Prague,
comme l'une des initiatives,les plus importantes de ce
poète-traducteur1,
comme une nouvelle tentative de faire
connaître
et
goûter
chez nous les grands
tragiques
français.
Elle
se solda, 0. Fischer le rappelait, par un
échec,
venant,
disait-il,
à contretemps et
n'évaluant
pas bien l'obstacle que
créait
le style
d'in-
terprétation
dominant à
l'époque
à Prague.7
Ici
s'impose une question qui
n'est
pas
sans
importance: Que savait le public
chez nous, à
cette
époque^
de
Corneille
en
général
et du Cid en particulier?
Nous pouvons
répondre,
croyons-nous, que
c'était
fort peu de chose. Il n'y avait,
en somme, que les dictionnaires
encyclopédiques
qui purent
offrir
au lecteur
des renseignements accessibles sur
Corneille.
Ils
étaient
fort maigres,
rudimen-
taires, non
sans
des erreurs, parfois
fâcheuses.
Dans le
Riegrûv
slovnik
naucnp
(Dictionnaire
encyclopédique
Rieger), tome II, 1862, le
texte
sur
Corneille,
superficiel
et
assez
fautif, avait été
rédigé
par le docteur
Vilém
Gabier.
Vingt
ans plus
tard,
la nouvelle et grande
encyclopédie Ottùv
slovnik
naucny
(Diction-
naire
encyclopédique
Otto) apporta, dans son tome V,
paru
en 1892, un article
de la plume de
Jindfich
Vodâk,
jeune professeur
débutant
dans l'enseignement
secondaire,
bientôt
critique dramatique marquant et l'un des plus fervents ad-
mirateurs
de Shakespeare, sur lequel nous aurons encore à revenir.
L'exposé
de
Jindfich
Vodâk était
mieux
documenté
que celui de V.
Gabier
et renseignait le lecteur
tchèque
plus exactement. Toutefois il
était
loin de ne
laisser
rien
à
désirer. Nécessairement,
il
était
trop sommaire,
sans
aucune ana-
lyse plus
concrète
de l'art du
grand
dramaturge. Surtout il n'avait
rien
qui pût
attirer
sur lui l'attention des contemporains. Il
était plutôt
de nature à faire
naître
en eux le sentiment que ce
„classique" était
bien mort, avec son
passé
lointain.
Citons un
passage
essentiel de la conclusion:
„L'intérêt
de
Corneille
n'est
pas dans la perfection de ses
œuvres
dramatiques. L'invraisemblance des
situations, la monotonie des
caractères,
la casuistique et la sophistique, le
manque
de couleur locale ne peuvent
guère être contrebalancés
par la
plénitude
et le rythme du vers, la noblesse et la
fermeté
du style. On ne peut dire non plus
que
Corneille
ait été un excellent homme politique ou historien, ou que ses
tragédies
aient en
général
pour sujet le triomphe de la
volonté
sur les passions,
bien
qu'elles
-
soient une
apothéose
de la
volonté,
qui est leur unique ressort.
Le
plus
grand
mérite
de
Corneille
consiste à avoir
affranchi
l'esprit
français
de ce qui lui
était étranger
et rendu à la
littérature française
son
caractère
national."
Un shakespearien pouvait-il avoir d'autres
critères
pour juger
Cor-
neille? Le sujet du Cid
était résumé
dans son
texte
par lesvmots: ,,1'amour du
père
y entre doublement en conflit avec l'amour sexuel".
7
Cf.
Dèjiny Nârodniho
divadla
(Histoire du
Théâtre
National), tome IV:
Cinohra
Nârod-
niho
divadla do
roku
1900 (Le
Thcâlro
National dramatique
jusqu'à
1900),
par
Olokur
Fischer.
Sbor
pro
zrîzcni ilruhého Nârodniho
divadla v Praze, 1933, p. 181.
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