Emile Durkheim (1858/1917)
I. Eléments de biographie
Sociologue français, né dans une famille juive pratiquante. A l'issue l'Ecole Normale
Supérieure, il enseigna le droit et la philosophie avant d'entreprendre la rédaction d'ouvrage de
sociologie, puis d'enseigner cette matière nouvelle à Bordeaux, puis à la Sorbonne à partir de
1902.
Emile Durkheim est considéré comme le fondateur de la sociologie moderne pour avoir réussi
à associer la théorie et la recherche empirique. Influencé par le positivisme, il énonça la
spécificité du fait social, indépendance du groupe par rapport aux hommes qui le composent
et considère les faits moraux comme des sociaux. Ses cours et ses écrits traitent de la
solidarité sociale, du suicide, du fait moral et religieux, des méthodes pédagogiques.
II. Notions clés
La religion
Durkheim consacre Les formes élémentaires de la vie religieuses à une étude de la religion.
En le faisant, il propose d'étudier la religion comme fait social. Suivant sa méthode, il définit
la religion ainsi: « Une religion est un système solidaire de croyances et de Pratiques relatives
à des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en
une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent » Il est important de
noter que Durkheim évite le mot Dieu dans sa définition, préférant le concept d'objet sacré.
Les objets sacrés sont au cœur de toute religion mais ils ne font pas nécessairement allusion à
une force surnaturelle, comme Dieu ou Allah. Par exemple les quatre nobles vérités sont
l'objet sacré pour les bouddhistes. D'autres objets physiques, comme une plume, un drapeau,
une croix, ou une pierre, peuvent être infusés de ce pouvoir collectif et ainsi sert comme
représentations physiques de l'objet sacré d'une société, devenant sacré dans cette manière.
Cette définition relève d'une étude des ethnologies de plusieurs tribus dans le monde
(principalement les aborigènes d'Australie et les indiens de l'Amérique du Nord). Il a fait une
comparaison croisée de leurs rites et croyances pour trouver ce qu'ils ont de commun. En
faisant cela, il a trouvé les notions de sacré, église, rites, et communauté morale que nous
voyons dans sa définition de la religion.
La société
Selon Durkheim, tous les éléments de la société, y compris la moralité et la religion, sont des
produits de l’histoire. Vu qu’ils n’ont pas d’origine transcendante et font partie du monde
naturel, ils peuvent être étudiés scientifiquement. En particulier, pour Durkheim, la sociologie
serait « la science des institutions, de leur genèse et de leur fonctionnement. » Pour lui, une
institution veut dire, « toutes les croyances et tous les modes de conduite institués par la
collectivité » Or, avant de pouvoir étudier des institutions sociales, il faut savoir en quoi elles
consistent exactement. Répondre à cette question revient à se demander ce qu’est précisément
la société même.
Pour Durkheim, une société n’est pas un groupe d’individus qui habitent dans le même
endroit géographique, elle est « avant tout un ensemble d’idées, de croyances, de sentiments
de toutes sortes, qui se réalisent par les individus» Elle indique une réalité qui est produite
quand des individus agissent l’un sur l’autre, ce qui résulte dans la fusion des consciences
individuelles. Cette réalité est sui generis, c’est-à-dire qu’elle est irréductible à ses parties
composantes, et impossibles à expliquer, sauf par les moyens qui lui sont propres. La société
est plus que la somme de ses parties ; elle dépasse dans tous les sens l’existence de n’importe
quel individu, et est d'un ordre complètement différent des parties dont elle est composée
La moralité
Durkheim définit la moralité comme « un système de règles de conduite ». Son analyse de la
morale est très marquée par Emmanuel Kant et sa notion du devoir, dont Durkheim est très
critique, mais seulement pour le réhabiliter et l'utiliser dans sa propre théorie morale.
D'abord, Durkheim note, comme Kant, un élément obligatoire dans la morale. À l'intérieur de
la morale il y a « une autorité morale qui, en se communiquant à certains préceptes de
conduite qui lui tiennent particulièrement à cœur, leur confère un caractère obligatoire. » La
morale nous dicte d'en haut comment nous devons nous comporter. Il existe une certaine
norme morale préétablie à laquelle nous devons nous conformer. Ici, Durkheim critique la
notion du devoir kantien, tout en le reprenant et l'insérant dans un contexte social, et pas
analytique, comme le fait Kant. Ensuite, il y a un élément désiré dans la morale, une idée qui
a échappé à Kant, nous dit Durkheim. Le fait que la moralité est désirée est aussi important
que sa nature obligatoire. Comme cela, l'individu se soumet volontiers au code moral et croit
qu'il sert le bien en le faisant.
III. Citations
La première règle et la plus fondamentale est de considérer les faits sociaux comme des
choses”
“la méthode comparative est la seule qui convienne à la sociologie”
“Entre Dieu et la Société, il faut choisir. Ce choix me laisse assez indifférent, car je ne vois
dans la divinité que la société transfigurée et pensée symboliquement”
Il ne faut pas dire qu’un acte froisse la conscience commune parce qu’il est criminel, mais
qu’il est criminel parce qu’il froisse la conscience commune”
- “‘éducation a pour objet de superposer, à l’être individuel et asocial que nous sommes en
naissant, un être entièrement nouveau. Elle doit nous amener à dépasser notre nature initiale:
c’est à cette condition que l’enfant deviendra un homme”
“La conscience collective est l’ensemble des croyances et des sentiments communs à la
moyenne des membres d’une société”
- “Un fait social se reconnaît au pouvoir de coercition externe qu’il exerce ou est susceptible
d’exercer sur les individus”
IV. Textes
« La morale de notre temps est fixée dans ses lignes essentielles, au moment où
nous naissons ; les changements qu’elle subit au cours d’une existence
individuelle, ceux, par conséquent, auxquels chacun de nous peut participer sont
infiniment restreints. Car les grandes transformations morales supposent toujours
beaucoup de temps. De plus, nous ne sommes qu’une des innombrables unités qui
y collaborent. Notre apport personnel n’est donc jamais qu’un facteur infime de la
résultante complexe dans laquelle il disparaît anonyme. Ainsi, on ne peut pas ne
pas reconnaître que, si la règle morale est œuvre collective, nous la recevons
beaucoup plus que nous ne la faisons. Notre attitude est beaucoup plus passive
qu’active. Nous sommes agis plus que nous n’agissons. Or, cette passivité est en
contradiction avec une tendance actuelle, et qui devient tous les jours plus forte, de
la conscience morale. En effet, un des axiomes fondamentaux de notre morale, on
pourrait même dire l’axiome fondamental, c’est que la personne humaine est la
chose sainte par excellence ; c’est qu’elle a droit au respect que le croyant de
toutes les religions réserve à son dieu ; et c’est ce que nous exprimons nous-
mêmes, quand nous faisons de l’idée d’humanité la fin et la raison d’être de la
patrie. En vertu de ce principe, toute espèce d’empiétement sur notre for intérieur
nous apparaît comme immorale, puisque c’est une violence faite à notre autonomie
personnelle. Tout le monde, aujourd’hui, reconnaît, au moins en théorie, que
jamais, en aucun cas, une manière déterminée de penser ne doit nous être imposée
obligatoirement, fût-ce au nom d’une autorité morale. »
Émile Durkheim, L’Éducation morale
V. Sujets possibles
Peut-on penser une société sans religion ?
L’individu est-il libre ?
La mobilité sociale est-elle le propre des sociétés démocratiques ?
Comment dépasser les déterminismes sociaux ?
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