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Les douleurs neuropathiques : généralités
RACHIS - Vol. 16, n°3, Septembre 2004
Traitement des douleurs
neuropathiques
Celui-ci s’avère toujours délicat ne serait-ce qu’en rai-
son de leur caractère classiquement résistant aux antal-
giques communément utilisés, quel que soit leur palier
selon la classification de l’OMS.
Objectifs du traitement
Ces douleurs ne répondent pas ou très peu aux antal-
giques même morphiniques. Lors d’une utilisation
rationnelle de traitements adaptés, les résultats restent
le plus souvent incomplets : de 50 à 75 % de répon-
deurs selon les pathologies, et cette réponse cor-
respond à une atténuation de la sensation douloureuse
plutôt qu’une disparition. La prise en charge doit donc
être dans l’esprit d’une aide globale, à la fois médica-
le, mais aussi psychosociale, comme pour toute dou-
leur persistante. L’ancienneté des douleurs représente
un facteur péjoratif, ce qui plaide pour un dépistage et
un traitement précoce de la composante neuropathique
d’une douleur. Ala différence des douleurs par excès
de nociception, on ne dispose pas de guide précis
comme les paliers de l’OMS, et les traitements sont
habituellement menés par principes d’essais succes-
sifs. On peut toutefois dégager un certain nombre de
règles thérapeutiques.
Traitements inutiles
Des médicaments utilisés traditionnellement (vitami-
nes, neuroleptiques, les tranquillisants…) n’ont jamais
fait la preuve de leur intérêt et alourdissent les pres-
criptions au risque parfois d’effets secondaires. Tous
les gestes de destruction non spécifique des voies ner-
veuses (neurotomie, alcoolisation, cordotomies…), de
même que toutes les interventions chirurgicales à la
recherche d’une compression persistante (exemple des
sciatalgies sequellaires multiopérées) risquent d’ag-
graver une situation déjà fragile en majorant la source
neurologique même de la douleur.
Les traitements de première intention :
Trois modalités thérapeutiques ont une efficacité
reconnue et doivent être utilisées largement.
●Les antidépresseurs tricycliques (Amitriptyline,
Clomipramine, Imipramine).
Ils possèdent une action antalgique pure, indépen-
dante de l’effet sur l’humeur.
Cet effet est démontré par de nombreux essais cli-
niques contrôlés et confirmé par des méta-analyses
mais reste insuffisamment connu ou mentionné dans
les RCP. Dans le respect strict des contre-indications
(liées à l’effet anticholinergique), il est classique de les
essayer sur la composante permanente de la douleur
neuropathique (brûlure, étau, paresthésies…).
Toutefois, le maniement de ces molécules anciennes
reste délicat car les posologies efficaces et la toléran-
ce sont variables, de 15 à 200 mg/j en moyenne chez
l’adulte, ce qui nécessite un ajustement individuel.
Leur délai d’action est souvent retardé de 3 à 4 semai-
nes. Il est conseillé d’utiliser des doses progressive-
ment croissantes, certaines présentations en gouttes
permettent un ajustement très précis, pour limiter les
effets secondaires à l’instauration du traitement. De
nombreux effets indésirables peuvent limiter la tolé-
rance (sédation, bouche sèche, troubles du transit,
hypotension orthostatique, prise de poids, troubles
sexuels, tremblements, troubles du rythme cardiaque.
Il convient donc de parfaitement accompagner cette
prescription (explications, suivi régulier du patient).
Il faut souligner l’intérêt pratique des perfusions dans
les cas difficiles permettant une meilleure surveillance
clinique, gestion quotidienne des effets indésirables,
mise en place d’autres méthodes de prise en charge à
la faveur de l’hospitalisation.
Les molécules possèdent chacune un spectre d’activi-
té neurochimique propre, ce qui rend légitime des
essais successifs en changeant de produit en cas de
mauvaise réponse clinique.
On ne dispose en revanche que de peu d’information
sur le rôle antalgique des antidépresseurs plus récents,
en particulier les inhibiteurs de la recapture de la séro-
tonine par manque d’études contrôlées suffisantes.
Ces produits, souvent mieux tolérés, représentent tou-
tefois une alternative en seconde intention après échec
ou effets indésirables des tricycliques.
●Les anticonvulsivants
S’ils ne disposent de l’AMM que pour la névralgie
faciale, les antiépileptiques sont efficaces sur certaines
douleurs à composante fulgurante (décharges élec-
triques), ou certaines hyperesthésies. Les produits les
plus classiques sont la carbamazépine (Tégrétol®)et le
clonazépam (Rivotril®)bien qu’il n’existe pas d’études
contrôlées pour ce dernier.Les autres antiépileptiques,
comme le valproate de Na (DEPAKINE®), sont tradi-
tionnellement moins utilisés et les informations sur