Divergence et dissonance - Credit Agricole, Etudes Economiques

Études Économiques Groupe
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Trimestriel n°146 4e trimestre 2014
Divergence et dissonance
Synthèse
Le fait que la situation semble se normaliser aux
États-Unis n’est pas un heureux hasard. C’est très
probablement la conséquence d’une série d’initia-
tives qui commencent à porter leurs fruits. Au
nombre de celles-ci, on compte l’assainissement du
secteur financier, la mise en œuvre de mesures de
relance budgétaire ambitieuses dès le début de la
crise et une politique monétaire audacieuse. À cela
s’ajoute une elle capacité de sendettement du
secteur privé. Bien sûr, la crise a laissé certaines
traces. La croissance potentielle est probablement
plus faible qu’avant la « Grande récession ». Un
changement de cap de la politique monétaire, sur
lequel nous tablons vers mi-2015, serait la
meilleure preuve que la page de la crise est
véritablement tournée.
Dans le reste du monde, la visibilité est clairement
plus limitée. L’expérience actuelle de la Chine
montre à quel point il est difficile de passer d’un
modèle de croissance mercantiliste à bas revenu à
un modèle de croissance davantage basé sur l’éco-
nomie domestique et des revenus intermédiaires.
En Europe, et en particulier au sein de la zone
euro, la situation reste incertaine et les pers-
pectives sont maussades. La croissance est plus
faible qu’anticipé, probablement en raison des
incertitudes persistantes sur les politiques écono-
miques dans la région : il a fallu des années pour
établir une véritable politique monétaire (qui n’est
toujours pas aussi audacieuse que celle de la Fed)
et des interrogations et divergences persistent sur
le rythme d’ajustement des finances publiques. Des
réponses politiques appropriées sont aussi urgen-
tes et nécessaires qu’elles sont difficiles à mettre
en œuvre.
Sommaire
Pays développés : Retrouver la confiance ................ 2
Zone euro : la reprise encore retardée ...................... 2
États-Unis : la croissance, supérieure à son potentiel,
continue d’absorber les ressources inemployées ....... 3
Japon : une hausse supplémentaire de la TVA
est-elle réellement envisageable ? ............................ 5
Brésil : tournant décisif à l’horizon ........................... 6
Russie : croissance faible au mieux .......................... 7
Inde : une reprise fragile ............................................ 8
Chine : sous pression ................................................ 9
Politique monétaire : Un océan les sépare .............. 10
FOMC : vers une normalisation des taux ................. 10
BCE : objectifs quantitatifs ...................................... 10
Marchés financiers : Timide normalisation ............. 12
Taux d’intérêt ........................................................... 14
Taux de change ........................................................ 14
Matières premières .................................................. 14
Scénario économique du Groupe
Crédit Agricole S.A. ................................................. 15
Comptes publics ...................................................... 17
Zoom vidéo
Divergences
Les résultats du T2 montrent une
forte divergence entre les deux
côtés de l'Atlantique. Alors que
le PIB américain progressait de
plus de 1% par rapport au T1,
soit 4,2% en rythme annuel,
celui de la zone euro n'aug-
mentait que de 0,03%, après un
T1 médiocre à 0,2%. À quoi
est due la performance améri-
caine ? Est-elle durable ? Et
l'Europe ? Faut-il se résigner à
une croissance durablement
faible ?
Pays développés
N°146 4e trimestre 2014 2
Retrouver la confiance
Les résultats décevants du premier semestre ont incité la Banque centrale européenne à être plus
offensive. Mais les incertitudes persistent sur les finances publiques, notamment en France, malgré
une réaffirmation des objectifs. À l'inverse, la confiance des ménages et des entreprises semble
assez solidement rétablie aux États-Unis, mais pas au Japon.
Zone euro : la reprise encore retardée
Le ralentissement du cycle manufacturier mondial et l’impact de la montée du risque
opolitique en Europe centrale ont eu raison de la reprise au premier semestre
dans la zone euro. Après l’atonie du PIB au premier trimestre
(+0,2% t/t), des facteurs exceptionnels, tels que les ajustements
de la production d’énergie et de la construction suite à un hiver
chaud, et des vacances de ques tardives sont venus brouiller
une phase de reprise qu'on attendait plus soutenue (0,0% au
deuxième trimestre). La désynchronisation du cycle de l’UEM
avec celui des économies anglo-saxonnes et de la Chine s’est
donc amplifiée.
