En partenariat avec :
L’ARTHROSE
MALADIE PLURIELLE,
MALADIE EN MOUVEMENT :
PRÉVENIR, AGIR ET TRAITER
6ÈME COLLOQUE GROUPE PASTEUR MUTUALITÉ
Sous la présidence du
Professeur
Francis
Berenbaum
Docteur
Michel
Cazaugade
Professeur
Bernard
Devulder
e colloque « L’arthrose, maladie plurielle, maladie
en mouvement. Prévenir, agir et traiter » qui
s’est déroulé le 7 novembre 2014 à la Maison
de la Chimie à Paris, était la 6ème édition des colloques
organisés par Groupe Pasteur Mutualité.
Le Dr Michel Cazaugade, Président de Groupe Pasteur
Mutualité, a souligné l’importance de ces colloques
qui abordent depuis 2008 des sujets essentiels de
santé publique : burn-out, médecine de proximité,
éducation thérapeutique, activité physique, obésité.
Cette année, le colloque était présidé par le Pr Francis
Berenbaum, Chef du service de Rhumatologie (hôpital
Saint-Antoine, Paris). Devant les 300 participants
présents, il a souligné d’emblée que « l’on va vers une
catastrophe, si l’on ne prend pas le problème à bras le
corps ». Il ne s’agit pas seulement de réduire les coûts
induits par cette maladie chronique, mais de considérer
l’émergence de nouveaux concepts : il n’y a pas une
mais des arthroses ; des mesures de prévention sont à
promouvoir ; des espoirs thérapeutiques existent ; les
traitements non conventionnels tiennent une place non
négligeable dans la prise en charge des patients.
L
Le 6ème colloque Groupe Pasteur Mutualité a fait le point sur les
nouveaux concepts à la base d’une prise en charge de l’arthrose
résolument différente : à l’opposé de tout fatalisme, l’amélioration du
bien-être des patients est possible.
UNE ÉPIDÉMIE ANNONCÉE
Le Pr Francis Berenbaum a rappelé les
chiffres de la prévalence de l’arthrose :
• quelque 10 millions de personnes seraient
concernées en France ;
• l’ensemble des maladies ostéo-articulaires
est la deuxième cause médicale (derrière les
maladies mentales) de mise en invalidité, dont un quart pour
cause d’arthrose ;
• 9 millions de consultations annuelles ;
• plus de 400 000 examens radiologiques ;
• pose de prothèses en augmentation constante chez des
personnes de plus en plus jeunes.
Le Pr Claude Le Pen a détaillé le coût farami-
neux en constante progression de cette « pa-
thologie de masse » que l’OMS qualifie de
« fardeau » : « Le système de santé dépense
autant que pour le cancer : 3,5 milliards en
2010, ce qui représente une progression de
10% par an depuis 30 ans. Le coût d’une prothèse de
hanche varie de 7 000 € à 130 000 € selon le niveau de
complications. Quant aux coûts indirects, le fait qu’ils soient
difficilement calculables ne les minimisent pas pour autant ».
QUELS SONT LES FACTEURS DE L’ARTHROSE ?
Pour le Pr Bernard Mazières, l’un des pion-
niers de la rhumatologie (hôpital Pierre-Paul
Riquet, Toulouse), « quand on cherche un fac-
teur de risque, on le trouve ! ». Certains sont
avérés : l’obésité en premier lieu (FR x 7), le
terrain génétique, le vieillissement, l’associa-
tion arthrose des mains/gonarthrose, le sport intensif.
D’autres font débat : le port de charges, la position fléchie
des genoux, l’hypertension… A cela s’ajoutent des facteurs
de risques locaux : anomalies articulaires, dysphasie, trau-
matismes, méniscectomie…
L’intérêt d’étudier les facteurs de risques est triple :
• diagnostic : même sans radio (ou si celle-ci est normale),
l’âge du patient, la douleur et la limitation dans les mouve-
ments suffisent à poser un diagnostic. Seuls 11% des dia-
gnostics sont faits à partir d’un examen biologique et d’une
radiographie, une proportion constante depuis des années.
Le Pr Damien Lœuille, rhumatologue (CHU de
Nancy), précise que lorsque le patient a un reten-
tissement très important alors que la radio est
quasi normale, il a recours à l’IRM qui permet de
« cibler le traitement, car elle identifie les facteurs
locaux de progression de la maladie ».
