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DU TROUBLE DE LA PERSONNALITE A LA PSYCHOSE
V
otre chef a un besoin démesuré
de se faire mousser et adore parler
de lui. Maîs il manque sérieusement
d'empathie envers ses équipes..
Voilà des éléments typiques d'un
tempérament narcissique. Votre
comptable, tatillon et tres respectueux
des règles, refuse, lui, tout desordre
sur son bureau .. Des symptômes que
partagent nombre d'obsessionnels.
Comment distinguer un caractère
"difficile" d'un individu souffrant
d'un "trouble de la personnalité"7
ZONE GRISE. "Les troubles de la
personnalité sont une amplification
de certaines caractéristiques
psychologiques d'un individu dit
normal Dans ses versions patholo
giques, cette exagération engendre
des difficultés relationnelles
permanentes qui provoquent la
souffrance du sujet ou de son
entourage", explique Patrick
Legeron, psychiatre à l'hôpital
Sainte-Anne et fondateur de
Stimulus cabinet spécialisé dans
la prévention du stress et des
risques psychosociaux en entreprise.
L'Association américaine de psychiatrie
a recensé ces dysfonctionnements dans
son "Manuel diagnostique et statis-
tique des troubles mentaux" (DSM-5).
Elle les classe en trois catégories
les troubles excentriques (individu
paranoïaque, schizoïde...), les difficultés
émotionnelles, dramatiques (antisocial,
histriomque, narcissique...) et les
problèmes d'anxiété et de crainte
(obsessionnel-compulsif, évitant .)
Cette classification soulevé de vives
controverses dans la communauté
scientifique En fait, les troubles de
la personnalité constituent une zone
grise et mouvante, entre les personnes
que la psychologie qualifie de
"difficiles" et celles relevant plus
classiquement de la psychiatrie
PERTURBATION. Ce qui n'empêche
pas les professionnels de la santé
mentale de s'intéresser de plus en
plus au phénomène Qu'ils perturbent
le comportement (agitation, timidité,
agressivité), l'humeur (exaltation,
depression), la pensée (obsessions,
incohérences), la perception (illusions,
hallucinations) ou les émotions
(anxiété, angoisse), les troubles de la
personnalité -même quand ils ne
semblent pas "sérieux"- peuvent être
les précurseurs de symptômes plus
aigus, voire de pathologies sévères.
Bref, ils risquent de porter les germes
d'une détérioration,temporaire
ou définitive, du psychisme
SOUFFRANCE. Pour les sujets qui en
sont victimes, ces dérèglements sont
une source de souffrance, dont
l'intensité augmente avec la gravité
du dysfonctionnement. Lorsqu'ils
s'apparentent à des symptômes
névrotiques (phobies, obsessions,
angoisses) ils n'empêchent pas
l'individu de garder le contact avec la
réalité et de conserver une vie sociale,
familiale ou professionnelle, stabilisée.
Maîs lorsque ces troubles s'approchent
des catégories psychotiques (paranoïa,
schizophrénie, bipolarite), on touche
aux frontières de la pathologie
sevère, aux comportements délirants
déconnectés de la réalité.
laisser transparaître. «Impossible de montrer que ma
mame de la propreté m'empêche de toucher la moin-
dre poignée de porte, raconte Marc, sujet à des trou-
bles obsessionnels. Je passe donc ma vie à guetter les
mouvements de mes collègues pour me glisser dans
leurs pas.» Evidemment, certains symptômes finis-
sent par être repéres par ceux qui côtoient quotidien-
nement une personne fragilisée altération de la so-
ciabilité, déficit d'attention, de concentration ou de
mémorisation, instabilité de l'humeur, poussées de
panique, addictions... Maîs le propre des troubles
psychiques reste leur invisibilité. Alors, puisqu'ils ne
se voient pas, gardons-nous bien de les révéler !
L'entreprise est souvent le lieu
où apparaît la pathologie
Face à l'ampleur et à la montée du phénomène, il
faudra bien pourtant que les employeurs s'en sai-
sissent. Un certain nombre d'associations, comme
Clubhouse ou Arhim Club, accompagnent les en-
treprises dans la compréhension des ressorts et des
enjeux du dysfonctionnement psychique, pour
favoriser la prise en considération des salariés
concernés et aider ceux-ci à se rapprocher de lem-
ploi ou à s'y maintenir L'action des employeurs est
d'autant plus urgente que le monde du travail est
souvent lespace où les sujets font pour la première
fois l'expérience de leur trouble ou de leur patholo-
gie. S'il n'est pas rare que les premiers symptômes
apparaissent lors de l'adolescence, c'est souvent entre
20 et 35 ans que les dysfonctionnements de la per-
sonnalité prennent une tournure critique. La décou-
verte de la maladie et l'entrée dans la vie profession-
nelle sont donc fréquemment concomitantes
De manière génerale, les personnalités fragiles ont
un seuil de tolérance plus faible aux variations, a
fortiori aux ruptures. Les entreprises d'insertion, qui
emploient en majorité des personnes en situation de
handicap psychique, comprennent mieux que
d'autres la nécessité d'une approche adaptée Ainsi
de Messidor-Rhône «Nous faisons du management
poussé à l'extrême, avec un encadrant pour quatre à
cinq salariés, une limitation maximale des sources
de stress, un entretien tous les trois mois», explique
son directeur, Philippe Triolier Les personnes su-
jettes aux troubles psychiques ont besoin de travailler
dans des organisations hyperstructurees, avec des
tâches relativement régulières, sans aléas. Il s'agit
donc en priorité d'adapter les rythmes, les processus
et les objectifs. «Ma chef me laisse une totale auto-
nomie. Je travaille en mode projet, sans "deadlme",