La consommation des ménages est restée solide dans les
principales économies de la zone, à l’exception de l’Italie et
des Pays-Bas. Mais elle est en ralentissement en Allemagne, et
ne fait que compenser la mauvaise performance du premier
trimestre en France. En Italie, sa simple stabilisation est
néanmoins un facteur positif après trois années de recul
marqué. En but d’année, le revenu disponible des ménages
n'a progressé qu'à un rythme très modeste, qui ne garantit
qu’une stabilisation en termes réels, en dépit de la baisse de
l’inflation. Le taux d’épargne ne se dégrade plus depuis le
printemps 2013 ; tout comme le taux d’investissement
résidentiel, qui reste néanmoins à un niveau bas garantissant la
stabilité du taux d’épargne financière. Cette stabilité permet au
taux d’endettement de poursuivre sa baisse. La remontée
récente de la richesse des ménages, en dépit de la baisse de
leur richesse immobilière, est un élément positif qui laisse
envisager une progression limitée du taux d’épargne, sans que
celle-ci ne soit préjudiciable à la reprise progressive de la
consommation envisae par notre scénario.
La contribution de la demande intérieure à la croissance est
restée très faible au deuxième trimestre 2014, freinée par le
recul de l’investissement. L’investissement productif a
continué à se replier, et son taux ne s’est redressé qu’en
Allemagne, parmi les grands pays de la zone. Les signes
d’une amélioration graduelle des perspectives pour la zone euro
et la modeste amélioration du taux de marge ne se sont pas
traduits par une hausse de la profitabilité, qui ne se redresse pas
par rapport au faible niveau atteint au but 2012. La nouvelle
baisse de l’investissement est le symptôme que la dette reste un
facteur critique pour les entreprises, notamment dans les pays
de la périphérie. Malgré la progressive (bien que partielle)
détente des conditions de financement, le coût du service de la
dette reste supérieur à sa moyenne de long terme.
L'alioration de la capaci de financement des entreprises
permet de poursuivre l’objectif de réduction de l’endettement
bancaire. L’endettement de marché a augmenté, sans pour
autant entraver la baisse globale de la position débitrice des
entreprises.
Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A.
Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A.
020 40 60 80 100
Roy.-Uni
Etats-Unis
Espagne
Allemagne
Italie
Grèce
France
Japon
Des Français et des Italiens
pessimistes
s'améliorer rester identique empirer ne sait pas
Source : Pew Research Center, printemps 2014
% de répondants estimant que d'ici 12 mois, la situation
économique va...
Pays développés
N°146 4e trimestre 2014 3
Le rebond de la production industrielle au mois de juillet (+1%
m/m) laisse un acquis de croissance positif au troisième
trimestre (+0,4%), mais l’activité est encore fortement perturbée
par les ajustements de la composante énergie. Le cycle de
biens d’investissement semble avoir redémarré, mais
l’hétérogénéité des performances entre pays reste importante.
Bien que les indicateurs avancés d’activise soient bien
repliés au cours de l’été, ils continuent de signaler une
expansion de l’activité dans l’industrie, plus solide dans les
services. Le cycle américain et chinois, avanpar rapport à
celui de la zone euro, est ressoutenu depuis le deuxième
trimestre. La fin des facteurs exceptionnels venus perturber la
reprise, mais aussi la cessaire reconstitution des stocks
devraient soutenir l’activité en fin d’année. La reprise d’un cycle
de biens de consommation durables, et dans une moindre
mesure d’investissement productif, justifiée par l’obsolescence
du parc existant, devrait renforcer la croissance en 2015
(+1,3%, après +0,8% en 2014).
Nous attendons donc une reprise « technique » se
caractérisant par une croissance inférieure au potentiel, car
les moteurs traditionnels de la consommation privée et de
l’investissement productif resteraient bridés. Quant à
l’investissement en construction, il continuerait de contribuer
négativement à la croissance.
La préciation graduelle de la devise européenne et une
réduction progressive de la fragmentation des marchés du
crédit qui permettrait une meilleure transmission de la
politique monétaire sont des facteurs essentiels, afin que
cette modeste reprise puisse s’enclencher. L’hypothèse
fondamentale sous-jacente à notre scénario est celle de
l’utilisation de toutes les marges de manœuvre budgétaires permises par les traités
européens, qui impliquerait une impulsion presque neutre (-0,4%) de la politique
budgétaire, et une absence de progrès dans la duction de la dette publique. Cette
politique budgétaire se justifierait largement dans un contexte de maintien d’un important
output gap négatif à l’horizon de notre prévision.