• thérapeutique : certaines arthroses localisées peuvent être
traitées (dysplasie du cotyle, pincement articulaire) par os-
téotomie. Si le surpoids est le facteur de risque principal, son
remède est évident ! Des études ont montré qu’une perte de
5 kg à 30 ans diminuait le risque de gonarthrose de 50% à
50 ans et de pose de prothèse de 25%.
• pronostic : des observations attestent qu’une arthrose
grave au départ s’aggrave.
IL Y A DIFFÉRENTES MALADIES ARTHROSIQUES
Les 10 millions de personnes concernées en
France par l’arthrose ne constituent pas un
groupe homogène, comme l’explique le
Pr Jérémie Sellam, rhumatologue (hôpital
Saint-Antoine, Paris) : « Le fait que différentes
articulations soient touchées – genoux, mains,
hanches, rachis – suggère plusieurs types de maladies ar-
throsiques ». Pour lui, les différents mécanismes en jeu, à la
fois cellulaires, enzymatiques et inflammatoires, conduisent
tous à la dégradation du cartilage, mais selon des voies
différentes.
Le Pr Jérémie Sellam s’intéresse particulièrement à l’étude
des phénotypes dans le but de prédire l’évolution de la mala-
die selon les individus et proposer des traitements différents.
• l’arthrose post traumatique : « on peut imaginer bloquer
l’inflammation juste après un trauma du genou pour éviter
une arthrose 10 ou 15 ans plus tard » .
• l’arthrose métabolique : l’obésité n’intervient pas seu-
lement du point de vue mécanique : « chez les patients
obèses, on a observé qu’ils ont un risque 2 fois plus éle-
vé de développer une arthrose des mains ». Un traitement
ciblant les adipokines susceptibles de détériorer le cartilage
est donc envisageable. Mais il souligne qu’être obèse et avoir
de l’hypertension et du diabète est un risque supplémentaire
d’arthrose plus sévère ;
• l’arthrose d’origine génétique a été étudiée sur des ju-
meaux : l’héritabilité est de 70% pour les mains, 50% pour
les genoux et 30% pour les hanches.
COLLOQUE
ARTHROSE
10 millions
de personnes concernées en France
9 millions
de consultations annuelles
+400 000
examens radiologiques
• arthrose liée au vieillissement : les mécanismes physiopa-
thologiques sont sans doute différents selon qu’ils se ma-
nifestent dans les mains, les genoux, ou les hanches. Des
« stratégies anti-âges » ? Un bon sujet de recherche…
QUELLE EST L’ÉVOLUTION DE L’ARTHROSE
ET SES TRAITEMENTS ?
Le Pr Damien Lœuille, rhumatologue (CHU
de Nancy), révèle qu’il n’y a dans la population
d’arthrosiques que 15 à 20% de patients dont
la maladie va progresser et qu’il s’écoule 15 à
20 ans entres les premiers symptômes et la
pose de prothèse. La progression et la sévérité
de l’arthrose sont évaluées par la perte de 0,5 mm de carti-
lage, la plus petite différence détectable par le clinicien.
Selon les différentes formes d’arthrose, les traitements se-
ront à visée osseuse ou anti inflammatoire.
En matière de traitements, le Pr François
Rannou, rhumatologue (hôpital Cochin, Paris)
reste prudent « la boîte à outils n’a pas changé
mais on sait mieux l’utiliser ». Outre les traite-
ments de base (antalgiques) et ceux qui sont
adaptés en fonction de l’articulation touchée
(infiltration, orthèse…), « on essaie de faire la différence entre
une personne qui a une monoarthrose et une qui a une
polyarthrose ». Mais surtout, il insiste sur les co-morbidités
essentielles à prendre en charge : « si un patient vient voir
son médecin généraliste (80% des patients arthrosiques sont
pris en charge par les généralistes), pour une gonarthrose,
celui-ci se doit de rechercher un diabète, une hypercholesté-
rolémie, une hypertension, parce que leur association (ainsi
que l’obésité) avec l’arthrose est majeure ».
