Concours post-bac
Trajectoire Management
Session 2012
Épreuve écrite de synthèse à dominante économique
Durée 2h30
AUCUN DOCUMENT N’EST AUTORISE
CALCULATRICES NON AUTORISEES
Épreuve écrite de synthèse à dominante économique
Durée 2h30
Ce sujet comporte 3 documents
A l’aide des documents, mais sans faire de paraphrase, et à l’aide de vos connaissances vous traiterez
le sujet suivant dans un développement structuré :
« Pourquoi un État devrait-il subventionner la production de biens culturels ? »
La réflexion, d’une longueur de 4 pages, comportera une introduction, un développement et une
conclusion. Dans l’introduction ou dans le développement de votre réflexion, vous veillerez
notamment à définir ce qu’est l’économie de la culture ainsi qu’un mécanisme de subvention.
Document 1 : « Les lobbies culturels, l'autre exception française »
Document 2 : « Économie de la culture »
Document 3 : « Le cinéma français dans la mondialisation »
Document 1 :
Les lobbies culturels, l'autre exception française
Les candidats à la présidentielle cherchent à attirer ses bonnes grâces. Puissant, surmédiatisé, le
monde de la culture voit toutefois son pouvoir s'émousser dans un monde où le numérique et
Internet abolissent les frontières.
Les Echos, Nathalie SILBERT, 21 mars 2012.
Depuis l'automne, ils font la course pour s'attirer les faveurs du monde de la culture. On a vu Nicolas
Sarkozy, chantre de la loi Hadopi, au Forum d'Avignon en novembre dernier devant les grands
patrons de l'édition, de la musique, du cinéma et du spectacle vivant, puis à Marseille, où il a
présenté ses voeux au milieu. François Hollande a, lui, choisi la Biennale internationale du spectacle à
Nantes pour lancer son opération séduction vis-à-vis du microcosme... A un mois du premier tour de
l'élection présidentielle, le candidat socialiste réunissait hier encore les artistes au Cirque d'Hiver
pour leur rappeler son attachement à la création.
« La culture ne sera pas un enjeu de l'élection présidentielle de 2012. Mais les professionnels de la
culture, eux, le sont déjà », analyse l'économiste Françoise Benhamou, spécialiste de l'économie de la
culture et des médias. En clair, le lobby culturel ? Ne prononcez pas ces mots devant Pascal Rogard,
le directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). « Je récuse ce
terme. Nous sommes des organisations professionnelles, point barre. Et pour ma part, je ne défends
que les causes auxquelles je crois », s'emporte-t-il.
Il n'empêche. Le lobby de la culture est « un des mieux organisés en France, des plus influents aussi »,
selon Hervé Digne, ancien conseiller pour les médias à Matignon. Et ce, même si sa puissance tend à
s'émousser dans un univers mondialisé où, avec la révolution Internet, les frontières s'effacent. En
quelques décennies, il est devenu omniprésent sur les grandes questions qui agitent le secteur
(régulation, fiscalité, etc.), construisant sa puissance sur une unité circonstanciée autour de quelques
sujets : l'exception culturelle (soit l'idée que les biens et services culturels ne peuvent être traités
comme n'importe quelle marchandise) et dans une certaine mesure, la loi Hadopi, qui sanctionne le
téléchargement illégal des oeuvres sur Internet.
Des intérêts contradictoires
En réalité, sous un même étendard, on trouve un monde hétéroclite. Les syndicats professionnels du
cinéma -nombreux puisqu'ils additionnent les exploitants de salles, les producteurs indépendants, les
auteurs réalisateurs, les distributeurs etc. -côtoient ceux de la musique, de l'édition, de la production
audiovisuelle... S'ajoutent encore les organisations du spectacle vivant et les sociétés de gestion
collective des droits d'auteurs : la SACD (51.000 auteurs du cinéma, de la télévision, du théâtre...), la
Scam (plus de 30.000 auteurs de documentaires principalement) et la Sacem pour les auteurs et
compositeurs de musique (près de 140.000) pour citer les plus puissantes.
Cette petite famille est en tout cas pétrie de divisions et d'intérêts contradictoires. Lorsqu'aucune
crise majeure ne pointe à l'horizon, chaque filière défend bec et ongles ses intérêts corporatistes,
comme dans tout secteur. L'édition a ainsi bataillé pour obtenir un taux de TVA réduit sur l'e-book au
1
er
janvier 2012, sans accord de Bruxelles. Le champion en termes de lobby est toutefois le septième
art. A la moindre alerte sur Canal +, son premier bailleur de fonds, il fait bloc pour voler au secours
de la chaîne cryptée. Mais il est fréquent qu'au sein d'un même secteur, les désaccords surgissent :
ainsi, les querelles entre exploitants de salles et distributeurs de films sont récurrentes. L'industrie de
la musique s'est, elle, déchirée sur la licence globale défendue par les interprètes mais décriée par les
compositeurs.
« La grande force du monde de la culture, c'est qu'il sait se rassembler dès qu'un danger plane sur ses
intérêts », analyse Hervé Digne. D'un coup, la famille parle d'une seule voix. Cette unité lui a permis
de prospérer dans la complicité avec les politiques, de gauche comme de droite. Depuis Malraux, la
politique culturelle en France est un des grands domaines d'intervention de l'Etat incarné par
l'existence d'un ministère de la Culture. Jack Lang, ministre emblématique de François Mitterrand,
ayant même étendu son champ à la bande dessinée... et à la gastronomie. Très actif, le microcosme
de la culture a lui aussi été de toutes les batailles pour lutter contre le rouleau compresseur
américain et protéger la création française, tirant sa légitimité d'un dialogue privilégié avec les
pouvoirs publics. Au point que ces derniers seraient devenus « trop complaisants face à lui », comme
le suggère un observateur ?
