5. L'œsophage L'œsophage est un tube musculaire dont les deux extrémités sont des zones sphinctériennes : le sphincter oesophagien supérieur (SOS) et le sphincter oesophagien inférieur (SOI). Il s'étend du pharynx à l'estomac et son rôle est de convoyer les bols alimentaires de la bouche à l'estomac. 5.1. Structure musculaire de l'œsophage : fibres musculaires lisses et striées. Selon les espèces, l'œsophage est formé soit de fibres musculaires striées (chien, ruminants, porc, rongeurs) soit uniquement de fibres musculaires lisses (oiseaux) ou encore par un mélange des deux types de fibres musculaires (fig. 5.1.). Chez le cheval, les 2/3 proximaux de l'œsophage sont formés de fibres striées et le tiers distal de fibres lisses ce qui favorise "l'engouement" distal (blocage des bols) dans l'œsophage avec reflux de la salive par le nez, (salive devenue moussante) car la salive continue d'être sécrétée et s'accumule dans l'œsophage obturé (traitement pharmacologique de l'engouement par l'ocytocine qui relâcherait le SOI). Chez le chat, l'extrémité distale de l'oesophage est lisse ce qui peut favoriser le blocage distal du bol (vu avec des médicaments administrés sous forme de comprimés). Chez l'homme les fibres striées sont dominantes en région proximale et les fibres lisses en région distale. Figure 5.1. : Répartition des fibres musculaires striées et lisses de l'œsophage chez les différentes espèces. Oiseaux Lisse Primate, équidé Chat Chien, porc Ruminants Striées Rat, Souris 39 Au-delà de l'œsophage, on ne retrouvera plus de muscle strié sauf au niveau du sphincter anal. L'œsophage est formé par deux couches musculaires : une couche longitudinale et une couche circulaire interne (fig. 5.2.). Sous ces deux tuniques musculaires on trouve un réseau sous muqueux de tissu élastique (ou tunique cellulaire) et un collagène très lâche. Ce dernier participe avec la muscularis mucosae à former d'importants replis. Au moment de la déglutition, ces replis s'effacent pour laisser passer le bol. Au niveau de la muqueuse on retrouve des glandes à mucus (sauf chez le cheval) (fig. 5.3.). Figure 5.2. Les couches musculaires de l'œsophage. Sous-muqueuse lâche Longitudinale Circulaire Figure 5.3. : Histologie de l'œsophage Muqueuse Epithelium statifié squameux épithelium œsophagien resistant aux abrasions mais pas à l’acidité et aux enzymes protéolytiques (Pb des reflux gastriques) Sous muqueuse Glande à mucus Musculeuse Mixte (fibres lisses & striées ; variation selon les espèces) circulaire interne, longitudinale externe Adventice / séreuse 40 5.2. Innervation de l'œsophage L'innervation motrice de l'œsophage est assurée par le pneumogastrique (X) dont les influx sont transmis directement aux fibres musculaires striées (plaques motrices) et par l'intermédiaire des plexus myentériques d'Auerbach pour les fibres lisses (figure 5.4). Pour les espèces dont l'œsophage est uniquement fait de fibres musculaires striées, il n'y a pas de plexus d'Auerbach. Toutes les fibres nerveuses sont cholinergiques et le seul neuromédiateur est l'acétylcholine. En revanche, les récepteurs sont de type nicotinique pour les fibres musculaires striées et de type muscarinique pour les fibres musculaires lisses. A ce titre, l'atropine peut abolir les contractions oesophagiennes distales chez le cheval. Figure 5.4. : Innervation des muscles lisses et striés de l'œsophage. L'innervation est cholinergique (le médiateur unique est l'acetycholine). En revanche, l'organisation neuronale est différente pour les muscles striés et les muscles lisses. Pour les muscles striés, on aura (comme pour les muscles squelettiques) des plaques motrices et les récepteurs cholinergiques sont de type nicotinique. Pour les fibres lisses, on aura une fibre pré-ganglionaire et une fibre post-ganglionnaire. Le récepteur des fibres lisses est de type muscarinique. 41 5.3. L'œsophage au repos Au repos l'œsophage se présente comme un tube flasque (zone médiane) fermé à chaque extrémité par ses deux sphincters : le sphincter oesophagien supérieur (SOS) et le sphincter oesophagien inférieur (SOI) ; ce dernier est aussi nommé sphincter gastro-oesophagien (lower esophageal sphincter ou LES en anglais). Le sphincter distal est différent du cardia (figure 5.5.). La pression intraoesophagienne en zone médiane est inférieure à la pression atmosphérique (-10 mm de Hg) car il n'y a pas de tonus musculaire oesophagien, y compris les sections oesophagiennes formées par des fibres lisses. Figure 5.5. : Sphincters oesophagiens et pression dans l'oesophage. L'œsophage est délimité par deux sphincters, le sphincter oesophagien supérieur (SOS) et le sphincter oesophagien inférieur (SOI). Le SOS est fermé par une activité tonique qui empêche l'air inspiré de pénétrer dans l'œsophage. Le SOI développe une activité tonique d'origine myogène (augmente par innervation sympathique). Son dysfonctionnement est à l'origine de reflux gastro-oesophagiens. Sphincter oro-pharyngien (sphincter oesophagien supérieur) +20mm Bol Sphincter gastro-oesophagien (Sphincter oesophagien inférieur) -10mm +20mm Estomac +10mm relâchement P=100mm après 1 seconde Apparition de l’onde péristatique P=10mm V = 2.4 cm/s 20 cm fermé derrière le bol Non reflux Vitesse: 2-4 cm/sec Propagation en 8-9 sec Le SOS (pression de +20 mm) correspond à une activité tonique permanente des muscles de la paroi pharyngienne qui empêche l'air inspiré de pénétrer dans l'œsophage. 