Infections graves aux
urgences
Dr Eric Wiel1, Dr
Sandrine Rozenberg2, Pr
Gilles Lebuffe3, Dr
Patrick Goldstein1, Pr
Benoît Tavernier4, Pr
Benoît Vallet3
Stratification du risque aux urgences
1 SAMU Régional, Pôle de l’Urgence, CHRU de Lille.
2 Pôle de l’Urgence, Urgences Chirurgicales et Déchocage, Hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille
3 Clinique d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Claude Huriez, CHRU de Lille
4 Clinique d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille
Les états septiques graves en France
L’épidémiologie des syndromes septiques grave (SSG) en réanimation est maintenant bien connue,
mais elle l’est beaucoup moins en dehors des services de réanimation.
Une enquête récente menée dans 205 services de réanimation français (1), a montré qu’environ 15%
des patients hospitalisés en réanimation présentaient un SSG (70% dès l’admission). La mortalité
reste de l’ordre de 30% à 28 jours (40% globalement). La durée de séjour des malades en
réanimation s’élève en médiane à 10 - 15 jours, mais pour les malades qui survivent, la durée de
séjour à l’hôpital s’étend souvent au-delà d’un mois (médiane 25 j) ; 12 % ont une durée de séjour
hospitalière supérieure à 2 mois. On estime qu’environ 75 000 cas de SSG (ou choc) seraient
hospitalisés dans les services de réanimation en France chaque année (1). Les tendances évolutives
observées aux Etats-Unis indiquent un accroissement relatif de leur incidence de 90% en 10 ans (2).
Ceci semble lié au vieillissement de la population, à la fréquence d’utilisation des thérapeutiques
immunodépressives et des dispositifs invasifs ainsi qu’une identification plus exhaustive des cas.
En France, une enquête menée dans 24 hôpitaux (soit 85 700 admissions) retrouvait une incidence
globale des SSG de 6,0 pour 1 000 admissions (IC 95% 5,5–6,6) (3). Elle était 40 fois supérieure
(près de 12%) dans les unités de réanimation par rapport aux services d’hospitalisation
conventionnelle (près de 3 p. 1000). Néanmoins, ces derniers représentaient environ 50% de
l’ensemble des cas de SSG observés à l’hôpital, suggérant qu’une fraction importante des malades
en SSG pourrait être prise en charge de manière plus précoce en réanimation, mais la fraction de ces
malades transférés en réanimation et le délai correspondant n'est pas connu.
Dans l’optique d’une identification et d’une orientation précoces des SSG ou à risque de le devenir,
d’un patient initialement admis en structure d’Urgence, et pour une prise en charge d'emblée
optimale, plusieurs questions se posent à l’urgentiste ou au réanimateur :
- Quels critères permettent de définir l’existence d’un sepsis ?
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Comment suspecter l’existence probable d’un syndrome infectieux ?
Comment dépister et utiliser les critères de dysfonction d’organe ?
Quels sont les éléments d'orientation de la prise en charge initiale ?
L’approche recommandable est similaire à celle utilisée pour les pneumopathies communautaires
vues aux urgences (principale cause des SSG) visant à estimer la gravité ou le risque d’aggravation
pour aider à l’orientation et la prise en charge initiales (4, 5).
Définitions et identification des états septiques
L’état septique, quelle qu’en soit la gravité, est défini par la présence d’une infection (documentée
ou fortement suspectée) et de signes caractérisant la "réponse inflammatoire" de l’organisme à
celle-ci.
Les critères classiques de SRIS
La classification des états septiques adoptée depuis 1992, et toujours d’actualité, est basée sur
l’intensité de la réponse de l’organisme à l’infection (6). Elle distingue les sepsis « non
compliqués » des SSG et des chocs septiques, caractérisés respectivement par l’apparition de
dysfonction d’organes et une hypotension qui persiste malgré le remplissage vasculaire. Ces trois
syndromes sont considérés comme les phases d’aggravation successives de l’infection et de la
réponse inflammatoire, et le pronostic diffère nettement entre les 3 stades. En effet, la mortalité (à
28 jours) passe schématiquement de 10-15% à 20-30% et 40-50% entre le stade de sepsis et celui de
choc septique.
Cette classification est basée sur 4 éléments cliniques très simples et « larges » caractérisant le
« syndrome de réponse inflammatoire systémique » (SRIS : fièvre, tachycardie, tachypnée,
hyperleucocytose); qui avaient justement pour objectif de permettre l’identification précoce des
états septiques, en particulier des SSG à un stade précoce (6), indiquant de prendre rapidement les
mesures thérapeutiques appropriées. Par convention, il est nécessaire que 2 des critères soient
présents pour parler de SRIS ou de sepsis (Tableau I).
