Nouvelles-CATIE Des bulletins de nouvelles concis en matière de VIH et d’hépatite C de CATIE. Une étude californienne souligne le besoin de réduire les risques de cancer 30 janvier 2012 L'infection au VIH affaiblit le système immunitaire et rend les personnes séropositives vulnérables à des infections potentiellement mortelles et à certains cancers. Les combinaisons de médicaments puissants contre le VIH, couramment appelées multithérapies ou TAR, réduisent cependant la production de VIH et permettent au système immunitaire de se rétablir partiellement. Au Canada et dans les autres pays à revenu élevé, la personne moyenne qui devient séropositive aujourd'hui et qui répond bien à la multithérapie grâce à une bonne observance thérapeutique ne devrait pas connaître de problèmes à cause des infections liées au sida. Il n'empêche que certaines déficiences fonctionnelles du système immunitaire induites par le VIH persistent malgré l'usage d'une multithérapie. À titre d'exemple, mentionnons que l'activation du système immunitaire et l'inflammation se produisent continuellement malgré le traitement. Un autre problème réside dans le fait que les personnes atteintes du VIH sont souvent co-infectées par d'autres virus qui peuvent déclencher la croissance anormale des cellules, de sorte que celles-ci se transforment dans certains cas en lésions précancéreuses et en cancers. Parmi les co-infections en question, mentionnons les suivantes : EBV (virus Epstein-Barr) – membre de la famille des virus de l'herpès qui est associé à un risque accru de lymphome non hodgkinien HHV-8 (herpès-virus humain 8) – membre de la famille des virus de l'herpès susceptible de causer le sarcome de Kaposi VPH (virus du papillome humain) – certaines souches de ce virus causent des verrues anogénitales, tandis que d'autres peuvent causer des cancers de l'anus, du col utérin, du pénis et de la bouche/gorge virus de l'hépatite B et de l'hépatite C (VHB et VHC) – ces virus infectent et endommagent le foie et augmentent grandement le risque de cancer du foie La combinaison de l'activation immunitaire et de l'inflammation persistantes et la présence de virus associés à la croissance de tumeurs, et peut-être l'influence d'autres facteurs inconnus, pourraient accroître les risques de cancer pour certaines personnes séropositives. Étude californienne sur le cancer Des chercheurs en Californie ont suivi 20 0000 personnes séropositives dans le cadre d'une étude de très grande envergure dont le but consistait à détecter la présence de 10 cancers différents. Cette étude avait ceci de particulier que les données de santé se rapportant à chaque participant séropositif ont été comparées à celles de 10 personnes séronégatives qui leur ressemblaient sur les plans de l'âge, de l'ethnie/race, du sexe, de la région géographique et des facteurs de risque comme la consommation d'alcool, de tabac et d'autres substances, ainsi que la présence ou l'absence d'obésité. En guise de comparaison, mentionnons que lors de la plupart des études sur le cancer menées auparavant, on avait tendance à comparer les personnes séropositives à des personnes séronégatives « idéales » ne présentant aucun de ces facteurs de risque. Ce modèle d'étude peut donner lieu à des conclusions erronées. Les chercheurs californiens ont constaté que les risques de certains cancers étaient plus élevés pour les personnes séropositives, bien qu'un faible compte de CD4+ ait joué un rôle dans l'amplification de la vulnérabilité au cancer dans certains cas. Détails de l'étude Le profil moyen des participants séropositifs était le suivant au moment de leur admission à l'étude : 91 % d'hommes, 9 % de femmes âge – 41 ans co-infection par le virus de l'hépatite C – 8 % co-infection par le virus de l'hépatite B – 5 % usage antérieur de tabac – 43 % diagnostic d'alcoolisme – 11 % diagnostic de surpoids ou d'obésité – 38 % compte de CD4+ – 400 cellules charge virale en VIH – 50 000 copies/ml Les participants ont commencé à s'inscrire en 1996 et sont restés dans la base de données jusqu'à l'apparition d'un cancer ou en 2009. Résultats En général, plus le compte de CD4+ était faible, plus le risque de cancer augmentait, particulièrement pour les cancers suivants : sarcome de Kaposi (SK) lymphome non hodgkinien (LNH) lymphome de Hodgkin (LH) cancer anal cancers du côlon et du rectum Chez les personnes séropositives dont le compte de CD4+ était de 500 cellules ou plus, les risques de ces cancers étaient plus faibles que chez les personnes ayant un compte de CD4+ plus faible. Toutefois, même chez les personnes comptant 500 cellules CD4+ ou plus, les risques étaient plus élevés comparativement aux personnes séronégatives d'âge, de sexe et d'ethnie semblables, etc. Voici quelques précisions : SK – risque 60 fois plus élevé LNH – risque quatre fois plus élevé cancer anal – risque 34 fois plus élevé LH – risque 14 fois plus élevé Les personnes séropositives dont le compte de CD4+ était inférieur à 200 cellules couraient des risques accrus de cancers touchant les tissus suivants : poumons côlon et rectum bouche et gorge Les risques de cancers de la peau et du foie augmentaient chez les personnes ayant un compte de CD4+ de moins de 500 cellules. Les chercheurs californiens ont découvert que les personnes séropositives couraient des risques plus élevés de six cancers sur les 10 évalués (SK, LNH, LH, cancer de la peau, cancer du foie, cancer anal), peu importe s'ils présentaient plusieurs facteurs de