Discussion B. ÉTAIN (1) Cette situation illustre parfaitement un cas fréquent en pratique clinique, celui d’un patient qui présente, malgré un doublement de posologie du traitement antidépresseur, des symptômes résiduels, et qui, malgré la persistance de ces symptômes résiduels, interrompt son traitement, sans en prévenir son médecin référent ni son psychiatre, avant le délai minimal de six mois que l’on recommande pour le traitement d’un épisode dépressif majeur (1). La persistance des symptômes résiduels est fréquente dans le cadre des épisodes dépressifs majeurs, puisqu’on estime qu’un tiers des patients qui présentent une réponse positive au traitement antidépresseur vont présenter des symptômes résiduels de manière persistante (1). La persistance de ces symptômes résiduels dépressifs est d’autant plus fréquente que le patient présente, lors de l’évaluation initiale, une symptomatologie associée, anxieuse par exemple : à l’arrêt du traitement médicamenteux, la persistance de symptômes résiduels augmente le risque de rechute ou de récidive chez le patient concerné (1). Il est donc important, au cours des différentes consultations, de faire une évaluation de manière précise pour déterminer les symptômes qui ont répondu complètement au traitement antidépresseur, et ceux au contraire pour lesquels la réponse n’est que partielle. En effet, ce sont ces symptômes résiduels qui déterminent une partie du pronostic de l’épisode dépressif majeur (1). Par ailleurs, on retrouve dans ce cas clinique la situation fréquente d’un patient qui interrompt de manière précoce son traitement, sans en référer à ses médecins : en effet, 44 % interrompent leur traitement médicamenteux dans les trois premiers mois de traitement, et la quasi-totalité des patients qui interrompent leur traitement médicamenteux dans ces trois premiers mois de traitement le font sans accord médical préalable (2) - les recommandations de l’Afssaps pour la durée d’un traitement d’un épisode dépressif majeur étant de quatre à neuf mois (1). Pour éviter une mauvaise observance des patients à leur traitement médicamenteux, il faut, en pratique quotidienne, obtenir leur adhésion au diagnostic formulé : un patient ne prendra pas un traitement antidépresseur s’il n’est pas persuadé que le diagnostic de dépression posé est celui qui correspond à sa situation clinique. Il faut aussi lui permettre d’exprimer librement ses craintes vis-à-vis d’un traitement antidépresseur. La plupart des patients craignent des risques de dépendance, des risques de modification de leur personnalité, des effets secondaires gênants voire intolérables ; la discussion préalable de ces craintes est un facteur qui renforce l’observance. Il faut informer le patient de la durée minimum de traitement, ce qui est difficile, les patients acceptant mal d’emblée la perspective d’un traitement au long court, de plusieurs mois. Il faut les informer également de la nécessité, une fois l’amélioration obtenue, de poursuivre le traitement médicamenteux jusqu’à ce que cette amélioration soit consolidée pendant la période requise. Ces aspects psycho-éducatifs font, pour une grande partie, avec la tolérance au traitement médicamenteux, le lit de l’observance que le patient présentera au traitement proposé. Enfin, il faut que la communication et la collaboration entre le médecin psychiatre et le médecin généraliste soient de bonne qualité, pour améliorer la stratégie psycho éducative faite auprès du patient : ceci constitue des facteurs de bons pronostics pour éviter qu’un patient n’interrompe trop tôt son traitement médicamenteux et ne rechute. (1) Praticien hospitalier, Pôle de Psychiatrie du Pr Leboyer, hôpital Albert-Chenevier, 40, rue de Mesly, 94000 Créteil. L’Encéphale, 2007 ; 33 : Octobre, cahier 2 845 B. Etain L’Encéphale, 2007 ; 33 : pages, cahier 2 Références 1. AFSSAPS octobre 2006, Bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles dépressifs et des troubles anxieux de l’adulte http://agmed.sante.gouv.fr/htm/5/rbp/indrbp.htm 846 2. Prakash et Mesand. Tolerability and adhérence issues in antidepressant therapy. Clinical Therapeutics ; 2003 : 25(8).