LA CHIRURGIE ÉVOLUE
Le Pr Alain Sautet, chirurgien-orthopé-
diste (hôpital St Antoine, Paris) est formel : « la
décision d’intervention chirurgicale n’appar-
tient qu’au patient ». En 2013, 140 000 pro-
thèses totales de hanche et 90 000 prothèses
de genoux ont été posées chez les patients
âgés en moyenne de 60 ans.
En plus de l’assistance par ordinateur qui se développe de
plus en plus, deux nouveautés révolutionnent déjà le sec-
teur : d’une part, un système d’imagerie en position assise
qui permet de faire des reconstructions en 3D et de voir ainsi
le fonctionnement de l’articulation dans la vie réelle ; d’autre
part, de nouveaux matériaux de prothèses : « On assiste à
la quasi disparition du couple métal-métal ; le couple céra-
mique-céramique sera probablement réservée aux patients
relativement jeunes ; depuis quelques années, sont apparus
de nouveaux polyéthylènes hautement réticulés qui ont un
effet antioxydant et diminuent ainsi le risque d’usure ».
LES PLACEBOS : MYTHE OU RÉALITÉ ?
Le Pr François Rannou estime que les traite-
ments non pharmacologiques, y compris en
phase aigüe, devraient prendre une place plus
importante : « il ne faut pas négliger la réédu-
cation axée sur le renforcement des muscles,
qui vont stabiliser l’articulation, diminuer la
contrainte sur le compartiment symptomatique, ni les étire-
ments, ainsi que le travail proprioceptif. »
En matière de traitements non médicamenteux, les remèdes
placebo (acupuncture, noix, reine-des-prés, saule, cassis,
onguents…) occupent une place de choix, souvent dénigrée
par les médecins… parce que ces médecines parallèles leur
échappent ?
C’est l’hypothèse du Pr Jean-Marie
Berthelot (Hôtel-Dieu, CHU Nantes) qui déve-
loppe une approche originale : « la plupart des
effets placebo sont liés à l’effet Hawthorne » (le
patient exprime sa douleur de façon différente
selon son interlocuteur). Ce double effet (70%
des patients y sont sensibles), qui dépasse, dit-il, très large-
ment l’effet intrinsèque des médicaments, peut être objectivé
par IRM, en mettant en évidence le « réseau de récom-
pense », activé quand on attend un résultat positif après la
prise d’une substance. Alors qu’il s’agit « très majoritaire-
ment d’un retour à la normale », l’effet bénéfique du placebo
est de nature à optimiser l’état d’esprit du patient face à sa
douleur arthrosique. Donc rien que pour cela, il estime que
les médecins devraient avoir davantage de considération
pour les placebos parce « c’est aussi une façon de s’intéres-
ser autant au malade qu’à la maladie ».
Quant aux cures thermales, selon la revue de
la littérature effectuée par le Dr Romain
Forestier (Aix-les-Bains), leur effet serait su-
périeur à l’absence de traitements. Du côté de
l’ostéopathie, les études ne sont guère plus
probantes, comme en atteste le
Pr Yves Henrotin, directeur de l’Unité de re-
cherche sur l’os et le cartilage (CHU de Liège) :
« Toutes les études faites sur les manipulations
(pas seulement en ostéopathie) montrent des
effets bénéfiques faibles et à court terme sur
les lombalgies aigües et chroniques. » Elles sont même res-
ponsables d’effets secondaires (aggravation, céphalées, ins-
tabilité cervicogénique) et présentent des risques d’acci-
dents. Faut-il pour autant marginaliser l’ostéopathie ? Non,
car les manipulations permettent de reprendre des activités
physiques et sont moins coûteuses que les médicaments.
QUE FAIRE AVEC LA DOULEUR ?
« Nous, les médecins, avons trop tendance à penser : plus
ça fait mal, plus c’est grave et plus c’est grave, plus il faut
penser à opérer », déclare le Pr Serge Perrot, rhumatologue
et médecin de la douleur (hôpital Cochin, Paris), « or, symp-
tômes et maladie sont deux choses différentes. »
Il distingue la douleur nociceptive et la douleur neurophatique,
celle-ci se traitant par des anti-dépresseurs, des antiépilep-
tiques (même en l’absence de dépression et d’épilepsie).