Deux obstacles à l’utilisation des critères de SRIS ont cependant été rapidement soulignés chez les
malades de réanimation : 1) les critères de SRIS sont tellement larges qu’ils n’ont aucune
spécificité, en tous cas en réanimation (80% des malades ont ces critères), et l’identification de
l’infection devient alors prépondérante ; 2) même avec ces critères larges, il persiste un nombre
substantiel de malades ne remplissant pas les critères de SRIS alors qu’ils ont à l’évidence une
infection grave et les autres signes de sepsis grave. Enfin, la définition empirique de ces critères fait
que leur valeur est discutée et mal précisée. Les critères de SRIS restent cependant un moyen « de
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dépistage », simple mais peu spécifique, des états septiques. Il est d'ailleurs possible que leur valeur
soit meilleure en dehors de la réanimation, en particulier aux urgences, et ces critères cliniques
simples sont directement utilisables en pré-hospitalier.
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Tableau I. Critères de Bone (6).
z Sepsis « non compliqué » : infection avec inflammation systémique, 2 critères parmi :
z température > 38,3°C ou < 35,5°C
z tachycardie > 90 b.min-1
z tachypnée > 20 c.min-1 ou PaCO2 < 32 mmHg ou VM
z leucocytes > 12 000 mm-3 ou < 4 000 mm-3
z Sepsis grave : sepsis avec dysfonction d’organe, c’est-à-dire 1 critère parmi :
z troubles de conscience
z oligurie < 30 mL.h-1
z PaO2/FiO2 < 250 mmHg
z lactate > 2,0 mmol.L-1
z Choc septique : sepsis sévère avec pression artérielle (PA) systolique < 90 mmHg (ou
diminuée de 40 mmHg), ne répondant pas à un remplissage “suffisant”.
Identification des malades à risque de SSG
Il y a un intérêt évident à identifier précocement les malades septiques à risque d’évolution
défavorable. Dans une proposition récente de révision des critères de sepsis (le système PIRO),
d’autres paramètres que ceux du SRIS ont été inclus (7), qui permettraient d’affirmer l’existence du
syndrome malgré l’absence des critères stricts classiques de SRIS ; ces critères comportent des
symptômes cliniques (encéphalopathie) et des signes biologiques (élévation de la CRP, de la PCT)
(Tableau II). Cependant, la hiérarchie de ces critères, le nombre nécessaire et suffisant à porter un
diagnostic de sepsis, et leur appartenance à l’un ou l’autre des stades de sepsis ne sont pas décrits de
manière suffisamment précise pour être directement utilisable dans des recommandations de
pratique clinique ; une validation de ces critères et de leur regroupement serait nécessaire. Ces
« nouvelles recommandations » concluent d’ailleurs que les critères de SRIS restent d'actualité dans
l’état actuel des connaissances, même s'ils doivent être complétés.
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Tableau II. Le système PIRO.
Présent Futur Rationnel
Prédisposition Antécédents avec
faible probabilité de
survie à court terme.
Convictions culturelles
ou
Polymorphismes génétiques dans les
composants de la réponse
inflammatoire (par ex., TLR, TNF,
IL-1, CD14); interactions entre
agents pathogènes et réponses de
l’hôte
religieuses, âge,
sexe.
Les antécédents influencent la
morbidité et la mortalité
attribuables au sepsis ;
conséquences déterminantes de la
prédisposition génétique.
Infection Cultures ; sensibilité
aux agents
Recherche de marqueurs biologiques
(LPS, mannane, ADN bactérien)
Types de gènes transcrits.
pathogènes
Les différentes thérapies anti-
infectieuses nécessitent la
caractérisation de l’infection.
Réponse SIRS, autres signes de
sepsis, choc, PCR
Marqueurs non spécifiques de
l'inflammation (ex. PCT ou IL-6) ou
de la réponse altérée de l’hôte (ex.
HLA-DR) ; détection spécifique de
la cible thérapeutique (ex. protéine
C, TNF, PAF)
Le risque de mortalité et le
p
otentiel de répondre à la thérapie
varient en fonction du degré de
sévérité de la maladie
Organe Nombre de
défaillances d'organes
Les mesures dynamiques de la
réponse cellulaire à l’infection :
apoptose, hypoxie, stress cellulaire.
Réponse à la thérapie de priorité
(ex. visant le micro-organisme ou
le premier médiateur) impossible si
lésions déjà existantes.
Une étude récente menée sur une cohorte de réanimation a étudié cette question de manière plus
précise en analysant les variables associées à la survenue d’un SSG chez des malades ayant une
infection documentée non compliquée lors du diagnostic (8). Elle permet de « raffiner» les critères
de SRIS, et d’y ajouter un certain nombre de variables indépendamment associées à l’apparition
secondaire d’un sepsis grave ou d’un choc.
Au nombre de 12, ces variables comprennent (Tableau III).
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