
• arthrose liée au vieillissement : les mécanismes physiopa-
thologiques sont sans doute différents selon qu’ils se ma-
nifestent dans les mains, les genoux, ou les hanches. Des
« stratégies anti-âges » ? Un bon sujet de recherche…
QUELLE EST L’ÉVOLUTION DE L’ARTHROSE
ET SES TRAITEMENTS ?
Le Pr Damien Lœuille, rhumatologue (CHU
de Nancy), révèle qu’il n’y a dans la population
d’arthrosiques que 15 à 20% de patients dont
la maladie va progresser et qu’il s’écoule 15 à
20 ans entres les premiers symptômes et la
pose de prothèse. La progression et la sévérité
de l’arthrose sont évaluées par la perte de 0,5 mm de carti-
lage, la plus petite différence détectable par le clinicien.
Selon les différentes formes d’arthrose, les traitements se-
ront à visée osseuse ou anti inflammatoire.
En matière de traitements, le Pr François
Rannou, rhumatologue (hôpital Cochin, Paris)
reste prudent « la boîte à outils n’a pas changé
mais on sait mieux l’utiliser ». Outre les traite-
ments de base (antalgiques) et ceux qui sont
adaptés en fonction de l’articulation touchée
(infiltration, orthèse…), « on essaie de faire la différence entre
une personne qui a une monoarthrose et une qui a une
polyarthrose ». Mais surtout, il insiste sur les co-morbidités
essentielles à prendre en charge : « si un patient vient voir
son médecin généraliste (80% des patients arthrosiques sont
pris en charge par les généralistes), pour une gonarthrose,
celui-ci se doit de rechercher un diabète, une hypercholesté-
rolémie, une hypertension, parce que leur association (ainsi
que l’obésité) avec l’arthrose est majeure ».
LA CHIRURGIE ÉVOLUE
Le Pr Alain Sautet, chirurgien-orthopé-
diste (hôpital St Antoine, Paris) est formel : « la
décision d’intervention chirurgicale n’appar-
tient qu’au patient ». En 2013, 140 000 pro-
thèses totales de hanche et 90 000 prothèses
de genoux ont été posées chez les patients
âgés en moyenne de 60 ans.
En plus de l’assistance par ordinateur qui se développe de
plus en plus, deux nouveautés révolutionnent déjà le sec-
teur : d’une part, un système d’imagerie en position assise
qui permet de faire des reconstructions en 3D et de voir ainsi
le fonctionnement de l’articulation dans la vie réelle ; d’autre
part, de nouveaux matériaux de prothèses : « On assiste à
la quasi disparition du couple métal-métal ; le couple céra-
mique-céramique sera probablement réservée aux patients
relativement jeunes ; depuis quelques années, sont apparus
de nouveaux polyéthylènes hautement réticulés qui ont un
effet antioxydant et diminuent ainsi le risque d’usure ».
LES PLACEBOS : MYTHE OU RÉALITÉ ?
Le Pr François Rannou estime que les traite-
ments non pharmacologiques, y compris en
phase aigüe, devraient prendre une place plus
importante : « il ne faut pas négliger la réédu-
cation axée sur le renforcement des muscles,
qui vont stabiliser l’articulation, diminuer la
contrainte sur le compartiment symptomatique, ni les étire-
ments, ainsi que le travail proprioceptif. »
En matière de traitements non médicamenteux, les remèdes
placebo (acupuncture, noix, reine-des-prés, saule, cassis,
onguents…) occupent une place de choix, souvent dénigrée
par les médecins… parce que ces médecines parallèles leur
échappent ?
C’est l’hypothèse du Pr Jean-Marie
Berthelot (Hôtel-Dieu, CHU Nantes) qui déve-
loppe une approche originale : « la plupart des
effets placebo sont liés à l’effet Hawthorne » (le
patient exprime sa douleur de façon différente
selon son interlocuteur). Ce double effet (70%
des patients y sont sensibles), qui dépasse, dit-il, très large-
ment l’effet intrinsèque des médicaments, peut être objectivé
par IRM, en mettant en évidence le « réseau de récom-
pense », activé quand on attend un résultat positif après la
prise d’une substance. Alors qu’il s’agit « très majoritaire-
ment d’un retour à la normale », l’effet bénéfique du placebo
est de nature à optimiser l’état d’esprit du patient face à sa
douleur arthrosique. Donc rien que pour cela, il estime que
les médecins devraient avoir davantage de considération
pour les placebos parce « c’est aussi une façon de s’intéres-
ser autant au malade qu’à la maladie ».
Quant aux cures thermales, selon la revue de
la littérature effectuée par le Dr Romain
Forestier (Aix-les-Bains), leur effet serait su-
périeur à l’absence de traitements. Du côté de
l’ostéopathie, les études ne sont guère plus
probantes, comme en atteste le
Pr Yves Henrotin, directeur de l’Unité de re-
cherche sur l’os et le cartilage (CHU de Liège) :
« Toutes les études faites sur les manipulations
(pas seulement en ostéopathie) montrent des
effets bénéfiques faibles et à court terme sur
les lombalgies aigües et chroniques. » Elles sont même res-
ponsables d’effets secondaires (aggravation, céphalées, ins-
tabilité cervicogénique) et présentent des risques d’acci-
dents. Faut-il pour autant marginaliser l’ostéopathie ? Non,
car les manipulations permettent de reprendre des activités
physiques et sont moins coûteuses que les médicaments.
QUE FAIRE AVEC LA DOULEUR ?
« Nous, les médecins, avons trop tendance à penser : plus
ça fait mal, plus c’est grave et plus c’est grave, plus il faut
penser à opérer », déclare le Pr Serge Perrot, rhumatologue