Pour évaluer cette douleur qui n’est pas corré-
lée avec la dégradation de l’articulation (mais
qui se voit sur une IRM du cerveau), les
échelles numériques, habituelles ne
conviennent pas, car elles ne prennent pas en
compte « d’autres notions tout aussi impor-
tantes : le caractère émotionnel, affectif, l’anxiété, le contexte,
le caractère cognitif (quelle signification je donne à ma dou-
leur ?) ». Ce sont donc des questionnaires spécifiques que
les Centres d’évaluation de la douleur mettent en place1, afin
de « définir avec le patient une douleur acceptable, objectif
plus réaliste que la douleur zéro et qui doit lui permettre de
construire un programme d’éducation thérapeutique. »
Dans le processus de rationalisation du sys-
tème de santé, le Dr Laurent Grange,
Président de l’AFLAR2, considère les critères de
déremboursement de certains médicaments
jugés au même rang d’efficacité que les place-
bos comme une décision plus politique que
médicale. Pour lui, « il faut regarder plus globalement le service
rendu à la population ». L’économiste de la san-
té, Claude Le Pen estime lui aussi que le plus
important à prendre en compte, « c’est la dé-
gradation de la qualité de la vie, c’est-à-dire
l’idée que l’individu se fait de sa place dans la
société, dans l’existence en relation avec ses
attentes et ses objectifs ». Or cette dimension qualitative du soin
n’est quasiment jamais prise en compte,-
plore le Dr Clémence Palazzo (Service du
Pr Serge Poiraudeau, hôpital Cochin, Paris) :
« 98% des études sont quantitatives. Pourtant
mieux comprendre les attentes des patients est
essentiel pour développer des stratégies d’édu-
cation thérapeutique et valider les instruments de mesures. »
L’éducation thérapeutique est au cœur de toutes
les maladies chroniques et vis-à-vis des patients
arthrosiques, le Pr Claude Dreux (hôpital St
Louis, Paris), président du Cespharm3 de l’Ordre
des Pharmaciens, reconnaît qu’il y a encore
beaucoup de progrès à faire. Il suggère ainsi que
les pharmaciens, renforts naturels du médecin, mettent en place
un « parcours de prévention », parallèlement au parcours de soins.
En matière de qualité de vie et de prévention, Le
Pr Bernard Devulder, doyen honoraire de la
faculté de Médecine de Lille, a rappelé que,
déjà, Hippocrate avait dit que la meilleure mé-
decine pour l’homme, c’est la marche. Les
professionnels de santé y ajoutent la natation,
la randonnée, le golf, le cyclisme… Quant au jogging et à son
impact supposé délétère, le lien n’existerait que
si l’on court à plus de 15 km/h et plus de
50 km/semaine. Donc, la recommandation,
c’est de bouger avec modération et de s’as-
treindre à un auto-programme, car comme le
dit le Pr François Rannou, « il est hors de
question que le patient vive chez le kiné ! ».
L’alpiniste chevronnée Catherine Destivelle,
qui a fait très tôt de l’escalade à outrance et eu
plusieurs accidents graves ne va pas le contre-
dire : convalescente, elle a fait de la rééducation
par… l’escalade parce que « l’extension, c’est
bon pour le dos ». Et, oui, tous les alpinistes ont
des articulations usées, « mais on n’a pas si mal que ça, je dirais
même moins que des gens sédentaires ». Sa lumineuse person-
nalité a de quoi motiver les plus casaniers !
COLLOQUE
ARTHROSE
1 Questionnaires semi-directifs sur : seralpar.aphp.fr ; 2 Association française de lutte an-
tirhumatismale (www.aflar.org) ; 3 Comité d’Education Sanitaire et Sociale de la Pharmacie
Française
PROCHAIN COLLOQUE
GROUPE PASTEUR MUTUALITÉ
Le prochain colloque Groupe Pasteur Mutualité
portera sur les accidents vasculaires cérébraux.
Il se tiendra à la Maison de la Chimie, à Paris,
le 26 novembre 2015.
LA QUALITÉ DE VIE, D’ABORD
Groupe Pasteur Mutualité
34, boulevard de Courcelles
75017 Paris
www.gpm.fr
Fédération Groupe Pasteur Mutualité - Fédération nationale de groupements mutualistes régie
par le Code de la Mutualité n°443 052 469 - 28, boulevard Pasteur 75015 Paris www.gpm.fr
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