États-Unis : la croissance, supérieure à son potentiel, continue d’absorber
les ressources inemployées
Après un rythme de croissance élevé (plus de 4% en rythme annuel) au deuxième
trimestre, nous tablons sur une croissance proche de 3% pour le reste de l’année
2014 et pour 2015. Nous estimons la croissance potentielle à environ 1,75%-2,00% à
court terme : nos prévisions de croissance suggèrent donc
une réduction des ressources inemployées sur le marché du
travail et une remontée graduelle de l’inflation vers lobjectif
de 2% du FOMC.
Les ménages semblent en position de dépenser un peu
plus librement, comme le montre la progression
soutenue des indices de confiance ; progression qui,
selon nous, résulte de l’amélioration et des perspectives
positives du marc du travail. Les contraintes, liées au
désendettement, qui pesaient sur les dépenses des ménages
ont diminué et les consommateurs sont plus enclins à recourir
au crédit pour des achats importants, tels que des achats
d’automobiles. Les ventes de voitures, soutenues par des
conditions de financement attractives et par la demande de
remplacement liée au vieillissement du parc automobile, ont
-1,0
-0,5
0,0
0,5
1,0
1,5
UEM Allemagne France Italie Espagne
% PIB
UEM : effort d'ajustement structurel
- écart par rapport aux engagements
2014 (PSC) 2014 (Crédit Agricole SA)
2015 (PSC) 2015 (Crédit Agricole SA)
Source : Programmes de stabilité, Crédit Agricole S.A.
0
2
4
6
8
0
3
6
9
12
15
18
07 08 09 10 11 12 13 14
%
M, cvs,
rythme
annuel
États-Unis : ventes de voitures
Ventes voitures (imports et ventes domestiques)
Tx crédits auto s/ 4a (achats voitures neuves, éch. dr.)
Source : Autodata, Wall Street Journal, Haver Analytics
0,7
0,8
0,9
1,0
1,1
1,2
févr.-12 nov.-12 août-13 mai-14
UEM : PMI Industrie, nouvelles
commandes/stocks de produits finis
Zone euro Allemagne France
Italie Espagne
Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A.
Pays développés
N°146 4e trimestre 2014 4
atteint 17,5 millions d’unités en rythme annuel au mois d’août. L’effet de richesse positif
continuera par ailleurs de soutenir les dépenses de consommation, le patrimoine net des
nages ayant progressé de 14 600 Mds USD au cours des deux dernières années.
Nous attendons une baisse du taux de chômage à 5,8% au quatrième trimestre
2014 et un niveau proche de l’intervalle 5,2%-5,5% conforme au mandat de la Fed
d’ici fin 2015. L’amélioration des perspectives devrait conduire certains travailleurs à
revenir sur le marché du travail. Nous anticipons également une reprise graduelle des
revenus du travail, tandis qu’à court terme une légère
progression des niveaux d’endettement et une réduction de
l’épargne permettront une accélération de la consommation
des ménages.
Nous tablons sur une modeste reprise de l’investissement
non résidentiel cette année. L’investissement des entreprises
a accéléré au deuxième trimestre. Les nouvelles commandes
de biens d’équipement hors défense et aéronautique (notre
indicateur des intentions d’investissement des entreprises)
sont en hausse de plus de 9% en glissement annuel,
suggérant une progression de l’investissement. Les
entreprises semblent davantage convaincues que la
progression de la demande pour leurs produits va persister.
Les incertitudes sur les coûts salariaux ont diminué, la
progression des primes d’assurance-maladie payées par les
employeurs ayant été relativement modérée. Le commerce
extérieur ne devrait pas contribuer à la croissance cette
année. Le renforcement de la demande domestique
provoquera une hausse des importations, tandis que la
faiblesse de la croissance en dehors des États-Unis et
l’appréciation attendue du dollar limiteront les exportations
américaines.
La reprise de l’immobilier résidentiel a été mitigée, avec
des mises en chantier plus élevées pour les logements
collectifs que pour les logements individuels. Nous
pensons que les conditions de crédit restent restrictives et
continuent de freiner la construction et les ventes de
logements. Certains signes laissent cependant entrevoir un
assouplissement des conditions de crédit : les banques se
montrent disposées à prêter aux emprunteurs solvables dont
l’historique de crédit (scoring FICO) n’est pas irréprochable.
Nous pensons que les conditions d’octroi des prêts bancaires s’assoupliront avec le
renforcement de la reprise. Des obstacles structurels pourraient toutefois également
freiner la reprise de l’immobilier résidentiel. Les jeunes actifs, souvent pénalisés par le
remboursement de prêts étudiants, pourraient retarder la formation d’une famille et avoir
des difficultés à obtenir un prêt hypothécaire.
