Les insuffisances aortiques (249) Professeur Gérald VANZETTO Novembre 2002 (Mise à jour Janvier 2005) Pré-Requis : • • • • Anatomie et physiologie Sémiologie clinique Sémiologie paraclinique Pharmacologie Résumé : L'insuffisance aortique, le plus souvent d'origine rhumatismale, correspond à une incontinence de la valve aortique, se manifestant essentiellement en aval par des signes d'hyperpulsatilité artérielle et une diminution de la pression artérielle diastolique, et en amont par une surcharge volumique ventriculaire gauche, évoluant à long terme vers la dilatation et l'insuffisance cardiaque gauche. Le traitement médical repose essentiellement sur les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine et la prophylaxie de l'endocardite infectieuse. Le traitement radical consiste en un remplacement valvulaire chirurgical Mots-clés : Insuffisance aortique, RAA, surcharge diastolique, hyperpulsatilité artérielle, élargissement de la différentielle, roulement diastolique, insuffisance ventriculaire gauche, IEC, remplacement valvulaire aortique, endocardite infectieuse. Références : 1er, 2ème, 3ème cycle de médecine, préparation au concours de l’Internat : • • Collège des Enseignants de Cardiologie sous la direction de Xavier André-Fouët, Cardiologie, Université Claude Bernard Lyon I, Presses Universitaires de Lyon (PUL). Denis B., Machecourt J., Vanzetto G., Bertrand B., Defaye P., Sémiologie et Pathologie Cardiovasculaires, Edité par B.Denis, 1999. Et pour approfondir : • • Vacheron A., Le Feuvre C., Di Matteo J., Cardiologie, 3ème édition Mars 1999, Expansion Scientifique publications. Braunwald E., Heart disease : a textbook of cardiovascular medicine. 5ème édition 1997, Editions W.B. Saunders, Philadelphie. Liens : • Sémiologie et pathologie cardiovasculaires, Site Internet du Service de Cardiologie du CHU de Grenoble : http://www-sante.ujfgrenoble.fr/SANTE/CardioCD/cardio/index.html Exercices : 1. Étiologies et aspects anatomiques Etiologie Anatomie Rhumatisme articulaire aigu (60%) Fibrose valvulaire, rétraction du bord libre, calcifications Endocardite infectieuse - sur valves saines - sur lésions préexistantes (bicuspidie, valve rhumatismale) Végétation Ulcération et perforation valvulaire Destruction du bord libre Abcès annulaire Syndrome de Marfan Maladie annulo-ectasiante Dilatation de l'anneau valvulaire et de l'aorte ascendante Défaut de coaptation des sigmoïdes aortiques Dissection aortique Dilatation annulaire Eversion et prolapsus d'une sigmoïde aortique Plaques gélatineuses et fibreuses Rétraction valvulaire et disjonction des commissures Coronarite ostiale fréquemment associée Syphilis Cardiopathies congénitales - Bicuspidie aortique - Maladie de Laubry Pezzi - 2 sigmoïdes au lieu de 3 et dystrophie valvulaire - Communication interventriculaire avec prolapsus progressif de la sigmoïde antéro-droite par effet Venturi Spondylarthrite ankylosante Dilatation annulaire ± dégénérescence valvulaire 2. Physiopathologie • • • • Régurgitation diastolique de l'aorte vers le ventricule gauche Surcharge volumique diastolique ventriculaire gauche, avec dilatation ventriculaire Chute de la pression diastolique aortique (PAD) Diminution de la perfusion coronaire 3. Diagnostic 3.1. Symptômes • • • • Asymptomatique pendant plusieurs dizaines d'années Angor, en particulier nocturne ou au repos, dans les régurgitations massives Dyspnée d'effort et, a fortiori insuffisance cardiaque, surviennent tardivement Lypothymies d'effort, rares, beaucoup moins fréquentes que dans le rétrécissement aortique 3.2. Signes physiques 3.2.1. • • • • • Cardiaque Choc de pointe en dôme à la palpation Souffle holodiastolique accroché à B2, doux humé et aspiratif, maximum le long du bord gauche du sternum, bien perçu en antéflexion ou en décubitus latéral gauche Souffle éjectionnel mésosystolique d'accompagnement, perçu au foyer aortique principal Claquement d'éjection protosystolique ou "pistol shot", très inconstant Roulement de flint, perçu à l'apex en décubitus latéral gauche, résultant de la rencontre entre le flux mitral antérograde et le flux de régurgitation aortique Enregistrement sonore : insuffisance aortique (Tous Droits Réservés) 3.2.2. • • Périphériques Hyperpulsatilité artérielle avec pouls périphériques amples et "bondissants" Diminution de la pression artérielle diastolique +++ avec élargissement de la différentielle : o PAD ¸ 60 mmHg : insuffisance aortique modérée o PAD ¸ 50 mmHg : insuffisance aortique importante o PAD ¸ 40 mmHg : insuffisance aortique massive 3.3. Électrocardiogramme • • • Hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) de type diastolique (grandes ondes T > 0) Parfois bloc de branche gauche Plus rarement bloc auriculo-ventriculaire du 1er degrés 3.4. Radiographie thoracique • • Cardiomégalie, avec augmentation de l'index cardio-thoracique et du 3ème arc gauche Dilatation de l'aorte sus-valvulaire 3.5. Echo-doppler cardiaque • • • • Précise l'anatomie valvulaire et l'étiologie de l'insuffisance aortique. Quantifie l'importance de l'insuffisance aortique grâce à l'étude Doppler. Retrouve des signes indirects de régurgitation (fluttering de la valve mitrale). Apprécie les conséquences de l'insuffisance aortique: diamètre ventriculaire gauche, fraction d'éjection ventriculaire gauche, dilatation de l'anneau et de l'aorte susvalvulaire. Vidéo : Insuffisance aortique en Echographie doppler couleur La régurgitation dans le VG en diastole prend l'aspect d'une mosaïque de couleurs (Tous Droits Réservés) Photo : Insuffisance aortique Flux diastolique (Service de Cardiologie du CHU de Grenoble) Photo : Insuffisance aortique Flux couleur diastolique (Service de Cardiologie du CHU de Grenoble) 3.6. Cathétérisme et angiographie cardiaques • • • • L'aortographie sus sigmoïdienne évalue la régurgitation et la dilatation aortique. La ventriculographie gauche apprécie la dilatation ventriculaire gauche et mesure la FE. La coronarographie recherche d'éventuelles sténoses coronaires associées. La mesure des pressions droites et gauches apporte une information pronostique opératoire. Schéma : Insuffisance aortique : synthèse (Service de Cardiologie du CHU de Grenoble) 4. Evolution • • • L'insuffisance aortique chronique est d'évolution lente, peut être longtemps bien tolérée, en particulier dans les formes modérées. La surveillance des patients se fait sur l'apparition de symptômes, mais surtout par des échographies cardiaques régulières à la recherche de critères de sévérité. L'évolution peut à tout moment être émaillée d'une complication, en particulier : o oedème aigu du poumon o mort subite d'origine rythmique o endocardite infectieuse 5. Critères pronostique • • Les critères cliniques sont tardifs et de mauvais pronostic. Il ne faut donc pas les attendre pour porter une indication opératoire : o Dyspnée d'effort o Angor nocturne : survie moyenne -> 3 ans après les premiers signes o Oedème aigu du poumon : survie moyenne -> 1 ans après le premier épisode Les critères paracliniques qui témoignent de la sévérité de la régurgitation et de sa mauvaise tolérance sont : o aspect de surcharge systolique à l'ECG (T < 0) et/ou majoration de l'HVG o index cardio-thoracique > 0.60 sur la radiographie thoracique o diamètre télédiastolique ventriculaire gauche échographique > 70 mm o diamètre télésystolique ventriculaire gauche échographique > 55 mm o augmentation du volume cardiaque à 1 an d'intervalle o fraction d'éjection ventriculaire gauche < 50% o fraction de régurgitation écho-doppler > 50% 6. Traitement • Médical : o vasodilatateurs artériels en particulier inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine o prévention de l'endocardite infectieuse +++ • Chirurgical : o Remplacement valvulaire aortique par prothèse mécanique, ou plus rarement biologique o Indication chirurgicale : dès l'apparition des symptômes aggravation des critères paracliniques, en particulier échographiques, avant d'atteindre les critères pronostiques péjoratifs 7. Particularités de l'insuffisance aortique aiguë 7.1. Etiologies • • Il s'agit essentiellement de l'endocardite infectieuse qui, outre le tableau clinique qui lui est propre, se particularise par une insuffisance aortique "explosive", d'installation rapide, d'emblée massive, avec mauvaise tolérance clinique et hémodynamique engageant le pronostic vital à court terme. La dissection aortique de type I peut être responsable d'une insuffisance aortique, qui est en général modérée. 7.2. Physiopathologie • régurgitation diastolique MASSIVE et surcharge AIGUE du ventricule gauche. 7.3. Particularités diagnostiques • • • • • • Clinique : o Dyspnée de repos o Oedème aigu du poumon o Tachycardie o Galop (B3) o Crépitants pulmonaires o Abaissement marqué de la PAD, souvent < 40 mmHg ECG : o Souvent normal en dehors de la tachycardie o Surcharge diastolique aiguë (T < 0) sans HVG associée Radiographie thoracique : o Absence de cardiomégalie o Oedème pulmonaire Echo-doppler cardiaque : o Destruction ou capotage valvulaire o IA massive o Dilatation ventriculaire gauche absente ou discrète o Aspect de surcharge volumique aiguë avec hyperdynamie VG o Refermeture prématurée de la valve mitrale Cathétérisme et angiographie cardiaque : o Contre-indiqués dans l'EI et la dissection aortique. Evolution : Elle peut être émaillée par : o Insuffisance cardiaque réfractaire o Choc cardiogénique : OAP, hypotension, anurie o Mort subite 7.4. Traitement • Médical : o vasodilatateurs artériels (régitine, nitroprussiate, antagonistes calciques) o tonicardiaques (dobutamine, dopamine) o diurétiques (furosémide) • Chirurgical : o Dissection aortique : Intervention systématique dans les heures qui suivent le diagnostic (remplacement de l'aorte ascendante + valve aortique). o Remplacement valvulaire aortique en urgence si absence d'amélioration hémodynamique > 24 à 48 heures de traitement médical.