurique, facteur de mortalité majeur. Conclusion : Chez les « receveurs limites », une transplantation rénale réussie permet d’envisager une transplantation pancréatique secondaire dans de meilleures conditions en terme d’état général. La transplantation rein pancréas simultanée est devenu un traitement de référence du patient diabétique de type I insuffisant rénal, en terme de survie et de qualité de vie. Plusieurs études ont montré que la greffe simultanée permet de stabiliser les complications vasculaires du patient diabétique à condition d’obtenir un équilibre glycémique pérenne (13). Ces résultats doivent encore être confirmés à plus long terme. Le poids du diabète et de ses complications doit également être mis en balance avec les risques de la chirurgie et de l’immunosuppresion chronique. 64 La Transplantation Rénale et Pancréatique Simultanée (SPK) BIBLIOGRAPHIE : 1-Kelly WD, Lillehei RC, Merkel FK et al. allotransplantation of the pancreas and duodenum along with the kidney in diabetic nephropathy. Surgery 1967, 61: 827-837. 8-Morath C, Zeier M, Döhler B, Schmidt J, Nawroth P.P, and Opelz G. Metabolic control improves long-term renal allograft and survival in type 1 diabetes. J Am Soc Nephrol 2008, 19: 1557-1563. 2-Lillehei RC, SIMMONS rl? Najarian JS et al. Pancreatico-duodenal allotransplantation : experimental and clinical experience. Ann Surg, 1970, 172: 405-436. 9-Weiss AS, Smits G, Wiseman AC. Twelve-month pancreas graft function significantly influences survival following simultaneous pancreas-kidney transplantation. Clin J Am Soc Nephrol. 2009 May;4(5):988-95. 3-Duberanrd JM, Traeger j, Bosi E et al. Advances in human neoprene-injected pancreas transplantation: experience with 47 cases. Transplant proc, 1984, 16: 1267-1269. 4-Morel P., Sutherland D.E.R., Almond P.S. Assessement of renal function in type I diabetic patients after kidney, pancreas, or combined kidney pancreas transplantation. Transplantation, 1991, 51: 1184-1189. 5-Gruessner AC, Sutherland DE. Pancreas transplant outcomes for United States (US) and non US cases as reported to united network for organ sharing (UNOS) and the International Pancreas Transplant Registry (IPTR) as of june 2004. Clin Transplant, 2005, 19 : 433-455. 6-Skupien J, Warram JH, Smiles AM, Niewczas MA, Gohda T, Pezzolesi MG, Cantarovich D, Stanton R, Krolewski AS. The early decline in renal function in patients with type 1 diabetes and proteinuria predicts the risk of end-stage renal disease. Kidney Int, 2012,10.1038. 10-Sutherland DE, Gruessner RW, Dunn DL et al. Lessons learned from more than 1000 pancreas transplants at a single institution. Ann Surg, 2001, 233: 463-501. 11-Mazur MJ, Rea DJ, Griffin MD et al. Decline in native renal function early after bladder-drained pancreas transplantation alone. Transplantation, 2004, 77: 844-849. 12-Boggi H, Vistolisi F, Amorese G, Giannarelli R, Coppelli A, Mariotti R, Rondinini L, Barsotti M, Signori S, De Lio N, Occhipinti M, Mangione E, Cantarovich D, Del Prato S, Mosca F, Marchetti P. Long-term (5 years) efficacy and safety of pancreas transplantation alone in type 1 diabetic patients. Transplantation, 2012, 93: 842-846. 13-Morath C, Schmied B, Mehrabi A, Weitz J, Schmidt J, Werner J, Buchler M;W, Morcos M, Nawroth P.P, Schwenger V, Doehler B, Opelz G and Zeier M. Clin Transplant 2009: 23 (suppl 21): 115120. Session 4 7-Israni AK, Feldman HI, Propert KJ, Leonard M, Mange KC. Impact of simultaneous kidney-pancreas transplant and timing of transplant on kidney allograft survival. Am J Transplant. 2005 Feb;5(2):374-82. 65