C’est officiellement le 9 janvier 1986 que le
Théâtre Bouches Décousues a vu le jour. Deux
ans plus tôt, c’était la création de la pièce,
Bouches Décousues, qui a donné le nom à la
compagnie qu’on connait aujourd’hui.
Le paysage théâtral s’est bien transformé depuis.
La poignée de compagnies qui sillonnaient les
routes avec des spectacles qu’on jouait alors
dans les gymnases, les parcs et les centres
culturels a fait des petits, comme on dit ! Nous
sommes nombreux à nous produire maintenant
sur des scènes professionnelles.
Les premiers spectateurs que nous avons
rejoints sont devenus des adultes depuis
longtemps. Il nous arrive de croiser sur la route,
une personne qui se rappelle avoir vu un de nos
spectacles, comme le révèle, à la page suivante,
le témoignage d’Annabelle.
À quoi attribuer le souvenir d’une petite heure
à peine, passée dans une salle de spectacle en
compagnie d’autres spectateurs ? D’où vient
qu’on se souvienne encore du chatouillement de
l’âme provoqué par un personnage, une scène,
une histoire ? Qu’est-ce que c’est que cette
empreinte laissée dans la vie d’un enfant ou
d’un adulte, cinq, quinze et même trente ans plus
tard ? Notre compagnie place la dramaturgie
au premier plan, comme en témoignent les 22
productions placées sous le signe de la création.
On y retrouve, entre autres, les textes de Pascal
Chevarie, Marc-Antoine Cyr, Francis Monty,
Erika Tremblay-Roy, Rébecca Déraspe. Vingt
textes ont été publiés chez Leméac, Lanctôt
et Dramaturges Éditeurs, et plusieurs ont été
traduits en anglais, en espagnol, en italien
et en portugais. Nous saluons le Centre des
auteurs dramatiques (CEAD), qui célèbre son
50e anniversaire. Nous lui devons beaucoup
collectivement pour le soutien aux auteurs et pour
le développement de la dramaturgie québécoise.
Nous amorçons cette 31e saison outillés d’une
salle de répétition que nous avons baptisée « la
132 » comme la route qui longe le fleuve de la
création. De Bouches Décousues au Merveilleux
voyage de Réal de Montréal (deux productions
nées en Gaspésie !), il y a 30 ans de création.
Et ça continue !
Cette saison, quatre productions sont en
diffusion : Le merveilleux voyage de Réal de
Montréal, Contes Arbour, Dubé du bout du Bic
et Papoul.
Et nous avons des projets à profusion. Cet
anniversaire, nous le voyons comme autant
de petits carrés de couleur lumineux derrière
lesquels se cachent des visages, de personnes
et de personnages pas toujours sages, des
petits morceaux de vie, d’art, de théâtre, qu’on
a partagés avec plus de 800 000 spectateurs
d’ici et d’ailleurs, pour tisser cette mosaïque
comme une courtepointe dans laquelle on
reconnait des costumes portés avec tendresse
et qui nous garde ensemble, bien au chaud.
Nous remercions tous ceux et celles qui nous ont
accompagnés au cours de ces trente années où
nous avons joué plus de 3 600 représentations :
les artistes et les travailleurs culturels; les
enseignants, les parents et grands-parents;
les programmateurs complices du Québec, du
Canada et de l’étranger.
Au plaisir de souffler nos 30 chandelles
avec vous !
Jasmine Dubé et Marc Pache
Cofondatrice et cofondateur
« Un grand gymnase d’école, avec le classique plancher froid sur lequel on est assis en indien.
Je m’étire le cou pour voir ma première pièce de théâtre dans MON école. Au début, ça parle d’un
gardien ou d’une gardienne qui fait des chatouilles pas drôles et « la p’tite bête qui monte, qui
monte » à l’enfant en pyjama sur ses genoux. Malaise. Ça parle des secrets qu’il ne faut pas
garder parce qu’ils nous empoisonnent l’existence. Ai-je imaginé cette toute petite fille qui va
parler à son professeur, à l’oreille, après la pièce ? Trente ans plus tard, j’entends presque chaque
semaine, dans mon bureau de CLSC, ce genre de secrets. Par des adultes en p’tits morceaux qui
les dévoilent pour la première fois. Plus âgés que moi, ou nés dans un autre pays, ils n’ont pas dû
voir « Bouches décousues» lorsqu’ils étaient petits... » Annabelle, juin 2015