Dans les hautes sphères de l'Etat, les messages sont en tout cas entendus. C'est ainsi qu'un soir de
septembre 2010, les grands patrons du septième art ont été reçus à l'Elysée par Nicolas Sarkozy,
obtenant qu'il renonce à relever la TVA acquittée par Canal+. Et dans les nombreux bras de fer qui
l'opposent au lobby des télécoms, la « culture » l'emporte régulièrement.
Le milieu dispose, il est vrai, d'une arme redoutable pour se faire entendre : un pouvoir de
médiatisation inégalé. Il peut mobiliser, dans ses propres rangs, des stars connues du grand public.
En plein débat sur la loi « Création et Internet » rebaptisée Hadopi, on a ainsi vu Juliette Gréco, Pierre
Arditi, Michel Piccoli, Raphaël, Patrick Bruel tacler publiquement le Parti socialiste, hostile au texte.
Occupation permanente du terrain, surmédiatisation... Cela n'empêche pas le modèle hexagonal du
lobby culturel de s'essouffler. « Court-termiste », « miné par un flexe de citadelle assiégée »,
« dénué d'esprit de conquête » sont des reproches qui émanent de ses détracteurs. La faculté du
microcosme à réclamer régulièrement des nouvelles aides en agace également plus d'un. « Il n'y a
plus de limite à la surenchère ! » s'est indignée dans une tribune publiée par Rue89, la députée Laure
de la Raudière, chargée des dossiers numériques à l'UMP, alors que la filière réclamait la création de
nouvelles taxes sur les fournisseurs d'accès à Internet pour se financer.
A regarder l'étude d'Ernst & Young présentée au Forum d'Avignon, les secteurs du champ culturel
ont toutefois bénéficié de manière variable de la politique du lobby culturel : ainsi, en 2009, dans
l'Hexagone, l'audiovisuel et le cinéma accaparaient, à eux seuls, 80 % du montant des subventions
versées au secteur de la culture. De plus, « la politique menée dans cette filière a conduit à un
saupoudrage des aides », regrette Didier Duverger, banquier chez Coficiné. Un effet du clientélisme
politique ?
Par ailleurs, dans un monde où le numérique abolit les frontières, l'efficacité du lobby culturel
s'affaiblit. Dans un essai au titre évocateur, « Pour en finir avec l'exception culturelle », Philippe
Bailly, fondateur de NPA Conseil, société de conseil en audiovisuel, estime ainsi qu' « à défaut de
favoriser l'émergence de champions nationaux capables de rivaliser avec les géants internationaux,
l'hyper-réglementation française ne protège plus les créateurs eux-mêmes ». « L'exception culturelle
est devenue une exception réglementaire française », analyse-t-il.
Qui plus est, le fossé se creuse « entre les créateurs et les syndicats professionnels, qui, très
conservateurs, freinent les adaptations à la nouvelle donne créée par le numérique. Il faut
maintenant raisonner pour l'avenir », insiste Pascal Rogard.
Alors qu'une part croissante des décisions ne relève plus des pouvoirs publics français mais de la
Commission européenne ou des autres pays de l'Union, les organisations professionnelles voient
désormais une partie de leur champ d'action leur échapper. « Jusqu'ici, on est parvenu à préserver
l'essentiel », nuance Bernard Miyet, le président du directoire de la Sacem. Mais la partie est de plus
en plus compliquée à jouer. Mandaté fin 2010 par le gouvernement Fillon pour faire passer à
Bruxelles la TVA réduite sur les biens culturels en ligne, l'ex-ministre de la Culture, Jacques Toubon, a
ainsi toutes les peines à « vendre » à nos voisins son dispositif : « La France est un des rares pays
les pouvoirs publics considèrent qu'ils ont une responsabilité vis-à-vis de la filière culturelle », relève-t-
il.
La menace d'Internet
La tâche pour les Français est devenue d'autant plus compliquée qu'en parallèle, les géants
américains du Net, dotés de moyens colossaux, déploient un lobbying massif pour faire entendre
leurs idées. « Pour une partie de l'exécutif européen, ainsi que, majoritairement, au Parlement, nos
revendications sont perçues comme attentatoires aux libertés publiques et aux droits des
internautes », relève Hervé Rony, directeur général gérant de la Scam. Et admet-il, le lobby français,
lui, « n'arrive pas à produire un discours qui séduise les nouveaux acteurs de l'Internet ».
Ces derniers prônent de nouvelles pratiques culturelles, soutenus par une partie des internautes.
« Depuis le milieu des années 2000, les réseaux sociaux et certains blogs jouent un rôle actif dans le
débat sur la propriété intellectuelle », observe Sylvie Forbin, directrice des affaires institutionnelles et
européennes de Vivendi. « S'ils tendent à apparaître comme le miroir des consommateurs au service
de la transparence », il s'agit parfois, selon cette ancienne diplomate, « de réseaux en alité très
organisés et opaques, partisans de la remise en cause de ce droit à la propriété intellectuelle et qui,
sous couvert de défendre de généreuses valeurs de partage de la connaissance et de liber
d'expression, servent en fait des intérêts économiques puissants ». Parmi eux, les géants de la
technologie.
Avec la loi Hadopi, pour la première fois, le divorce avec une partie de l'opinion publique, les jeunes
surtout, semble consommé. Reste maintenant aux professionnels des industries culturelles à se
réinventer pour les reconquérir.
*
* *
1 / 15 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !