C. Spadone, E. CorrubleS110
gies thérapeutiques dans les dépressions ne répondant pas
sufsamment à un premier traitement antidépresseur (par
citalopram en l’occurrence), les résultats ne sont malheu-
reusement présentés ni en termes de rémission partielle
strictement dénie – seulement en terme de rémission/non
rémission –, ni en distinguant les « rechutes » (réapparition
de la symptomatologie du même épisode) des « récidives »
(apparition d’un nouvel épisode distinct du précédent), dis-
tinction d’ailleurs sujette à discussion. Néanmoins, la qua-
lité et la taille de cette étude font l’intérêt des chiffres
avancés, qui soulignent l’importance de parvenir à une
rémission. Ainsi, dans le suivi naturalistique de STAR*D, le
risque de rechute (« relapse ») est beaucoup plus impor-
tant, à chacune des 4 étapes de l’étude, chez les patients
répondeurs mais non en rémission que chez les patients en
rémission : à l’étape 1, il est de 34 % chez les patients en
rémission vs 59 % chez les répondeurs non en rémission ; à
l’étape 2, il est de 47 % vs 68 % ; à l’étape 3, il est de 42 %
vs 76 % ; et à l’étape 4, il est de 50 % vs 83 % [17].
Outre leur présence, la nature des symptômes résiduels
pourrait inuer sur le risque de récidive, de même que
leurs uctuations : pour Fava et al. [6], les patients qui
présentent le risque le plus élevé de récurrence sont ceux
dont les symptômes résiduels présentent l’instabilité clini-
que inter-épisode la plus importante.
Une étude intéressante de J. Ormel et al. [14] montre
que les symptômes post-morbides qui suivent un épisode
dépressif majeur sont souvent, chez un même patient, les
mêmes que les symptômes prodromiques d’un épisode sui-
vant. De plus, ces symptômes résiduels et prodromiques
sont souvent identiques chez un même patient pour chacun
des épisodes dépressifs. Symptômes résiduels et récurren-
ces sont donc étroitement imbriqués.
Prise en charge des symptômes résiduels
pour diminuer le risque de nouveaux
épisodes
Si l’ensemble des cliniciens s’accordent sur la nécessité de
la prise en charge des symptômes résiduels, les modalités
de cette prise en charge ne font pas encore l’objet d’un
consensus. Ainsi, pour la Haute Autorité de Santé, « pour les
symptômes résiduels, l’optimisation du traitement antidé-
presseur (augmentation des posologies de l’antidépresseur
en cours ou changement de molécule) et/ou l’adjonction
aux antidépresseurs d’un traitement spécique du ou des
symptômes résiduels n’ont pas fait l’objet d’études de fort
niveau de preuve » ; et « la littérature actuelle ne permet
pas de proposer des recommandations de niveau de preuve
élevé en faveur des psychothérapies dans la prise en charge
des complications évolutives de l’épisode dépressif [donc,
en particulier, des symptômes résiduels] » [7]. Parmi les
stratégies thérapeutiques proposées par la HAS, aucune ne
prend en compte des liens éventuels avec le potentiel de
récidive. Les commentaires de la HAS restent donc particu-
lièrement prudents sur l’intérêt de mesures thérapeutiques
complémentaires en cas de symptômes résiduels, malgré
une littérature internationale qui s’étoffe : il serait dom-
Diverses études ont évalué le poids des symptômes rési-
duels dans le risque de récidive de l’épisode dépressif. Une
étude multicentrique longitudinale prospective [13] a suivi
sur 15 ans des patients guéris d’un épisode dépressif
majeur. À l’issue de cette longue période de suivi, 85 % des
sujets avaient rechuté, mais seulement 58 % dans le sous-
groupe des patients en rémission complète, et restés
asymptomatiques durant au moins 5 ans. Pour les auteurs,
la persistance de symptômes résiduels après un épisode
dépressif index serait un indice prédictif de récurrence plus
puissant que les caractéristiques cliniques et démographi-
ques à l’inclusion qui sont classiquement décrites comme
indicatrices d’un risque accru de nouvel épisode.
Plusieurs études ont montré que la fréquence des épiso-
des dépressifs ultérieurs était plus importante en présence
de symptômes résiduels (multipliée par un facteur 3 à 6),
et que le délai avant rechute était raccourci [8, 9, 15, 18].
La première étude importante sur ce sujet, celle de Paykel,
montrait ainsi un risque de récidive de 76 % dans les 10 mois
suivant la rémission pour le groupe en rémission partielle vs
25 % dans le groupe en rémission complète. Dans une étude
collaborative du National Institute of Mental Health avec
un suivi de 10 ans, Judd et al. [8] montrent que le délai
avant rechute ou récidive d’un nouvel épisode dépressif
majeur, suivant la rémission d’un épisode, passe de
68 semaines à 23 semaines selon que le patient était en
rémission complète ou partielle, soit une durée trois fois
plus brève.
Alors qu’on considère souvent que le nombre d’épisodes
dépressifs majeurs antérieurs est le facteur de risque le
plus important de nouveaux épisodes, ces mêmes études
montrent qu’en fait, le poids de ce facteur est nettement
moindre que celui de la présence de symptômes résiduels,
en particulier à partir de trois épisodes dépressifs majeurs.
Ceci est également retrouvé dans une étude espagnole
[16], dont les auteurs ont effectué un suivi naturaliste pen-
dant 4 ans de patients après un épisode dépressif ; parmi
les facteurs de risque de récidive recherchés, le plus puis-
sant s’est révélé être l’existence d’une rémission partielle,
avec un taux de récidive de 91 % dans ce groupe vs 51 % en
cas de rémission complète.
Un travail réalisé à Pittsburgh a étudié les liens entre
symptômes résiduels et cours évolutif du trouble dépressif
dans une population particulière, celle des sujets âgés [5].
Les données étaient issues d’un essai randomisé de traite-
ment de maintenance par antidépresseur vs placebo et/ou
psychothérapie interpersonnelle vs suivi clinique habituel,
chez des sujets âgés de plus de 70 ans considérés en rémis-
sion (partielle ou totale). Les groupes de symptômes rési-
duels explorés concernaient l’humeur (tristesse, culpabilité,
suicidalité, anergie, perte d’intérêt), les troubles du som-
meil, et l’anxiété (agitation, anxiété somatique et psychi-
que, hypocondrie). Les résultats montrent, pour l’ensemble
des patients, la survenue signicativement plus précoce
d’une récidive en cas de symptômes résiduels, les plus
signicatifs étant ceux du groupe anxieux, puis les troubles
du sommeil.
Dans l’étude STAR*D, la plus importante étude contrôlée
réalisée jusqu’à ce jour pour comparer différentes straté-