risque de cancer ou pas. Explications possibles : même en présence d'une multithérapie, l'infection au VIH est associée à de légères déficiences fonctionnelles dans le système immunitaire, et les co-infections par des virus transmissibles sexuellement (dont certains peuvent causer le cancer) sont relativement courantes chez les personnes séropositives. Facteurs de risque et certains cancers Les premières analyses ont laissé penser que les personnes séropositives semblaient courir des risques accrus de cancers de la bouche, de la gorge et du poumon, mais ces risques apparemment élevés liés au VIH ont disparu lorsque les chercheurs ont tenu compte du « tabagisme et l'abus d'alcool/drogues » et de la présence d'un surpoids ou de l'obésité. Une récente étude suisse a également trouvé un lien entre le cancer du poumon et le tabagisme chez les personnes séropositives. Il est donc probable que les taux élevés de cancers de la bouche, de la gorge et du poumon rapportés lors de plusieurs études antérieures étaient attribuables à l'exposition aux substances chimiques cancérigènes présentes dans la fumée de tabac et l'alcool (et peut-être d'autres substances aussi), et non à l'infection au VIH. On a également constaté un croisement des facteurs de risque de cancer dans le cadre de cette étude, car les personnes ayant fait l'objet d'un diagnostic d' « abus d'alcool/drogues » étaient plus susceptibles (61 %) de fumer du tabac, comparativement aux personnes n'ayant pas de diagnostic de dépendance (26 %). L'augmentation du risque de cancer du foie observée dans cette étude était sans doute attribuable à la co-infection par des virus de l'hépatite. Comme lors d'études antérieures, les hommes séropositifs inscrits à cette étude californienne couraient un risque réduit de cancer de la prostate. La ou les raisons de cette différence ne sont pas claires. Faiblesses et forces Aucune étude n'est parfaite, et celle menée en Californie comportait plusieurs faiblesses, y compris les suivantes : Les données concernant les facteurs de risque de cancer ont été obtenues par le biais de dossiers médicaux et non par des entrevues ou sondages menés auprès des participants (les gens ne dévoilent pas toujours leurs comportements à leur médecin). La durée de la consommation d'alcool/drogues n'était pas clairement précisée dans les dossiers et ne pouvait donc être analysée. Les données confirmant l'infection au VPH n'étaient pas disponibles. Malgré le nombre élevé de participants (20 000) atteints du VIH, les chercheurs n'ont pas été en mesure de tirer des conclusions fermes concernant les risques de beaucoup d'autres cancers moins courants. L'étude comptait une faible proportion de femmes. Malgré ces faiblesses, cette étude avait quelques forces importantes, comme les suivantes : participants nombreux comparaison des personnes séropositives à des personnes séronégatives semblables sur le plan démographique consultation de registres de cancer pour confirmer les diagnostics Grâce à ces forces, les chercheurs ont réussi à produire un rapport relativement solide. De plus, leurs résultats concernant le cancer du poumon sont étayés par l'étude suisse ci-dessus mentionnée. Que peut-on faire? À la lumière des résultats de cette étude californienne, il est probable que les mesures suivantes aideraient les personnes séropositives à réduire leurs risques de cancer : Traitement précoce Il est probable que les risques subséquents de cancer diminueraient considérablement si le patient commençait sa multithérapie lorsque son compte de CD4+ se situait encore à plus de 500 cellules. Certains chercheurs et cliniciens chevronnés prônent l'amorce précoce de la multithérapie pour cette raison et d'autres. Consommation d'alcool/drogues et ses moteurs Il serait utile de réduire ses expositions à des facteurs associés au cancer (fumée de tabac, excès d'alcool et usage de drogues injectables). Une autre mesure importante consisterait à chercher de l'aide pour les affections mentales et émotionnelles qui sont souvent à l'origine de la vulnérabilité des gens aux comportements caractéristiques de la dépendance et à la consommation de drogues et d'alcool. Vaccinations et traitement des virus causant l'hépatite Bien qu'il n'existe toujours pas de vaccin contre le virus de l'hépatite C, il est possible de se faire vacciner contre les virus de l'hépatite A et de l'hépatite B. Et il existe des traitements contre l'hépatite B et l'hépatite C. Sécurisexe Les rapports sexuels sécuritaires réduisent l'exposition à des microbes pouvant nuire aux personnes séropositives, y compris les virus de l'herpès, le VPH, le VHB et le VHC. Examens médicaux réguliers Les personnes vivant avec le VIH sont sujettes à certains cancers. Leurs examens médicaux devraient donc inclure des dépistages appropriés. —Sean R. Hosein RÉFÉRENCES : 1. Cobucci RN, Saconato H, Lima PH, et al. Comparative incidence of cancer in HIV-AIDS patients and transplant recipients. Cancer Epidemiology . 2012; in press . 2. Downey JS, Attaf M, Moyle G, et al. T-cell signalling in antiretroviral-treated, aviraemic HIV-1-positive individuals is present in a raised state of basal activation that contributes to T-cell hyporesponsiveness. AIDS . 2011 Oct 23;25(16):1981-6. 3. Appay V, Almeida JR, Sauce D, et al. Accelerated immune senescence and HIV-1 infection. Experimental Gerontology . 2007 May;42(5):432-7. 4. Herbeuval JP, Nilsson J, Boasso A, et al. 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