42 Le SOI (qui traverse le diaphragme) correspond à une zone de haute pression (+20 mm) due à un tonus myogène local. Il joue un rôle majeur dans la prévention des reflux gastro-oesophagiens. Normalement, la pression dans l'œsophage est toujours supérieure de 5 à 10 mm de Hg à celle de l'estomac, même au cours d'une inspiration à glotte fermée. En cas de repas important ou d'ingestion d'eau gazeuse, les bulles de gaz accumulées dans la zone fundique de l'estomac remontent sous le cardia d'où les éructations (rots) vues pendant la déglutition (relâchement du sphincter). Cette augmentation de la pression intra-oesophagienne déclenche une onde péristaltique secondaire. L'éructation est souvent induite par une contraction abdominale qui augmente la pression intragastrique. Pendant ce type de reflux, le pH de l'œsophage peut descendre à 2 et cela se traduit par des sensations de pyrosis c'est-à-dire de brûlure. Cette sensation est reproduite avec une perfusion de HCl N/10. Le pyrosis est fréquent chez les femmes enceintes (50%). Au cours de la grossesse il y a une diminution importante de l'efficacité du SOI car la partie intra-abdominale de l'œsophage devient minimale et toute diminution de la pression intra-thoracique va faciliter les reflux. Chez l'enfant nouveau-né, il y a une immaturité de l'œsophage. Il n'y a pas de partie intra-abdominale de l'œsophage et le SOI est peu efficace ; cela explique la fréquence des reflux chez les jeunes enfants (importance relative au volume de l'estomac). 5.4. L'œsophage au cours de la déglutition Pendant la déglutition on mesure une augmentation de pression de 100 mm de Hg dans le pharynx, pendant environ 0.5 s. A ce moment précis, la jonction pharyngoœsophagienne s'ouvre et la pression y diminue. Cela permet l'admission du bol dans l'œsophage. Dès que le bol est arrivé dans l'œsophage, il y a fermeture du SOS et la pression monte à 90-100 mm de Hg. Ensuite une onde péristaltique est déclenchée en engendrant une onde descendante de pression de 30 à 120 mm de Hg. Le SOS reste fermé tant que l'œsophage est plein (pas de reflux). L'œsophage peut être concerné en un point donné par ces variations pression pendant 3 à 7 secondes. L'onde de pression se propage vers l'estomac avec une vitesse de 2 à 4 cm/s. Chez l'homme le transit demande 9 secondes (fig. 5.6.). 43 Figure 5.6. : Contraction péristaltique de l'œsophage. Péristaltisme Il est involontaire; les contractions des couches musculaires, sont contrôlées par les centres bulbaires. Il s'agit de mouvements coordonnés: la circulaire interne se contractant en arrière du bol pour le pousser vers l’estomac alors que la couche longitudinale se contracte pour tirer l’œsophage en arrière (le bol avance comme le pied dans une chaussette). On appelle Onde primaire, l'onde qui suit la déglutition, et Onde secondaire, celle qui ne fait pas suite à la déglutition et qui est liée à la présence résiduelle d'aliments. Chez l'homme, la force de poussée de l'onde est faible (avec un contrepoids de 10 g, la propagation est bloquée) alors qu'elle est forte chez le chien (jusqu'à 500 g). Après une vagotomie, le péristaltisme est bloqué sauf au niveau des muscles lisses (réflexes courts via les plexus Auerbach). 5.5. Le sphincter oesophagien inférieur (SOI) pendant la déglutition Pendant une déglutition normale, le SOI se relâche de façon active (relaxation adaptative sous l'action du ). Le relâchement commence une seconde après la déglutition c'est-à-dire au moment précis où débute en amont l'onde péristaltique. Cependant la pression intra-œsophagienne reste supérieure à la pression intrastomacale ce qui évite tout reflux. L'onde de déglutition ferme le sphincter qui atteint une pression de 30 mm Hg. Le retour à la situation de repos se fait en 10 s (fig. 5.7) 44 Figure 5.7. : Le sphincter oesophagien inférieur (SOI) Zone à cheval de part et d’autre du diaphragme et dont la pression est supérieure à celle de l’œsophage et de l’estomac (différent du cardia) Tonus d’origine myogène Relâchement pendant la déglutition et le vomissement (origine vagale non cholinergique) 5.6. Achalasie L'achalasie (a : privatif ; Khalasis : relâchement) correspond à une absence de relâchement du SOI. Si l'œsophage se contracte, les contractions durent 2 à 9 s et occupent en même temps la moitié de la longueur de l'œsophage. Il arrive souvent que chaque déglutition soit suivie par 4 à 5 contractions secondaires qui sont déclenchées par des résidus alimentaires dans l'œsophage. Le SOI ne se relâche pas et le bol ne passe pas dans l'estomac, et l'œsophage va accumuler les aliments (la totalité du repas chez l'homme). Ce trouble semble être dû à une absence de plexus myentérique. Les muscles sont donc énervés ; l'achalasie est un trouble fréquent chez le chien (fig. 5.8.). Chez le cheval le syndrome d'engouement relève d'une absence de relâchement du SOI et on recommande de l'ocytocine comme myorelaxant des fibres lisses distales. 45 Figure 5.8.: Achalasia (mégaoesophage) due à une absence de plexus myentérique. Absence de plexus myentérique 5.7. L'œsophage chez les ruminants Pendant la régurgitation, l'inspiration à glotte fermée entraîne une dépression (40 mm Hg). Le bol remonte à 1 m/s par une onde anti-péristaltique. Pendant l'éructation la vitesse de remontée est de 2 m/s. 46