Après avoir fortement pesé sur la croissance l’an dernier, l’impact de la politique
budgétaire devrait être relativement neutre cette année. Le rythme actuel des
dépenses publiques devrait être maintenu au cours de l’année fiscale 2015 qui
commence le 1er octobre. Après les élections de mi-mandat de novembre, qui pourraient
déboucher sur une majorirépublicaine à la Chambre des Représentants et au Sénat,
les dépenses de l’année fiscale 2015 devraient suivre le plan adopté l’année dernière par
les deux partis. La politique monétaire devrait rester accommodante jusque mi-2015 (cf.
article consacré à la politique monétaire).
Source : Bureau of Labor Statistics, Haver Analytics
Source : Census Bureau, Ellie Mae, Haver Analytics
Pays développés
N°146 4e trimestre 2014 5
Japon : une hausse supplémentaire de la TVA est-elle réellement
envisageable ?
L’Abenomics connaît des difficultés. L’économie japonaise est passée d’une phase de
décollage à une phase délicate depuis la hausse de la TVA de 5% à 8% le 1er avril
dernier et nous observons à présent le contrecoup négatif de la très forte demande
anticipée avant la hausse de la TVA. Le PIB a, en effet, plongé de 7,1% t/t en rythme
annuel au deuxième trimestre, sa baisse la plus marquée en plus de cinq ans. Alors que
toutes les composantes de la demande finale privée (consommation des ménages,
investissement résidentiel et investissement privé) se sont effondrées au deuxième
trimestre, les stocks ont fortement gonflé, l’impact des mesures de relance budgétaire
s’est affaibli et la visibilité sur la reprise des exportations est restée faible. De plus, les
revenus réels des ménages (tous secteurs d’activité confondus) ont fortement baissé
compte tenu de la combinaison d’une inflation exceptionnellement élevée (attribuable en
partie à la hausse de la TVA) et d’une croissance modérée des salaires nominaux –, un
phénomène qui devrait peser sur la consommation des ménages dans les mois qui
viennent.
Un certain nombre de facteurs nous amènent à tabler sur
un rebond de l’économie au second semestre : une
normalisation de la demande domestique finale, une baisse
du yen et une hausse des exportations. Ceci dit, il semble
de plus en plus envisageable que le ralentissement
économique se prolonge plus longtemps qu’anticipé,
en raison d’un facteur déterminant : la faiblesse des
revenus réels des ménages. La consommation des
ménages est, en effet, restée faible et nettement en deçà
des anticipations en juillet et en août. En conséquence, la
croissance du troisième trimestre pourrait être insuf-
fisante pour justifier un relèvement supplémentaire du
taux de TVA de 8% à 10% en octobre 2015. Le Premier
ministre, Shinzo Abe, devra donner début décembre sa
décision définitive sur le relèvement supplémentaire du
taux de TVA à 10% en octobre 2015, après avoir évalué les
chiffres de croissance du troisième trimestre 2014.
Même dans ces conditions, la BoJ est réticente à
assouplir davantage sa politique monétaire, estimant qu’elle a déjà fait son travail.
La Banque centrale est optimiste sur les perspectives économiques et affiche une grande
confiance sur la trajectoire actuelle et future de l’inflation, bien que les derniers chiffres
(1,3% a/a en juillet, hors impact de la hausse de la TVA) restent inférieurs à l’objectif de
2% de la BoJ. À moins de problèmes sérieux sur les marchés financiers, nous
n’attendons donc pas d’assouplissement supplémentaire dans un avenir proche dans
notre scénario central.
En conséquence, Shinzo Abe continue à avancer sur la corde raide. Le dernier espoir
pour une reprise économique à court terme serait une dépréciation supplémentaire
suffisante du yen, liée au durcissement de la politique monétaire américaine, et donc une
forte montée suffisamment prononcée des marchés actions. D’après nos estimations,
les difficultés économiques actuelles pourraient disparaître, grâce à un effet de
richesse positif et à un regain de confiance, si l’indice Nikkei atteignait ou
dépassait le cap des 17 500. Cela dit, il ne sera pas facile d’atteindre ce niveau
immédiatement.
95
100
105
110
115
04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
indice
Japon : l'influence négative de la
hausse de TVA s'atténue
Indice composition de consommation
Avril
Mars
Juil.
Source : Crédit Agricole CIB
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